Conférence de presse de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur le bilan du sommet de l'OSCE et la modernisation du Traité sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE), Lisbonne le 2 décembre 1996.

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Circonstance : Sommet de l'OSCE à Lisbonne (Portugal) les 2 et 3 décembre 1996

Texte intégral

Le sommet de l'OSCE, intervient un moment très important puisqu'il est en quelque sorte le lever de rideau de la grande discussion, du grand débat sur la sécurité en Europe qui est désormais à l'ordre du jour et qui, sans nul doute, sera le sujet central de la diplomatie en Europe pendant l'année 1997.

Or, naturellement, je comprends que vous regardiez avec une grande attention ce qui se passe à ce sommet, que vous lirez avec un très grand soin les déclarations et les textes une fois qu'ils seront définitivement adoptés.

Je crois qu'on peut faire de ce sommet un bilan qui est, pour employer une formule déjà utilisée, « globalement positif ». Si vous vous souvenez du dernier sommet il y a deux ans, vous vous souvenez que celui-ci s'est terminé par une crise : le Président Eltsine, à l'époque, avait évoqué les risques d'instauration d'une paix froide. Dans le même temps, en Bosnie-Herzégovine, c'était un moment de guerre et l'OSCE n'y pouvait rien. Elle n'était d'ailleurs pas dans le coup. Au Caucase, la situation était à l'affrontement. Je dirais que, aujourd'hui, le paysage est différent et les décisions prises par les 54 pays membres de l'OSCE aujourd'hui sont d'une importance réelle.

D’abord, nous avons décidé d'engager la modernisation du traité sur les Forces conventionnelles en Europe. C'est un texte important, c'est un moment important. Le mandat qui est donné aux négociateurs, c'est, comme vous le savez, de passer d'un système de plafond établi jusqu'alors entre les alliances à des plafonds fixés en fonction de la nouvelle donne politique actuelle, c'est-à-dire, à des plafonds nationaux. S’y ajouter la reconnaissance d'un principe de suffisance qui succède aux principes d'équilibre entre les blocs et qui constitue, je dirais, la nouvelle référence pour les travaux quand ils vont être menés par les négociateurs. Enfin, a été adoptée ce que nous conviendrons d'appeler une clause de retenue par laquelle les états membres de l'OSCE s’engagent à ne pas s'armer davantage pendant la durée des négociations qui a été fixée en principe à 18 mois. Et donc cette négociation qui s'engage avant le sommet de l'OTAN montre que le forum de Vienne a toute sa place dans l'architecture de sécurité qui est en cours d'élaboration. Et comme vous le savez, la France attache une grande importance à la place de l'OSCE dans cette architecture. Nous sommes convenus, d'autre part, d'adopter une déclaration sur le modèle de sécurité en Europe et elle préfigure la Charte de sécurité, qui a été retenue comme un projet sur lequel nous allons travailler. Charte qui devra consacrer le nouvel équilibre européen et consolider l'indépendance de tous les États de notre continent.

Nous sommes convenus d'adopter un accord de principe ainsi qu'un programme de travail pour de futures négociations de maîtrise des armements, notamment des négociations régionales.

Enfin, « last but not least », il a été décidé de prolonger l'action de l'OSCE en Bosnie-Herzégovine, qu'il s'agisse de l'organisation et de la supervision des élections municipales qui n'ont pas eu lieu comme prévu à l'automne dernier et de l'observation des droits de l'homme ou des négociations sur le désarmement régional.

J'ajouterai que le document final confirmera le rôle de l'OSCE dans son action de médiation dans les conflits encore non résolus. Je pense à celui du Nagorno-Karabakh par exemple, comme à celui de l’Abkhazie (Géorgie). La France, pour sa part, souhaite s’impliquer davantage, plus activement, dans ces conflits pour essayer d’apporter sa contribution à leur solution. Comme vous le voyez, c’est un bilan qui est dans l’ensemble positif. C’est pour cela que je l’ai appelé « globalement positif ».

La France attache beaucoup d’importance à l’OSCE. Je vous parlais de ces préoccupations de sécurité, la grande discussion qui est désormais ouverte sur les meilleures façons d’assurer la sécurité en Europe. Nous pensons que l’OSCE doit jouer un rôle croissant. Nous pensons qu’aujourd’hui, une étape positive a été franchie, même si naturellement il devra y avoir d’autres étapes qui permettront de continuer de progresser dans cette voie. Voilà pourquoi, venant à Lisbonne à l’invitation du gouvernement portugais, qui a organisé de façon très remarquable cette rencontre, venant dans un pays avec lequel nous avons des relations étroites et chaleureuses, membre de l’Union européenne, je crois que nous pouvons nous exprimer en nous disant satisfaits des travaux qui ont déjà été conduits pour l’essentiel et s’achèveront demain, montrant les progrès réels accomplis par l’OSCE dans cette étape tout à fait important.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais dire d’entrée de jeu avant de répondre à vos questions.

 

Q. : Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner quelques éléments de commentaires sur la rencontre qui a eu lieu ce matin entre le Premier ministre israélien et le Président de la République ?

R. : Non, je ne ferai pas de commentaires. Le Président de la République a rencontré le Premier ministre israélien. Il a rencontré aussi, vous le savez, le vice-président américain Al Gore. Je ne ferai pas de commentaires sur ces deux entretiens.

Q. : Le Premier ministre russe, ce matin, dans son discours tel que je l’ai entendu à la traduction, a demandé pour l’OSCE un rôle non pas de commandement, bien sûr, mais de coordination des autres organisations de sécurité en Europe. Seriez-vous d’accord sur ce point de formule ?

R. : On peut discuter sur les mots à l’envi. Ce qui est certain, c’est que l’OSCE est la seule organisation où se retrouve la totalité des États concernés par les sujets de la sécurité en Europe. Elle a donc un rôle très important à jouer. Il y a naturellement l’Alliance atlantique, qui rassemble une partie de ces États et qui les rassemble avec une organisation militaire, des clauses de défense mutuelle, etc., qui est très importante également. Mais l’OSCE, dans sa qualité de seule organisation qui rassemble l’ensemble des pays, a un rôle central, pour les discussions sur le désarmement ou la réduction des armements, sur la solution des conflits régionaux, comme elle le fait avec plus ou moins d’efficacité ou de rapidité, mais comme elle fait par exemple aujourd’hui en Bosnie-Herzégovine, avec une contribution tout à fait importante. Elle est un forum où chacun se rencontre, se retrouve. Doivent ou peuvent, par conséquent, être évoquées l’ensemble des questions de sécurité. Il faut toujours avoir à l’esprit deux idées très simples. La première, c’est que nous sommes passés de l’ère de la confrontation – c’était le temps d’hier – à l’ère de la coopération et du dialogue entre pays qui poursuivent à des degrés divers la même démarche et qui n’ont pas de conflits entre eux, même s’il y a de temps en temps des problèmes à résoudre. Deuxièmement, lorsque l’on réfléchit à la sécurité en Europe, le dispositif auquel nous parviendrons doit apporter des réponses positives, satisfaisantes, à l’ensemble, c’est-à-dire à tous et à chacun. Si nous n’avions pas ces idées en tête, nous serions inexorablement, volens nolens, conduit à reconstituer une ligne de fracture que, Dieu merci, la disparition de l’Union soviétique a permis de faire disparaître et qu’il ne s’agit pas de faire renaître. Il s’agit d’élaborer un dispositif de sécurité dans lequel tous les pays obtiennent une réponse positive aux préoccupations légitimes de sécurité qui sont les leurs. C’est pourquoi l’OSCE, seule organisation où ils se retrouvent tous sans exception, est un lieu privilégié pour cheminer dans cette voie.

Q. : La position de la Russie sur l’élargissement de l’Alliance a-t-elle évolué depuis ?

R. : Il vaudrait mieux demander cela à la conférence de presse que M. Tchernomyrdine fera, je suppose. Mais la Russie exprime, me semble-t-il, de façon assez constante, des choses assez simples. Elle souhaite, elle aussi, que ses préoccupations de sécurité soient prises en considération et, de ce point de vue, la France a la même analyse. Nous pensons que, en effet, la Russie doit avoir, comme nous le souhaitons nous-mêmes pour nous-mêmes, le sentiment de vivre dans un monde sûr, dans lequel ses intérêts légitimes de sécurité trouvent leur réponse. Alors, cela la conduit à avoir vis-à-vis de l’Alliance atlantique ou de son élargissement des attitudes plus ou moins fermes. Je crois qu’on ne peut pas aboutir à une bonne issue des discussions, des négociations, on ne peut pas penser qu’on aurait une bonne architecture de sécurité, si, au bout de la route, chacun, y compris la Russie n’avait pas le sentiment que ses aspirations ont été prises en considération par les autres. Et ce qui est vrai pour la Russie l’est pour les autres. Elle n’est pas la seule à poser des questions. L’Ukraine pose des questions. Les Pays-Bas posent des questions. J’évoque à dessein les problèmes qui ne sont pas les plus simples. C’est pourquoi il faut prendre son temps, pour aboutir à une issue bonne et appropriée pour tous.

Q. : Le gouvernement est-il satisfait du rappel de l’ambassadeur du Zaïre en France ?

R. : C’est un drame épouvantable comme malheureusement il y en a. Mais ce qui est choquant, je crois qu’on peut appeler les choses par leur nom, ce qui est choquant pour les familles, pour l’opinion publique, pour la population de Menton, qui est une ville que je connais bien, c’est de voir que les immunités diplomatiques, qui ne sont pas faites pour cela, qui ont été l’objet de conventions très anciennes dans un autre but que cela, pourraient avoir pour résultat que l’auteur de cet accident – je n’ai pas de jugement à porter, je ne suis pas juge – pourrait être dispensé de toutes responsabilités. C’est ce qui choque. C’est la raison pour laquelle le gouvernement français a demandé au gouvernement zaïrois de lever l’immunité diplomatique de l’ambassadeur du Zaïre. Je répète les choses. Il y a des conventions internationales anciennes qui s’imposent à nous tous, et elles s’imposent à la France. Je ne crois pas qu’elles aient été faites pour cela et nous n’avons pas le pouvoir de nous y soustraire. Mais ces conventions n’interdisent pas à un pays de lever son propre chef cette immunité, qui concerne l’un de ses diplomates. C’est le sens de la démarche française.

Q. : Le rappel le soustrait-il à cette mesure ?

R. : Non, le rappel ne le soustrait pas. En tout cas, nous avons demandé très clairement au gouvernement zaïrois de faire en sorte que l’ambassadeur, qui se trouve être l’auteur de cet événement tragique, puisse assumer sa responsabilité comme chacun doit le faire dans la vie nationale, mais aussi dans la vie internationale.

Q. : Si le gouvernement zaïrois ne lève pas l’immunité ?

R. : À chaque jour suffit sa peine.

Q. : Quand la demande a-t-elle été faite ?

R. : Elle a été faite ce matin.

Q. : M. Netanyahu a déclaré hier que la vallée du Jourdain fera également partie du territoire israélien. Quelles seront les répercussions dans le processus de paix ? Quelle est la position française ?

R. : Permettez-moi de ne pas commenter les déclarations de tous les dirigeants du monde, y compris du Premier ministre israélien que d’ailleurs je n’ai pas lu, parce que ce que vous venez de dire, je ne l’ai lu dans aucune dépêche. Donc, je ne peux pas porter d’appréciation sur cela. Ce que chacun sait, c’est que le processus de paix est dans une phase particulièrement difficile, cruciale sans doute, à haut risque certainement, et que la France, comme d’autres, fait tous ses efforts pour tenter d’apporter sa propre contribution à la remise sur les rails du processus de paix.

Q. : Quelle est la réaction française à la répression de la manifestation de Belgrade ?

R. : Je crois qu’il y a eu une réaction de la présidence européenne qui a dû tomber il y a une demi-heure et qui a été faite après concertation entre les quinze États-membres. Elle est donc notre position. Mesdames et Messieurs, vous la verrez. C’est un texte qui exprime une mise en garde. Vous la verrez.