Texte intégral
Je voudrais centrer mon propos d’aujourd’hui sur l’hépatite C sous l’angle de la santé publique et de soins.
Vous le savez, l’Inserm vient de réaliser une expertise collective sur les hépatites virales. Par ailleurs, une conférence de consensus a été organisée par plusieurs sociétés savantes dont l’Association française pour l’étude du foie, conformément aux règles méthodologiques préconisées par l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale. Ces travaux sont d’un très grand intérêt. Vous pouvez constater que le dispositif mis en place au cours de ces dernières années est en cohérence avec ces recommandations.
I. Données générales sur l’hépatite C
1. Caractéristiques épidémiologiques de l’hépatite C
L’hépatite virale C concerne une fraction importante de la population que le Réseau national de la santé publique évalue à 1 %. 500 000 à 600 000 personnes seraient donc actuellement positives pour le VHC en France, parmi lesquelles 400 000 à 500 000 seraient porteuses du virus.
Les principaux modes de transmission connus sont la transfusion et la toxicomanie intraveineuses (au moins 60 % des cas).
Les autres modes de transmission sont moins bien précisés, mais la transmission nosocomiale joue probablement un rôle non négligeable, mais qui reste à mieux définir et préciser.
La transmission sexuelle joue un rôle accessoire.
La source transfusionnelle étant aujourd’hui tout à fait exceptionnelle (le risque résiduel est estimé à 1 pour 100 000 patients transfusés), en dehors de la toxicomanie intraveineuse, la maladie est avant tout iatrogène sans qu’on ait identifié précisément les pratiques de soins à risque à cet égard.
Ce risque est de plus en plus évoqué, mais peu d’études le documentent clairement.
La transmission nosocomiale peut avoir plusieurs sources. Celles qui sont connues sont :
- l’utilisation d’instruments contaminés insuffisamment désinfectés ;
- les risques éventuels liés aux soins dentaires. Une étude de la littérature réalisée par le RNSP n’a apporté que peu de renseignements sur la transmission du virus de l’hépatite C lors de soins dentaires, en dehors d’une étude Italienne qui montre une association épidémiologique faible entre soins dentaires et hépatite C.
2. L’évolution de l’infection par le virus de l’hépatite C
La gravité de l’hépatite C tient essentiellement à son évolution fréquente vers des formes chroniques (75 % des formes aiguës). De plus, 20 % des hépatites chroniques vont évoluer vers des cirrhoses dont 4 % se transformeront en carcinome hépatique. Ces complications peuvent survenir dans un délai de 10 à 30 ans après la contamination.
3. Diagnostic
Il repose avant tout sur les tests sérologiques. Les tests utilisés actuellement sont des tests immuno-enzymatiques de troisième génération, dont la sensibilité est désormais très proche de 100 %.
4. La prise en charge thérapeutique
Le traitement proposé actuellement est l’Interféron alpha. Ses indications sont précisées par le texte de l’A.M.M. La prescription d’Interféron, jusque-là réservée aux services hospitaliers d’hépato-gastro-entérologie, a été, dans un premier temps, étendue aux hépato-gastro-entérologues libéraux puis, plus récemment aux médecins généralistes. La prescription initiale reste réservée aux milieux spécialisés. De nombreux protocoles sont en cours d’essais cliniques : des posologies plus élevées et un début de traitement précoce sont testés.
Le coût d’un traitement par Interféron pendant 12 mois est d’environ 24 000 francs.
L’Interféron alpha est disponible dans les officines depuis l’arrêté du 30 janvier 1996.
II. Une lutte déterminée contre l’hépatite C
Différents types de mesures ont été mises en œuvre afin de limiter l’extension de la contamination par le virus et d’améliorer la prise en charge des patients infectés.
1. L’information des praticiens
Une brochure scientifique faisant le point des connaissances de l’hépatite C a été adressée en octobre et novembre 1996 à tous les médecins généralistes. Elle sera actualisée périodiquement. Un certain nombre d’exemplaires sont à votre disposition dans la salle et vous pourrez constater que ce document est à la fois complet et rigoureux sur le plan scientifique.
2. Le dépistage
2.1. Auprès de la population générale
Compte tenu de l’absence de signes cliniques, hormis les cas d’hépatites aiguës, le dépistage s’adresse à des sujets sains (au moins en apparence) et, du fait de la faible prévalence dans la population générale, il est indispensable de cibler le dépistage sur des catégories à risques. L’accès au dépistage est facilité par le remboursement du test à 100 % depuis 1993. Il peut être effectué en médecine de ville.
La circulaire du 9 mai 1995 rappelle que le dépistage doit être proposé, comme aux sujets transfusés, aux personnes ayant des antécédents d’anesthésie générale, de biopsie et de tout autre geste identifié comme possiblement contaminant, ainsi qu’aux patients présentant des transaminases élevées. Dans les centres de dépistage anonyme et gratuit du VIH, il est logique de proposer ce dépistage en même temps que celui du VIH pour les personnes ayant un risque de transmission par voie sanguine.
Par ailleurs, la lettre du 5 février 1996, adressée par le directeur général de la santé aux médecins généralistes, les incite à proposer aux patients présentant un des principaux facteurs un test de dépistage. Cette lettre recommande également le dépistage chez les femmes enceintes qui présentent un facteur de risque.
Je souhaite aujourd’hui que ce dépistage soit plus systématiquement proposé aux populations à risque.
2.2. Lors de transfusion sanguine
Le dépistage de certains marqueurs indirects de l’hépatite C (transaminases et anticorps anti-HBc) est obligatoire depuis 1988.
La détection systématique des anticorps anti VHC est réalisée depuis le 1er mars 1990. L’utilisation de tests de troisième génération depuis 1993 a permis d’obtenir une fiabilité et une sécurité totalement satisfaisante.
La circulaire du 26 mars 1993 a incité à faire une recherche du VHC chez les patients transfusés, y compris avant 1980.
2.3. Auprès des toxicomanes
Le dépistage doit être proposé dans les centres de soins spécialisés aux toxicomanes ainsi qu’au sein des réseaux ville-hôpital-toxicomanie et, plus généralement, dans toute structure accueillant ces personnes, étant donné le risque élevé dans cette population. Il faut insister sur le fait que cette population, compte tenu du risque permanent auquel elle s’expose, doit faire l’objet de tests à intervalles réguliers.
2.4. Auprès des détenus
Conformément aux préconisations du Pr. Gentilini, dont le rapport nous a été remis en décembre dernier, une sensibilisation aux problèmes de l’hépatite C sera entreprise en milieu pénitentiaire au travers d’une proposition de dépistage lors de la visite d’entrée.
3. La lutte contre le VHC par infections nosocomiales
La circulaire du 9 mai 1995 adressée aux établissements de santé publics et privés rappelle que les procédures de désinfection des appareils d’hémodialyse prévues par les fabricants conformément aux normes AFNOR doivent être scrupuleusement respectées.
Les procédures de désinfection et stérilisation des matériels médicochirurgicaux, notamment en ce qui concerne le VHC, sont détaillées dans la circulaire du 2 avril 1996 qui précise les recommandations pour la désinfection des endoscopes. Il va de soi que les appareils anciens qui ne pourraient être soumis aux méthodes de désinfection préconisées ne doivent plus être utilisés. Sur un plan général, les procédures de désinfection et de stérilisation seront incluses dans un « guide des bonnes pratiques de désinfection », préparé par un groupe de travail du Conseil supérieur d’hygiène publique de France et du comité technique national de lutte contre les infections nosocomiales.
Plus que jamais, les « précautions universelles » applicables aux personnels de santé, précautions d’hygiène et d’asepsie doivent être scrupuleusement respectées dans toutes les situations de soins et de traitement. À cet effet, une circulaire va être adressée à tous les établissements hospitaliers publics et privés et un courrier sera adressé à tous les chirurgiens. J’ai demandé à ce qu’un affichage auprès des blocs opératoires soit effectué.
4. Réduction des risques chez les toxicomanes
La mise à disposition des trousses de prévention contenant des seringues à usage unique a prouvé son efficacité en matière de VIH. Afin d’obtenir le même résultat en matière de VHC, les trousses mises en vente dans les prochains mois contiendront des récipients individuels et des filtres.
5. Prise en charge thérapeutique
La circulaire n° 44 du 9 mai 1995 a préconisé une organisation des soins en « réseau » avec un centre, généralement hospitalo-universitaire, comme référent. Les missions du pôle de référence sont l’expertise-conseil pour le diagnostic et le traitement concernant certains patients, la coordination avec les autres établissements de soins de la région ainsi qu’avec les médecins libéraux prenant en charge les patients atteints d’hépatite C.
Les premiers pôles de référence ont été désignés en décembre 1995 et depuis septembre 1996, chaque région, dispose d’un ou plusieurs pôles de référence (soit un total de 30 pôles de référence). Quelques réseaux de prise en charge sont d’ores et déjà fonctionnels dans certaines réglons, dans d’autres ils se constituent progressivement.
Les structures désignées ont été dotées de moyens complémentaires leur permettant d’assurer leurs missions spécifiques (en moyenne 250 000 francs par pôle). Les modalités de suivi de ces pôles sont en cours d’étude avec la direction des hôpitaux, notamment pour mieux appréhender la montée en charge du suivi des patients.
Vous le voyez le dispositif en place appréhende le problème sous de nombreux aspects.
Néanmoins dans ce domaine, les connaissances concernant la maladie évoluent très vite. J’ai donc besoin de pouvoir bénéficier en permanence des avis d’une commission scientifique.
Aussi, je vais demander à la section des maladies transmissibles du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, de constituer un groupe de travail permanent chargé de me faire des propositions pour actualiser le dispositif. Ses avis seront naturellement rendus publics.
Je crois que cette formule correspond mieux à l’exigence de rapidité que nécessite la prise en charge de cette maladie.