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Le Monde : On assiste, ces derniers temps, à la multiplication d'initiatives officielles visant à améliorer la sécurité sanitaire dans notre pays. À quoi tient, selon vous, ce phénomène et quel rôle jouez-vous dans ce contexte ?
Hervé Gaymard : Notre pays a connu une succession de crises sanitaires qui ont marqué l'opinion. La confiance dans notre dispositif de sécurité sanitaire a été entamée par les accidents graves de ces dernières années, qui ont révélé des failles de notre organisation. Le gouvernement a résolu d'en tirer les enseignements, non pas dans l'urgence, mais après une analyse approfondie à laquelle ont été consacrés ces derniers mois, et qui s'est enrichie de multiples réflexions. Nous disposons aujourd'hui de deux rapports parlementaires, issus de deux réflexions bien différents : celui de Jean-François Mattei, qui résulte de la mission de l'Assemblée sur la « vache folle », présidée par Évelyne Guilhem, et celui de Claude Huriel, qui relate les travaux du Sénat conduit par Charles Descours sur la sécurité et la veille sanitaire.
Le constat est unanime : il nous faut clarifier et améliorer notre organisation dans ce domaine. Nous devons simplifier les structures, les rendre plus efficaces et plus rapides et nous organiser pour traiter tous les incidents sanitaires avec vigilance le plus en amont possible et en toute indépendance, en fondant toujours les décisions de l'État sur la meilleure expertise scientifique, de la veille au contrôle.
Le Monde : La « veille sanitaire » n'est-elle pas, d'ores et déjà, une mission assumée par le Réseau national de santé publique (RNSP) ?
Hervé Gaymard : Nous avons effectivement, depuis 1992, ce réseau qui réunit le ministère de la santé et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. J'ai obtenu d'augmenter de 50 % les moyens de fonctionnement de ce réseau en 1997 et j'entends poursuivre ce renforcement, au besoin en transformant son statut en établissement public. Il faudra clarifier son fonctionnement par rapport à l'administration centrale et améliorer notablement notre potentiel d'épidémiologie d'intervention. Le RNSP a déjà beaucoup de autonomie, mais il faut lui en donner davantage et lui permettre d'être présent sur l'ensemble des maladies et des incidents sanitaires survenant dans notre pays. Il faut en faire une pierre angulaire de la veille épidémiologique qui reste à bâtir à l'échelon de l'Europe, à l'image des Centers for Diseases control américain.
Le Monde : Qu’entendez-vous exactement par « sécurité des produits » ?
Hervé Gaymard : Nous parlons ici de tous les produits que l'homme peut être amené à ingérer et pour lesquels nous devons combiner contrôle, alerte et expertise, pour assurer la sécurité sanitaire. Depuis le début des années 90, un certain nombre de décisions ont été prises qui vont dans le bon sens. Il s'agit notamment de la création par mes prédécesseurs, de l'Agence du médicament, de l'Agence française du sens ou de l'Établissement Français des greffes. Mais il faut maintenant aller plus loin. D'abord parce qu'il existe malheureusement quelques zones où les contrôles et les garanties sont encore à mes yeux insuffisants. La logique profonde, pour nous, est de bâtir une politique globale encadrant d'une part l'ensemble des produits biologiques et médicaux et les cosmétiques et, d'autre part, tous les produits alimentaires qui doivent obéir à des règles très différentes au service d'un même objectif : la santé humaine.
Le Monde : Faudra-t-il pour cela créer une nouvelle structure ?
Hervé Gaymard : Il faut en effet réorganiser pour mieux traiter toutes ces questions sous des formes qui restent, juridiquement, à préciser. La France n'est pas ici seule mais elle doit prendre l'initiative comme elle l'avait fait en 1993 pour le médicament en anticipant sur la création de l'Agence européenne. Pour ne prendre que l'exemple des dispositifs médicaux, rien ne servirait d'avoir des exigences sanitaires au plan national s’il n'y avait une réglementation européenne imposant les mêmes standards de sécurité et d'efficacité. C'est pourquoi j'ai saisi la présidence de l'Union européenne à l'automne 1996 et alerter le président Santer afin que nous ayons, d'ici juin 1998, en plus du marquage CE tel qu'il existe actuellement, des conditions de sécurité sanitaires plus grandes.
Le Monde : L'alimentation humaine fera-t-elle l'objet de la future action sanitaire que vous entendez développer ?
Hervé Gaymard : La détection des pathologies liées à la toxicité de certains produits alimentaires seront, comme toute la veille sanitaire, du ressort du RNSP renforcé. Quant au contrôle est à la sécurité sanitaire des aliments, il est vrai que trois administrations sont aujourd'hui impliquées : celles de l'agriculture, de la santé, et, à Bercy, de la concurrence et de la consommation. L'honnêteté commande de dire que les contrôles sur le terrain sont, dans ce domaine, généralement jugés efficaces. Mais il faudrait encore renforcer leur coordination et leur mise en œuvre sous l'autorité des préfets. Des expérimentations vont être lancées dans le cadre de la réforme de l'État que pilote Dominique Perben. Le gouvernement va déterminer une organisation simplifiée dont le seul souci est la protection de la santé humaine.