Débat entre MM. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration, Cédric Klapisch, cinéaste, avec la participation de députés de la majorité et de l'opposition, à France 2 le 16 février 1997, sur le projet de loi Debré sur l'immigration et les certificats d'hébergement.

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Média : Emission Polémiques - France 2 - Polémiques - Télévision

Texte intégral

Michèle Cotta : Bonjour.

Les réalisateurs et les écrivains en rébellion contre la loi Debré sur l’immigration appellent à la désobéissance. Ils refuseront d’appliquer la loi si celle-ci les contraint à dénoncer leurs invités étrangers et à signaler leurs allées et leurs venues à la police.

Nous retrouverons tout à l’heure, dans la deuxième partie de cette émission : Éric RAOULT, ministre-délégué à la ville et à l’intégration.

Cédric KLAPISCH, le réalisateur d’un « air de famille » et d’un film au nom imprononçable. Chacun cherche son chat. Trois « César », cette année, et signataire du « manifeste des réalisateurs ».

Et nous les retrouverons sous l’œil acéré de : Pierre BÉNICHOU du Nouvel Observateur et Paul GUILBERT du Figaro.

Les chercheurs trouvent avec Luc Montagnier que la retraite à 65 ans, c’est beaucoup trop tôt. Les traminos de Lille ou de Toulouse veulent leur retraite à 55 ans et, au moment où on continue de leur refuser, une possibilité de pré-retraite est ouverte aux médecins à partir de 56 ans. Quand faut-il prendre sa retraite, plut tôt ? Plus tard ? Comme on veut ?

Sur ce plateau :

Jean-Pierre THOMAS, député UDF des Vosges, auteur de la proposition de la loi sur les fonds de pension, les fonds de retraite.

Jean-Yves CHAMARD, député RPR de la Vienne.

Pierre MOSCOVICI, député européen du PS.

Trois députés, trois approches différentes de la retraite.

Avec eux :
      - le représentant des traminos, Alain CHUFFART de Lille ;
      - le représentant de MG France, Richard BOUTON ;
      - Guy de THÉ, spécialiste d’épidémiologie à l’institut Pasteur et vous répondez au nom des directeurs de recherche.

Enfin, Hervé LE BRAS, démographe. Vous êtes à l’INED, institut de recherche démographique.

Les Traminos inscrivent au premier plan de leurs revendications la retraite à 55 ans. Vous vous heurtez en ce moment au refus, et du maire de Lille et de vos patrons, pensez-vous que la retraite ç 55 ans, franchement, c’est nécessaire et est-ce réaliste ?

Alain Chuffart : Comme de nombreux réseaux de province, nous sommes en grève – en e qui concerne Lille – depuis 11 jours pour, justement, cette revendication : la retraite à 55 ans et la diminution du temps de travail sans perte de salaire.

Pourquoi cette demande de retraite ? Il faut savoir que les réseaux de province sont gérés par des groupes financiers – le nôtre, en l’occurrence, PARIBAS – qui n’ont pour objectif que de maintenir une rentabilité financière ; et cela, au détriment des conditions de travail des agents d’exécution, que ce soit des conducteurs ou que ce soit de la maintenance.

Nous nous disons qu’au-delà de 55 ans, nous ne sommes plus capables d’effectuer correctement notre travail. Je rappelle également que nous sommes tenus à un passage de visite tous les cinq ans, et ce passage de visite nous donne ou ne nous donne pas notre permis. Et beaucoup de nos camarades au-delà de 55 ans, n’ont plus ce permis.

Michèle Cotta : Je pose la question : la retraite à 55 ans, y compris pour des travaux pénibles, pensez-vous que cela peut être possible ? Que cela peut être généralisé ?

Jean-Yves Chamard : Quelques chiffres : si tous les Français prenaient leur retraite à 55 ans en 2020, chaque actif aurait à sa charge un retraité, et le problème de l’âge de la retraite, c’est aussi le problème du montant de cette retraite. On peut prendre la retraite à l’âge qu’on veut, simplement elle ne sera pas de la même valeur, plus on partira jeune, à la fois parce qu’on aura moins cotisé et parce qu’on restera plus longtemps en retraite.

Soit on fixe un âge obligatoire, on va y venir, soit on donne plus de liberté. Et je crois que c’est cela l’avenir. De la liberté en sachant, bien entendu, que la retraite sera calculée. Chaque cas étant un cas particulier selon le montant des cotisations et le nombre d’années pendant lequel on sera en retraite.

Michèle Cotta : Vous êtes d’accord avec cela, Monsieur Chuffart.

Alain Chuffart : Non, je ne suis pas d’accord avec ce que Monsieur dit. Je rappelle tout de même - ce que je n’ai pas soulevé dans mon exposé tout à l’heure - c’est que la retraite à 55 ans permet également de créer des emplois. Et, moi, je viens d’une région qui est particulièrement sinistrée à ce niveau-là. Je crois que c’est quelque chose d’important.

Nous, nous disons que les groupes financiers qui nous emploient ont les moyens de payer cette retraite. Il suffit simplement d’augmenter la part de la retraite complémentaire. Je parle, bien entendu, pour les traminos. Je ne parle pas pour les autres corporations.

Jean-Yves Chamard : Mais ce sont vos enfants qui, demain vous paieront votre retraite, faites attention ! Si vous partez à la retraite à 55 ans, vous allez être en retraite pendant 30 ans, donc, ceux qui ont aujourd’hui 20 ans, 25 ans, 30 ans, devront payer. Il y a un contrat entre les générations qui est fondamental. C’est le principe même de la retraite par répartition, telle qu’elle existe en France. Si nous chargeons trop la barque pour vos enfants, ils ne pourront plus payer. C’est cela le fond des choses.

Jean-Pierre Thomas : Je crois qu’il ne faut pas demander à la solidarité plus qu’elle ne peut donner. Le système de retraite par répartition c’est la solidarité, nous y tenons. Il faut donc le consolider. C’était d’ailleurs l’objectif de ma proposition de loi sur l’épargne-retraite. Mais le vrai débat, aujourd’hui, n’est pas de fixer de façon unilatérale l’âge de la retraite à 35 ans, c’est de mettre fin à la retraite guillotine, d’abolir la retraite guillotine, on part d’un coup à la retraite, donner une souplesse, donner un espace de liberté de 10 ans, entre 55 et 65 ans. Donner les moyens aux français de choisir l’âge du départ au retraite. Et pour cela, l’épargne-retraite offre une souplesse et une facilité. Parce que, quand on a épargné de façon volontaire, en déduction fiscale, avec une cotisation de l’employeur, on a un capital…

Michèle Cotta : Peut-on demander à des traminos d’épargner ?

Jean-Pierre Thomas : … et on peut avoir une pension, on peut avoir une sortie en capital et on peut ajuster en attendant, Michèle Cotta, l’âge de la retraite par répartition.

Le vrai débat, c’est la souplesse, et c’est cela que demandent les Français. Je conçois qu’à un certain  on peut être fatigué…

Pierre Moscovici : … N’oublions pas que la retraite à 60 ans est un droit, et que c’est un droit qui a été acquis, conquis parce que cela correspond aussi à certaines pénibilités dans l’existence. On va parler tout à l’heure de la retraite à 65 ans, pour certaines professions, cela est possible, pour d’autres, cela ne l’est pas.

Le problème que posent les traminos est un problème de sécurité, c’est un problème d’espérance de vie. La sécurité, la leur est aussi celle des gens qu’ils transportent. Je crois, pour cela, qu’on ne peut pas avoir une approche générale de la retraite. La généralisation de la retraite à 55 ans est extraordinairement difficile pour des raisons démographiques…

Jean-Pierre Thomas : C’est 120 milliards, il faut le dire aux Français.

Pierre Moscovici : … et financières. C’est-à-dire que ce sont les inactifs qui sont de plus en plus nombreux, et donc on ne pourra pas financer cela.

En revanche je crois qu’au cas par cas – et le Gouvernement l’a fait d’ailleurs avec les transporteurs routiers, pourquoi pas avec les traminos - on peut envisager la retraite plus tôt. Je crois effectivement, étant dans un système de retraite par répartition, que nous ne devons pas aller vers la généralisation des fonds de pension qui sont créateurs d’inégalité très forte et qui menacent la répartition.

Mais je crois que le tort du Gouvernement, c’est de traiter ces problèmes au cas par cas, il faut une grande négociation sur les revenus et sur les retraites dans ce pays.

Michèle Cotta : Je voudrais entendre l’avis d’Hervé Le Bras qui est démographe.

Hervé Le Bras : Je crois qu’il ne faut pas exagérer les problèmes d’équilibre général, actifs-retraités, et ne pas en parler seulement pour 2020. Dès maintenant, en France, la proportion des hommes actifs dans la tranche d’âge de 55 à 60 ans est de 65 %, et d’hommes actifs ayant un travail, c’est-à-dire en ôtant les chômeurs, on tombe à 50 %. Donc, on y est, d’une certaine manière, presque. La question est : comment le répartir entre les différentes classes et couches sociales sachant que certains ont commencé à travailler très tôt ? Un certain nombre de traminos ont commencé à 15 ans, ils arrivent à près de 40 ans. D’autres, maintenant, commencent très tard, par exemple à 25 ans. Donc, là-dedans, le problème des âges fixes doit être retiré.

Je vous signale que la législation américaine considère que le mention d’âge obligatoire est assimilable du racisme, c’est de l’âgisme, parce qu’on ne peut pas agir sur son âge, de la même manière qu’on ne peut pas agir sur son sexe et qu’on ne peut pas agir sur sa couleur de peau.

Michèle Cotta : Justement, posons la question à Monsieur de Thé. Un certain nombre de directeurs de recherche devaient poursuive leurs travaux jusqu’à 68 ans et on vient de prévenir qu’à partir de 65 ans, c’est-à-dire dans quelques mois, pour la plupart d’entre eux, cela vise Monsieur Montagnier, mais pas seulement, cela vous vise, cela en vise d’autres. Pensez-vous que c’est pour faire de la place aux jeunes qu’on vous a demandé de partir ?

Guy de Thé : Quels sont les faits ? Le 16 décembre, en catimini, à 2 heures du matin avec trois personnes dans l’hémicycle, on vote un changement de loi brutal, c’est-à-dire qu’en 1984 on prenant tous sa retraite à 65 ans, cela a été changé en 186, on pouvait demander de 65 à 68 ans, et c’est retiré.

Le fait de prendre une retraite, dans la mesure où on laisse la créativité aux chercheurs, est parfaitement compréhensible. D’ailleurs, à 65 ans, le poste de directeur de recherche, le poste qu’on avait, retombe dans la nacelle globale et est redonné à des jeunes.

Le problème des jeunes et des anciens, je crois que c’est au cœur du problème, et vous avez raison. La brutalité de cette loi qui change les règles en jeu, en fait, bouleverse profondément une centaine d’équipes extrêmement productives. Et il faut savoir que, dans une équipe de recherche, il y a, bien sûr, la personne responsable qu’on peut décapiter, mais si on la décapite, à ce moment-là, les chercheurs sont obligés de rechercher immédiatement un autre laboratoire et, par conséquent, il y a un problème pour les jeunes aussi bien que pour les plus anciens.

Michèle Cotta : Que répondez-vous à cela ?

Pierre Moscovici : Ce qui est amusant d’une certaine façon, c’est qu’on voit - comme le dit Hervé Le Bas - que ce n’est pas un problème d’âge. Il y en a qui demandent à être prolongés au-delà de 65 ans et d’autres qui demandent à avoir la retraite à 55 ans. Cela prouve bien que nous ne sommes pas égaux devant le métier et donc nous ne devons pas être égaux devant la retraite.

Jean-Yves Chamard : Cela prouve aussi qu’il faut introduire de la liberté.

Pierre Moscovici : Cela veut dire que, dans la retraite comme dans la vie active, il faut lutter contre les inégalités.

Jean-Pierre Thomas : Pierre Moscovici, vous ne pouvez pas être pour la souplesse et contre l’épargne-retraite.

Pierre Moscovici : Avoir commencé à travailler à 15 ans ou à 25 ans, faire un métier intellectuel ou un métier manuel, un travail pénible ou un travail qui ne l’est pas, tout cela ne doit pas conduire à la même retraite, au même âge.

Guy de Thé : ceci est bon s’il y a égalité des chances. Si cela amène à un nivellement, ce n’est pas la peine…

Pierre Moscovici : … C’est bien de cela dont je parle. Je ne parle pas d’égalité, je parle au contraire de déduire les inégalités parce que, selon les professions intellectuelles ou pénibles, nous ne sommes pas dans la même situation.

Jean-Pierre Thomas : Ce qu’on voit en fait, à travers deux exemples très différents mais très instructifs, c’est qu’on est dans un système où on entre quelquefois de plus en plus tard dans la vie active, on fait de plus de plus d’études, et c’est bien, et il y a une retraite couperet qui tombe de plus en plus tôt. Les générations se croisent. Dans l’entreprise au niveau d’un chef d’atelier, dans la recherche, certains veulent faire bénéficier de leur savoir les autres, leur savoir-faire au niveau de l’atelier. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu’il faut introduire de la souplesse. Seulement, Pierre Moscovici, cette souplesse ne peut pas être introduite par le système par répartition qu’il faut consolider, lui, il est rigide. Ne disons pas l’inverse, ce serait un mensonge. On ne peut pas dire aux générations de 2010 qu’il faudra payer des cotisations doubles, éponger 4 000 milliards de dettes, nous aurions une guerre des générations, ce que, nous, politiques, devons éviter.

Donc, se donner les moyens, c’est la responsabilité. Je choisis de prendre ma retraie un peu plus tôt, j’épargne avec une déduction fiscale, un abonnement de l’employeur, j’aurais les moyens de départ. Il faut responsabiliser les Français.

Pierre Moscovici : C’est la même chose. Moi, je ne suis pas opposé à l’épargne-retraite.

Jean-Pierre Thomas : Je sais, puisque vous avez écrit que vous étiez pour.

Pierre Moscovici : je ne suis pas opposé à l’épargne-retraite, elle existe d’ailleurs, déjà, pour un certain nombre de fonctionnaires ou dans les entreprises, mais il s’agit de savoir comment on la fait.

Jean-Pierre Thomas : On peut en discuter. Mais c’est le seul moyen…

Pierre Moscovici : … Votre système est un système inégalitaire qui donne des avantages trop grands aux entreprises.

Jean-Yves Chamard : Pourrait-on aller au fond des choses plutôt que des chiffres.

Michèle Cotta : Je voudrais demander à Monsieur Chuffart ce qu’il pense, lui, de pouvoir épargner à temps pour avoir une retraie complémentaire importante.

Alain Chuffart : Un tramino avec 20 ans d’ancienneté dans mon réseau, c’est 8 000 francs nets par mois. Alors, si je trouve encore de l’argent pour épargner, je veux bien !

Je signale également qu’au niveau des caisses de retraite complémentaire, nous sommes déjà aux taux maximum, c’est-à-dire pratiquement à 6 %.

Jean-Pierre Thomas : Oui, mais vous payez des impôts. Ce que vous épargnez est en déduction fiscale. Votre employeur sera conduit aussi à abonder votre épargne. C’est donc pour vous une possibilité de partir plus tôt. Je crois que c’est la seule solution, sinon on dit des mensonges aux Français. Ils n’auront pas les moyens.

Un jeune qui rentre sur le marché du travail - si on veut garder le système de retraite actuel, on va dans le mur - il faudra doubler ses cotisations. Qui l’emploiera ? Et que lui restera-t-il pour vivre ? Il faut dire la vérité aux Français. Je vois que, sur le fond, nous ne sommes pas tellement tous différents, le tout, c’est de réfléchir à des vraies solutions et d’éviter les chiffons rouges et les mistigris.

Pierre Moscovici : Mais les vôtres sont très inégalitaires parce que vous donnez des avantages maximaux aux entreprises.

Guy de Thé : Peut-on aller au fond des choses et non pas une lutte entre des groupes parlementaires et politiques différents ? Je crois que les Français attendent autre chose.

Hervé Le Bras : Oui, on mélange deux débats pour l’instant : un débat qui est sur la flexibilité du départ de l’âge à la retraite et un débat sur les modalités de fonctionnement de ces retraites. Or, le débat sur la flexibilité peut être traité indépendamment. On a simplement à remettre à plat un certain nombre de choses : les durées de travail, les âges d’entrée en travail et les espérances de vie qui ne sont pas du tout les mêmes selon les catégories sociales Je crois qu’il faut en arriver à un bilan qui est : qui paie pour qui ? Comme on dit quelquefois.

Jean-Yves Chamard : Je crois que c’est cela le problème. Je voudrais donner un exemple, d’abord, la SNCF. Les recettes du régime de retraite de la SNCF, ce que paient les salariés et l’employeur, sont de 9 milliards et les dépenses, 27 milliards, c’est-à-dire que cela coûte trois fois plus cher. Cela n’est pas acceptable ! Je crois qu’il faut aller vers des systèmes…

Pierre Moscovici : … Vous voulez remettre en cause les régimes de retraite de la SNCF ?

Jean-Yves Chamard : Il y aura forcément une étude sur ce sujet.

Pierre Moscovici : Le Gouvernement a essayé l’an dernier, on a vu ce que cela a donné : un mouvement social d’un mois qui a mobilisé la France toute entière. Faites attention !

Jean-Yves Chamard : Tous les gouvernements, y compris socialistes, savent bien que le problème est un vrai problème.

Il faut, à mon avis, faire de la manière suivante : un régime universel qui soit fondé sur les principes d’égalité. Chacun cotise en fonction de ses revenus et perçoit une retraite en fonction de ce qu’il a cotisé. Et puis, où on donne facultativement la liberté à chacun, avec un avantage fiscal, de cotiser en plus et d’épargner. C’est la proposition que nous sommes en train de voter. Mais je crois qu’il y a des professions où c’est la profession, elle-même, dans le cadre d’une négociation collective qui doit décider d’une cotisation complémentaire, d’épargner Parce qu’il ne s’agit pas de donner aujourd’hui et que, demain, quand vous serez à la retraite ou vos successeurs, il n’y ait plus d’argent.

Pierre Moscovici : Vous allez avantager les plus avantagé en faisant comme cela.

Jean-Yves Chamard : Pas du tout ! C’est la profession toute entière

Michèle Cotta : Richard Bouton, la retraite des médecins à 56 ans, avec une indemnité de départ en quelque sorte, de 240 000 à 260 000 francs. Du coup, peut-on comprendre qu’à eux on leur refuse leur retraite à 56 ans et qu’aux médecins on leur propose à 56 ans ?

Richard Bouton : Je suis un peu confus de m’exprimer après le représentant des traminos, et c’est vrai qu’on en peut pas parler du problème de la retraite sans prendre en compte les inégalités qui sont triple : en termes d’espérance de vie, en termes de durée du travail, si on commence à travailler à 15 ans, ce n’est pas la même chose que si on commence à travailler à 30 ans, et en terme de pénibilité.

Ceci dit, pour les médecins, les médecins n’ont pas réclamé cette possibilité qui est offerte par la loi, on n’a pas réclamé. Aujourd’hui, l’âge de la retraite, c’est 65 ans pour les médecins, et pas 60 ans. Il se trouve que, parmi les mesures envisagées par le Plan Juppé, pour faire baisser les dépenses de santé, on va diminuer l’offre médicale et favoriser le départ en retraie des médecins à partir de 56 ans. Est-ce que ce sera efficace sur le plan de la baisse des dépenses de santé ? Cela reste à voir, parce que les effets pervers peuvent être importants. Après tout, on peut faire partir ceux qu’on ne voudrait pas qui partent justement.

Regardez quels sont les grands noms de la médecine aujourd’hui ? Ils ont tous plus de 56 ans. Imaginez le monde médical demain s’ils prenaient tous ce droit de départ à la retraite. Parmi les mesures de la réforme de l’assurance-maladie proposée par le Gouvernement, certaines sont, à mon avis, moins judicieuses que d’autres, et notamment celle-ci. On fera le bilan, dans deux ans, des effets de ce départ à la retraite des médecins à 56 ans.

Michèle Cotta : Je vous vois sourire, Pierre Moscovici. Pourquoi est-ce que cela vous fait sourire ?

Pierre Moscovici : Je souris parce que nous voyons bien, là encore, le problème de l’inégalité. Voilà une troisième catégorie, des chercheurs demandent à être prolongés au-delà de 65 ans, les traminos demandent à partir de 55 ans, et les médecins ne demandent pas à partir de 56 ans, et d’une certaine façon, parce qu’il y a une politique de rationnement, on leur impose presque.

Jean-Yves Chamard : Non, on leur propose. C’est une incitation. C’est un pas vers la souplesse.

Pierre Moscovici : Cela prouve l’absurdité profonde d’une politique qui ne tient pas compte, d’abord, de l’inégalité dans laquelle nous sommes, dans laquelle les uns et les autres sont par rapport à la vie et par rapport à la retraite.

Michèle Cotta : Qu’en tirez-vous comme conséquence ?

Pierre Moscovici : J’en tire comme conséquence qu’il vaut mieux, effectivement, permettre à ceux qui ont commencé tôt, qui ont cotisé longtemps, de partir à la retraite tôt, par exemple à 55 ans. Il faut être capable de laisser prolonger ceux qui ont commencé tard et qui n’ont pas des travaux de même pénibilité. Et qu’il faut enfin, laisser continuer ceux qui ont des professions libérales, sans tomber dans une politique de rationnement.

Michèle Cotta : Monsieur de Thé, cela vous va ça ?

Pierre Moscovici : Ce serait plus logique, me semble-t-il, que ce que nous faisons aujourd’hui.

Guy de Thé : Je n’aime pas toujours cet aspect négatif, négatif, négatif de la vie. La vie est une chose merveilleuse, voyons-la du côté positif, et non pas inégalité. Essayons de faire que nous soyons tous égaux devant le chances de succès et de faire quelque chose de sa vie.

Pierre Moscovici : Il y en a qui sont plus égaux que d’autres.

Guy de Thé : Je me permets simplement de dire aussi : on ne réclame pas la retraite à 68 ans On voudrait que les règles du jeu ne soient pas toujours changées.

Michèle Cotta : Êtes-vous pour une souplesse ou pas ?

Guy de Thé : Mais c’est l’essentiel, Madame Cotta. Pour arrêter un projet ou pour mettre en place  un projet de recherche, aujourd’hui, c’est tellement compliqué que cela va entre 3 et 5 ans. C’est financé par la France, par la CE, par les organismes internationaux. On ne peut pas casser le jeu sans des règles du jeu. Je crois que ce n’est pas possible. Il faut une souplesse.

Deuxièmement, au niveau des médecins, j’ai fait un calcul très simple : l’espérance de vie est en gros 85 ans…

Michèle Cotta : … Pour les femmes.

Guy de Thé : Il faut 30 ans pour former un médecin. Si, ensuite, il est utile à la société pendant 26 ans et qu’ensuite, une troisième partie de la vie encore plus grande, il est à la retraite, qu’est-ce que cette civilisation ?

Jean-Yves Chamard : Il faut une souplesse, mais une souplesse en fonction des inégalités devant la vie.

Guy de Thé : Tout à fait.

Jean-Pierre Thomas : La preuve que le système par répartition qu’il nous faut préserver, parce qu’il est précieux, ne peut pas répondre à cette souplesse. Les Allemands passent de 63 ans d’âge de la retraite à 65 ans…

Pierre Moscovici : Et ils ont 70 000 chômeurs en plus en janvier.

Jean-Pierre Thomas : … Les Américains passent à 66 ans. Tout le monde va vers l’augmentation pour maintenir l’équilibre, la solidarité minimum pour qu’il n’y ait pas de rupture. Donc, la solution, l’heure des choix, vous avez écrit, faisons le choix, Monsieur Moscovici, c’est la responsabilité qui consolidera la solidarité. Donnons-leur la possibilité d’épargner pour faire face à leur choix personnel.

J’ajouterai aussi une petite remarque : on a tous l’impression qu’avancer l’âge de la retraite, cela va contre le chômage et cela règle un certain nombre de problèmes. Si les pays qui ont beaucoup de pré-retraites comme nous, 500 000 pré-retraités, pensent que c’est une solution contre le chômage, cela se saurait. Les Anglais n’ont pas de pré-retraites et ils ont moins de chômage que nous. Ce n’est pas forcément une solution, je voudrais le dire, ni contre les déficits publics.

D’un mot, un chiffre : aujourd’hui, 10 milliards pour 100 000 départs en pré-retraite, c’est 30 milliards de déficits publics dans les 20 ans qui viennent. Ce n’est pas la solution miracle de raccourcir l’âge de la retraite.

Jean-Yves Chamard : Attention à un pays, et vous le disiez à l’instant, qui verrait l’essentiel du travail fait par une classe d’âge de plus en plus rétréci, 25-55 ans, ce serait absurde et on irait contre la solidarité entre les générations.

Et pour ce qui est du chômage, je crois que plutôt que de couper trop tôt l’âge de travail, il vaut mieux répartir différemment et réduire le temps de travail. Voilà quelque chose qui serait, à mon avis, plus efficace pour lutter contre le chômage.

Pierre Moscovici : Eh bien, faites-le !

Jean-Yves Chamard : C’est ce que nous sommes en train de faire et j’y contribue, Monsieur Moscovici, vous le savez.

Jean-Pierre Thomas : Et on attend votre aide.

Michèle Cotta : Monsieur Chuffart, que concluez-vous de cette conversation ?

Alain Chuffart : Je peux vous dire que si mon ministre de tutelle, en l’occurrence le ministre des transports, faisait la même proposition qu’on fait aux médecins, l’ensemble des réseaux de transports urbains redémarre demain matin à la première heure.

Michèle Cotta : Messieurs, je vous remercie pour débat.

Le mouvement des intellectuels, maintenant, des cinéastes, écrivains, avocats, contre certains aspects de la loi Debré s’amplifie. Les signataires de ce manifeste appellent à l’insoumission et au refus d’appliquer les dispositions obligeant à déclarer les mouvements de leurs hôtes immigrés, déclaration de présence ou déclaration de départ.

Éric RAOULT, ministre délégué à la ville.

Cédric KLAPISCH, signataire du manifeste.

Qu’avez-vous à vous dire ce matin ? Vous avez correspondu par courrier. Vous avez, Monsieur le ministre, envoyé une lettre à Cédric Klapisch en lui disant : « Puisque vous voulez connaître de près la banlieue, venez donc y habiter ». Et Cédric Klapisch vous a répondu : « Merci, j’y ai tourné et j’y habite ».

Cédric Klapisch : Non, je n’y habite pas.

Michèle Cotta : Vous avez tourné pendant longtemps.

Cédric Klapisch : J’y ai tourné pendant quatre mois.

Michèle Cotta : Il est devant vous qu’avez-vous envie de lui dire ?

Cédric Klapisch : Déjà, je suis surpris que ma lettre - alors que sa lettre est parue dans tous les journaux - n’est parue dans aucun journal. Parce qu’il y a tout de même un problème avec les médias, c’est que, quand le regarde les informations à la télévision, quand je lis les journaux, je suis tout de même surpris de voir ce qui se passe…

Michèle Cotta : Elle est là et j’en parle.

Cédric Klapisch : Elle est là. J’aimerais bien qu’elle soit publiée en entier dans un journal en France.

Effectivement, il y a un problème dans la lettre que Monsieur Raoult nous a envoyée, c’est que, moi, je vois surtout un mépris profond qu’il a pour les réalisateurs. Et ce mépris profond que vous avez pour les réalisateurs, vous l’avez, à mon avis, pour les Français, parce que vous nous dites en gros qu’on n’a pas le droit de dire ce qu’on pense. Eh bien, moi, je vous dis qu’on a le droit de dire ce qu’on pense et je suis là pour le dire.

Éric Raoult : Je voudrais répondre à Cédric Klapisch que j’ai été aussi ému que lui d’entendre des réalisateur dire ; « Je n’appliquerai pas la loi » alors que, moi, je fais au quotidien le contraire ; Dire à des mêmes de banlieue : « la loi, c’est plus important que tout autre chose ».

Ce que je serais tenté de dire à Cédric Klapisch : voilà les deux documents qui créent son émotion. Est-ce qu’il a lu le projet de loi Debré ? Et est-ce qu’il sait ce qu’est un certificat d’hébergement ?

Un cas concret : Cédric Klapisch veut faire venir un pote d’un autre pays. Ce pote recevra son visa si, nous, nous donnons le certificat d’hébergement. Le maire donnera une indication, son accord. Concrètement, pourquoi faisons-nous cette réforme des certificats d’hébergement ? Cédric Klapisch est un type honnête, mais si nous avons la difficulté de répondre à des certificats d’hébergement, c’est que nous avons parfois des gens moins honnêtes, des gens qui donnent beaucoup de certificats d’hébergement ce qui constitue bien souvent, un problème capital de suroccupation de logement.

Les certificats d’hébergement, ce n’est pas une idée de Juppé, c’est une idée de Mauroy et Cresson.

Cédric Klapisch : Je m’en fous de cela !

Éric Raoult : Je me doute que vous vous en foutez, vous l’avez déjà dit de toute façon. Mais ce que je voudrais vous dire simplement, c’est ce que cela est du concret.

Je regrette peut-être de vous avoir choqué par ma lettre. Ce que je souhaiterais, c’est qu’on puisse aller vous filmer, mais vivre un peu au quotidien ce genre de difficultés.

Cédric Klapisch : Parce que, vous, vous le vivez au quotidien ? Vous vivez en banlieue ?

Éric Raoult : Oui, nous le vivons au quotidien par rapport à l’ensemble de ces quartiers qui souvent ont des difficultés.

Moi, je crois qu’on a des boulots différents : vous, c’est l’émotion et, moi, c’est la gestion. Peut-être avez-vous eu raison de dire : « Voilà, on demande à avoir un peu plus d’informations ». Ce que je voudrais maintenant, c’est la clarification. Le Premier ministre l’a dit : « Il faut apaiser les choses ». Il y a des moments pour l’émotion et il y a des moments pour la compréhension. Peut-on faire une compréhension ensemble ?

Cédric Klapisch : Je veux bien faire une compréhension, mais je comprends à peu près la moitié de ce que vous m’avez dit là…

Éric Raoult : … Je vais essayer d’être plus clair.

Cédric Klapisch : Non, parce que c’est un peu les problèmes que, nous, nous essayons de le soulever : en tant que cinéastes, nous ne comprenons plus les hommes politiques. Quand j’écoute le débat, je me dis : « Il y a un vrai problème. Il y a quelqu’un qui me parle de ces problèmes au quotidien » et puis il y a des gens en face qui disent : « Mais non, on ne peut faire cela ». Effectivement, je ne fais pas de politique, je ne suis pas un homme politique, mais vous reconnaissez qu’il y a un problème de dialogue entre les Français aujourd’hui et les hommes politiques, vous êtes au courant de cela ?

Éric Raoult : Pour dialoguer, il faut être deux. L’effort est à faire des deux côtés.

Cédric Klapisch : Je vous écoute. Je vous vois, je vois des choses et visiblement il y a des choses que vous ne voyez pas ou que vous ne voulez pas entendre, je ne sais pas !

Mais, en tout cas, dans votre lettre, il y a un truc qui me paraît très grave, c’est que, moi, je vous parle d’un problème d’immigration. Et la seule chose que disait l’ensemble des signataires - des cinéastes, maintenant rejoint par d’autres professions, vous le remarquerez ! - est qu’il y a une différence entre travailleurs clandestins immigrés, étrangers, et la seule chose que l’on dit, c’est que tous ces gens-là sont des êtres humains.

On voulait rappeler cela parce que les hommes politiques, aujourd’hui, essaient de faire peur, c’est ce que disait Pascale Ferran. En parlant des jeunes, elle disait : « On avait déjà peur du chômage et du Sida, et, là, le Gouvernement et les hommes politiques essaient de nous faire peur vis-à-vis des étrangers », eh bien, moi, je n’ai pas peur des étrangers !

Éric Raoult : Moi, non plus. Alors, on est deux. Pour vous parler plus clairement, j’essaie de le monter au quotidien, en menant une politique de la ville, une politique d’intégration pour faire du concret.

Prenons un exemple précis : le maire donne un certificat d’hébergement à une personne. Le jour où on lui demande un deuxième certificat d’hébergement, il veut savoir si cette personne est partie, pas pour « fliquer », pas pour « ficher » mais simplement parce qu’on ne peut pas être à quatre dans un studio.

Cédric Klapisch : On peut être absolument à quatre dans un studio, de quoi vous me parlez, là ?

Éric Raoult : Monsieur Klapisch, la réalité des choses, ce n’est pas d’un côté l’immigration sympathique et de l’autre côté l’intégration difficile. Il n’y a pas d’un côté les « sans-papiers » et les  « sans pitié ». Il y a une volonté du Gouvernement, actuellement, d’apporter des réponses qui ont été apportées par tous les Gouvernements, pour dire simplement ; « si vous entrez, il faut que vous puissiez bien vivre ».

Lorsque, vous, vous avez un moment d’émotion, je souhaiterais que le moment d’émotion, on puisse l’avoir ensemble quand on n’a pas assez de logements, quand on n’a pas assez de places de crèches et quand on a 3,5 millions de chômeurs. C’est lié. Ce n’est pas d’un côté la régularisation d’un « sans-papiers » et d’un autre côté les difficultés quotidiennes. Il y a une nécessité d’aborder ce problème-là de façon intelligente sur les deux plans.

Pierre Moscovici : Je crois que ce n’est pas un moment d’émotion, on discute d’une loi. La question est de savoir si cette loi est juste – vous demandez qu’on l’aborde avec apaisement – et de savoir si cette loi est applicable. Or, elle n’est ni juste, ni applicable. Et votre Gouvernement devrait écouter cette mobilisation.

Il y a une mobilisation de cinéastes, d’acteurs, de journalistes, de scientifiques, demain, de danseurs, de médecins. Tout cela veut dire quelque chose ? Ce sont des intellectuels qui vous parlent d’une cause humaine, d’un problème humain et d’une loi dont vous savez très bien que, d’une part, elle incite à la délation et que, d’autre part, elle sera totalement inefficace par rapport à l’immigration clandestine.

Nous avons connu il y a une semaine un événement qui a été la victoire du Front national à Vitrolles…

Éric Raoult : Ne mélangeons pas les choses, Pierre Moscovici.

Pierre Moscovici : Je crois que l’on ne peut pas combattre de tels phénomènes, en faisant du suivisme. S’il y a l’attitude du préfet Marchiani à Toulon, s’il y a la loi Debré et s’il y a le populisme dont vous faites preuve, en renvoyant des cinéastes et des intellectuels dans des banlieues, qu’ils connaissent aussi bien que vous, ou d’autres politiques qui les connaissent aussi bien que vous, je crois que vous faites erreur.

Je suis un homme politique. On ne m’a pas demandé de signer un tel appel, je ne le ferai pas d’ailleurs parce que la désobéissance civique, je dirais que c’est une attitude que l’on peut avoir en tant qu’individu, mais, nous, responsables politiques, nous devons agir contre cette loi.

Je vous le dis très tranquillement : si cette loi est prise, c’est une mauvaise loi. Alain Juppé ferait mieux d’y réfléchir et de supprimer cette disposition. Et si, d’aventure, la Gauche revient au pouvoir, elle l’abrogerait !

Éric Raoult : Alain Juppé y a réfléchi. Il a précisé que c’était une loi équilibrée. Ce que l’on ne dit pas non plus, et Cédric Klapisch doit le savoir, je vais lui faire une confidence : Des irréguliers, j’en vois, c’est vrai, un très grand nombre. On le voit dans les quartiers, quand, à la fin d’un déplacement, on vient vous donner une enveloppe pour vous dire : « Voilà, je suis parent étranger d’enfants français ». A l’intérieur du texte Debré, on régularise les parents étrangers d’enfants français.

Les réalités humaines, comment pouvoir le dire à un moment, en disant : « Voilà, moi aussi, j’aimerais bien être cinéaste, j’aimerais bien passer de l’autre côté de la caméra, mais le problème, c’est que je suis devant la caméra ».

Je suis devant la caméra, en essayant de trouver du boulot à des jeunes, en essayant de trouver du logement à des gens et en essayant de trouver des places de crèches à des familles nombreuses. Ce n’est pas « Un air de famille », ce sont les problèmes de la famille.

Cédric Klapisch : Vous remarquerez que celui qui essaie de faire de l’émotion, ce n’est pas moi !

Éric Raoult : Chacun son tour !

Cédric Klapisch : Encore une fois, j’ai fait « Un air de famille », effectivement, je fais du cinéma, et c’est mon métier. Et vous avez votre métier, et je trouver que vous le faites mal…

Éric Raoult : Et moi, je crois que vous le faites bien le vôtre ! Et je vais voir vos films, mais ce sont des films !

Cédric Klapisch : Moi, j’écoute ce que vous dites et je réagis par rapport à cela.

Ce qui me choque – et je pense que c’est pareil par rapport au Mouvement des cinéastes – c’est qu’aujourd’hui il y a des problèmes en France, il y a le chômage, il y a la crise, et l’on en profite pour mélanger d’autres problèmes, c’est ce que vous avez fait votre lettre, parce que nous, nous parlions d’immigration et vous, vous parlez de banlieue. Alors, j’aimerais bien voir quel est le rapport dans votre tête entre l’immigration et la banlieue ? Parce que, pour moi ce n’est pas du tout la même chose ! Et, en plus, quand on habite en banlieue, ce n’est pas pareil quand on habite à Neuilly et à Chanteloup-les-Vignes, et à Chanteloup-les-Vignes, ce n’est pas pareil quand on habite là ou là.

Vous, vous essayez de faire des espèces d’amalgame de grandes choses et au bout du compte cela ne veut plus rien dire !

Nous, ce que nous avons dit, c’est cela : « Aujourd’hui, il y a une loi qui a une tendance fascisante parce qu’elle traite les étrangers »…

Éric Raoult : Non, non, ce n’est pas normal de dire cela, Monsieur Klapisch !

Cédric Klapisch : Si, c’est normal, parce que, quand on lit le texte et qu’on voit par rapport à un texte de Vichy…

Éric Raoult : Pouvons-le lire ensemble ? Lisons le texte.

Pierre Bénichou : La plupart des gens qui sont ici, ne sont pas pour qu’on ouvre les frontières et qu’on dise : « Tous les émigrés sont les bienvenus, que cela pose des problèmes... ». Nous avons dit qu’il fallait qu’il y ait une régularisation de cela, qu’il faut qu’il y ait des contrôles, qu’il faut tout cela.

Mais comment un Gouvernement peut-il aussi sot, vos postes comme vous disiez à Monsieur Klapisch, comment vos potes ont-ils pu prendre cette loi, ce projet de loi en disant qu’il fallait dénoncer dans les commissariats…

Éric Raoult : Mais c’est faux !

Pierre Bénichou : … ceux qui quittaient dans votre domicile. Dans un pays.

Pierre Moscovici : C’est dans les mairies.

Pierre Bénichou : … dont la tradition et dont la culture souffrent encore de la délation des années 40… rappeler à la délation, c’est ou de la maladresse, ou de l’hypocrisie ! Parce qu’on ne peut pas dénoncer à la fois Vitrolles et dire : c’est affreux, et en même temps dire : « il faut dénoncer »…

Éric Raoult : Monsieur Bénichou, vous êtes un journaliste, pouvez-vous lire tout à l’heure ce projet de loi et bien voir qu’on en parle à aucun moment de commissariat, on parle simplement pour le maire qu’il signe ce document. Ce n’est pas Bénichou qui va signer…

Pierre Bénichou : Pardon, ce n’est pas dans les commissariats. C’est dans les mairies. Excusez-moi.

Éric Raoult : Essayons de rappeler ce qu’est un certificat d’hébergement, c’est la contrepartie : ce que j’ai souhaité simplement, en soutenant, c’est voir les deux côtés, les deux facettes. Je suis désolé d’avoir choqué peut-être Cédric Klapisch en lui proposant d’aller au Moulin Neuf à Stans, mais ce que j’ai voulu dire, c’est que la difficulté quotidienne de l’intégration se voit dans un quartier elle ne se voit pas simplement avec des mots. Elle se voit sur la coexistence entre, parfois, une population qui vit difficilement son chômage, qui dit difficilement son exclusion et puis d’un autre côté une population d’origine étrangère qui peut avoir, vis-à-vis des clandestins, parce que, on n’en a pas parlé, venez filmer aussi, pour savoir, ceux qui sont ici en train de s’intégrer et qui disent : « Attendez, nous, on n’est pas comme les autres, il ne faut pas nous mélanger ».

L’immigration clandestine n’est pas à Passy. Elle est en Seine-Saint-Denis, et cela, il faudrait qu’on puisse le comprendre pour que… moi, j’hésiterai maintenant à choquer Monsieur Klapisch, mais il faudrait aussi qu’au-delà des films il puisse venir, c’est peut-être ce qu’il a l’intention de faire, expliquer à des mômes dans un collège ce que c’est que d’être réalisateur !

Cédric Klapisch : Je ne vous ai pas attendu pour le faire.

Jean-Yves Chamard : Je croyais qu’on était d’accord sur deux, trois choses : pour lutter contre le racisme, il faut intégrer. On est bien d’accord là-dessus. Pour intégrer, il faut lutter contre l’immigration clandestine ou illégale, je crois que l’on était tous d’accord là-dessus. Néanmoins, il est normal que, lorsqu’un étranger veut venir voir sa famille il puisse y venir, visa touristique. Mais pour être sûr que c’était réellement une visite touristique ou familiale et non pas une immigration clandestine, les gouvernements socialistes ont instauré une procédure imposant de savoir où il allait, chez qui il habitait. Cela n’a ému personne, et à juste titre d’ailleurs.

Le problème, c’est que certains, faisant croire que c’était ce type d’actions, ont monté des filières. On fait rentrer chez soi, et puis l’on disparaît dans la nature…

Cédric Klapisch : On ne peut pas parler comme cela…

Jean-Yves Chamard : le problème aujourd’hui est tout simplement de savoir si les personnes qui viennent chez eux, repartent.

Cédric Klapisch : … parce que, là, comme vous parlez, vous êtes en train de dire qu’être étranger, c’est un problème. Non, je m’excuse, mais quand les gens viennent, si ce sont des membres de ma famille, si ce sont des gens que j’accueille, ce n’est pas un problème.

Jean-Yves Chamard : Ce n’est pas un problème.

Cédric Klapisch : On est en train de faire croire aux Français que venir en France, c’est un problème. Ce n’est pas un problème !

Jean-Yves Chamard : Ce n’est pas un problème ! Mais simplement restent-ils trois mois ou restent-ils toute leur vie ?

Cédric Klapisch : J’ai envie que la France soit un pays ouvert et qu’on retrouve un peu une dimension d’accueil et d’hébergement, c’est tout. Et quand vous partez comme cela, vous traitez les étrangers de salauds, en gros !

Jean-Yves Chamard : Ah ! Pas du tout !

Tout ce qui est excessif, vous le savez, est insignifiant. Nous ne lutterons pas, Monsieur, contre le racisme avec ce genre de propos. Nos concitoyens, dans leur ensemble, sont tout à fait hostiles au racisme, mais ils n’acceptent pas ce qu’on appelle l’immigration clandestine. Donc, il faut prendre des mesures concrètes. Elles ont été faites pour l’essentiel en 1982 puis en 1988 par des gouvernements socialistes. Et, aujourd’hui, il s’agit d’éviter que des filières ne se montent sous couvert de visites pour quelques mois. C’est tout.

Jean-Pierre Thomas : On voit très bien, à travers ce débat, qu’à travers un mauvais procès fait à un texte tout à fait sérieux, on commence à tout remélanger. C’est cela le pire ! Au fond quel est le défi qui nous est lancé à tous, intellectuels, hommes politiques, journalistes, c’est de réussir l’intégration. C’est cela la vraie émotion. Vous pouvez nous y aider. Mais pour réussir l’intégration, vous savez très bien au fond de vous-même qu’il nous faut lutter contre l’immigration clandestine pour protéger les immigrants en situation régulière et leur donner tous les moyens de s’intégrer dans notre pays.

En mélangeant tout, au lieu de nous aider dans cette tâche qui est noble, et vous devriez être les premiers à nous aider dans cette tâche d’intégration des autres... vous mélangez tout, on revient sur les vieux débats, et l’on crée Vitrolles.

Cédric Klapisch : Alors, là, oui ! On peut dire un mot là-dessus… « Je crée Vitrolles », oui c’est cela !

Jean-Pierre Thomas : Et nous créons Vitrolles, ensemble, par ce genre de débat.

Cédric Klapisch : Dites ce que vous voulez !

Pierre Moscovici : Vous êtes en train de tout mélanger et de faire un amalgame très fâcheux…

Jean-Pierre Thomas : … Justement, non.

Pierre Moscovici : L’immigration clandestine, c’est une chose, et je crois, effectivement, que tout le monde est d’accord pour lutter contre…

Jean-Pierre Thomas : D’où la loi.

Pierre Moscovici : Mais non, pas d’où la loi. Parce que, une fois que l’on a dit cela, quels sont les problèmes ? 1 Cette loi incite à créer des fichiers…

Jean-Pierre Thomas : Mais pas du tout, lisez la loi.

Pierre Moscovici : Je l’ai lue, la loi…

Jean-Yves Chamard : Vous voulez faire des contrôles, sans moyen de contrôle.

Pierre Moscovici : Il y a un aspect de délation extrêmement fâcheux. 2. Vous demandez à des maires de le faire. Or, beaucoup de maires refuseront de le faire. Donc, cette loi est inapplicable.

Éric Raoult : Pierre Moscovici, ce document de 1982…

Pierre Moscovici : … Mais, il n’y a pas de fichiers des hébergeant… ni implicites, ni explicites…

3. Si certains maires tiennent ce genre de fichiers, et je pense notamment aux maires Front national, je suis très inquiet sur les conséquences de cela. Pour toutes ces raisons, je dis que cette dispositions est à la fois inique et inapplicable, elle doit être retirée, c’est important. C’est un impératif politique et éthique. Vous allez bâtir quelque chose de totalement inefficace et, en plus, qui crée une émotion pour la communauté. Ne méprisez pas les intellectuels !

Éric Raoult : Nous ne méprisons personne, ni les intellectuels, ni les parlementaires socialistes…

Cédric Klapisch : Votre lettre prouve le contraire !

Éric Raoult : … Il fallait la lire, Monsieur Klapisch.

Cédric Klapisch : Je l’ai lue, votre lettre !

Éric Raoult : Ce que l’on peut dire simplement, c’est qu’à l’intérieur de ce texte tous les verrous sont posés au cas o il y ait véritablement des difficultés, comme celles que vous avez présentés. A l’intérieur de texte, il y a un mot qui veut bien dire quelque chose… « … qui justifie de circonstances personnelles ou familiales... », c’est-à-dire que 1. Si le maire ne veut pas demander la justification de ce certificat d’hébergement, il n’y aura pas de poursuites contre le maire…

Pierre Moscovici : C’est inapplicable.

Éric Raoult : Pierre Moscovici, ce que devez savoir, et le jour où vous serez maire d’une ville, vous vous en apercevrez, c’est que le simple risque, parfois, d’avoir ces possibilités de contrôle dissuadent une immigration.

On ne rentre pas en France avec le mot « clandestin » sur le visage, on rentre en France avec un statut d’étudiant ou un statut d’hébergé, et au bout d’un moment on se dit : « Eh bien, voilà, en fonction de la situation en Algérie, je ne veux pas repartir dans mon pays » ou « En fonction de ce qui se passe en Casamance, je ne veux pas repartir dans mon pays »…

Cédric Klapisch : Mais on ne peut pas dire cela ! C’est incroyable ! Vous pensez que tous les étrangers veulent venir en France, ce qui est faux ! Les Algériens ont envie de vivre en Algérie, qu’est-ce que vous croyez !

Éric Raoult : Monsieur Klapisch, j’aimerais pouvoir m’asseoir à côté de Klapisch et dire : « Oui, il a raison » mais, malheureusement, je m’aperçois au quotidien, dans un certain nombre de quartiers, que ce n’est pas tout à fait le cas, c’est-à-dire que nous n’avons pas autre chose aujourd’hui qu’une situation bien souvent délicate à résoudre sur, je dirais, le « service après venue » de l’immigration. Le « service après venue », c’est la nécessité d’intégrer la nécessité de trouver pas simplement des papiers, mais de trouver la place  de crèche dont je vous parlais, le logement, l’emploi…

Cédric Klapisch : Vous rigolez! Regardez ce qu’il y a dans les films, actuellement, sur la banlieue ! Là, vous me dites, avec un air compati, que l’on essaie de trouver des crèches…

Éric Raoult : On n’est pas dans un film…

Cédric Klapisch : Non, mais les films décrivent la réalité.

Michèle Cotta : Pas tous ensemble. Monsieur Klapisch, vous aviez la parole, gardez-la !

Cédric Klapisch : Je dis simplement que là, c’est exactement ce qui se passe à la télévision d’habitude, c’est-à-dire qu’avec des mots l’on essaie de cacher le fait qu’il y a un racisme profond… vous savez qu’il y a un racisme profond des policiers envers les immigrés…

Éric Raoult : Mais, c’est faux cela !

Cédric Klapisch : Vous savez qu’il y a un racisme profond de la justice envers les immigrés…

Éric Raoult : … mais c’est faux aussi !

Cédric Klapisch : … et quand on dit : « On essaie à tout prix de leur créer des crèches et de leur trouver un emploi », y a-t-il un Français à la télé qui croit cela, franchement ?

Éric Raoult : Oui, il le croit. D’autant plus que c’est ce que les maires font au quotidien…

Cédric Klapisch : Non, mais attendez ! Vous me disiez que, moi, je mélangeais tout ! Mais, alors, on mélange franchement tout !

Éric Raoult : Pardonnez-moi, Monsieur Klapisch. Chacun son boulot, vous le faites remarquablement bien le vôtre ! Vous faites des films, vous faites des émises de télévision…

Cédric Klapisch : Vous interdisez aux intellectuels de se mêler du débat civique ? C’est incroyable, quand même !

Éric Raoult : Je ne suis pas un intellectuel.

Cédric Klapisch : Vous êtes un démagogue.

Éric Raoult : Non, je ne suis pas un démagogue. J’essaie d’être le mieux possible un homme de terrain. Et ce que je voudrais parfois, ce que l’on fait avec un certain nombre de cinéastes, ce que l’on fait avec un certain nombre d’artistes, c’est que l’on donne une autre image de ces quartiers. Ce que je voudrais aussi, c’est d’éviter que l’on montre du doigt ces quartiers, que l’on évite de faire…

Cédric Klapisch : Cela n’a rien à voir. C’est vous qui montrez du doigt certaines cités en banlieue.

Éric Raoult : L’immigration n’est pas rue de Solférino. L’immigration, elle arrive dans nos quartiers.

Cédric Klapisch : Arrêtez avec ces phrases creuses !

Michèle Cotta : Paul Guilbert ?

Paul Guilbert : Je voudrais revenir sur la protestation. Il est évident que personne ne consiste, et l’on ne conteste plus, on ne brocarde même plus le droit à la protestation qui vient des intellectuels et des artistes…

Cédric Klapisch : Si vous lisez la lettre de Monsieur Raoult, il y avait quand même un problème !

Paul Guilbert : Non, mais écoutez, s’il y a eu des réactions comme cela, il faut voir comme cela est né et comment cela est arrivé ! Autrefois, vous revendiquez le beau mot de « saltimbanques », quand quelque chose vient, comme cela, avant les intellectuels, eh bien les hommes politiques se demandent d’où cela vient ! Il faut voir toujours l’origine des choses.

Ce qui se passe, c’est un débat qui touche l’identité de la France, et je trouve que vous avez tout à fait raison de le provoquer. Maintenant, ce débat aurait-il eu lieu - et je récuse l’amalgame bien sûr ! - s’il n’y avait pas eu au même moment la victoire du Front national à Vitrolles ? Parce que tout cela n’est pas indifférent, tout cela n’est pas innocent. Donc, le débat risque d’être dévié. Et qu’est-ce que vous risquez de provoquer, et voilà pourquoi, pour ma part, je ne signerai pas votre appel… qu’est-ce que vous risquez de provoquer ? C’est tout simplement que le monopole de la défense, le monopole de la lutte contre l’immigration clandestine qui est inévitable, qui est nécessaire, vous risquez de la coller au Front national, et cela, c’est plutôt embêtant !

Cédric Klapisch : Non, cela, c’est vous qui le faites !

Paul Guilbert : Vous dites « Je m’en fous... », j’ai entendu, vous avez dit « Je m’en fous... »

Cédric Klapisch : Il n’y a aucun rapport avec la lettre que l’on a signée et l’élection à Vitrolles. C’est évident. Les gens qui font le rapport, le font pour eux-mêmes, mais, moi, je ne le fais pas !

Paul Guilbert : Oui, bien sûr ! Mais, enfin, écoutez, ce n’est pas à un certain nombre, on fait une protestation… à un autre moment, on fait une protestation. Selon le moment, elles ne sont pas reçues de la même façon. Or, il y a actuellement, dans le pays, un débat très grave. Et ce qu’il y a au fond de votre protestation, c’est que vous ne croyez plus à la force, au barrage anti-Lepeniste, ni de la droite, ni de la gauche.

Vous dites : « Je m’en fous... », mais, dans le fond, vous n’avez plus confiance dans la classe politique. Alors, que va-t-il se passer ?  Là, je me tourne vers un homme politique qui est Pierre Moscovici, que va-t-il se passer maintenant ? Eh bien, la protestation va continuer. Le Gouvernement va pousser son projet. Il va peut-être être adopté à l’Assemblée. Qu’est-ce que qui empêchera l’opposition socialiste de déposer un recours au Conseil constitutionnel si elle trouve que cette loi est insupportable, et peut-être que le Conseil constitutionnel la foutera en l’air ! Encore faudrait-il que les socialistes soient présents dans l’hémicycle ! Je ne parle pas pour vous, vous n’êtes pas député.

Pierre Moscovici : Franchement les socialistes, dans l’hémicycle, sont 60…

Paul Guilbert : … c’est un chiffre suffisant pour poser un recours au Conseil constitutionnel, que je sache ?

Pierre Moscovici : Je crois qu’effectivement l’erreur de notre part a été d’être trop peu présents sur ce débat, je la reconnais volontiers. Maintenant, nous, nous sommes des politiques, nous ne pouvons pas agir comme des cinéastes ou des intellectuels Donc, je n’appelle pas, encore une fois, à la désobéissance civique. Mais recours devant le Conseil constitutionnel, oui. Et également une promesse que l’on peut faire, c’est que cette loi, qui ne devrait pas être adoptée, si le Gouvernement était intelligent, s’il ne voulait pas jouer avec le feu il la retirerait, serait abrogée si nous revenions au pouvoir l’an prochain. C’est le rôle des politiques et du législateur.

Paul Guilbert : Chacun est dans son ordre : l’intellectuel ou l’artiste proteste. Le Gouvernement poursuit. C’est tout de même un avantage que d’avoir une démocratie, avec un Parlement et des procédures normales, autant les laissez suivre !

Michèle Cotta : Éric Raoult, et puis je voudrais savoir ce que Monsieur Chuffart en pense de notre discussion !

Éric Raoult : J’ai écrit à Cédric Klapisch, il l’a mal pris je vais retirer ma lettre ; Je vais lui proposer que l’on puisse essayer de faire des trucs ensemble, c’est-à-dire que l’on essaie de voir ce que l’on pourrait proposer vu que sur ce dossier-là, il m’a dit : « J’ai mal pris votre lettre par rapport aux étrangers, etc. »… Ce n’est pas par rapport aux étrangers, c’est par rapport aux irréguliers. Si l’on peut essayer de faire des choses ensemble avec les cinéastes, vous avez parlé des films sur les banlieues. C’est vrai qu’il y en a qui sont remarquables, il y en a d’autres qui sont plus délicats ! Ce que l’on peut faire maintenant, et l’on a essayé de le faire avec la politique de la ville, le pacte de relance, avec ce qu’Alain Juppé et le chef de l’État nous ont demandé, c’est de bosser ensemble parce qu’il n’y a pas une façon de droite et une façon de gauche de régler les problèmes d’intégration. Et, d’autres part, je suis persuadé que si, par malheur, demain, Pierre Moscovici me remplaçait il ferait la même chose que nous, c’est-à-dire…

Pierre Moscovici : Certainement pas.

Éric Raoult : … qu’il faut avoir la fermeté vis-à-vis du clandestin et la générosité vis-à-vis de celui qui demande…

Pierre Moscovici : … cette mesure est idiote.

Pierre Bénichou : C’est quand même fou qu’un ministre de la République vienne dire ici des choses comme un scout…

Éric Raoult : Vous insultez les scouts, Monsieur Bénichou, ils ont fait beaucoup de choses !

Pierre Bénichou : Sincèrement, c’est tout ce que vous avez à nous dire !

Éric Raoult : Monsieur Bénichou, avec vous, tout est en termes d’affrontement.

Pierre Bénichou : Comment pouvez-vous oser dire cela ! « Allons-y, nous allons bosser ensemble ».

Éric Raoult : Je préfère lire du Daniel que du Bénichou, parce que Jean Daniel a fait un article tout à fait remarquable…

Pierre Bénichou : … oui, très bien ! Mais il ne disait pas du tout cela !

Michèle Cotta : Monsieur Chuffart, je vous demande le mot de la fin : est-ce que vous pensez que cette discussion est une discussion d’intellectuels ou une discussion qui vous intéresse ?

Alain Chuffart : Elle m’intéresse d’une certaine manière puisque, comme Monsieur le ministre parlait des banlieues je dois avouer que nous, nous y allons tous les jours dans les banlieues, et ce n’est pas toujours très facile.

Nous avons aussi des solutions qui sont celles de la CGT et l’on dit que pour réduire l’insécurité, etc., il faut d’abord combattre le chômage. Commençons par là et, ensuite, on verra !

Michèle Cotta : Je vous remercie.

Nous retrouverons, cette émission dimanche prochain. Le journal, dans quelques instants, est présenté par Daniel Bilalian.

A la semaine prochaine.