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La Tribune : La création des zones franches répond-elle aux besoins exprimés par les villes qui ont à gérer des quartiers en difficulté ?
Martine Aubry : Je crois que l’on peut dire que c’est un outil de plus pour essayer de régler les problèmes de ces quartiers ghettos, qui sont des quartiers où il n’y a plus que des logements et des écoles et, dans le meilleur des cas, quelques services publics, très rarement des activités économiques. Elles permettent de maintenir les quelques commerces qui restent, d’en attirer d’autres, ainsi que quelques entreprises. C’est une bonne chose, mais aujourd’hui, c’est que les villes qui ont à gérer ces quartiers sont en grandes difficultés financières, du fait notamment des transferts de charges opérés par l’État sans transfert de moyens correspondants.
La Tribune : La politique de « discrimination positive » que l’on voit se démultiplier sur la quasi-totalité du territoire est-elle la réponse appropriée aux problèmes des banlieues, singulièrement à leur revitalisation économique ?
Martine Aubry : Pour moi, la vraie réponse à moyen terme, c’est qu’il faut reconstruire de vraies villes à la place de ces quartiers, qui sont des quartiers de relégation sociale, avec des taux de chômage entre 30 % et 50 %, des revenus moyens très inférieurs à la moyenne nationale, avec des populations qui ne vivent souvent que de revenus de substitution. La vraie réponse, c’est la mixité sociale. Nous avons devant nous un grand chantier pour trente ans. Il faut casser ces ghettos, reconstruire de vraies villes, y réimplanter des services publics. Les zones franches peuvent permettre de ramener de l’activité économique, de changer l’état d’esprit de ces quartiers. En cela, c’est une bonne chose. Mais, il faudrait une politique autrement plus volontariste en matière de logement, alors que le Gouvernement baisse les budgets des Palulos (rénovation) ou des PLA (HLM) et d’aides aux associations.
La Tribune : Les dispositions retenues sont-elles de nature à attirer les investisseurs ou les créateurs d’entreprises ?
Martine Aubry : L’exonération des charges fiscales et sociales, c’est une bonne chose. Malheureusement, la Commission européenne veut limiter celles-ci à 50 emplois. C’est une vraie limitation. Mais, les entreprises ne viendront pas seulement pour les exonérations. Nous devons aussi nous, élus, être capables de changer l’image de ces quartiers.
La Tribune : Les zones franches posent la question de la juste concurrence. L’exemple de Roubaix ne crée-t-il pas un risque de déséquilibre entre acteurs économiques ?
Martine Aubry : ce qui inquiète les commerçants de Lille ou Tourcoing, c’est davantage l’implantation d’un Usine Center. La zone franche, c’est différent. Les difficultés de Roubaix comme de Tourcoing, avec leurs friches industrielles ou d’habitat, justifient la revitalisation du centre-ville si l’on veut une ville renouvelée, avec des logements, des commerces, des activités, sinon cette ville va mourir. C’est pourquoi j’ai plaidé pour l’intégration du centre-ville dans le périmètre.