Texte intégral
J.-P. Elkabbach : On peut avoir de la mémoire même quand on traite de l’actualité. Il y a un mois et demi, vous faisiez deux promesses pour décembre. Nous y sommes. Les négociations sur les salaires des fonctionnaires devaient commencer au début décembre. Est-ce qu’elles auront vraiment lieu ?
D. Perben : Oui, tout à fait. La manière dont j’essaie de travailler avec mes partenaires syndicaux, c’est de se dire franchement les choses. Au mois de septembre, je pensais que ce n’était pas le moment d’ouvrir les discussions, pour différentes raisons. Nous en avions d’ailleurs parlé. Et je leur avais dit : « revoyons-nous en fin d’année » et nous nous reverrons effectivement en fin d’année.
J.-P. Elkabbach : Et vous leur offrez combien ?
D. Perben : Écoutez je ne vais pas engager la négociation à ce micro. C’est normal que je vous fasse cette réponse.
J.-P. Elkabbach : Au moins, vous pourriez dire la fourchette du possible.
D. Perben : Non, je ne peux pas dire la fourchette du possible aujourd’hui.
J.-P. Elkabbach : Et vous voulez aboutir à quoi ?
D. Perben : À un accord pour qu’il y ait à la fois, bien sûr, une satisfaction chez les personnels et en même temps ne pas remettre en question un certain nombre d’équilibres financiers. Je précise en effet, pour vos auditeurs, que je négocie au titre de l’État mais aussi au titre de l’ensemble des collectivités territoriales, et enfin au titre de l’ensemble des hôpitaux. Donc, vous voyez les conséquences de cette négociation, non seulement pour les personnels, mais aussi pour l’équilibre de beaucoup d’institutions françaises.
J.-P. Elkabbach : S’il y a accord, il couvrira l’année 97 ou 97-98 ?
D. Perben : Je souhaite – ça fera partie de nos discussions – que nous nous mettions d’accord sur une période de deux ans, 97-98, car je crois qu’il sera bien difficile, dans un contexte immédiatement préélectoral, de renégocier pour 98.
J.-P. Elkabbach : Et vous prévoyez des suppressions d’emplois pendant cette période 97-98 ?
D. Perben : C’est un autre débat. Il y a eu cette année, chacun le sait, 5 600 suppressions d’emplois, c’est-à-dire 5 600 personnes sur 45 000 qui partaient à la retraite et qui n’ont pas été renouvelées, et sur 1,2 million de fonctionnaires, donc un chiffre extrêmement faible. La loi de finances 98 n’est pas encore en préparation, nous en reparlerons l’année prochaine.
J.-P. Elkabbach : Pour le moment, sur les salaires, avec les syndicats, le climat est comment ?
D. Perben : Je crois que nous avons établi, de part et d’autre, un climat de franchise et de confiance. Je crois que c’est ça qui est important. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, bien évidemment. Il nous arrive, dans la forme, de nous dire franchement nos désaccords. Mais il nous arrive aussi de nous mettre d’accord. Je crois que nous avons restauré un climat de confiance dans la fonction publique.
J.-P. Elkabbach : Ça sera plus de 1 % ?
D. Perben : Nous en reparlerons.
J.-P. Elkabbach : Rien à faire !
D. Perben : Vous n’y arriverez pas.
J.-P. Elkabbach : Deuxième promesse : vous aviez écrit aux syndicats pour leur proposer de réformer les règles de la représentativité syndicale appliquées depuis le statut de 46. Est-ce que la réforme verra vraiment le jour ?
D. Perben : Alors, effectivement, en juillet dernier, plusieurs organisations syndicales m’avaient un peu interpellé sur ce sujet, en constatant un extraordinaire désordre dans le système syndical au sein de la fonction publique. Et leur demande de mettre un peu d’organisation dans tout ça rejoignait chez moi une préoccupation. En effet, je pense que l’on ne peut pas organiser le dialogue social dans le secteur de la fonction publique sans un minimum d’organisation et de représentativité, incontestables, des organisations syndicales.
J.-P. Elkabbach : Alors ?
D. Perben : C’est la raison pour laquelle, après les avoir beaucoup rencontrées, je leur ai fait une proposition écrite, effectivement il y a un mois, sur laquelle beaucoup ont réagi. Il y a à la fois des pour et quelques contre, en petit nombre. Et j’envisage, au cours de cette même semaine, cette semaine-ci, d’ouvrir cette discussion au Parlement, à l’occasion d’un texte qui est actuellement devant l’Assemblée nationale et qui concerne la fonction publique.
J.-P. Elkabbach : Dans le climat général, vous pensez que vous y aboutirez ?
D. Perben : Je le crois, dans la mesure où il y a un assez large consensus. Pas un consensus complet, mais un assez large consensus sur cette question.
J.-P. Elkabbach : On a vu les chiffres du chômage, une embellie qui est contestée – en tout cas, on lui dit bienvenue – à propos des 12 000 emplois qui ont été créés en octobre. Jean Gandois proposait hier, pour favoriser l’emploi, « d’exonérer l’embauche de toute formalité, de simplifier les procédures pour les PME ». Et puis, il s’en prend au moins à un tabou : il réclame « la fin du contrôle judiciaire des plans sociaux qui est inscrite dans la législation de Martine Aubry et qui date de 1993 ». Qu’en pensez-vous ? Est-ce possible, est-ce utile ?
D. Perben : Un mot, si vous le permettez, sur l’affaire des procédures et de la simplification administrative pour les PME. Raffarin, mon collègue des PME, a beaucoup fait dans ce domaine. Et tout récemment, je crois que c’est un signe quand même d’un changement d’état d’esprit dans les relations administration et entreprises, le Premier ministre a envoyé à tous les chefs d’entreprise de PME un petit bouquin très simple, que j’ai vu, qui explique tout ce qui peut être fait par un patron de PME en matière d’administration, et en particulier à l’occasion des créations d’entreprise ou des embauches. Ça, je crois que ça va dans le bon sens pour faciliter la vie de ces chefs d’entreprise.
J.-P. Elkabbach : Donc, ce petit livre contre la paperasserie administrative. Sur l’autre question taboue ?
D. Perben : Oui, c’est un tabou, mais en même temps je crois que ça nous reporte à un problème qui d’ailleurs ne concerne pas uniquement ce secteur de notre vie sociale : c’est la question de cette manie que nous avons eue depuis quelques années de demander au juge d’intervenir dans l’ensemble de la vie économique et sociale. Je crois effectivement que M. Gandois, lorsqu’il évoque cette affaire de traitement devant la justice des plans sociaux, pose un vrai problème. Car je ne suis pas sûr que cela n’entraîne pas d’abord une grande rigidité et, d’autre part, un phénomène que personnellement j’ai observé – sans être chargé de suivre ces affaires de très près – c’est que, apparemment, les entreprises ont tendance à majorer l’importance du plan social au moment de l’annonce et ensuite, devant le juge, compte tenu des discussions, de la réduire au fil de la négociation.
J.-P. Elkabbach : On marchande devant le juge…
D. Perben : Donc on arrive devant une sorte de marchandage, vous avez raison, devant le juge. Je crois que tout ça ne correspond pas à une manière rapide et un peu moderne de traiter les problèmes de l’emploi. Alors, comment en sortir ? C’est la question. Je crois que c’est vraiment un sujet dont il faut qu’on parle avec les organisations syndicales. Moi, j’ai mon expérience dans le secteur de la fonction publique, bien sûr je ne l’ai pas dans le secteur privé. Mais je suis convaincu qu’il nous faut parler de ça. Alors essayons de ne pas avoir d’idée a priori, ne nous faisons pas de procès d’intention les uns et les autres. Mais je crois que c’est vraiment un sujet qu’on ne peut pas laisser de côté. Ce système de traitement des dossiers me paraît tout à fait préjudiciable, à la fois aux entreprises et aux personnels.
J.-P. Elkabbach : Vous dites donc que Jean Gandois pose un vrai problème ?
D. Perben : Tout à fait
J.-P. Elkabbach : Il devrait y avoir, et assez vite, une vraie réponse politique ou négociée ?
D. Perben : Négociée, discutée. Je crois que ce n’est pas un sujet sur lequel on peut intervenir sans négociation, sans discussion.
J.-P. Elkabbach : Après le Sénat, l’Assemblée nationale va débattre ce soir et demain d’un projet de loi qui concerne le départ à la retraite des fonctionnaires âgés de 58 ans. Vous réduisez ou faites de la place aux jeunes ?
D. Perben : Tout à fait. Tout à l’heure vous évoquiez la réduction des effectifs, relativement limitée. Je propose pour 1997 qu’un certain nombre de personnes, relativement âgées, 58 ans, mais qui ont travaillé pendant plus de 37,5 ans, partent, mais avec un engagement de recruter un jeune à la place. Ce qui veut dire que 15 000 places vont être proposées à des jeunes au cours de l’année 97 dans les fonctions publiques. Je crois que c’est une bonne participation à la politique de l’emploi.
J.-P. Elkabbach : Et en 98 ?
D. Perben : En 98, pour l’instant, il n’y a rien de prévu.
J.-P. Elkabbach : C’est-à-dire qu’on fait ce qu’on peut année par année ?