Texte intégral
Le projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier qui vous est soumis aujourd’hui rompt avec la tradition des DDOEF. Il se caractérise en effet :
– sur la forme, par sa relative brièveté (47 articles) si on le compare à des projets de lois analogues qui, dans le passé, comportaient parfois des centaines d’articles et par les quelques thèmes prioritaires retenus qui reflètent une réelle volonté politique. Je tiens ici à saluer les travaux de votre Commission des finances, de son président, Augustin BONREPAUX, et de son rapporteur général, Didier MIGAUD, qui ont contribué à donner un sens et une unité forte à ce projet de loi et à le maintenir dans des limites raisonnables ;
– sur le fond, par sa contribution à la priorité affirmée par le gouvernement, en faveur de la croissance, de l’investissement et de l’emploi : tel est notamment l’objet des mesures relatives à la simplification administrative, à la préparation à l’euro ou à l’évolution du secteur public. Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte ou l’action du Gouvernement a permis d’enclencher solidement le cycle de la croissance et de l’emploi en France.
L’orientation de la politique économique, l’essor de la croissance en Europe ou encore le changement de climat chez les consommateurs et dans les entreprises établissent des bases solides pour une consolidation de la reprise en France en 1998. Ce dynamisme de l’activité se traduit par une nette accélération des créations d’emploi : au dernier trimestre de 1997, la hausse des effectifs est ainsi pratiquement équivalente à celle enregistrée au cours des 3 premiers trimestres de l’année (+ 60 000 personnes au 4e trimestre de 1997, soit + 0,4 %).
En 1998, les bases de la croissance devraient s’élargir : en premier lieu la demande intérieure prendra le relais de l’exceptionnelle croissance des exportations de 1997 (14,7 % en moyenne sur l’année). En second lieu l‘expansion de l’activité se diffusera plus encore aux secteurs du bâtiment et des services. Ce faisant, elle concernera plus les moyennes et les petites entreprises, alors que ce sont surtout les grandes entreprises qui ont profité du « boom » des exportations industrielles en 1997.
C’est dans ce cadre que les mesures souvent techniques qui vous sont proposées doivent préparer notre pays à affronter l’avenir et créent les conditions objectives d’une croissance durable.
1) La première priorité abordée par le projet de loi est celle de la simplification administrative.
a) Il importe aujourd’hui d’adapter notre appareil administratif aux nouvelles technologies, au bénéfice des petites et moyennes entreprises. La simplification des procédures administratives constitue à cet égard un élément indispensable à la création des conditions propices au développement des petites et moyennes entreprises, principales sources d’emplois. La majeure partie des 200 000 créations d’emploi attendues en 1998 dans le secteur privé devrait ainsi être le fait des petites et moyennes entreprises.
Les mesures qui vous sont proposées s’inscrivent dans le cadre de la mission menée à ma demande par votre collègue, Dominique BAERT, et des trente-sept mesures annoncées par Marylise LEBRANCHU, secrétaire d’État aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l’artisanat, au mois de décembre dernier.
b) Les articles contenus dans le titre I du projet de loi traduisent les mesures qui nécessitent une intervention législative, puisque beaucoup d’autres, déjà adoptées ou en cours d’adoption, relèvent du pouvoir réglementaire. C’est le cas notamment des textes relatifs à la création d’une entreprise en un jour franc, à la généralisation de la déclaration unique d’embauche ou à la simplification des obligations comptables des petites entreprises qui sont en cours d’élaboration. Depuis le 1er janvier 1998, les formalités liées aux échanges intra-communautaires ont été allégées par un relèvement des seuils de la déclaration d’échange de biens. La fréquence des enquêtes statistiques auprès des entreprises de moins de 20 salariés a été réduite.
Ces mesures ont pour objectif de favoriser la production, en réduisant ce que l’on a appelé « l’impôt papier », par la simplification de la législation et l’allègement des obligations déclaratives dans les domaines fiscal et social.
Parmi ces mesures, qui concernent aussi bien la télétransmission des factures que l’harmonisation de dates de dépôt des principales déclarations professionnelles ou la suppression de déclaration d’embauche ou de licenciement aux caisses d’assurance maladie, trois peuvent être particulièrement soulignées :
– la suppression de l‘obligation de tenue du livre de paie et, surtout la simplification du bulletin de paie. La mesure proposée, c’est-à-dire la suppression de l‘obligation de mention des cotisations patronales, marque une étape vers le bulletin de paie en trois lignes que le gouvernement s’est engagé à mettre en place pour les très petites entreprises ;
– l’allègement des démarches pour les emplois occasionnels, qui lèvera d’importants freins à l’embauche dans les secteurs du spectacle, mais également du bâtiment et des travaux publics, des hôtels, cafés et restaurants ou encore du tourisme ;
– ou encore la possibilité de créer chez soi son entreprise ; la possibilité d’exercer une activité commerciale dans un local d’habitation favorisera le développement des activités de télétravail et de commerce électronique.
2) La deuxième priorité retenue par le projet de loi est celle de la préparation à l’euro.
a) Dans quelques semaines, la France, grâce notamment aux mesures d’urgence décidées en juillet dernier et à la réduction des déficits publics qu’elles ont permis, fera partie des pays qualifiés pour le passage à l’euro. Dans quelques mois, l’euro sera notre monnaie ; mettant fin aux dévaluations compétitives, l’introduction de l’euro viendra parachever le marché unique.
Les quatre conditions qui avaient été définies par la nouvelle majorité pour le passage à la monnaie unique ont été remplies : la première était un euro qui rassemble le plus grand nombre d’État européens – l’Institut monétaire européen dans son rapport sur la convergence rendu public le 25 mars à recommandé que 11 pays soient retenus, dont les pays du sud de l‘Europe – ; la seconde condition était que l’euro ne soit pas surévalué par rapport au dollar – le dollar s’est apprécié de près de 15 % depuis le début de l’année 1997 ; la troisième condition qui reposait sur la mise en place d’un gouvernement économique, interlocuteur de la banque centrale européenne, a conduit à la création du Conseil de l’euro ; enfin, la dernière condition, l‘adoption d’un pacte de solidarité et de croissance, a fait l‘objet du sommet de Luxembourg qui a décidé d’avancées concrètes en la matière.
Il ne s’agit cependant pas aujourd’hui d’anticiper sur le débat général de la participation de la France à la phase III de l‘Union économique et monétaire, qui se tiendra dans quelques jours dans cet hémicycle. Les hasards et les contraintes du calendrier conduisent en effet à examiner les conditions techniques du passage à l’euro avant le débat politique.
Ces conditions techniques revêtent une importance particulière. Il nous faut se doter des moyens de profiter pleinement de la dynamique ainsi créée. Cela constituera un profond changement pour nos concitoyens mais aussi pour les entreprises, notamment dans le secteur financier. Celui-ci aura à s’adapter le premier à cet environnement nouveau qui se traduira sans doute par un accroissement de la concurrence.
Il est important de permettre à nos entreprises financières d’aborder cette échéance avec tous les instruments nécessaires. Sinon, c’est l’emploi du secteur qui serait touché et, plus largement, la capacité d’innovation et de préparation de l’avenir que nos institutions financières doivent offrir à toute l’économie.
b) C’est dans cette perspective que se situent nos efforts en faveur du renforcement des entreprises et de la modernisation de notre industrie financière. Les dispositions du titre II du projet de loi y contribuent. Au-delà des nombreuses dispositions techniques, comme la sécurité des systèmes de paiement, la continuité des relations contractuelles ou les règles d’arrondissement, les mesures qui vous sont proposées poursuivent deux objectifs :
– elles préparent les entreprises à l’euro et adaptent leurs financements. Les entreprises seront ainsi autorisées à tenir leur comptabilité et établir leurs déclarations fiscales en euros dès le 1er janvier 1999 ; elles pourront convertir leur capital social en euros suivant des modalités assouplies. La cotation des instruments financiers en euros sera parallèlement explicitement autorisée ;
– elles favorisent un financement plus efficace dans une Europe protégée du risque de change, par la réforme de rappel public à l’épargne et l’élargissement des produits d’investissement collectifs autorisés.
La rénovation du régime de l’appel public à l’épargne permettra de concentrer l’action de la Commission des opérations de bourse sur la protection de l’épargne populaire. Selon la nouvelle définition, le placement d’instruments financiers auprès d’investisseurs qualifiés ou dans un cercle restreint d’investisseurs permettra exonérer les émetteurs des obligations d’informations liées à l’appel public à l’épargne.
L’euro entraînera une internationalisation des méthodes de collecte de l’épargne, notamment pour ce qui concerne la gestion pour le compte de tiers. La France dispose traditionnellement en ce domaine d’un réel avantage compétitif par rapport à ses principaux voisins, qu’il convient de mettre au mieux en valeur au moment de la réalisation de la monnaie unique. C’est ainsi que plusieurs catégories nouvelles d’OPCVM seront créées selon cet objectif.
Je souhaite enfin insister sur deux débats qui ont trouvé un écho particulier ces derniers jours :
– le projet de loi clarifie sans rien céder sur le plan fiscal, les conditions dans lesquelles une entreprise peut racheter ses propres actions. Plusieurs raisons fortes ont conduit à cette proposition, et tout d’abord la nécessité de réorienter les capitaux dormants vers l’investissement, la croissance et l’emploi. Le rachat d’actions permettra en effet de favoriser une bonne allocation de l’épargne au sein de l’économie en permettant aux entreprises qui disposent d’une trésorerie dormante de la remettre dans le circuit vers les entreprises qui souhaitent investir et créer des emplois ;
– un mot enfin de les mesure permettant, notamment à l’État, d’émettre des obligations indexées sur les prix. Il s’agit d’une mesure de gestion rigoureuse de la charge de la dette, fondée sur la constatation de la réalité de la désinflation. Le gain budgétaire annuel peut ainsi être estimé à près de 500 MF pour un encours de 100 MdsF d’obligations indexées.
3) La troisième priorité du projet de loi concerne l’évolution du secteur public.
Depuis le premier juin, le gouvernement a choisi de traiter le secteur public dans le souci de l’intérêt national, des entreprises concernées et de leurs salariés. Les dispositions du titre III ont pour objet tout à la fois d’améliorer le contenu des missions du secteur public et de permettre l’évolution de son statut.
Comme le soulignait le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale le 19 juin dernier, de telles adaptations seront nécessaires pour garder notre rang parmi les nations les plus développées du monde et se rapprocher de nos partenaires européens.
C’est ainsi qu’il est prévu d’organiser, sous forme d’un schéma directeur, l’extension du service public du gaz dans les zones non encore desservies ou de mieux prendre en compte le financement des mesures destinées à favoriser l’usage des transports publics en Île-de-France par certaines catégories sociales défavorisées.
C’est ainsi également qu’il est proposé d’associer les salariés à l’ouverture du capital d’Air France.
4) Le titre IV du projet de loi est consacré à la protection de l’environnement et de la santé publique.
La priorité à la production suppose une croissance durable, c’est-à-dire à la fois soutenue sur une longue période et soutenable pour l’environnement. Le Gouvernement s’est engagé à réfléchir, au cours de l’année 1998, à la mise en place d’une fiscalité plus écologique. La modification des modalités d’évaluation de la puissance administrative des véhicules constitue une première étape de cette importante adaptation de notre système fiscal.
La réforme que propose le Gouvernement permettra à la fois de simplifier des modalités de calcul que des sédimentations successives avaient rendues trop complexes, et de tenir compte de considérations environnementales pour la fixation de la puissance administrative des véhicules. Cette réforme se fera à prélèvement fiscal constant et ne conduira pas, compte tenu de son caractère progressif, à des pertes de ressources pour les collectivités auxquelles sont affectées les impositions établies d’après la puissance administrative des véhicules.
Des préoccupations environnementales justifient également l’adaptation du régime de responsabilité des propriétaires de pétroliers pour les dommages résultant de la pollution par les hydrocarbures, qui permettra à la France de disposer d’un dispositif juridique adapté en cas de pollution, ou encore la fixation des modalités de financement de l’élimination des stocks de farine d’origine animale non conformes à la législation sanitaire communautaire, annoncée par le ministre de l’agriculture au mois de février.
5) Quelques mots, pour finir, sur le titre V du projet de loi qui regroupent quelques dispositions diverses.
Un dispositif d’aide fiscale à l’acquisition de certains investissements lourds est proposé. Il privilégiera l’emploi et concentrera l’avantage fiscal sur l’exploitant des biens. Ce dispositif s’appliquera notamment aux navires de commerce. Le Gouvernement se conforme ainsi à l’engagement qu’il avait pris devant la représentation nationale, lors de la discussion budgétaire de cet automne, par la voix du secrétaire d’État au budget, M. Christian Sautter.
Enfin, s’agissant des emprunts russes et des spoliations subies par nos compatriotes en Russie, une disposition législative spécifique organise le recensement des créanciers, afin qu’ils puissent être admis au bénéfice de l’indemnisation prévue par l’accord du 27 mai 1997 entre la République française et la Fédération de Russie.
Les opérations de recensement dureront six mois ; C’est à l‘issue de ce délai, qui garantira que toutes les personnes ayant vocation à être indemnisées puissent faire valoir leurs droits, que le Gouvernement arrêtera, en liaison avec le Parlement, les modalités de répartition de la somme versée par la Russie.
Le calendrier serré a conduit le Gouvernement à déposer quelques amendements, qui n’avaient pu pour des raisons propres à chacun de ces dossiers, être intégrés au projet initial. Ils concernent notamment la validation législative des engagements de l’État à l’égard de la compagnie du BTP, la prolongation de 10 ans de la période de mise à disposition des fonctionnaires de la CNP, ou encore la transposition de la directive européenne sur la taxe à l’essieu.
Je tiens à saluer par avance Christian SAUTTER, Christian PIERRET et Marylise LEBRANCHU qui me suppléeront en tant que de besoin au cours des débats. À la diversité de ce projet de loi répondra ainsi la diversité du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie…
Les grands thèmes de ce projet de loi – simplification administrative, préparation au passage à l’euro, adaptation du secteur public – témoignent qu’au-delà des pétitions de principe, le Gouvernement agit dans une volonté de réforme et de modernisation, pour la croissance et pour l’emploi.