Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, dans "Le Figaro" du 6 janvier 1998, sur le débat autour des transferts de souveraineté impliqués par le traité d'Amsterdam et sur sa préférence en faveur d'un vote du Parlement réuni en Congrès pour modifier la Constitution.

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Le Figaro : La décision du Conseil constitutionnel de la semaine dernière impose une révision de la Constitution. Êtes-vous inquiet des conséquences du transfert des compétences imposé par le traité d’Amsterdam, en matière d’immigration, de visa et de droit d’asile ?

François Hollande : Non. Car chacun peut comprendre qu’en matière de contrôle de l’immigration, il y a plus d’efficacité à organiser cette politique à l’échelle de l’Europe entière, qu’au niveau de chaque État-nation. Le traité d’Amsterdam vient, de ce point de vue, consacrer une évolution dont les accords de Schengen avaient constitué la première étape. Ne voudront être inquiets que ceux qui, par principe, sont hostiles aux transferts de souveraineté en faveur de l’Europe ou ceux qui veulent faire de l’immigration le seul sujet de débat public intérieur.

Le Figaro : Pour modifier la Constitution, deux voies sont possibles : la réunion du Congrès ou le référendum. Laquelle a les faveurs du PS ?

François Hollande : Le référendum a déjà eu lieu en 1992 à l’occasion de la ratification du traité de Maastricht.
La Constitution peut donc parfaitement être modifiée par un vote du Congrès. Et je serai même favorable à ce que, par cette même procédure, les réformes du Conseil supérieur de la magistrature, du cumul des mandats – tout comme l’objectif de la parité hommes-femmes – soient mises à l’ordre du jour.
Maintenant, l’initiative appartient au président de la République. Il connaît au moins nos préférences ; il peut mieux que nous deviner celles de ses amis.

Le Figaro : Le PCF demande un référendum, le MDC a toujours été hostile à tout abandon de souveraineté, les verts ne sont pas franchement favorables à l’Europe d’Amsterdam. Le PS lui-même n’est pas unanime sur cette question. La « majorité plurielle » ne risque-t-elle pas d’imploser sur ce thème ?

François Hollande : À entendre les voix contradictoires qui s’expriment à droite sur ce sujet, de Charles Pasqua à Charles Million en passant par Philippe de Villiers et Alain Madelin, sans oublier Pierre Lellouche ou François d’Aubert, je me dis que la cacophonie se situe d’abord dans l’opposition.

Mais, il est vrai que la question européenne traverse depuis toujours tous les camps politiques, même si le parti socialiste n’a jamais dévié sur la force de son engagement européen dans le respect de nos intérêts fondamentaux. Quant à la majorité, c’est son caractère pluriel qui lui permet de durer et de comprendre que l’unanimisme n’est pas notre règle de comportement. Seule compte la solidarité gouvernementale.

Le Figaro : Ne pensez-vous pas que la France pourrait, une bonne fois pour toutes, régler ce problème de transfert de souveraineté en l’inscrivant dans la Constitution, plutôt que d’ouvrir le débat tous les cinq ans ?

François Hollande : Je ne suis pas hostile à ce que soit introduite dans la Constitution une disposition générale qui permette de régler les transferts de souveraineté en liaison avec nos engagements européens.
Mais il faudrait alors encadrer très strictement ce mécanisme et donner au Parlement toutes les compétences pour ratifier chaque étape de la construction européenne.