Texte intégral
O. Mazerolle : Après la libération du gouverneur du Crédit foncier de France, les salariés attendent l’annonce du plan Arthuis pour reprendre les négociations. Vont-ils l’obtenir ?
A. Lamassoure : Il n’y a pas de plan Arthuis. Le problème a été remarquablement présenté sur votre antenne par J.-Y. Hollinger. Le Crédit foncier est un établissement très particulier, qui n’est pas une banque nationalisée mais dont les dirigeants étaient nommés par l’État et qui, pendant des années – une dizaine d’années – a bénéficié d’un monopole, à savoir le monopole de la distribution de prêts immobiliers bonifiés par le Trésor, et il n’a pas su s’adapter à une situation économique nouvelle.
O. Mazerolle : Les salariés disent qu’ils veulent continuer à exister en assurant l’intégrité du Crédit foncier de France. Est-ce qu’ils vont obtenir des négociations sur cette base ?
A. Lamassoure : Ils obtiennent des négociations et dans maintenant un peu plus d’une demi-heure, à 8 h 30, le conciliateur qui a été nommé par le Gouvernement a pris contact avec l’intersyndicale, et s’il y a une formule d’avenir des métiers du Crédit foncier, de l’institution du Crédit foncier différente de celle qui est aujourd’hui sur la table, nous sommes tout à fait ouverts à la négociation. En attendant – et c’est très important – le projet de loi que le Gouvernement avait préparé pour sauver les métiers du Crédit foncier et éviter tout licenciement au Crédit foncier, est pour l’instant gardé sous le coude, en attendant que la négociation puisse se nouer et se dérouler.
O. Mazerolle : Donc, il est suspendu pour le moment ?
A. Lamassoure : Nous mettons toutes les conditions pour que la négociation puisse réussir.
O. Mazerolle : Donc, il est suspendu ?
A. Lamassoure : Il n’y a pas eu, au départ, de plan gouvernemental. Il y a la volonté du gouvernement de sauver les emplois, ce qui est déjà garanti à l’heure où nous parlons, et la volonté – là, je parle en tant que ministre du budget – de préserver l’argent des contribuables. Car, il n’y a aucune raison pour que ce soit les auditeurs de RTL, entre autres, qui paient les erreurs de gestion évoquées tout à l’heure par J.-Y. Hollinger.
O. Mazerolle : Pourquoi chaque fois que Bercy s’occupe d’un dossier du secteur public, cela ne marche jamais ? Cela a été le cas pour Thomson, pour le CIC, pour la SFP et maintenant le Crédit foncier de France. Cela fait quand même une lourde addition, non ?
A. Lamassoure : Oui, mais je pourrais vous donner l’addition, quatre fois plus importante, de privatisations qui ont marché. Pour prendre des exemples récents, il y a eu les AGF, Renault. Il y avait eu beaucoup d’autres privatisations avant. Nous sommes en train de préparer la privatisation de France Télécom qui va marcher. Il est plus facile de vendre une entreprise qui fait des bénéfices qu’une entreprise qui perd de l’argent. Tout à l’heure, vous évoquiez la situation d’Air France, pour remarquer qu’elle va fortement redresser sa situation financière et que la compagnie recommençait à réembaucher des pilotes. Bravo !
O. Mazerolle : Les députés de la majorité ont été particulièrement critiques sur le Crédit foncier de France : pas de transparence, informations incomplètes et pas fiables, dossier catastrophique ! Que se passe-t-il, c’est le ministre, M. Arthuis, qui ne comprend pas ou c’est l’administration de Bercy qui est dictatoriale, et qui dicte finalement ses volontés financières ?
A. Lamassoure : Pas du tout. C’est un dossier sur lequel le Gouvernement agit de manière tout à fait transparente depuis des mois et des mois. La vérité est que le Crédit foncier avait dix milliards de francs de pertes l’année dernière, et 2,5 milliards de fonds propres négatifs. Une entreprise ordinaire dans cette situation aurait déposé le bilan depuis longtemps et cela ferait aujourd’hui 5 000 chômeurs supplémentaires.
O. Mazerolle : Est-ce que l’on n’aurait pas pu discuter avec les salariés comme vous le faites actuellement ?
A. Lamassoure : Les discussions ont commencé, il y a déjà des mois. Il se trouve qu’il y a eu un seul repreneur qui s’est présenté et si on veut sauver les métiers de la banque, voire la banque elle-même, il faut l’adosser à un autre établissement. Il y a un seul repreneur qui a fait une proposition. Les syndicats contestent ce repreneur. S’il y a un autre repreneur qui se présente, nous sommes naturellement ouverts.
O. Mazerolle : Autre dossier chaud : la SNCF, La CGT et la CFDT-Cheminots ont annoncé pour le 10 janvier, une journée de grève. Avis de tempête ?
A. Lamassoure : Non. Je pense que c’est plutôt, en l’espèce, un combat d’arrière-garde qui est mené. Il faut savoir que voilà un exemple de réforme où, si nous en avions parlé il y a un an, c’eût été en termes très durs, comme vous venez de le faire pour le Crédit foncier. Un an après, après beaucoup de concertations, nous avons trouvé une solution qui nous permet de sortir la SNCF de cette espèce de triangle des Bermudes infernal en vertu duquel le chiffre clé était 45 milliards de francs, qui représentait les salaires payés par la SNCF, l’équivalent des recettes commerciales de la SNCF et l’équivalent de ce que l’État versait chaque année à la SNCF. Désormais, nous proposons une solution qui clarifie les responsabilités, ce dont tout le monde avait besoin. Il y aura, d’une part, les infrastructures qui dépendront d’un établissement public, Réseau ferré de France ; d’autre part, la SNCF, entreprise de transports, utilisera cette infrastructure.
O. Mazerolle : Oui, mais les cheminots n’en veulent pas, en tout cas, une partie.
A. Lamassoure : Attendez ! C’est plus compliqué que ça : nous avons l’accord de six syndicats ; le Sénat est en train de voter ce projet de loi ; personne n’a d’ailleurs proposé d’alternative à ce projet. Dans ces conditions, nous avons là les moyens d’un redressement durable de la SNCF. C’est une nouvelle réforme qui va réussir.
O. Mazerolle : Vous irez jusqu’au bout ?
A. Lamassoure : Nous irons jusqu’au bout.
O. Mazerolle : On parle beaucoup de gel de crédits sur le budget 1997, c’est-à-dire d’engagements de dépenses qui seraient supprimés à une hauteur de 20 milliards de francs. C’est vrai ?
A. Lamassoure : Nous prenons des précautions en début d’année pour faire des économies. Pour l’instant, nous n’avons pas arrêté le montant de ces économies. Ce qu’il faut que l’on sache, c’est que l’économie française, aujourd’hui, est repartie du bon pied et que le climat n’est plus du tout à la morosité. Nous avons maintenant des signes concordants montrant que la consommation des ménages est à un haut niveau, que les exportations atteignent des niveaux records – elle vont être accrues par la montée extraordinaire du dollar, qui est passé en quelques semaines de 5 francs à plus de 5,50 francs –, que les investissements à leur tour vont repartir et que même le secteur immobilier se porte mieux. Ceci va nous permettre cette année de réussir les objectifs que nous nous sommes assignés : réduire à la fois les déficits, les dépenses et la pression fiscale.
O. Mazerolle : Encore moins d’impôts que prévus, comme l’a dit le Président de la République ?
A. Lamassoure : Le Président de la République a souhaité qu’on aille plus loin dans la baisse de l’impôt. Nous verrons quand nous pourrons le faire.
O. Mazerolle : Cette année ?
A. Lamassoure : Cette année, d’ores et déjà, si vous êtes mensualisé…
O. Mazerolle : D’accord, mais ça, c’est l’annonce qui avait été faite en septembre ! Est-ce qu’il y aura plus ?
A. Lamassoure : Excusez-moi, mais il faut que les Français sachent et vérifient dans leur feuille d’impôts qu’ils vont payer 25 milliards de francs d’impôts sur le revenu en moins, c’est-à-dire en moyenne 7 ou 8 % de moins dès cette année. En outre, nous avons fait voter par le Parlement que les impôts continueraient de baisser avec le taux en 1998-1999 et en 2000-2001 ; et en fonction des résultats de l’année 1997, nous verrons à quel moment et sur quels impôts nous pouvons aller plus loin, comme le souhaite le Président de la République. C’est pour cela qu’en début d’année, je prends quelques précautions – comme on le fait dans les familles quand on gère bien son patrimoine – de manière à faire en sorte que nous puissions tenir tous ces objectifs.