Texte intégral
Date : Mardi 7 novembre 1996
Journées Int’Air réseaux 96
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de participer à ces quinzièmes journées inter-réseaux. Je lui [...] d’ailleurs à plusieurs titres.
Tout d’abord, parce que je ne crois pas que mes prédécesseurs ministres de l’environnement aient souvent participé à vos travaux dans le passé. Or, il me semble essentiel de pouvoir dialoguer avec vous, ingénieurs et techniciens sans lesquels nos réseaux de surveillance de la qualité de l’air ne sauraient fonctionner.
Ensuite, parce que nous nous trouvons, en matière de surveillance de la qualité de l’air, à une charnière entre deux époques, entre deux ères, oserais-je dire, et que vous serez conduits à jouer un rôle essentiel dans les mois et années à venir.
Enfin, parce que nous nous trouvons cette année en Alsace et que nous savons tous le rôle important que joue l’ASPA, sous l’impulsion dynamique de son président, le sénateur Philippe Richert.
Comme vous le savez, le projet de loi sur l’air a été bâti, entre autres, sur la base des recommandations du rapport sur la surveillance de la qualité de l’air que m’a remis Philippe Richert.
Ce rapport continuera bien, entendu, à être valorisé puisque certaines de ses recommandations relèvent du niveau du décret et qu’il nous reste à préparer les décrets d’application de la loi.
Je tiens à remercier tout particulièrement l’ASPA, et notamment le président Philippe Richert, le directeur Alain Target et toute leur équipe, pour la gentillesse de leur accueil et la réussite de l’organisation de ces journées qui seront, j’en suis certaine, très fructueuses. Je sais qu’ils y ont travaillé tout ce week-end de la Toussaint et je voudrais leur exprimer ma gratitude pour ce travail.
La pollution de l’air est devenue un des enjeux majeurs du 21e siècle, comme en témoigne le nombre important de manifestations internationales de haut niveau consacrées à cette question. Ainsi, je serai de retour à Strasbourg, vendredi prochain, pour le premier Congrès européen de la nouvelle Fédération européenne des associations pour l’air pur et la protection de l’environnement, organisé par l’APPA.
La prévention de la pollution atmosphérique en ville est sans conteste une des attentes essentielles de nos concitoyens. Les sondages et études d’opinion montrent en effet que, parmi les problèmes d’environnement, la pollution de l’air est désormais, de loin, au premier rang de leurs préoccupations.
Cette prise de conscience se manifeste désormais par une demande accrue d’information par le public. Elle appelle l’adoption de mesures préventives et curatives. Il apparaît en outre nécessaire de prendre en compte les impératifs de lutte contre la pollution atmosphérique dans la définition des autres politiques publiques, telles que l’urbanisme ou les transports, dont elle doit devenir une composante à part entière.
C’est pourquoi je me suis assignée, l’an dernier, la lourde tâche de préparer un projet de loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, qui vise à remplacer un dispositif législatif vieux de 35 ans et devenu obsolète du fait de l’évolution des sources et des phénomènes de pollution de l’air.
J’ai tenu, pour préparer ce texte, à m’appuyer sur une large concertation. Tout d’abord, comme je vous l’ai indiqué, je me suis inspirée du rapport de Philippe Richert.
Je me suis également inspirée de la directive cadre communautaire concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant, qui avait fait l’objet d’une position commune sous ma présidence en juin 1995, et dont vous savez qu’elle vient d’être définitivement adoptée et publiée. Grâce à la loi sur l’air, la France sera l’un des premiers États membres à transposer cette directive dans son droit interne.
J’ai également constitué un groupe de concertation, regroupant l’ensemble des acteurs socio-économiques, dont des représentants des associations de gestion des réseaux. Je me félicite du climat constructif qui a prévalu tout au long des travaux de ce groupe.
J’ai personnellement présidé sept réunions de travail qui ont abouti à des accords et des différends. Le projet de loi a été bâti suivant un canevas résultant des consensus exprimés lors de cette concertation.
J’ai présenté le projet de loi en première lecture devant le Parlement à la fin du printemps. Je l’ai défendu en seconde lecture devant le Sénat il y a deux semaines, et ferai de même devant l’Assemblée nationale dans deux semaines. La loi devrait donc être promulguée avant la fin de l’année.
Bien entendu, ce qui vous intéresse au premier chef dans cette loi, c’est l’extension du système de surveillance, à la fois en terme de polluants mesurés et en termes de couverture géographique, ainsi que les moyens de financer cette extension.
Permettez-moi toutefois, au préalable, de vous rappeler l’esprit dans lequel s’insère cette surveillance. D’aucuns ont cru bon d’affirmer que cette loi n’était qu’un simple thermomètre. Il n’en est rien. Au contraire, elle va très au-delà.
Tout d’abord, c’est le premier texte du droit de l’environnement qui reconnaît que le droit à l’environnement passe par le droit à la santé. Ainsi, son article premier reconnaît notamment le droit à chacun de respirer un air pur qui ne nuise pas à sa santé.
J’ajouterai que le Parlement a renforcé le texte du projet de loi en introduisant à plusieurs autres endroits la prise en compte de la protection de la santé. Il a notamment souhaité que les réseaux de mesure surveillent également les paramètres de santé publique susceptibles d’être affectés par la pollution de l’air. Ces dispositions me semblent particulièrement importantes et méritent que j’y revienne plus en détail dans quelques instants.
Par ailleurs, le projet de loi reconnaît à chacun un droit à l’information. La transparence de cette information sera garantie par la gestion quadripartite de vos réseaux. La gestion multipartite existe depuis longtemps dans les faits, mais est désormais institutionnalisée dans la loi. En outre, le 4e collège, celui du secteur associatif et des personnalités qualifiées, sera désormais obligatoire.
Je sais que vos présidents sont demandeurs de la mise en place d’un Conseil national de l’air, qui donnera toute sa dimension à ce droit à l’information. Ils l’ont rappelé lors de leur 3e conférence en septembre dernier, à Mèze.
Le Parlement n’a pas souhaité voter les amendements présentés, notamment par Philippe Richert, pour la création d’un tel conseil, car celle-ci relève du niveau du décret et non de la loi. Ainsi que je m’y suis engagée devant le Parlement, j’ai adressé il y a quelques semaines au Premier ministre, un projet de décret en ce sens.
Pour améliorer de façon durable la qualité de l’air, le projet de loi pousse la logique de prévention jusqu’au bout en prenant en compte le court terme comme le long terme.
Ainsi, en vue du respect des objectifs et valeurs limites de qualité de l’air qui seront fixés, un plan régional pour la qualité de l’air sera élaboré dans chaque région, dans un double objectif de prévention et de concertation. Le Parlement a souhaité que ces plans régionaux soient obligatoires, ce dont je ne peux que me réjouir. Vous serez conduit à jouer un rôle clé dans leur élaboration.
Des plans de protection de l’atmosphère seront établis dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et dans les zones sensibles où les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées. Soumises à enquête publique et faisant l’objet d’une large concertation, les mesures prévues par ces plans pourront être d’application permanente et couvrir les installations fixes comme les installations mobiles.
Les mesures d’urgence en cas d’alerte à la pollution atmosphérique, qui seront mises en œuvre par les préfets, comporteront un dispositif de restriction des activités polluantes, y compris de la circulation des véhicules.
Actuellement, de telles mesures ne peuvent être prises que de manière autoritaire et sans transparence, alors qu’elles ont des conséquences directes sur l’organisation des transports. Comment, dès lors, pourraient-elles être comprises et acceptées ?
Ceci explique que des mesures n’aient, jusqu’à présent, été mises en œuvre que pour les installations industrielles et qu’aucune mesure de restriction de circulation n’ait été jamais prise, même dans les pires situations de pollution atmosphérique.
Là encore, vous serez conduits à jouer un rôle clé dans l’élaboration des plans de protection de l’atmosphère, et notamment des mesures d’alerte. L’amélioration de la prévision des pointes de pollution me semble une nécessité incontournable et je me réjouis qu’une bonne partie de vos travaux d’hier aient été consacrés à ce thème.
Le projet de loi fournit en outre une « boîte à outils » offrant une large palette de mesures techniques au niveau national destinées à réduire les émissions polluantes et les consommations d’énergie. Ces mesures concernent notamment les produits, les combustibles et carburants, ainsi que les véhicules. Elles seront renforcées localement en tant que de besoin par les plans de protection de l’atmosphère.
Le Parlement a ajouté des dispositions importantes à cette « boite à outils », qui visent deux secteurs particulièrement concernés par leur contribution à la pollution de l’air et aux consommations d’énergie, d’une part, du secteur du bâtiment, d’autre part, du secteur des transports.
Au-delà de ces dispositifs de prévention, j’ai souhaité que le projet de loi contienne des mesures positives. Il repose, en effet, sur un équilibre entre la contrainte et l’incitation. La réduction de la pollution dans nos villes ne pourra s’effectuer qu’avec l’adhésion de la population, qui devra accepter, puis trouver des avantages à modifier ses comportements.
Une nouvelle vigueur sera ainsi donnée au dispositif des plans de déplacements urbains. Élaborés et mis en œuvre par les organismes chargés du transport urbain, ils seront désormais obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, comme l’a souhaité le Parlement.
Par une politique globale à l’échelle de l’agglomération, ils permettront aux collectivités locales de favoriser les modes de transport peu ou moins polluants, de rationaliser les flux de circulation et d’aménager la voirie en fonction de ces deux objectifs.
Le Sénat vient, en outre, de voter un amendement que j’avais déposé, qui vise à mettre au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, à l’occasion de la réalisation ou de la rénovation des voies urbaines.
Autre aspect positif du projet de loi : il énonce les principes que la fiscalité des combustibles et carburants doit respecter, notamment le principe de neutralité. Il s’agit là d’une disposition importante car elle permet d’introduire dans les choix fiscaux la préoccupation environnementale.
Le projet de loi propose également des incitations fiscales destinées à faire décoller le marché des véhicules peu ou moins polluants, tels que les véhicules électriques ou ceux fonctionnant au gaz naturel ou au gaz de pétrole liquéfié.
Elles prendront la forme d’un remboursement de la taxe intérieure sur ces carburants pour les transports publics de voyageurs, de l’exonération de la taxe sur les véhicules de tourisme des sociétés, ainsi que de l’extension de l’amortissement exceptionnel sur douze mois, qui ne concernait jusqu’à présent que les seuls véhicules électriques.
Les exonérations de « vignette » et de la taxe sur les « cartes grises » que j’avais proposées, font actuellement l’objet d’un désaccord entre les deux chambres du Parlement, qui devra être tranché : l’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur de ces mesures, et le Sénat contre.
Le Parlement a, en outre, voté une disposition nouvelle visant à aider la diffusion des dispositifs de dépollution des véhicules existants des réseaux de transport en commun.
Enfin, le projet de loi est également positif parce qu’il contribuera à consolider la position de l’industrie française et européenne, et notamment des éco-industries. Je sais que certaines de ces sociétés, que je connais bien, pour les avoir invitées à m’accompagner dans mes déplacements à l’étranger, suivent vos travaux avec attention.
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de revenir aux aspects santé-environnement.
Les épisodes de pollution de 1994 et 1995 dans nos villes ont mis en évidence les problèmes de santé publique posés par la pollution de l’air extérieur en milieu urbain, due notamment à la circulation. Les liens entre la pollution atmosphérique et la santé ont, d’ailleurs, été démontrés par de très nombreuses études.
S’ajoute le fait que la circulation automobile ne limite pas ses effets sur la santé entendue au sens morbidité du terme. En effet, le bruit, les odeurs, la diminution des espaces offerts aux piétons sont autant de nuisances, de facteurs de mal-être, si ce n’est de maladies, des citadins. La santé est donc bien directement mise en cause par la pollution atmosphérique, notamment automobile.
Le couple santé-environnement est donc indiscutablement promis à un avenir très prometteur. Les débats qui se sont déroulés en France sur l’amiante, sur la « vache folle » ou autour de mon projet de loi sur l’air, démontrent que ce sujet est au cœur des préoccupations de nos concitoyens.
Ces débats témoignent très clairement de ce que, dans l’esprit de nos concitoyens, des médias, des politiques, c’est bien la santé qui justifie l’intervention du législateur.
Nous sommes donc, aujourd’hui, à une charnière entre la conception de l’environnement qui a dominé depuis 25 ans – puisque le ministère de l’environnement fête cette année ses 25 ans – et la conception des années à venir.
Le législateur s’était toujours intéressé au milieu naturel et aux activités susceptibles de lui nuire. Ce n’est pas à vous que je l’apprendrai, qui vous êtes penchés, dans les années 80, au chevet de nos forêts malades. L’homme, et plus précisément sa santé, n’avaient jusqu’à présent pas été au centre des préoccupations même si la santé ou la salubrité, voire l’hygiène, sont énumérées parmi les critères de référence de l’action de l’État.
Aujourd’hui, l’ordre des facteurs s’est inversé : la santé devient un problème environnemental cependant que l’environnement est géré en fonction de ses incidences sur la santé.
Cette transformation ne doit rien au hasard et paraît, au contraire, traduire une tendance très forte des années à venir. Même s’il est nécessaire que la protection de la nature et des écosystèmes demeure un objectif fondamental de la politique environnementale française, la prise en compte de la santé humaine sera l’un des axes majeurs des politiques futures.
Pour ces raisons, j’ai créé, et installé en septembre, un comité de la prévention et de la précaution, chargé, d’une part, d’une fonction de veille et d’alerte sur l’ensemble des questions d’environnement susceptibles d’avoir une incidence sur la santé humaine, d’autre part, d’assurer une expertise dans l’évaluation des risques liés à l’environnement sur la santé.
C’est dans ce contexte que le Parlement a souhaité que les réseaux de mesure surveillent également les paramètres de santé publique susceptibles d’être affectés par la pollution de l’air.
Je reconnais que c’est là une nouvelle mission pour les réseaux. Mais, loin de moi l’idée que vous vous vous transformiez en médecins épidémiologistes ou que vous recrutiez de tels spécialistes.
Je sais que vous vous intéressez déjà à la surveillance des effets sur l’environnement. D’ailleurs, le Sénat a adopté un amendement en ce sens, proposé par Philippe Richert. Vous avez notamment beaucoup travaillé avec des organismes de recherche pour surveiller les effets de la pollution sur les forêts, notamment ici, en Alsace, où s’élève la tour du Donon.
Il devrait en être de même pour la santé. Vous pourrez faire appel à des experts en matière de surveillance de la santé publique, dont je sais qu’il en existe dans vos différentes régions, notamment dans les centres de recherche hospitaliers.
Une partie des financements que j’ai obtenus en 1996 va, d’ores et déjà, être consacrée à la surveillance des effets des pollutions atmosphériques sur la santé.
Sans attendre la promulgation de la loi, mes services et ceux du ministère de la santé ont, en effet, confié au Réseau national de santé publique une étude visant à améliorer les méthodes de surveillance épidémiologique.
Cette étude se fondera sur des expérimentations dans quelques agglomérations, où les données sanitaires et environnementales semblent suffisamment importantes (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Bordeaux, Strasbourg et Rouen/Le Havre). Mes services demanderont aux associations de surveillance concernées de s’associer à ces démarches locales.
Les résultats de ces investigations devraient être directement exploitables pour l’ensemble du territoire français et devraient permettre de préciser la structure qu’il convient de mettre en place au niveau national, ainsi que les collaborations locales qu’il convient de nouer.
La surveillance des effets sur la santé n’est qu’un des aspects, certes non le moindre, de l’extension de notre système de surveillance de la qualité de l’air.
L’accroissement du nombre de polluants visés résultera notamment de l’évolution de la réglementation européenne, qui vous a été présentée en début de matinée.
L’extension géographique, prévue par loi, va d’ailleurs au-delà de la directive cadre, et même au-delà des projets de mes prédécesseurs, puisque les projets en vigueur, jusqu’à présent, ne visaient que les agglomérations de plus de 100 000 habitants et non la totalité du territoire.
D’autres thèmes me semblent également importants dans le cadre de cette rénovation de la surveillance de la qualité de l’air.
Il s’agit, par exemple, de l’emplacement des capteurs. Nos concitoyens s’interrogent, à juste titre, de l’absence de capteurs à hauteur des pots d’échappement, où passent les poussettes de bébés, voire à hauteur d’homme. J’espère que l’étude que mène Airparif sur ce sujet, donnera des résultats fructueux et je forme beaucoup d’espoirs sur le groupe de travails inter-réseaux sur la stratégie d’implantation des capteurs.
À terme, nous pourrions avoir un certain nombre de capteurs à faible hauteur, ne serait-ce que pour répondre aux aspirations légitimes de la population.
Un autre thème est celui de l’identité graphique de la surveillance de la qualité de l’air. J’attacherais beaucoup d’importance à la création d’une identité graphique commune, qui préserve, bien entendu, la liberté de chacune de vos associations.
Je sais que vous êtes, dans l’ensemble, demandeurs tant il est clair que l’union fait la force. Ce thème est l’une des priorités du programme de communication que je souhaiterais voir déboucher avant les pointes de pollution de l’été 1997.
Un autre thème de communication est celui de la journée de l’air prévue au printemps prochain. Il est clair que cette manifestation de couverture nationale devra s’appuyer, au plan local, sur vos associations.
Pour remplir l’ensemble de ces engagements et réaliser ces projets, j’ai obtenu les crédits nécessaires, tant en 1996 qu’à partir de 1997. Ainsi, le gouvernement vient d’affecter au budget de mon ministère, une première tranche de crédits de 200 millions de francs.
Une deuxième tranche de crédits de 200 millions de francs a d’ores et déjà été inscrite dans la base budgétaire de mon ministère dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997. Le budget de mon ministère a d’ailleurs été examiné hier soir par l’Assemblée nationale.
Je sais que vos présidents ont souligné, lors de leur conférence de Mèze en septembre, la nécessité de conserver le pluralisme traditionnel des financements des réseaux (État, collectivités locales et industriels).
Je suis, pour ma part, favorable à ce pluralisme. Certes, le projet de loi sur l’air ne fait référence qu’au financement de l’État. Toutefois, le financement des industriels reste acquis, que ce soit à travers les obligations réglementaires au titre de la législation des installations classées, ou à travers les déductions des sommes dues, au titre de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique.
Pour ce qui est des collectivités locales, si je n’ai pas souhaité que la loi leur impose un cadre contraignant, il n’en reste pas moins que je compte sur vous pour les persuader que c’est leur intérêt de participer au financement de cette mission d’intérêt général qu’est la surveillance de la qualité de l’air.
Je regrette que les crédits de l’État pour 1996 ne soient arrivés que relativement tardivement. Toutefois, mes services et ceux de l’ADEMDE ont activement travaillé en anticipant l’arrivée de ces crédits, en liaison avec vous-mêmes, puisque vous avez participé à des réunions de travail dès juillet. Les appels d’offre ont ainsi pu paraître quelques jours seulement après la mise en place effective des crédits.
Je crois qu’un point sur l’état d’avancement de ce programme vous sera fait par la DPPR juste après mon intervention. Je ne peux que vous encourager à surmonter les difficultés diverses que vous pourriez rencontrer.
C’est pourquoi j’ai souhaité être à l’écoute de vos préoccupations et devenir le témoin de vos expériences. Mes services et ceux de l’ADEME sont là pour vous aider à relever le défi de la modernisation de la surveillance de la qualité de l’air. Je sais que je peux compter sur vous comme vous pouvez compter sur moi.
1er Congrès européen de l’EFCA, à Strasbourg - Jeudi 7 novembre 1996
Monsieur le sénateur Richert, président de l’ASPA, Monsieur le préfet de région, Monsieur le président de l’APPA, Messieurs les présidents des associations membres de l’EFCA, Mesdames et Messieurs,
L’atmosphère est devenue un des enjeux majeurs du 21e siècle, comme en témoigne le nombre important de manifestations internationales de haut niveau consacrées à cette question. La protection de l’atmosphère doit notamment être l’un des éléments clefs de notre stratégie en matière de développement durable, stratégie à laquelle je suis particulièrement attachée.
Le développement durable
La notion de développement durable s’est peu à peu forgée au cours de ces années d’après-guerre ou une croissance incontrôlée des pays industrialisés a détruit, souvent de façon irréversible, ressources et patrimoine naturels, tout en apportant son lot de pollutions diverses.
Dès 1972, à Stockholm, la conférence des Nations unies sur l’environnement, évoque la notion d’écodéveloppement. À Nairobi, en 1982, apparaissent des oppositions marquées entre Nord et Sud, sur la question de l’explosion démagogique, et la notion d’exclusion. C’est à la suite de la conférence de Nairobi que le développement sera de plus en plus lié au questions d’environnement.
En 1983, l’ONU crée la commission de Brundtland dont le rapport « Notre avenir à tous » (Our Common Future) est publié en 1987. Ce rapport parle de « sustainable development » traduit en français, dans un premier temps, par « développement soutenable », puis ensuite par « développement durable ». Aucune de ces deux traductions n’est d’ailleurs pleinement satisfaisante mais le terme de développement durable a prévalu.
En effet, le développement durable repose sur trois indissociables : le développement économique, le développement social, la préservation de l’environnement.
Qu’une de ces bases fasse défaut, et tout l’édifice s’écroule. L’impératif du développement économique est donc d’assurer ces trois objectifs et ne plus sacrifier l’un par rapport à l’autre, comme cela a été trop souvent le cas pendant des années.
Lors du sommet Planète Terre de Rio en juin1992 (conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement), la France s’est engagée à présenter un rapport sur la stratégie française du développement durable en vue de l’assemblée générale des Nations unies de 1997.
Le 25 janvier dernier, j’ai renouvelé et installé la commission française du développement durable. Composée d’experts reconnus, elle pouvait, seule, rédiger ce rapport. J’ai, cependant, souhaité que ce rapport s’appuie aussi sur la vie au quotidien, la pratique de terrain, tant des élus que des multiples catégories de citoyens qui font la diversité de notre pays.
C’est pourquoi, j’ai invité les présidents des conseils régionaux à organiser, dès 1996, des assises régionales du développement durable, en liaison avec les services déconcentrés de l’État. Ces assises doivent mettre en évidence les priorités spécifiques de chaque région et souligner les difficultés rencontrées. Leurs conclusions participeront aux réflexions des assises nationales qui se tiendront au mois de décembre pour élaborer la stratégie française du développement durable.
Plus de la moitié des régions ont d’ores et déjà organisé ces assises. J’ai participé à la plupart d’entre elles et ai pu, à ces occasions, apprécier la qualité des débats qui se sont tenus. Je serai d’ailleurs, cet après-midi, à Lyon, pour les assises régionales de Rhône-Alpes, et je serai de retour à Strasbourg à la fin du mois pour les assises régionales d’Alsace.
La politique de l’air en ville
La prévention de la pollution atmosphérique en ville est, sans conteste, une des composantes essentielles du développement durable, dans nos pays industrialisés comme dans les pays en développement. C’est une préoccupation d’actualité.
Il s’agit, en effet, de répondre à une attente de nos concitoyens. Les différents sondages et études d’opinion effectués depuis plusieurs mois démontrent, en effet, que, parmi les problèmes d’environnement, la pollution de l’air est désormais, de loin, au premier rang des préoccupations des Français. Parmi les polluants qui préoccupent nos concitoyens figurent indiscutablement, d’une part, les composés organiques volatils, qui peuvent être toxiques – comme le benzène – ou conduire à des pointes de concentration d’ozone, d’autre part, les particules fines émises par les moteurs diesel.
Il en va certainement de même dans les autres pays européens. J’en prendrai simplement comme preuve, d’une part, la publication définitive le 24 septembre dernier, de la directive cadre communautaire concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant, qui avait fait l’objet d’une position commune sous ma présidence en juin 1995, d’autre part, la tenue, à Londres, en mai dernier, à l’invitation de mon collègue britannique John Gummer, d’une conférence ministérielle sur l’ozone, rassemblant les pays du centre nord de l’Europe, touchés par des épisodes similaires de pointe de concentration d’ozone.
Environnement et santé
Les épisodes de pollution de 1994 et 1995 dans les villes françaises ont mis en évidence les problèmes de santé publique posés par la pollution de l’air extérieur en milieu urbain, qui est maintenant essentiellement due à la circulation automobile. Les liens entre la pollution atmosphérique et la santé ont d’ailleurs été démontrés par de très nombreuses études, et les médecins qui sont dans cette salle pourront le confirmer.
S’ajoute le fait que la circulation automobile ne limite pas ses effets sur la santé entendue, au sens morbide du terme. En effet, le bruit, les odeurs, la diminution des espaces offerts aux piétons sont autant de nuisances, de facteurs de mal-être, si ce n’est de maladies, des citadins. La santé est donc bien directement mise en cause par la pollution atmosphérique, notamment automobile.
Le couple santé-environnement est donc indiscutablement promis à un avenir très prometteur. Les débats qui se sont déroulés en France sur l’amiante, sur l’encéphalopathie spongiforme bovine ou autour de mon projet de loi sur l’air, démontrent que ce sujet est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Ces débats témoignent très clairement de ce que dans l’esprit de nos concitoyens, des médias, des politiques, c’est bien la santé qui justifie l’intervention du législateur.
Nous sommes donc, aujourd’hui, à une charnière entre la conception de l’environnement qui dominé depuis 25 ans – puisque le ministère français de l’environnement fête cette année ses 25 ans – et la conception des années à venir. Le législateur serait toujours intéressé au milieu naturel et aux activités susceptibles de lui nuire. L’homme, et plus précisément sa santé, n’avaient jusqu’à présent pas été au centre des préoccupations même si la santé ou la salubrité, voire l’hygiène, sont énumérées parmi les critères de référence de l’action de l’État. Aujourd’hui, l’ordre des facteurs s’est inversé : la santé devient un problème environnemental cependant que l’environnement est géré en fonction de ses incidences sur la santé.
Cette transformation ne doit rien au hasard et paraît, au contraire, traduire une tendance très forte des années à venir. Même s’il est nécessaire que la protection de la nature et des écosystèmes demeure un objectif fondamental de la politique environnementale française, la prise en compte de la santé humaine sera l’un des axes majeurs des politiques à venir. Une transformation profonde devra s’opérer dans les esprits, dans les méthodes et dans les textes, tant il est évident que les lois proposent mais que finalement, le public dispose.
Pour ces raisons, j’ai créé, et installé en septembre, un comité de la prévention et de la précaution, chargé, d’une part, d’une fonction de veille et d’alerte sur l’ensemble des questions d’environnement susceptibles d’avoir une incidence sur la santé humaine, d’autre part, d’assurer une expertise dans l’évaluation des risques liés à l’environnement sur la santé.
Le projet de loi sur l’air
Cette prise de conscience se manifeste désormais par une demande accrue d’information par le public. Elle appelle l’adoption de mesures préventives et curatives. Il apparaît en outre nécessaire de prendre en compte les impératifs de lutte contre la pollution atmosphérique dans la définition des autres politiques publiques, telles que l’urbanisme ou les transports, dont elle doit devenir une composante à part entière.
C’est pourquoi je me suis assignée, l’an dernier, la lourde tâche de préparer un projet de loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, qui vise à remplacer un dispositif législatif vieux de 35 ans et devenu obsolète du fait de l’évolution des sources et des phénomènes de pollution de l’air.
J’ai tenu, pour préparer ce texte, à m’appuyer sur une large concertation. Tout d’abord, je me suis inspirée de l’excellent rapport réalisé par le sénateur Philippe Richert, président de l’ASPA. Association pour la surveillance et l’étude de la pollution de l’air en Alsace.
J’ai également constitué un groupe de concertation, regroupant l’ensemble des acteurs socio-économiques, dont des médecins, et auquel l’APPA a été associée. Je me félicite du climat constructif qui a prévalu tout au long des travaux de ce groupe. J’ai personnellement présidé sept réunions de travail qui ont abouti à des accords et des différends. Le projet de loi a été bâti suivant un canevas résultant des consensus exprimés lors de cette concertation. Ce groupe de concertation sera réactif pour la préparation des décrets. Je me fixe l’objectif de publier l’ensemble des décrets avant la fin de 1997.
Par ailleurs, ainsi que je m’y suis engagée devant le Parlement, j’ai adressé il y a deux semaines, au Premier ministre, un projet de décret instituant un Conseil national de l’air.
J’ai présenté le projet de loi en première lecture devant le Parlement à la fin du printemps. Je l’ai défendu en seconde lecture devant le Sénat il y a deux semaines, et ferai de même devant l’Assemblée nationale dans deux semaines. La loi devrait donc être promulguée avant la fin de l’année.
C’est le premier texte du droit de l’environnement qui reconnaît que le droit à l’environnement passe par le droit à la santé. Ainsi, son article premier, qui a été voté de manière conforme par les deux chambres, reconnaît notamment le droit à chacun de respirer un air pur qui ne nuise pas à sa santé. Le lien santé-environnement ne saurait être plus clairement établi. J’ajouterai que le Parlement a renforcé le texte du projet de loi en introduisant à plusieurs autres endroits, la prise en compte de la protection de la santé. Il a notamment souhaité que les réseaux de mesure surveillent également les paramètres de santé publique susceptibles d’être affectés par la pollution de l’air. Ces dispositions me semblent particulièrement importantes.
Par ailleurs, le projet de loi reconnaît à chacun un droit à l’information. La transparence de cette information sera garantie par la gestion quadripartie du système de surveillance de la qualité de l’air, la mission de surveillance sera confiée par l’État à des associations regroupant les pouvoirs publics, les collectivités locales, les industriels, ainsi que le secteur associatif et des personnalités qualifiées. À cet égard, j’observe que l’APPA est membre de l’ASPA depuis dix ans, je souhaite qu’il en soit de même dans les autres régions.
Ce système de surveillance sera progressivement étendu à l’ensemble du territoire d’ici l’an 2000, en commençant par les agglomérations de plus de 250 000 habitants au 1er janvier 1997 et de plus de 100 000 habitants au 1er janvier 1998. Par ailleurs, le nombre de polluants mesuré sera augmenté. J’attache notamment une importance particulière aux efforts qui seront faits pour mesurer le benzène, ainsi que les particules fixes émises par les moteurs diesel. J’espère que les recherches et développement en matière de mesure spécifique des particules fines pourront bientôt aboutir, afin que cette mesure puisse être rapidement opérationnelle.
Pour remplir ces engagements, j’ai obtenu les crédits nécessaires, tant en 1996 qu’à partir de 1997. Ainsi, le gouvernement vient d’affecter au budget de mon ministère, une première tranche de 200 millions de francs. Ces crédits permettront l’extension de la surveillance de la qualité de l’air, l’amélioration de la surveillance actuelle, le développement des études concernant la qualité de l’air et l’aide au fonctionnement des organismes participant à la surveillance de la qualité de l’air.
Une deuxième tranche de crédits de 200 millions de francs a d’ores et déjà été inscrite au budget de mon ministère, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, budget qui a d’ailleurs été voté lundi dernier par l’Assemblée nationale.
Pour améliorer de façon durable la qualité de l’air, le projet de loi pousse la logique de prévention jusqu’au bout en prenant en compte le court terme comme le long terme.
Ainsi, en vue du respect des objectifs et valeurs limites de qualité de l’air qui seront fixés, un plan régional pour la qualité de l’air sera élaboré dans chaque région, dans un double objectif de prévention et de concertation.
Des plans de protection de l’atmosphère seront établis dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et dans les zones sensibles où les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées. Soumises à enquête publique et faisant l’objet d’une large concertation, les mesures prévues par ces plans pourront être d’application permanente et couvrir les installations fixes comme les installations mobiles. J’attends avec intérêt certain les enquêtes publiques qui prévaudront à l’élaboration des plans de protection de l’atmosphère. En effet, alors que d’aucuns ont affirmé que la loi était insuffisamment contraignante, je suis convaincue que les observations que feront nos concitoyens lors de ces enquêtes publiques, montreront qu’il n’en est rien, bien au contraire.
Les mesures d’urgence en cas d’alerte à la pollution atmosphérique, qui seront mises en œuvre par les préfets, comporteront un dispositif de restriction des activités polluantes, y compris de la circulation des véhicules. Actuellement, de telles mesures ne peuvent être prises que de manière autoritaire et sans transparence, alors qu’elles ont des conséquences directes sur l’organisation des transports. Comment, dès lors, pourraient-elles être comprises et acceptées ? Ceci explique que des mesures n’aient, jusqu’à présent, été mises en œuvre que pour les installations industrielles et qu’aucune mesure de restriction de circulation n’ait été jamais prise, même dans les pires situations de pollution atmosphérique.
Le projet de loi fournit en outre une « boîte à outils » offrant une large palette de mesures techniques au niveau national destinées à réduire les émissions polluantes et les consommations d’énergie. Ces mesures concernent notamment les produits, les combustibles et carburants, ainsi que les véhicules. Elles seront renforcées localement en tant que de besoin par les plans de protection de l’atmosphère.
Le Parlement a ajouté des dispositions importantes à cette « boite à outils », qui visent deux secteurs particulièrement concernés par leur contribution à la pollution de l’air et aux consommations d’énergie. Il s’agit, d’une part, du secteur du bâtiment, avec les mesures suivantes : incorporation de matériaux de bois dans les constructions, équipement des immeubles permettant le libre choix de l’énergie utilisée, recours aux réseaux de chaleur et de froid. Il s’agit, d’autre part, du secteur des transports, avec les mesures suivantes : reformulation des carburants avant l’an 2000, réduction des émissions de composés organiques volatils liées au ravitaillement des véhicules dans les stations-service, remplacement des véhicules des flottes captives par des véhicules peu polluants et utilisation par ces flottes captives de carburants à contenu en oxygène renforcé.
Au-delà de ces dispositifs de prévention, j’ai souhaité que le projet de loi contienne des mesures positives. Il repose, en effet, sur un équilibre entre la contrainte et l’incitation. La réduction de la pollution dans nos villes ne pourra s’effectuer qu’avec l’adhésion de la population, qui devra accepter, puis trouver des avantages à modifier ses comportements.
Une nouvelle vigueur sera ainsi donnée au dispositif des plans de déplacements urbains. Élaborés et mis en œuvre par les organismes chargés du transport urbain, ils seront désormais obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, comme l’a souhaité le Parlement. Par une politique globale à l’échelle de l’agglomération, ils permettront aux collectivités locales de favoriser les modes de transport peu ou moins polluants, de rationaliser les flux de circulation et d’aménager la voirie en fonction de ces deux objectifs.
Par ailleurs, le Sénat vient, en outre, de voter un amendement que j’avais déposé, qui vise à mettre au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, à l’occasion de la réalisation ou de la rénovation des voies urbaines.
Autre aspect positif du projet de loi : il énonce les principes que la fiscalité des combustibles et carburants doit respecter, notamment le principe de neutralité. Il s’agit là d’une disposition importante car elle permet d’introduire dans les choix fiscaux la préoccupation environnementale.
Le projet de loi propose également des incitations fiscales destinées à faire décoller le marché des véhicules peu ou moins polluants, tels que les véhicules électriques ou ceux fonctionnant au gaz naturel ou au gaz de pétrole liquéfié. Elles prendront la forme d’un remboursement de la taxe intérieure sur ces carburants pour les transports publics de voyageurs, de l’exonération de la taxe sur les véhicules de tourisme des sociétés, ainsi que de l’extension de l’amortissement exceptionnel sur douze mois, qui ne concernait jusqu’à présent que les seuls véhicules électriques Le Parlement a en outre voté une disposition nouvelle visant à aider la diffusion des dispositifs de dépollution des véhicules existants des réseaux de transport en commun.
Enfin, le projet de loi est également positif parce qu’il contribuera à consolider la position de l’industrie française et européenne et notamment des éco-industries.
Recherche : programmes Primequal et Predit
La mise en œuvre de la loi serait handicapée si les pouvoirs publics n’avaient pas pris, en parallèle, des mesures importantes pour encourager la recherche et le développement, thème auquel vos associations pour l’air pur sont particulièrement attachées. Avec la participation de mon ministère à des programmes de recherches, j’entends que mon action se prolonge à la fois vers l’amont, c’est-à-dire la recherche, et vers le futur, c’est-à-dire la prospective, tant sociale qu’économique.
Permettez-moi donc de vous rappeler en premier lieu le programme Primequal (programme de recherche inter-organisme pour une meilleure qualité de l’air à l’échelle locale), et ses incidences sur la mise en œuvre de la loi sur l’air. Ce programme national de recherche interdisciplinaire a été mis en place en 1994 par le ministère de l’environnement, en réponse aux préoccupations croissantes liées à la pollution atmosphérique en milieu urbain, notamment à la pollution automobile et à ses conséquences sur la santé. Les autres ministères concernés y sont associés, ainsi que des organismes de recherche tels que l’ADEME, le CNRS et l’INSERM.
Doté d’un montant annuel de l’ordre de 10 millions de francs – hors salaires des chercheurs – sur une durée d’au moins 5 ans, ce programme vise avant tout à fournir les connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques, ainsi que les méthodes et les outils nécessaires à la prise de décision et à l’application des mesures appropriées destinées à améliorer la qualité de l’air en France.
La loi sur l’air pourra bénéficier des premiers résultats issus des recherches lancées à travers les appels à propositions de 1995 et 1996, qui seront connus à partir de l’année prochaine. Parmi les recherches de Primequal, je citerais volontiers celles dont le but est le suivant :
1. Améliorer la connaissance des effets sur la santé des nombreux polluants présents dans les atmosphères urbaines, notamment les polluants engendrés par la circulation automobile. L’accent est mis sur les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et sur les particules fines dont il faut améliorer à la fois la mesure et l’évaluation de leurs effets à long terme sur la santé. En prévision du développement de l’utilisation de carburants oxygènes, il faut également approfondir l’étude des effets des aldéhydes engendrés par ces carburants.
2. Améliorer le dispositif de surveillance de la qualité de l’air. Les réseaux de surveillance sont associés aux études de nouveaux instruments de mesure plus performants, y compris des systèmes de télédétection, et à la réflexion sur l’implantation des capteurs eu égard au suivi de l’évolution de la pollution « de fond » et à l’estimation des niveaux auxquels sont exposées les populations (pollution « de proximité »). Le Réseau national de santé publique est, pour sa part, associé aux études sur les risques sanitaires encourus par les populations.
3. Développer et tester des modèles numériques capables de simuler la façon dont les polluants atmosphériques se transforment et se transportent selon les différentes configurations météorologiques. Lorsqu’ils auront été validés, ces modèles pourront être utilisés à des fins de prévision des pointes de pollution à l’échelle locale ou régionale, dans le cadre de la mise en œuvre des plans de protection de l’atmosphère. Ces modèles pourront également servir pour l’évaluation de l’efficacité de différentes mesures à court terme comme à long terme, envisagées ou prises par les pouvoirs publics pour lutter contre les pollutions atmosphériques épisodiques ou chroniques, par exemple, dans le cadre des plans de protection de l’atmosphère et des plans de déplacements urbains.
4. Évaluer les coûts et les bénéfices des différentes mesures économiques envisagées, notamment celles touchant à la fiscalité des différentes sources d’énergie.
Afin de faciliter l’application des études et recherches développées dans Primequal à une meilleure gestion de la qualité de l’air en France, les liens doivent être renforcés entre les différents acteurs socio-économiques concernés par ce programme, au niveau national, bien sûr, mais aussi et surtout aux niveaux local et régional. Je cherche à impliquer davantage les collectivités territoriales, notamment via les associations qui gèrent les réseaux de mesure, ainsi que les industriels directement concernés, éco-industries de l’instrumentation de mesure ou de la dépollution de l’air, constructeurs automobiles, pétroliers.
La participation de ces industries devrait être facilitée par la prise en compte des recherches de Primequal, dans le volet « Énergie et environnement » du Predit (Programme de recherche et de développement industriel sur les transports terrestres). J’ai participé le 14 mars dernier, au lancement de ce programme. C’est la première fois que le ministère de l’environnement y participe, ce qui est la marque que la recherche sur les transports intègre définitivement les paramètres d’environnement et de santé comme déterminants pour l’économie du secteur.
Parmi les quatre volets de ce programme, deux concernent plus particulièrement l’environnement. Le premier concerne les recherches à caractère stratégique, dont la fonction principale sera d’éclairer notre compréhension et nos anticipations des demandes en matière de transports. Comme ce qui concernait l’utilisation de l’énergie voici 15 à 20 ans, nous découvrons aujourd’hui que les services attendus des transports par les individus et les entreprises sont multiples, qu’il faut bien davantage aujourd’hui raisonner en termes de fonctions et d’organisation que d’offre technique supplémentaire systématique.
L’avenir des villes dépend, pour une part non négligeable, de la façon dont nous saurons identifier et résoudre les problèmes de mobilité qu’elles posent. Il en va de même pour l’aménagement du territoire. Je tiens beaucoup aux comparaisons internationales que prévoit ce volet de recherche, car c’est aussi en prenant du recul par rapport à nos propres habitudes que l’on progresse dans une direction pertinente.
Enfin, un chapitre capital me paraît être celui de l’économie des transports. Une entreprise qui ne sait pas identifier ses coûts court à la faillite. Ici, il s’agit d’une entreprise particulière, la collectivité nationale, qui n’obéit pas aux mêmes règles budgétaires qu’une entreprise, mais a néanmoins des comptes à équilibrer, tant du point de vue budgétaire que du point de vue de l’ensemble de l’économie.
Le deuxième volet dans lequel l’environnement sera particulièrement actif porte sur l’approfondissement des connaissances scientifiques et technologiques nécessaires aux questions d’énergie, d’environnement et de sécurité concernant les transports terrestres.
Ces deux volets ont, à mes yeux, des conséquences importantes sur les autres aspects du programme conception et production, nouveaux objets technologiques (véhicules propres, sobres et sûrs), systèmes de transport et nouveaux services proposés aux usagers, gestion des déplacements urbains, systèmes de commande, d’information et de billettique. Il est maintenant clair que les performances énergétiques et environnementales des véhicules, infrastructures et systèmes de transport feront désormais de plus en plus partie intégrante du cahier des charges des aménagements constructeurs, urbanistes, concessionnaires, prestataires de service.
Conclusion
Mes services et moi-même continueront de suivre de très près les travaux effectués à l’étranger, notamment en Europe, afin de pouvoir bénéficier au mieux de l’expérience acquise par nos collègues confrontés aux mêmes problèmes que nous. Dans toute la mesure du possible, nous favoriserons la coopération entre chercheurs français et chercheurs des pays voisins. Je constate, avec satisfaction, que votre congrès s’inscrit dans ce cadre.
J’ai souhaité, à l’écoute de vos préoccupations et devenir, le témoin de vos expériences. Je regrette de n’avoir pu davantage suivre le déroulement de vos travaux, auxquels j’attache la plus grande importance. En effet, ils me seront particulièrement précieux dans le cadre de l’élaboration des décrets d’application de la loi sur l’air. Je serai notamment heureuse de pouvoir recevoir les actes détaillés de votre congrès afin de prendre connaissance des résultats des recherches et études qui ont été présentés. Je sais que je peux compter sur vous. Vous pouvez aussi compter sur moi.