Interview de M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, à Radio France internationale le 24 octobre 1996, sur le lancement du dialogue national pour l'Europe, sur les programmes d'aide européens à la Méditerranée et aux régions défavorisées, sur l'immigration et sur le vote des ressortissants européens aux élections locales.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Q. : Monsieur le ministre, bonjour, merci d’avoir répondu à notre invitation. Vous avez lancé la semaine dernière à Strasbourg, le Dialogue national pour l’Europe. Comment s’y prend-on lorsqu’on a pour mission de construire l’Europe des citoyens ?

Michel Barnier : Pourquoi faudrait-il attendre qu’il y ait une élection ou un référendum ? Pourquoi faudrait-il attendre qu’il y ait une crise ou une secousse pour que l’on parle de l’Europe ? L’Europe imprègne notre vie quotidienne. Nous sommes dans l’Europe. Et je crois que c’est heureux parce que nous sommes en paix et en démocratie grâce à l’Union européenne depuis 50 ans. Maintenant, il y a d’autres problèmes qui se posent : le chômage, la sécurité, l’environnement, qui peuvent trouver des réponses quelque fois grâce à l’Union européenne, d’autre fois grâce à l’action des gouvernements, des régions ou des communes.

Q. : Après la rencontre de Marseille qui a mis une touche finale à la présidence française de l’Union, après la Conférence de Barcelone sur la Méditerranée, qu’en est-il aujourd’hui de la politique européenne méditerranéenne ?

Michel Barnier : Pendant sa présidence, la France a voulu donner une impulsion. L’Espagne a poursuivi, l’Italie aussi, un dialogue entre l’Europe et la Méditerranée. Nous avons un programme de crédits important, spécifique, le programme MEDA, pour aider les pays du pourtour méditerranéen, au bord duquel nous sommes aussi. La France est méditerranéenne, comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce, qui sont membres de l’Union européenne. Il ne s’agit pas seulement de distribuer des crédits : il s’agit aussi, et peut-être d’abord, de participer à la stabilité de cette région. Donc, il faut un dialogue politique avec les gouvernements de tous ces pays, qui sont très différents.

La réunion de Barcelone a été une première étape, et nous allons poursuivre ce dialogue entre l’Europe et la Méditerranée pour aider à la stabilité de cette région méditerranéenne. Je pense que toutes les chances de stabilité ou tous les risques d’instabilité autour de la Méditerranée sont des chances ou des risques pour l’Europe. Donc, il faut que nous soyons solidaires, comme vous le voyez un peu plus loin, au Proche-Orient, avec ce que fait l’Europe, ce qu’elle voudrait faire pour aider au processus de paix entre les Territoires palestiniens et Israël.

Q. : Le Premier ministre, Alain Juppé, a présenté en janvier dernier, le pacte de relance pour la ville. C’est un projet interministériel qui a eu l’aval de Bruxelles. Quelle est votre contribution dans ce projet, car je crois que la semaine dernière, vous avez parlé aussi de financement de projet de rénovation de quartiers, parmi les principales lignes de votre débat national ?

Michel Barnier : L’Union européenne est solidaire des régions les plus défavorisées, les plus en difficulté sur son territoire. Dans ces régions, il y a des villes, des départements français, des quartiers en France. La ministre de l’Aménagement du Territoire et de la Ville. M. Gaudin, maire de Marseille, a demandé l’appui de l’Union européenne pour le Pacte sur la ville, pour aider à la modernisation, au changement de la qualité de la vie dans certains quartiers de France et dans certaines villes. Donc, nous avons beaucoup de crédits. Je dis un chiffre, ce sera la seul : nous recevons presque 25 milliards de l’Union européenne pour les politiques structurelles, mais il s’agit aussi bien d’environnement, de formation, d’emploi, que de rénovation de quartiers. Dans ces crédits-là, une part est consacrée à la politique de la ville.

Q. : Quant à la question de l’immigration, est-ce que vous en parlez avec vos collègues européens ?

Michel Barnier : Mais nous devons en parler ensemble. Comment, par rapport à un défi comme celui de l’immigration qui concerne tout le continent, apporter une réponse seulement nationale ? Nous pouvons avoir des lois et des réponses françaises, mais elles ne seront, à court terme et même à moyen terme, efficaces que si elles sont coordonnées avec les politiques et les réponses des autres pays qui nous entourent. Donc, je pense qu’il faut une politique européenne par rapport à l’immigration, mais par rapport aussi à d’autres défis.

Q. : Une réponse française justement par rapport au traité de Maastricht, c’est le droit de vote des étrangers pour les élections locales que M. Chirac avait promis pour 1998 et qui est reporté au-delà de l’an 2000. Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur ce sujet ?

Michel Barnier : Un engagement a été pris pour que les Européens, les ressortissants des pays membres de l’Union européenne, puissent voter dans les élections locales. Et cet engagement sera tenu. Le projet de loi qui doit autoriser ce vote des ressortissants d’autres pays européens en France, comme les Français qui sont en Allemagne ou en Italie peuvent voter dans les élections locales, sera présenté au Parlement.