Interviews de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, à Europe 1 le 23 septembre 1996, dans "Démocratie moderne" du 15 octobre et à RTL le 31, sur le pacte de stabilité budgétaire entre pays membres de l'Euro, sur le projet de budget pour 1997 et sur la privatisation de Thomson.

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Média : DEMOCRATIE MODERNE - Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - RTL

Texte intégral

Europe 1 : Lundi 23 septembre 1996

S. Attal : Le front républicain a réussi à mettre en échec le Front national à Toulon et à Chaville : selon vous, cela peut-il être une réponse politique qui peut se généraliser face au FN ou est-ce une alliance qui reste de circonstance ?

J. Arthuis : La République ça n'est ni le racisme et ni la xénophobie. Quand un candidat se recommande de tels principes, je crois que les républicains doivent se rassembler et je me réjouis des élections d'hier.

S. Attal : Exemple à suivre, donc ?

J. Arthuis : Il est des circonstances où les valeurs républicaines doivent être défendues sans ambiguïté.

S. Attal : Conseil de Dublin : la presse économique le dit ce matin, « la monnaie unique a passé un examen et un brevet de crédibilité ».

J. Arthuis : Un bon examen.

S. Attal : On voit un peu mieux les contours de l'Europe de la monnaie unique. Il y a des engagements, des sanctions, qui sont pris pour les pays qui ne respecteraient pas, après le passage de la monnaie unique, les critères de convergence de Maastricht. Qui va avoir le contrôle politique sur la politique monétaire dans cette future Europe : des techniciens ou des politiques ?

J. Arthuis : L'Europe doit d'abord être politique et c'est la raison pour laquelle j'ai proposé qu'à partir du 1er janvier 1999, il y ait un conseil de stabilité, 1er janvier 1999, quand on passera à la monnaie unique, il y aura les banques centrales des pays dotés de l'euro, donc une partie des pays qui vont constituer la Banque centrale européenne. Elle aura donc un pouvoir monétaire européen. Il faut qu'en face, il y ait une instance qui soit l'expression du pouvoir politique, car notamment en matière de change, c'est d'abord une responsabilité politique. Ce n'est pas la responsabilité de la Banque centrale, mais un équilibre institutionnel. Je crois qu'il faut nous préparer à équilibrer ainsi les pouvoirs car l'Europe doit être, au-delà de la monnaie, au service de l'emploi et au service de la cohésion sociale.

S. Attal : Faire l'union monétaire, avant presque de faire l'union politique, c'est pourtant le choix qui avait été fait depuis longtemps.

J. Arthuis : Tout doit aller de pair. Si on veut faire la monnaie unique, ce n'est pas par une sorte de fétichisme monétaire, mais parce que c'est la condition de la stabilité. Qu'est-ce qui a mis en difficulté les différents pays européens depuis une dizaine d'années ? Les fluctuations monétaires intempestives. Combien d'emplois détruits dans ces conditions, combien d'entreprises se sont cassées la figure et combien de chefs d'entreprise aujourd'hui hésitent à investir à cause d'un déficit de stabilité monétaire ! La monnaie unique, c'est l'antidote de l'instabilité. Il faut sortir de cette problématique. La seule chose qui nous préoccupe c'est la stabilité, à savoir la confiance, l'investissement, la croissance et l'emploi. Si nous voulons la monnaie unique, c'est parce que nous voulons cette stabilité, sans laquelle on ne crée pas d'emplois.

S. Attal : N'empêche que pour l'instant, vous avez proposé ce conseil de stabilité mais la décision a été remise à plus tard. Ça veut dire qu'on commence avec une Banque centrale européenne qui a le…

J. Arthuis : Je n'ai pas d'inquiétude. Il y a un an, je défendais au nom de la France la nécessité de constituer un SME bis, pour régler les relations entre ceux qui, au 1er janvier 99, allaient avoir la monnaie unique et ceux qui restaient en dehors. Comment allait-on gérer les parités de change entre les « in » et les « out » comme on dit, ceux qui n'y sont pas encore. À Dublin, nous avons réglé cette question, nous avons réglé les problèmes techniques. Et quand les chefs d'État et de gouvernement tiendront leur Conseil en décembre à Dublin, cette question sera réglée. Je n'ai donc pas d'inquiétude pour le 1er janvier 999. Si aujourd'hui, la monnaie unique est vraiment une dynamique, si nous accomplissons tout ça, c'est parce que nous voulons les taux d'intérêt les plus faibles possibles, c'est parce que nous voulons les conditions de la croissance.

S. Attal : Dans le même ordre d'idée, vous pensez aussi que, sur une autre de vos propositions qui a été pour l'instant écoutée poliment, des vraies sanctions pour les pays de l'Europe qui ne sont pas dans la monnaie unique et qui pourraient être tentés de faire des dévaluations compétitives, et donc avoir une politique de change agressive à l'égard des pays de la monnaie unique, il y aura aussi des sanctions ?

J. Arthuis : Il y a ceux qui auront l'euro. Il ne s'agit pas de dire : on est sage, on tient nos budgets en 97 et 98 car nous entrons dans la monnaie unique au 1er janvier 99. Quand on a une caisse commune, quand on se met à partager la bourse, il faut avoir une discipline commune. C'est l'intérêt de chacun des membres de la Communauté. Un pacte de stabilité pour ceux qui sont à l'intérieur de l'euro. Également, un pacte de convergence et de stabilité entre ceux qui ont l'euro et ceux qui ne l'ont pas encore. L'objectif étant que tous les membres de la Communauté disposent de l'euro le plus rapidement possible.

S. Attal : Sanctions ou pas sanctions ?

J. Arthuis : Quand quelqu'un ne respecte pas le contrat, on voit pour quel motif il ne l'a pas respecté et si, vraiment, il s'est abandonné à des facilités, il porte préjudice à la Communauté. Dans ce cas, il doit être soumis à un système de sanctions.

S. Attal : Qui seront les prochains pays à rejoindre l'union monétaire ?

J. Arthuis : Je me garderais bien de répondre à cette question. Je dirais simplement que la France sera présente au rendez-vous de la monnaie unique au 1er janvier 99.

S. Attal : Quand vous entendez les propos de votre collègue anglais, vous pensez que l'Angleterre s'est convertie ce week-end ?

J. Arthuis : Il me semble qu'il y a une sorte d'identité anglaise et je crois qu'il serait bon que nos amis anglais dissipent le plus rapidement possible quelques ambiguïtés.

S. Attal : On a parfois l'impression que la monnaie unique, selon Maastricht, c'est un peu un « nouvel Évangile ». J. Delors disait vendredi, ici : « le Traité prévoit de la souplesse ».

J. Arthuis : Il faut faire preuve de lucidité et de courage et arrêter de penser que si aujourd'hui, nous essayons d'équilibrer nos budgets, de réduire nos dépenses, et d'alléger nos impôts, ce serait pour des raisons européennes. Qui peut dire que nous aurions pu continuer dans une embardée de déficits publics, dans une embardée de dépenses publiques et d'endettement public ? Que l'on ait en perspective la construction européenne, et si on avait en perspective une souveraineté nationale pure et dure, on aurait encore plus l'obligation d'assainir les finances publiques.

S. Attal : Votre sentiment sur ce trait d'A. Juppé souligné par C. Pasqua hier à TF1 : « Je connais A. Juppé et ses qualités, mais je sais qu'il est assez susceptible et qu'il a tendance à prendre une analyse différente de la sienne comme une attaque personnelle ».

J. Arthuis : A. Juppé est un excellent Premier ministre, qui fait preuve de beaucoup de clairvoyance, de lucidité, de courage, de détermination. Ça n'est pas facile de faire vivre une telle rupture. Jusque-là, on s'abandonnait à la dépense publique, on reportait à demain les réformes structurelles. Nous voulons remettre la France en situation de réussite, de prospérité, de rayonnement, d'accueil.

S. Attal : Finalement, vous vous entendez bien avec A. Juppé ?

J. Arthuis : Naturellement.


Démocratie moderne : 15 octobre 1966

Démocratie moderne : En quoi le projet de budget pour 1997 va-t-il contribuer à une croissance économique plus soutenue ?

Jean Arthuis : Ce budget est historique, pour trois raisons : il maintient les dépenses en francs courants, il réduit le déficit public et surtout il abaisse l'impôt. Il constitue ainsi le moteur de la reprise économique et de la création d'emplois.

La réforme de l'impôt sur le revenu bénéficiera en priorité à tous ceux qui travaillent et investissent. D'ici cinq ans, c'est une réduction de 75 milliards de francs qui sera opérée, et comme vous le savez, en 1997, les contribuables bénéficieront d'un allègement de 25 milliards de francs. Nous avons également réduit fortement les charges qui pèsent sur les bas salaires, de près de 43 milliards l'année prochaine.

Ce rééquilibrage de notre fiscalité en faveur de l'activité va redonner un nouvel élan à l'économie, en libérant les énergies productives de notre pays.

Parallèlement, l'effort d'assainissement de nos finances publiques est la condition de la baisse des taux d'intérêt. Les entreprises comme les ménages en recueillent déjà les premiers bénéfices, les taux à trois mois sont passés de plus de 7 % au printemps 1995 à environ 3,5 % aujourd'hui et les taux longs, à dix ans, sont désormais à moins de 6 %. L'argent est ainsi moins cher pour ceux qui emprunteront prennent des risques. C'est un puissant facteur d'encouragement à la consommation et à l'investissement.

Démocratie moderne : Qui va bénéficier de la baisse des impôts annoncée ?

Jean Arthuis : Cette baisse va clairement bénéficier à l'ensemble des contribuables qui paient l'impôt sur le revenu. Elle va concerner largement les classes moyennes qui pouvaient avoir le sentiment jusqu'à présent de subir une trop forte pression fiscale. Dès la première année, chacun constatera les effets de la réforme : 95 % des contribuables verront, en effet, leur impôt baisser d'au moins 5 %.

La modernisation de l'impôt sur le revenu privilégie par ailleurs les familles. Leur situation et les charges qu'elles supportent sont mieux prises en compte : nous doublons le montant de la tranche de revenu taxée à zéro, ce qui entraîne un montant de 20 000 francs de revenus exonérés supplémentaires par part, pour tous les foyers.

Enfin, l'impôt diminue significativement pour les contribuables les plus modestes. Jusqu'à présent, celui qui sortait du chômage ou du RMI en trouvant un emploi faiblement rémunéré voyait tout d'un coup son impôt augmenter brutalement. Il fallait absolument supprimer cette aberration fiscale, injuste, que les experts qualifiaient de – trappe à pauvreté – ou de – trappe à chômage –.

Démocratie moderne : Quelles seront les étapes ultérieures de cette réforme fiscale ?

Jean Arthuis : Il s'agit effectivement d'une réforme sur cinq ans, qui permet à chaque Français de connaître de manière lisible et transparente les perspectives à moyen terme de notre fiscalité. Il était nécessaire de dessiner l'horizon, afin que chacun puisse se déterminer librement dans un contexte fiscal stabilisé et stimulant.

Les étapes de la baisse de l'impôt sur le revenu sont précisément fixées dans le projet de loi de finances que le gouvernement vient de soumettre au Parlement. Notre impôt diminuera de 25 milliards de francs en 1997, puis de 12,5 milliards de francs chacune des quatre années suivantes, en 1998, 1999, 2000 et 2001. Ce programme de baisse, sitôt voté par le Parlement, aura force de loi.

De plus, la croissance retrouvée, nous donnera des marges de manœuvre supplémentaires : elles seront alors affectées à la suppression des majorations exceptionnelles de TVA et d'impôt sur les sociétés qui avaient été décidées en 1995. Il conviendra, simultanément, de poursuivre et d'amplifier la baisse des charges sociales assises sur les salaires.

Démocratie moderne : Du côté des dépenses, quelles sont les priorités que vous vous êtes fixées ?

Jean Arthuis : La stabilisation des dépenses s'effectue de pair avec la préservation des orientations du gouvernement, en faveur de l'emploi et donc de la cohésion sociale. Les dépenses en faveur de l'emploi atteignent ainsi, dans le projet de budget, 150,3 milliards de francs, soit une progression de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1996.

De même, la croissance française est désormais plus créatrice d'emplois : le chômage commence à baisser à partir d'un taux de croissance de 1,3 %, alors qu'il fallait 3 % en 1990. Le choix de formations mieux adaptées est privilégié, puisque les crédits de l'apprentissage passent à 9,5 milliards de francs. Par ailleurs, des efforts sont engagés dans les zones prioritaires, que ce soit des zones franches, des zones de redynamisation urbaine ou de revitalisation rurale. Le deuxième volet de notre politique en faveur de l'emploi consiste à recentrer les dispositifs sociaux sur leurs cibles prioritaires. Le contrat initiative emploi poursuit son essor, avec 17,9 milliards de francs qui y sont consacrés. La prime du CIE sera cependant modulée pour favoriser ceux qui connaissent les plus graves difficultés.

La solidarité en faveur des plus démunis est renforcée et les moyens de lutte contre l'exclusion sont en augmentation de plus de 3 % par rapport à l'an passé. Le programme des prêts locatifs aidés « très sociaux » est porté de 20 000 à 30 000 logements. Autre exemple : les mesures d'accompagnement social, notamment par le biais des fonds de solidarité logement, bénéficient d'une dotation de 450 millions de francs.

Démocratie moderne : Avec ce projet de budget, la France sera-t-elle en mesure de respecter les critères fixés pour le passage à l'euro ?

Jean Arthuis : Pour la première fois depuis le début de la décennie, le gouvernement a réussi, l'an dernier, à réduire le déficit des administrations publiques, en le ramenant de 5,6 % du PIB en 1994, à 4,8 % en 1995.

Cette année, nous respecterons à nouveau notre objectif, en nous situant à 4 % du PIB. Nous avons apporté la preuve de notre capacité à tenir nos engagements et je puis vous assurer que nous continuerons : nous serons à 3 % du PIB en 1997. Mais laissez-moi vous mentionner que nous aurions, de toute façon, en dehors même de tout engagement européen, dû effectuer cet effort d'assainissement de nos finances publiques. Et il devra être poursuivi par la France, car c'est la condition d'une croissance saine, durable et créatrice d'emplois.

L'assainissement des finances publiques n'est pas un projet politique. Mais il n'y a pas de projet politique sans assainissement des finances publiques. Nous aurons l'euro et l'Europe en prime.


RTL : Jeudi 11 octobre 1996

M. Cotta : L'affaire de la vente de Thomson Multimédia à Daewoo n'en finit pas de faire des vagues. Le Premier ministre a accepté un débat parlementaire, mais pour quoi faire ?

J. Arthuis : Pour que chacun dispose des éléments de ce dossier.

M. Cotta : Sans avoir le choix ?

J. Arthuis : Que cesse cette polémique et ce débat passionné. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une opération de privatisation qui a fait l'objet d'un débat. Lorsque la liste des entreprises à privatiser a été établie, il y a eu débat au Parlement. Le Gouvernement a décidé, au mois de février, de procéder à la privatisation globale du groupe Thomson et Monsieur Roulet, le président de Thomson, a pris tous les contacts auprès d'acquéreurs éventuels. L'offre publique a été lancée au début du mois d'août et ceux qui avaient la volonté de prendre le contrôle de Thomson ont pu déposer sur le bureau du Premier ministre leurs propositions, dans la transparence, dans la clarté.

M. Cotta : Pour en revenir au débat parlementaire : vous avez dit hier qu'il aurait lieu après l'avis de la commission et pas avant, donc c'est un débat de simple information ? Mais peut-être que les députés auront des informations avant ?

J. Arthuis : Le Gouvernement se tient naturellement à la disposition du Parlement pour apporter tous les éléments de ce dossier, pour qu'il y ait de la clarté, pour qu'il y ait de la transparence.

M. Cotta : Oui, mais la transparence après, pas avant ?

J. Arthuis : C'est ce qu'a prévu la loi. La loi a prévu que le Gouvernement prenait connaissance des offres. On a choisi une opération de gré à gré. Pourquoi ?

M. Cotta : Pourquoi était-il nécessaire de privilégier Thomson, surtout la partie armement ? Et pourquoi le gré à gré ?

J. Arthuis : Parce que l'État a largement fait la démonstration que ça n'était pas sa vocation que de gérer des entreprises ; que dans un certain nombre de cas, ces entreprises peuvent connaître une mauvaise fortune et que lorsque ça ne va pas bien, qui paye ? Le contribuable. Le contribuable a mieux à faire que d'apporter son soutien, de dépenser ses impôts pour soutenir de telles entreprises. Donc, nous avons lancé cette opération de privatisation. Le Gouvernement a opéré de gré à gré, Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'éléments de Défense nationale, d'industrie d'armement et qu'il fallait maintenir un contrôle pour éviter que ceci aille dans l'escarcelle d'un groupe étranger. C'était la volonté du Gouvernement. On l'a fait dans la transparence puisque Monsieur Ducamin, vice-président du Conseil d'État, a suivi l'opération.

M. Cotta : La transparence est relative tout de même, avouez ?

J. Arthuis : Le Gouvernement a fait un choix préférentiel. Normalement, à ce stade de la procédure, tout aurait dû rester secret pour que la commission de la privatisation examine les éléments de ce dossier. Mais nous avions à transmettre ce dossier aux autorités de Bruxelles parce qu'il y avait une recapitalisation par des fonds publics et trois des sociétés en cause – Thomson CSF, Lagardère, Alcatel – sont des sociétés cotées en bourse. Il y avait des risques de délits d'initié, de fuites et de spéculations, c'est pour cette raison que le Gouvernement a rendu public son choix préférentiel.

M. Cotta : A. Prestat, le PDG de Thomson Multimédia, conteste le diagnostic fait par le Gouvernement. A. Juppé a dit que Thomson Multimédia « ça ne valait rien ou pas grand-chose », et A. Prestat répond que Thomson devait, mécaniquement, être rentable en 1998 après, effectivement, recapitalisation.

J. Arthuis : Entendons-nous bien : ces entreprises – qu'il s'agisse de Thomson Multimédia, qu'il s'agisse du groupe Thomson globalement – ce sont d'abord des équipes d'hommes et de femmes et c'est un capital humain qui n'a pas de valeur en soi. Il y a de richesse que d'hommes.

M. Cotta : Ça ne vaut pas rien ? Ça ne vaut pas le franc symbolique ?

J. Arthuis : Ça vaut considérablement. Mais quand on devient propriétaire d'un groupe, on souscrit des actions. Dans le cas particulier, que s'est-il passé ? Les candidats, chacun de leur côté, ont étudié le dossier, se sont fait une opinion sur la valeur du groupe. Ils ont dit : « il faut investir considérablement mais avant d'investir, il faut que l'État fasse un effort, sinon, nous ne pourrons pas en sortir, nous ne pourrons pas rentabiliser, nous ne pourrons pas assurer l'avenir de ce groupe ». L'État a donc l'obligation de procéder à une recapitalisation mais celui qui, demain, va assurer le contrôle du groupe Thomson, va devoir lui aussi investir considérablement pour que ça marche, pour que ça fonctionne, pour que ça réussisse.

M. Cotta : Avouez tout de même que, lorsque vous dites que le contribuable ne peut pas payer les nationalisations : là, il paye pour la recapitalisation.

J. Arthuis : Si ça n'avait pas été fait, on n'aurait pas pu privatiser ce groupe, parce que ceux qui s'y sont intéressés, qui ont étudié le dossier séparément et concurremment, sont arrivés aux mêmes conclusions : l'État, dans le passé, n'a pas fait son devoir d'actionnaire, il a laissé les pertes s'accumuler, les dettes croître, sans apporter ce que doit faire tout actionnaire raisonnable : des capitaux propres.

M. Cotta : Donc, A. Prestat se trompe ?

J. Arthuis : Je trouve très contestable que le responsable d'une entreprise en cours de privatisation participe ainsi au débat. Il faut aujourd'hui laisser à la commission de privatisation le soin de procéder aux évaluations et d'exprimer son opinion sur la préservation des intérêts patrimoniaux de l'État.

M. Cotta : Peut-être a-t-il jugé qu'il ne pouvait pas laisser son entreprise être sous les feux de l'actualité sans réagir.

J. Arthuis : Je souhaite que, dans cette affaire, nous puissions obtenir la plus grande sérénité possible. La commission de privatisation conduit les travaux qu'elle croit devoir conduire. Et c'est sur la base d'un avis conforme, après qu'aura eu lieu ce grand débat qu'a proposé Monsieur le Premier ministre, qu'il sera procédé à la privatisation. C'est l'avenir de Thomson, du groupe Thomson qui est en cause. Si on a agi ainsi, c'est aussi pour préserver les emplois et permettre la création d'emplois, notamment dans le secteur multimédia.

M. Cotta : Les promesses sociales de Daewoo, vous les tenez pour acquises ?

J. Arthuis : Toutes les entreprises qui font des promesses sont confrontées à un aléa. Ce qu'il faut, c'est réunir les facteurs les plus favorables pour gagner, pour réussir et pour sauver l'emploi.

M. Cotta : D'autres privatisations sont-elles à venir ? Dans votre calendrier aujourd'hui, peut-être le CIC, avec deux offres : la BNP et la Société générale. La commission de privatisation donnera son avis sur la recevabilité de ces offres aujourd'hui.

J. Arthuis : Ce sont les travaux de la commission de privatisation, je me garderai bien d'empiéter sur leurs prérogatives.

M. Cotta : Cette fois, elle fait ça avant, plutôt qu'après ?

J. Arthuis : Dans ce cas particulier, ce que nous voulons préserver, c'est l'identité régionale des banques du groupe CIC. Ce que nous voulons, c'est préserver l'enracinement local de ces banques parce qu'elles sont au contact des PME des différentes régions françaises. Nous procédons à cette privatisation parce que l'actionnaire majoritaire, qui est le groupe GAN, est dans une situation financière telle qu'il faut qu'il se défasse de l'actionnariat du groupe CIC. Et c'est l'intérêt du groupe CIC d'avoir un actionnaire de référence qui puisse l'accompagner dans son développement.

M. Cotta : La campagne de l'euro : vous aurez un gadget pour marquer la conversion des baguettes de pain.

J. Arthuis : C'est une bonne idée du président de la République que de permettre à chaque Français de procéder à la conversion. Lorsque nous connaîtrons au 1er janvier 1999 la parité entre l'euro et le franc, chacun aura sa petite calculette pour se dire : quel sera le prix en euros de ma baguette de pain, quel sera le montant de ma pension de retraite ou de mon salaire ? Et dans ces conditions, on se préparera à échanger des pièces et des billets libellés en francs français en des pièces et billets libellés en euros. Ce sera au 1er janvier 2002.