Texte intégral
Pascale Clark : C'est un contexte extrêmement particulier pour la France en ce moment, ça ne nous aura pas échappé : double tempête, terrible marée noire. Pour le RPR, qui est donc dans l'opposition, est-ce qu'il y a un rôle à jouer dans ce contexte là ?
Patrick Devedjian : Je crois que le temps des disputes politiciennes s'efface un peu. Le devoir aujourd'hui c'est un devoir de solidarité nationale et on voit bien d'ailleurs que tout le monde y participe. Le RPR n'entend pas profiter de la situation pour accabler le Gouvernement devant les difficultés actuelles.
Pascale Clark : Vous avez essayé un petit peu quand même.
Patrick Devedjian : Non. Il y a quelques critiques malgré tout qu'on peut faire sans être de mauvais alois. Je pense que 40 millions pour la marée noire c'est dérisoire. J’espère que le Gouvernement va améliorer sa proposition parce que si on pense par exemple au fonds du Fipol, c'est un milliard deux, c'est-à-dire 30 fois plus et si on pense simplement à la seule assurance de l'armateur italien c'est 80 millions, deux fois plus. Donc 40 millions pour la dépollution, c'est vraiment très peu de chose.
Pascale Clark : Mais les assurances sont là pour payer aussi. C'est leur rôle.
Patrick Devedjian : Oui mais on voit bien que les dégâts de la marée noire coûteront certainement beaucoup plus - on voit bien l'étendue des dégâts. Et puis, après tout le Gouvernement peut aussi faire l'avance des fonds parce que les compagnies d'assurance mettent souvent beaucoup de temps à payer. On se souvient que pour l'Amoco Cadiz, il a fallu attendre je crois plus de, 12 ans pour être payé. Donc en attendant il faut vivre.
Pascale Clark : Donc 40 millions pour la marée noire, vous dites insuffisant ?
Patrick Devedjian : Je crois vraiment que ce n’est pas beaucoup. 100 millions pour les deux tempêtes c'est également dérisoire, c'est vraiment très très peu.
Pascale Clark : C'est une première enveloppe.
Patrick Devedjian : Oui, c’est une première enveloppe. Les chiffrages des compagnies d'assurance tournent aujourd'hui entre 10 et 20 milliards. Donc 100 millions c'est vraiment très peu de chose, c'est surtout très peu de chose par rapport à la cagnotte. On a de l'argent ; l'accumulation de la cagnotte sur l'année c'est 32 milliards. Donc on a des fonds devant nous. On peut aussi recourir - et c'est le moment de le demander - aux fonds structurels européens ; la solidarité européenne, c'est maintenant qu'elle doit jouer. L'Europe ce n'est pas que des contraintes, c'est aussi une solidarité et il me semble que le Gouvernement ferait bien de demander à la Commission de Bruxelles le bénéfice des fonds structurels au titre de la solidarité face à ces deux tempêtes. Donc ce ne sont pas des critiques fondamentales. C'est une première enveloppe, vous l'avez dit ; j'espère que le Gouvernement va faire mieux, en tous les cas on en a besoin.
Pascale Clark : Vous êtes quand même très mesuré ce matin, tant mieux peut-être mais c'est ce contexte très particulier qui vous incite à la modération ?
Patrick Devedjian : Je pense que c'est une catastrophe. Il faut être honnête, tous les gouvernements - de droite ou de gauche - auraient eu des difficultés à y faire face. Si nous étions aux responsabilités gouvernementales, nous aurions aussi des difficultés. Donc on ne peut pas reprocher au Gouvernement ces difficultés. Simplement, puisque nous sommes tous solidaires, nous pouvons aussi donner nos conseils, notre vision et je crois qu'il faut mettre plus d'argent. On a les moyens de mettre plus d'argent, on a eu toute une polémique avant les événements sur l'emploi de la cagnotte, que faire de la cagnotte ?
Pascale Clark : Oui mais c'est notre argent la cagnotte, c'est, notre argent à nous tous. Je veux dire que ce n'est pas de l'argent qui tombe du loto ou de la loterie nationale.
Patrick Devedjian : Naturellement, mais enfin c'est un surcroît inespéré de recettes fiscales dont l'affectation n'avait pas été décidée. Eh bien je pense que devant les difficultés actuelles, on sait vraiment maintenant ce que l'on peut en faire.
Pascale Clark : Vous connaissez la réponse du Gouvernement : faisons jouer les assurances parce que les assurances c'est leur travail.
Patrick Devedjian : Bien entendu, mais on sait très bien que tout ne sera pas garanti par les assurances. Par exemple, le Fipol c'est un milliard deux et pas plus, c'est plafonné. L'assurance de la marée noire pour l'armateur c'est 80 millions et pas plus donc les assurances ne vont pas tout couvrir ; et puis ensuite elles vont mettre de temps à payer, on s'en aperçoit. Une autre petite critique qui peut être faite aussi - je le fais comme maire de banlieue parce que je la vis - il me semble que l'arrêté ministériel sur l'indemnisation de la catastrophe est assez limitatif et que de ce point de vue là...
Pascale Clark : Vous parlez des 69 communes ?
Patrick Devedjian : Non, je parle de ce qui est indemnisable et ce qui ressort de l'indemnisation gouvernementale. Par exemple dans les pavillons de banlieue, ce qui est bâtiment peut être indemnisé ; ce qui est jardin, tous les arbres brisés et les conséquences de cela ne sont pas indemnisés en l'étal actuel de l'arrêté. Je crois que là aussi il y a une amélioration technique et financière qui est indispensable.
Pascale Clark : Alors on sent bien ce matin que votre rôle d'opposant ne peut pas s'effectuer dans la virulence en ce moment. Pour ce qui est soutien apporté aux populations, vous n'avez pas apparemment trouvé l'équivalent RPR du RPF P. de Villiers, un maire d'une commune des côtes atlantiques qui serait monté au créneau notamment pour la marée noire ? Ça vous ne l'avez pas non plus dans vos troupes ?
Patrick Devedjian : Ce n'est pas ça le problème. Les maires RPR, comme je crois tous les maires - il n'y a pas d'étiquette politique qui joue - sont aux côtés de leurs populations aujourd'hui et essayent de faire face aux graves difficultés qu’ils ont. Le temps de la polémique et de l'examen des responsabilités viendra plus tard. Il y a certainement des choses à dire sur l'organisation même de la prévention de ce type de choses dans notre pays. C’est d'ailleurs une organisation administrative qui est générale, qui ne tient pas aux circonstances particulières. Mais j'observe par exemple que sur la marée noire, le 12 décembre, on nous expliquait qu'elle ne toucherait pas les côtes françaises et, pendant quatre jours, on nous a bercés d'illusions en nous racontant que nous ne serions pas atteints par les conséquences du naufrage. On nous a expliqué également que le pétrole qui restait dans les cuves du pétrolier qui avait sombré pouvait rester là indéfiniment et qu'il n'y avait pas d'urgence pour essayer d'en limiter les effets.
Pascale Clark : Vous voyez que ça vient un petit peu quand...
Patrick Devedjian : Mais bien sûr qu’il y a des critiques à faire. Pour le moment, faisons face aux dégâts tous ensemble et le temps de l'analyse viendra après.
Pascale Clark : On n'a pas vu ces derniers jours M. Alliot-Marie.
Patrick Devedjian : Elle est dans sa ville à Saint-Jean-de-Luz et, là aussi, ils ont eu des dégâts, elle fait face.
Pascale Clark : Oui mais elle ne se montre pas sous les spots light c’est une volonté délibérée de dire : on est dans une parenthèse ; voilà la France est frappée…
Patrick Devedjian : Mais non vous la verrez peut-être demain ou après demain. Vous savez, à chaque jour suffit sa peine.
Pascale Clark : Vous observez avec amusement voire intérêt en ce moment l'espèce de course à l'image qui se déroule entre J. Chirac et L. Jospin ?
Patrick Devedjian : Je la vois surtout à l'intérieur du Gouvernement entre monsieur Chevènement et madame Voynet, cette course à l'image.
Pascale Clark : C’est-à-dire ?
Patrick Devedjian : Écoutez, ils se disputent à qui sera le plus présent sur le terrain et M. Gayssot a du mal à se faire un chemin entre eux deux. C'est surtout ça que j'observe. C'est cette compétition à l'intérieur même du Gouvernement dans la course à l'image.
Pascale Clark : Le Président est très actif aussi.
Patrick Devedjian : Mais le Président est dans son rôle, il assure la solidarité nationale. Le Premier ministre aussi est dans son rôle d'ailleurs.
Pascale Clark : On va parler deux secondes du RPR. Là, c'est la trêve pour tout le monde. Le RPR est en reconstruction. C'est l'époque des grandes résolutions à la fin de l'année et puis là d'autant plus qu'un nouveau siècle arrive. Quelles sont les erreurs à ne pas commettre pour le RPR en l'an 2000 ?
Patrick Devedjian : Nous avons fait nos gros efforts avant l'an 2000. Nous avions un grand besoin de renouvellement démocratique, nous l'avons fait et je pense qu'une véritable révolution culturelle est intervenue chez nous. Maintenant, il faut qu'on en voit les effets dans la vie quotidienne de notre mouvement. Je pense que ça va venir tout seul.
Pascale Clark : Mais vous n'avez pas une résolution concrète et particulière ?
Patrick Devedjian : Non. Nous n'avons pas de résolution. Je ne crois pas à la magie des chiffres ronds. L'an 2000 ne sera pas fondamentalement différent de l'an 1999. La datation des années est une pure convention.
Pascale Clark : Et l'an 2000 verra probablement J. Tiberi à la mairie de Paris ?
Patrick Devedjian : Son mandat court jusque 2001, ça c'est un fait juridique.
Pascale Clark : Et donc il ne se passera rien.
Patrick Devedjian : Si nous allons désigner en l'an 2000 nous allons désigner le candidat du RPR à la mairie de Paris par une procédure qui a déjà été annoncée et qui aura lieu d'ici Pâques.
Pascale Clark : Une curiosité pour terminer : vous avez des nouvelles de J.-P. Delevoye ? On ne l'a pas revu ?
Patrick Devedjian : Je pense qu'il a pris quelque repos bien mérité. Cette campagne a été épuisante mais il reste parmi nous et nous avons besoin de lui.