Interview de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, à RMC le 5 novembre 1999, sur la démission de M. Strauss-Kahn suite à l'affaire de la MNEF, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et la préparation des élections municipales de 2001 à Paris.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Philippe Lapousterle : Est-ce que vous êtes triste ce matin 48 heures après la démission de M. Strauss-Khan ?

Georges Sarre : Je suis un partisan de la responsabilité politique et bien entendu je considère que ce qui se passe est pénible et triste, parce que jusqu'à présent, enfin je vais faire un peu d'histoire…

Philippe Lapousterle : Vous n'avez pas été toujours d'accord, avec lui, c'est pour ça que je pose la question. Vous l'avez déjà trouvé un peu trop libéral.

Georges Sarre : Je ne suis pas toujours d'accord, c'est vrai, heureusement d'ailleurs. Parce que si je devais m'aligner en permanence, vous imaginez ! Non ce que je crois convenable de dire, c'est que cette affaire pose la question de l'équilibre et de la séparation des pouvoirs. Jadis, les ministres, quand ils étaient condamnés, démissionnaient. C'était bien car ils doivent être sanctionnés quand il y a…

Philippe Lapousterle : Faute avérée.

Georges Sarre : Des faits graves, des fautes avérées, jugées. Ensuite, récemment donc, on a vu des ministres qui, mis en examen, démissionnaient.

Philippe Lapousterle : Jurisprudence dite Bérégovoy/Balladur ?

Georges Sarre : Jurisprudence rien du tout ! Aujourd'hui, on constate qu'un ministre qui est l'objet d'une dénonciation, donc d'un dénonciateur, un procureur, chute. C'est quand même par rapport au principe républicain quelque chose qui pour ma part, me choque profondément. Je suis être bien sûr qu'il n'y a pas de malentendu, pour que la justice fasse son travail. Mais de là à avoir un pouvoir considérable conféré au juges, ce n'est pas bon, ce n'est pas logique, c'est malsain. C'est une direction mauvaise qui est prise et il faudrait corriger le tir.

Philippe Lapousterle : J'en profite pour vous poser la question, vous voterez la révision constitutionnelle indispensable à la fameuse justice ?

Georges Sarre : Je dirais que l'indépendance est présentée aux citoyens, parée de toutes les vertus et synonyme de neutralité et de rigueur, or je pense que les juges sont comme les autres, c'est-à-dire qu'ils ont des orientations idéologiques et politiques. Il est évident qu'un parquet, dit indépendant, prendrait lui aussi des décisions parfois arbitraires. Il est parfaitement fallacieux de lier l'indépendance de la justice, vis-à-vis des pressions politiques, à l'indépendance du parquet. En réalité, nous sommes dans une situation fondamentalement nouvelle qui est liée, je le crois, à la façon dont les hommes politiques se sont auto-dépossédés de leur pouvoir politique, les transférant à des organismes internationaux.

Philippe Lapousterle : Donc vous n'allez pas voter ce texte ?

Georges Sarre : En tout cas, aucune décision n'est prise mais c'est une position sur laquelle, en effet, je considère que ce n'est pas faire avancer le droit, c'est faire reculer le droit. Je voudrais prendre un exemple simple : il y a des manifestations de routiers, ils barrent les routes, un juge, un procureur, des magistrats décident d'interpeller, d'arrêter les meneurs dans un coin, dans un département – tenez en Bretagne en ce moment –, ils ont mis en prison, réaction de solidarité…

Philippe Lapousterle : Et le gouvernement décide que pour des raisons…

Georges Sarre : Eh bien politiques.

Philippe Lapousterle : Politiques, il ne convient pas de…

Georges Sarre : Voilà, on ne bouge plus.

Philippe Lapousterle : Donc, vous n'allez pas voter le texte, dans l'état je veux dire ?

Georges Sarre : Je considère que ça mérite débat au sein du Mouvement des citoyens, donc nous en débattrons.

Philippe Lapousterle : Les suites de l'affaire de la Mnef toujours, est-ce que le député communiste, M. Gremetz, hier a franchi la ligne rouge ou est-ce qu'il a dit la vérité ?

Georges Sarre : Je considère qu'il s'agit d'une déclaration individuelle qui n'engage que son auteur et que tout cela est d'une certaine façon pénible. Pourquoi est-ce pénible ? Je viens de dire accusateur, un dénonciateur, un procureur peuvent faire tomber un ministre, là voilà un député qui veut jouer les juges d'instruction. Personnellement, je ne connais pas le dossier de la Mnef. Tout ce que j'en sais, c'est par la lecture des journaux. Il faut arrêter tout ça et laisser la justice faire son travail ; et ceux qui sont mis en accusation peuvent se défendre. Voilà !

Philippe Lapousterle : La cohabitation, vous jugez qu'elle est en crise en ce moment ?

Georges Sarre : La cohabitation est un mauvais système mais hélas, il faut faire avec puisque les Français ont voté, nous conduisant à cette réalité qui dure longtemps. C'est quand même une cohabitation de cinq ans, mais je crois qu'elle ira jusqu'au bout, donc nous avons assisté à une tension qui naturellement va retomber puisque la logique veut que les deux protagonistes, le Premier ministre et le Président de la République, cohabitent.

Philippe Lapousterle : Sur le fond, quelle est votre pensée pour l'élu de Paris que vous êtes, lorsque le Premier ministre a parlé d'un système organisé entre partis et mairie du temps de M. Chirac ?

Georges Sarre : Je n'ai pas compris la réaction extrêmement nerveuse et vigoureuse de J. Chirac. Ce qu'a dit L. Jospin était prodigieusement, je dirais, juste, simple, et banal.

Philippe Lapousterle : Vous étiez élu de l'opposition.

Georges Sarre : Oui responsable de l'opposition, et en sa présence, j'ai toujours dit qu'il y avait un système Chirac à Paris, j'ai dû dire ça en 1979 peut-être, je l'ai redit cent fois, cent et unième fois donc ce matin. Qu'est-ce qu'il a dit d'autre ?

Philippe Lapousterle : L'élection municipale à Paris qui a fait tant de bruit, est-ce que d'abord, c'est le premier tour de la présidentielle comme on le dit et est-ce que à gauche on est enfin au point sur la candidature qui serait la meilleure pour la gauche à Paris ?

Georges Sarre : D'abord Paris est une ville qui est à la fois une commune et un département et ce sont des élections municipales qui vont intervenir, donc il ne s'agit pas d'une répétition pour la présidentielle. Tout cela est complètement dément, absurde. Dans mon esprit, il y a toujours eu plusieurs hypothèses dont celle d'un candidat de la gauche parisienne. Dans ce tourbillon, les Parisiens préféreront sans doute un élu qui a fait ses preuves à Paris. Si la droite envisage un parachutage, par exemple celui de P. Seguin ou tout autre, la gauche doit prendre le contre-pied et opposer au parachuté et dans ce cas, il y a aussi plusieurs hypothèses.

Philippe Lapousterle : M. Delanoë ?

Georges Sarre : Plusieurs.

Philippe Lapousterle : Et la procédure c'est quoi, le vote ?

Georges Sarre : Bien entendu, moi je suis pour que le parti de la gauche plurielle désigne au suffrage universel le candidat, au suffrage des militants, le postulant.

Philippe Lapousterle : Est-ce qu'il n'est pas ennuyeux M. SARRE que A.-J. Fulgéras, chef de la section financière du parquet de Paris, qui à traiter le dossier de la Mnef, ait été mutée, on va dire, brutalement, le jour même où le dossier repartait ?

Georges Sarre : Voilà très exactement l'archétype de situation qui montre qu'on a essayé de porter atteinte à la politique du gouvernement en disant : voilà ce magistrat, ce premier substitut du procureur de Paris est sanctionné parce qu'il y a le dossier de la Mnef. Elle vient de dire, vous avez Le Figaro...

Philippe Lapousterle : Elle dit qu'elle ne comprend pas.

Georges Sarre : Elle dit qu'elle ne comprend pas. Elle dit elle-même ce matin dans Le Figaro, que ça n'a aucun rapport avec le dossier de la Mnef.

Philippe Lapousterle : Non, elle dit ne pas comprendre pourquoi elle est mutée.

Georges Sarre : Elle peut ne pas comprendre pourquoi elle est mutée mais mo j'ai connu dans ma vie de fonctionnaire – j'ai été inspecteur dans une grande administration –, tout un tas de fonctionnaires qui sont mutés dans l'intérêt du service.

Philippe Lapousterle : Ce n'est pas une mauvaise coïncidence quand même ?

Georges Sarre : Je pense que la coïncidence est malencontreuse, ça c'est vrai, mais que voulez-vous, il y a plein de coïncidences dans la vie.