Texte intégral
Une émission présentée par Anne SINCLAIR. Réalisée par Jérôme REVON
Invités : Nicole NOTAT et Jimmy GOLDSMITH
Mme SINCLAIR : Dans un instant, deux personnalités très différentes vont commenter ensemble l’actualité de ce 7 sur 7.
L’une est syndicaliste et pro-européenne, c’est Nicole Notat, secrétaire général de la CFDT.
L’autre est un homme d’affaires, financier, aujourd’hui, homme politique, très anti-Maastricht, c’est Jimmy Goldsmith, député européen.
Ils s’opposent sur presque tout et notamment sur les remèdes à appliquer à une France déprimée. À vous de voir si vous vous sentez plus proches de l’une ou de l’autre.
On passera en revue les images de la semaine et, notamment, l’attentat du FLNC à Bordeaux, la sécurité sociale et les médecins, les initiatives pour réduire le temps de travail, l’élection américaine et les tous petits pas au Proche-Orient.
À tout de suite pour 7 sur 7.
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Mme SINCLAIR : Bonsoir.
Cette armée à 7 sur 7, vous l’aurez peut-être remarqué, je reçois, bien sûr, toujours des hommes politiques. Le Premier ministre était là, la semaine dernière. Mais aussi d’autres qui ne le sont pas mais agissent aussi sur la société et qui apportent un autre regard.
II y a quelques semaines, deux chefs d’entreprise, ils étaient ici à 7 sur 7 côte à côte. Cette semaine, j’ai invité deux personnalités qu’apparemment tout oppose :
Nicolas Notat qui est à la tête de la CFDT et qui est un personnage connu en France et très emblématique aujourd’hui de la société française.
Jimmy Goldsmith qu’on connaît moins et qui est à la fois français et britannique, qui est député européen, élu sur la liste de Philippe de Villiers.
Pour mieux les connaître, je vous propose un petit portrait. Claire Auberger, Alain Badia.
JOURNALISTE : Chef dans l’âme. Déjà toute petite, Nicole Notat aimait diriger. Chef de classe, elle devient institutrice. Chef du syndicat des enseignants de Lorraine, repérée par Edmond Maire, elle grimpe vite fait, bien fait, les échelons de la CFDT. En 1992, elle pousse vers la sortie Jean Kaspar et devient la première femme française à tenir les rênes d’un syndicat.
Son moment de vérité, c’est la réforme de la Sécu. L’occasion pour elle de défendre enfin sa conception du syndicalisme inspirée de la fameuse cogestion allemande, à des années-lumière de la tradition protestataire française. Une partie de ses propres troupes emmenées par le tandem, Viannet-Blondel, crie « À la trahison » et lui en fait voir de toutes les couleurs. Mais il en faudrait plus pour ébranler le sang-froid, la pugnacité et les certitudes de cette fille d’agriculteurs gaullistes.
Aujourd’hui, la tsarine règne en maître. La CFDT s’est emparée des deux puissants bastions de FO : l’UNEDIC et la Caisse d’assurance-maladie. Partenaire privilégiée du patronat et de l’État, Nicole Notat va maintenant pouvoir mettre ses idées en pratique.
Jimmy Goldsmith, lui, s’est lancé dans la politique il y a tout juste deux ans comme d’autres hommes affaires avant lui. Après l’agro-alimentaire, la distribution, l’exploitation forestière et la presse, après les coups fumants à Wall Street et à la City, le milliardaire franco-britannique s’investit dans le combat contre Maastricht et le GATT.
Sa première croisade, les élections européennes en France, son chevalier : Philippe de Villiers. Il mise 25 millions de francs, récolte 12 % des suffrages et rentre au Parlement de Strasbourg Joli succès !
Deuxième challenge, les législatives britanniques qui auront lieu au printemps 1995. Cette fois, Sir James crée sa propre formation « Le Parti du référendum ». Son credo : obtenir une consultation populaire sur l’Europe. Son ambition et de damer le pion au Parti conservateur, mais des rumeurs lui prêtent le rêve de devenir un jour Premier ministre. Des plans sur la comète que ce visionnaire intuitif et imprévisible serait bien capable de faire.
Mme SINCLAIR : Nicole Notat, vous voyez l’image que vous avez : une femme pugnace, volontaire, accrocheuse, dynamique, mais c’est vrai dont on dit : « qui parle plus avec sa tête qu’avec ses tripes ».
Mme NOTAT : Ah ! C’est peut-être une mauvaise image parce que, finalement, tout ce que nous faisons aujourd’hui à la CFDT, tout ce que j’anime, c’est quoi ? C’est que dans une société qui est à ce point dans le désarroi, qui est à ce point minée par le chômage et l’exclusion, ce qui m’anime d’abord, même s’il faut raisonner avec sang-froid derrière, c’est d’abord un sentiment d’indignation, un sentiment de révolte intérieur profond. De voir cette société qui fait de la richesse produire toujours plus de richesse et d’exclusion ; de voir ces jeunes, quel gâchis ! qui ont un horizon bouché. C’est aussi un sentiment d’inconséquence de certaines décisions de ce Gouvernement.
Je pense, par exemple, a l’immigration. II faut maîtriser les flux migratoires, oui, bien sûr, tout le monde est d’accord avec cela, mais je viens du Maroc et je découvre au Maroc, avec nos amis syndicalistes marocains, qu’aujourd’hui les Marocains n’ont plus de visas pour venir passer en France des vacances alors que nous avons une coopération avec eux. Cela devient de l’idiotie ! En tout cas, ce n’est pas l’idée que je me fais de mon pays.
Mme SINCLAIR : Peut-être si vous avez cette image, c’est que, aussi, vous avez voulu – selon vos propres termes d’ailleurs, il y a un an – briser une sorte de tabou. C’est-à-dire que pour un syndicat qui était plutôt de gauche, la CFDT, vous avez approuvé une réforme d’un Gouvernement marque à droite, c’est la réforme de la sécurité sociale. Je ne propose pas qu’on pane du fond, la, mais de la démarche.
Mme NOTAT : C’est sûr que nous avons sûrement choqué, pourquoi ? Parce que, justement, nous sommes un syndicat qui veut rester un syndicat, qui veut influencer le cours des choses, qui veut choisir son avenir et non le subir, qui voulait réformer la sécurité sociale pour la sauver et, nous, nous ne choisissons pas nos positions en fonction de la couleur du Gouvernement.
Notre indépendance est réelle. Nous ne sommes ni l’allié, ni l’adversaire d’un Gouvernement. Donc, nos positions sont celles que nous jugeons, un moment donne, bonnes pour ceux que nous défendons, les salariés, les chômeurs, les retraites. Et si c’est un Gouvernement de Droite qui propose une voie qui va dans le bon sens, nous le disons.
Mme SINCLAIR : Cela a tout de même fait grincer à l’intérieur de la CFDT. Cela a fait grincer à Gauche.
Mme NOTAT : Cela a fait grincer parce que je crois que c’est la première fois. Un Gouvernement de droite ne nous a habitués à aller dans le sens du progrès social. Puis, vous disiez : « À la CFDT, on était de Gauche ». Mais, à la CFDT, il y a encore une majorité de gens, une très grande majorité de gens de Gauche. Raison de plus pour que nous soyons le syndicat qui pèse, le syndicat qui veut influencer, qui veut être efficace. Et de ce point de vue, voilà, nous sommes ce syndicat-là.
Mme SINCLAIR : Nous reviendrons sur des tas de choses mais quand on dit, par exemple, juste d’un mot : « Nicole Notat, c’est l’interlocutrice privilégiée, aujourd’hui, du gouvernement et du patronat, c’est l’interlocutrice qu’ils préfèrent », est-ce que cela vous donne un sentiment de responsabilité ou est-ce que cela vous agace ? On a l’impression que cela vous énerve ?
Mme NOTAT : Non, cela me fait rire parce que je sais ce qu’on est à la CFDT. À la CFDT, nous ne sommes pas des gens qui sont proches d’un gouvernement ou d’un patronat, nous sommes présents. Nous sommes présents et, alors là, jamais sous influence de personne, ni aujourd’hui, ni demain. Et puis je considère qu’il n’y a pas de fatalité à la situation que nous vivons et je pense qu’un syndicat, la CFDT, mais je souhaite qu’il y en ait d’autres, soit cet aiguillon dans la société qui montre qu’il y a d’autres voies possibles que ce que je viens de décrire tout à l’heure, qui montre que nous pouvons décider nous-mêmes de notre destin collectif, le choisir et qu’il n’y a pas de déterminisme à ce que tout aille toujours plus mal.
Mme SINCLAIR : Jimmy Goldsmith, on a vu dans ce portrait le parcours du financier, du Reader, de celui qui faisait les OPA boursières bien connues autrefois. On a vu le combat d’un député européen puisque vous êtes à la fois français et britannique, je le répète, on le dit, mais ce n’est pas toujours simple à comprendre. Vous avez la double nationalité. Et vous avez donc fait campagne, en France, pour les élections européennes et vous êtes aujourd’hui, comme citoyen britannique, en train de faire campagne en Angleterre pour les élections anglaises sur le territoire britannique.
La politique est-elle l’aventure qui manquait au businessman à qui, jusque-là, tout avait réussi ?
M. GOLDSMITH : Non, franchement pas. Pour moi, la situation est dramatiquement mauvaise. Nous suivons un chemin qui merle au désastre. Tant que le choix était tout simplement de regarder de loin, de bénéficier des avantages que j’ai pu acquérir par la chance et les affaires ou de rejoindre le combat, c’est moins inconfortable pour moi d’être dans le combat que de regarder l’accident en train de se passer.
Mme SINCLAIR : Quand vous dites : « l’accident », et bien entendu nous allons en parler au niveau de l’Europe, c’est un accident, pour vous, européen ?
M. GOLDSMITH : Européen et national. J’étais très triste, par exemple, la semaine dernière, lorsque j’ai vu le Premier ministre sur votre programme parce qu’il basait tous ses projets sur des chiffres entièrement mauvais. Comment voulez-vous trouver des bonnes solutions si les chiffres sont faux ? J’ai analyse un tout petit peu...
Mme SINCLAIR : ... Je pense qu’il serait en désaccord total, déjà avec ce que vous dites.
M. GOLDSMITH : Nous sommes en désaccord sur tout. Je puis vous dire qu’il n’y a rien qu’il a dit l’autre jour avec lequel je suis d’accord.
Mme SINCLAIR : Tout de même, n’avez-vous pas eu un instant de complexe, puisqu’on vous décrit comme le milliardaire rentré en politique, à vous dire que vous n’étiez peut-être pas le mieux placé pour représenter l’électeur moyen ?
M. GOLDSMITH : Vous savez, moi, j’ai commencé de rien. J’ai commencé avec une affaire où il y avait une personne. J’ai eu la chance de faire fortune, j’en suis enchanté et je suis très content de pouvoir maintenant l’utiliser pour essayer d’appuyer un combat que je considère absolument fatal. Donc, je ne suis en rien, en tout, d’avoir pu réussir dans les affaires.
Mme SINCLAIR : Mais aujourd’hui vous avez l’impression, quand vous parlez au nom des gens, de représenter les gens ?
M. GOLDSMITH : C’est aux gens de décider. Ils m’ont élu en tout cas.
Mme SINCLAIR : En Angleterre, votre combat. Juste un mot parce que je ne pense pas qu’on reparle vraiment de la politique anglaise : les élections, c’est dans six mois. Vous êtes en train de monter un parti, le parti du référendum, puisque vous souhaitez un référendum sur l’Union monétaire, en tout cas.
M. GOLDSMITH : La situation est celle-ci : c’est que dans tous les pays européens, c’est le même combat partout, les élites gouvernementales, les élites qui gouvernent ont décidé d’imposer au peuple un projet que le peuple rejette ou qu’on n’a pas consulte ou, lorsqu’on l’a consulté on l’a consulté en lui disant des mensonges pour Maastricht.
Mme SINCLAIR : Pour l’instant, les peuples l’ont accepté aussi bien en Angleterre qu’en France.
M. GOLDSMITH : Non, non, ils le rejettent d’une façon incroyable. En Angleterre, le référendum était en 1975, on a promis qu’on n’allait pas toucher à la souveraineté, à l’essence de la souveraineté nationale. Que s’est-il passé depuis ? Qu’est-ce qui distingue une nation d’une province ? C’est le droit de légiférer chez soi, c’est le droit de gérer son économie pour le bien de son propre peuple. Cela, on l’a abandonné entièrement. C’est le droit de gérer sa politique étrangère, de contrôler ses frontières, de contrôler sa sécurité nationale. Tout cela a été abandonné...
Mme SINCLAIR : ... Nous allons en parler.
M. GOLDSMITH : C’est-à-dire que nous sommes en train de passer, dans chaque nation européenne, sous le silence, sans débat, de nation en province d’un État européen. Comme l’appelle Monsieur Lammers : « un nouveau pays européen ».
Mme SINCLAIR : On va parler de l’Europe.
Simplement un mot, quelle est votre ambition : De grignoter des voix aux conservateurs ?
M. GOLDSMITH : Non, pas du tout grignoter. Je demande très simplement qu’il y ait un débat loyal et que ce débat mène à un référendum et que les peuples puissent décider si, oui ou non, ils veulent maintenir leur nation ou si la nation doit être fondue dans une nouvelle nation européenne qui aura perdu tous ses droits de gérer sa propre souveraineté.
Mme SINCLAIR : On reviendra à cela parce que c’est un débat qui, aujourd’hui, transcende les frontières bien entendu de l’Angleterre, qui a lieu aussi chez nous et vous y participez aussi.
Nicole Notat, si je vous demandais d’un mot, en quoi vous croyez ? Quel est le credo de Nicole Notat aujourd’hui ? Fondamentalement, c’est quoi ?
Mme NOTAT : Je l’ai dit tout à l’heure : « Je crois qu’il n’y a pas de fatalité à la dérive de nos sociétés aujourd’hui, à cette fracture sociale, à cette exclusion. Je crois que les gens aujourd’hui, en tout cas ceux que je rencontre, même ceux qui sont dans des situations très difficiles, sont prêts à se mobiliser, sont prêts à avancer, à condition qu’on arrête de leur raconter des histoires, à condition que les solutions qu’on leur propose, ils s’en sentent partie prenante, à condition que le monde que l’on construit, l’avenir que l’on dessine leur apparaisse plus clair, plus juste, plus solidaire ».
Mme SINCLAIR : Et vous, Jimmy Goldsmith, en croyez-vous profondément ?
M. GOLDSMITH : II faut renverser complètement l’idée moderne que la société est au service de l’économie. L’économie est un outil qui doit servir la société. On peut juger de l’efficacité de l’économie si la société qu’elle sert est prospère, stable et qu’il y a un contentement généal. On ne juge pas l’économie par, tout simplement, des indices économiques comme la Bourse ou autres ou les bénéfices des sociétés, si elle ne sert pas les intérêts profonds de la société.
Nous avons converti notre société sur la base de remplacer toute idée plus grande par tout simplement deux idées : l’économie et la science. Ce n’est pas suffisant et nous en souffrons.
Mme SINCLAIR : On va y venir. Ce qui est tout à fait intéressant, c’est que c’est un grand patron, un grand financier qui tient un discours qui, d’habitude, n’est pas tenu par ce type de ...
Mme NOTAT : … Oui, ce qui est aussi paradoxal, c’est que Monsieur Goldsmith dise : « Ce n’est pas l’économie qui mène le monde ». En cela, on serait presque d’accord, mais je crois qu’on arriverait à des conclusions différentes. En tout cas, de son point de vue, la finance l’a tout de même aidé à être aujourd’hui ce qu’il est et, de ce point de vue, vous avez tout de même un peu sauté de place boursière en place boursière pour être ce que vous êtes aujourd’hui.
M. GOLDSMITH : Madame, laissez-moi vous expliquer un petit peu les affaires, si vous le permettez.
Mme SINCLAIR : Très, très peu, ce n’est pas l’objet de l’émission.
M. GOLDSMITH : Je suis pour des entreprises prospères parce qu’elles créent de l’emploi.
Mme NOTAT : Vos entreprises, en général, vous les avez vite vendues...
M. GOLDSMITH : Non, non.
Mme NOTAT : ... pour qu’elles vous rapportent de l’argent.
M. GOLDSMITH : 22 ans de Général Occidental. Donc, vous vous trompez, Madame, ne lisez pas trop la presse.
Mme SINCLAIR : Rapidement parce que nous ne faisons pas un débat sur l’ancien empire Goldsmith.
Nous allons regarder ensemble le journal de la semaine. Cela commence durement. Viviane Junkfer, Joseph Pénisson.
Dossier Corse :
Revendiquons attentat mairie de Bordeaux le 5 octobre 1996. Signé FLNC Canal historique. Le texte est plus que laconique, la réplique d’Alain Juppé est cinglante. L’enquête sur l’attentat contre sa mairie de Bordeaux est confiée au juge Bruguière, spécialiste des affaires terroristes.
La population, lassée des beaux discours de Matignon, est toujours partagée entre le scepticisme et l’attentisme. Mais elle craint le retour du tout répressif.
Quant aux milieux nationalistes, ils sont plus divisés que jamais. Dans un communiqué d’une violence sans précédent, les extrémistes du Fronte Rebellou, organisation proche du FLNC, appellent au soulèvement et menacent de mort toute personne qui collaborerait avec les autorités de la République.
2.000 policiers et gendarmes sont envoyés en renfort en Corse, c’est dans ce climat de grande tension que, samedi, le FLNC a rompu officiellement une trêve qu’il n’a d’ailleurs jamais respectée.
Mme SINCLAIR : Nicole Notat, un mot de réaction sur la Corse, les attentats, la fermeté du Premier ministre ?
Mme NOTAT : Je considère que dans une démocratie – jusqu’à nouvel ordre, la France est tout de même une démocratie – la violence, le terrorisme, c’est l’arme des faibles et que, dans pareilles circonstances, il n’y a pas 36 solutions : il faut faire respecter l’État de droit en Corse et peut-être a-t-on trop tardé ?
Mme SINCLAIR : Patrick Devedjian qui est député RPR proposait aujourd’hui – il y a eu ce type de proposition sur la table – un référendum, là-bas, en Corse pour, dit-il, montrer que 90 % de la population au moins seraient au moins partisans d’être solidaires de la France et ne revendiqueraient pas du tout une indépendance. Pensez-vous que ce serait une solution pour déligitimer ceux qui, au nom de l’indépendance...
Mme NOTAT : … S’il ne fallait qu’un référendum pour faire arrêter le terrorisme, ce serait vraiment quelque chose de facile. Non, aujourd’hui, il faut s’attaquer aux vraies solutions. II faut mettre fin à des pratiques qui sont mafieuses, clavistes, etc. Vous savez, nous avons un syndicalisme CFDT en Corse, je peux vous dire que c’est dur de faire respecter l’État de droit en Corse, y compris pour nos militants.
Mme SINCLAIR : Jimmy Goldsmith, si j’ose dire, à chacun ses attentats terroristes. Ce n’est pas du tout le même problème : nous, nous avons la Corse, vous, vous avez I’IRA. Cette semaine, il y a eu un attentat près de Belfast, un attentat terrible, un double attentat à la voiture piégée – on voit, là, les images – au quartier général des Forces armées britanniques. II y a eu 30 blessés, un mort. Une folle audace meurtrière. Sur le terrorisme auquel les démocraties sont confrontées, un mot peut-être ?
M. GOLDSMITH : L’IRA, c’est un problème tout à fait différent...
Mme SINCLAIR : Oui, c’est différent, bien entendu.
M. GOLDSMITH : Ce sont deux communautés ethniques différentes. Ce sont des Anglo-saxons de religions différentes. Cela rassemble beaucoup plus à la Yougoslavie, à la Tchécoslovaquie, au Canada, à la Belgique, à tous ces problèmes que nous avons, 31 guerres dans le monde, toutes ces guerres sont à l’intérieur d’États artificiels ou nous avons essayé de forcer des nations différentes de vivre ensemble. C’est que, d’ailleurs, Maastricht essaie de nous faire faire sur 25 nations actuellement. Cela mène au désastre, ce n’est pas naturel, cela arrive automatiquement, hélas ! et les deux côtés peuvent avoir raison.
Le problème, c’est que, dans ces cas-là, si nous sommes d’une nationalité ou de l’autre, on suit les siens et on peut avoir raison des deux côtés. II n’y a pas de solution facile à ces problèmes-là.
Mme SINCLAIR : On embraye sur la situation économique. Suite de l’actualité de la semaine, Viviane Junkfer, Joseph Penisson.
REPRISE
Des investissements toujours aussi décevants, mais une consommation plus forte que prévue. Des prévisions de croissance encore trop timides, mais une conjoncture européenne qui se redresse. Autant de signes contradictoires qui, selon l’INSEE, laissent tout de même présager un redémarrage progressif de l’économie en 1997.
Pas question de retour en arrière, ce serait une régression, serine à nouveau le Président Chirac au peuple français tout entier, Majorité comprise. II faut donc tenir, enjoint-il, et continuer coûte que coûte dans la vole de la réduction des déficits publics et des réformes.
En ce qui concerne le contrôle des dépenses de santé, les négociations entre les syndicats de médecins et les Caisses d’assurance-maladie s’annoncent difficiles.
Dans son projet de loi de financement, le Gouvernement prévoit de réduire le trou de 50 à 30 milliards de francs et, c’est la nouveauté, cette fois, les parlementaires seront les comptables.
Les assurés, eux, constatent que la réforme et les prélèvements décidés depuis un an n’ont toujours pas permis de rétablir les comptes. Leur moral n’a jamais été aussi bas.
Mme SINCLAIR : À propos de moral, Nicole Notat, la sinistrose de cet automne, est-ce qu’on s’intoxique tous les jours à se ressasser des mauvais chiffres qui, d’ailleurs, ont l’air peut-être sinon de s’inverser, mais du moins de connaître une embellie ? Ou est-ce que vans sentez vraiment sur le terrain ce pessimisme ?
Mme NOTAT : Ce n’est pas du pessimisme sur le terrain, c’est de la lucidité et c’est le sentiment que, décidément, les choses ne peuvent plus continuer éternellement comme elles sont aujourd’hui. Qu’est-ce qui ne peut plus continuer ? Tous les conflits qui existent aujourd’hui autour des plans sociaux – on en parlera peut-être – autour des fonctionnaires, autour, hier, de la Défense nationale, dans le textile bientôt, ce sont quoi ? Ce sont des gens qui ne peuvent plus supporter des plans sociaux à répétition qui ont été faits, leur a-t-on dit au démarrage, au nom de l’emploi, au nom d’un effort qu’il fallait faire temporairement pour espérer que cela irait mieux demain. Tout cela n’a plus aujourd’hui un poil de validité dans l’esprit des gens et ils ont raison. C’est-à-dire qu’aujourd’hui l’action que les gens sont en train de mener – je trouve cela positif – c’est-à-dire qu’aujourd’hui les gens redressent la tête, les gens disent : « Non, nous ne voulons plus que cela continue comme ça » et que font-ils ? Ils ne disent pas : « Non, il n’y a pas d’évolution à conduire », par exemple à la Défense nationale, mais ils disent : « L’emploi doit être au centre des solutions qui sont trouver et pas l’éternel sacrifié ».
Mme SINCLAIR : Ils le disent à qui ?
Mme NOTAT : Ils le disent, d’abord, en s’exprimant par l’action. Je crois qu’ils le disent de plus en plus à leurs chefs d’entreprise et aux ministres quand ce sont les ministres qui sont responsables de la situation.
Mme SINCLAIR : Et au Gouvernement globalement ou pas ?
Mme NOTAT : Oui, quand on parle à un ministre, on parle au gouvernement.
Mme SINCLAIR : Le 17, c’est-à-dire jeudi prochain, la grève du 17 octobre de toute la fonction publique à ce sens-là ? Est-ce le point d’orgue de ce mécontentement, de ce ras-le-bol dont vous venez de parler ? Chacun pense à novembre-décembre dernier. Est-ce que cela a un quelconque rapport ? Comment voyez-vous les choses ?
Mme NOTAT : Non, je crois que la grève dans la fonction publique est tout simplement l’expression, là encore, de fonctionnaires qui ne supportent pas qu’on leur dise qu’il y a trop de moyens, trop d’emplois chez eux alors qu’en 20 ans les effectifs de la fonction publique – personne ne le sait – ont diminué. II faut savoir, par exemple, qu’après une année de blocage des salaires dans la fonction publique, le premier niveau de rémunération est inférieur au Smic dans le privé. II faut mettre une indemnité, un différentiel à chaque fois pour rétablir le niveau du Smic. Donc, il y a des raisons d’être mécontent dans la fonction publique.
Je crois tout de même que le Premier ministre, depuis un an, a vraiment accumulé, le gel des salaires, leurs retraites. Aujourd’hui, le gel des emplois...
Mme SINCLAIR : ... II a dit, ici, la semaine dernière qu’il allait justement dégeler les salaires.
Mme NOTAT : Peut-être ! II est temps qu’il ouvre le dialogue qui a commencé avec le ministre de la fonction publique. La négociation doit s’ouvrir dans la fonction publique.
Mme SINCLAIR : On a toujours tendance à nous dire qu’on a le nez dans nos problèmes, Jimmy Goldsmith. Est-ce que cette morosité, cette sinistrose, vous la sentez d’ailleurs, de même que la reprise dont on parle qui pourrait bien arriver ? Sera-t-elle importante ou pas importante ? La sentez-vous, vous aussi, ailleurs ?
M. GOLDSMITH : Ici, la solution que tout le monde recherche, c’est : comment s’adapter à la crise, à la sinistrose ? II ne faut pas s’adapter, il faut la renverser. Et le problème, c’est qu’on regarde des chiffres qui sont entièrement faux. On nous donne des chiffres faux. La semaine dernière, on nous a raconté qu’on avait un excédent commercial : l’officiel était de 89 milliards l’année dernière. II est entièrement faux, nous n’avons aucun excédent commercial...
Mme SINCLAIR : ... La balance commerciale française est excédentaire.
M. GOLDSMITH : Absolument pas. Si vous regardez le rapport de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, vous verrez qu’il est suggéré que les fraudes sur la TVA sont de 10 à 30 milliards, que Monsieur Jean Duquesne, ancien directeur des douanes, montre qu’il y a eu des pertes de TVA de 50 milliards, des fraudes. Pourquoi ? Parce que, depuis le 1er janvier 1993, les exportations sont déclarées sur l’honneur et les importations aussi, l’honneur a tendance à balancer dans le sens là où on touche plutôt que là où l’on paie. Alors, lorsqu’il y a 20 ou 30 milliards de fraudes sur la TVA, il faut multiplier par la 5, parce que la TVA est de 20 %, pour savoir jusqu’à quel point les exportations sont fausses. II y a au moins 100 milliards par an de fausses exportations...
Mme SINCLAIR : ... Pour ne pas nous abîmer dans des chiffres contestés ou contestables, je vous repose ma question : croyez-vous qu’il y a des signes de reprise et est-ce vain d’imaginer cela ?
M. GOLDSMITH : Premièrement, l’excédent commercial n’existe pas. Deuxièmement, étant donné qu’il n’existe pas, la croissance est surévaluée par 100 milliards. Troisièmement, les chiffres du chômage, et les gens le sentent sur le terrain, comme Madame Notat le disait : « les gens sur le terrain le savent », sont complètement faux. Pendant les élections européennes, les chiffres étaient officiellement de 3 millions. Nous avons dit qu’en réalité le sous-emploi était de 5 millions. Monsieur Chirac, lors de l’élection, a confirmé nos chiffres. Aujourd’hui, malgré toutes les manipulations sur les méthodes, parce qu’on a changé les méthodes de calculer...
Mme SINCLAIR : ... Ce n’est pas une manipulation, il a été changé de méthode de calcul...
M. GOLDSMITH : ... On a changé la méthode de calcul. Quel est le chiffre ? Le chiffre officiel aujourd’hui est de 3 085 000. Quel est le chiffre réel de sous-emploi si on ajoute les RMIstes, si on ajoute les stages, les emplois précaires, les contrats d’initiative, etc. ? Il est plus près de 7 millions et les gens le sentent. Ce sont les chiffres officiels qui sortent de I’INSEE.
Les déficits publics sont complètement bidons. Vous avez vu ce qui s’est passé avec Télécom. On nous verse 37 500 000 francs pour reprendre 90 millions d’endettement vis-à-vis des retraités. Tout cela est faux. II faut comprendre que si on veut simplement sortir des chiffres faux, on va arriver à des analyses fausses, il est temps qu’on cesse de mentir au peuple français, qu’on regarde les faits, qu’on voit le chemin qu’on mène est un chemin qui va dans le mur et que la solution n’est pas simplement d’accélérer, qu’il faut peut-être changer de chemin et voir les réalités.
Mme SINCLAIR : Le chemin, c’est l‘Europe. L’Europe : Maastricht, l’Union monétaire. On nous dit, à la fois, c’est la cause de tous nos maux ou bien c’est peut-être notre survie, c’est cela qui va nous sauver. Nicole Notat, que dites-vous ? Peut-être que vous avez aussi envie de répondre Jimmy Goldsmith ?
Mme NOTAT : Je n’ai pas l’intention de rentrer dans ce cours de prestidigitation mathématique. Les Français ne se battent plus pour savoir s’il y a deux millions, trois millions ou quatre millions de chômeurs...
M. GOLDSMITH : ... Ou 7 millions.
Mme NOTAT : Ils savent tous les jours que nous vivons dans une société ou c’est insupportable de produire toujours plus de richesses et toujours plus de chômage et de pauvreté. Et cela suffit pour mobiliser en tout cas les gens que nous sommes, qui sont sur la planète des réalités quotidiennes.
Donc, je crois deux choses :
1. Je crois qu’il faut aujourd’hui en matière de solutions à préconiser qu’on arrête ce faux débat entre la politique économique, la politique économique alternative. Ceci est de la controverse pour encore une fois tromper les gens. Car de quoi s’agit-il ? De savoir s’il faut mettre un zeste de plus dans la réduction des déficits publics. Un zeste de plus dans la baisse des taux d’intérêt. Mais au total, c’est la même logique qui concourt à penser que c’est l’économie qui est importante, que c’est la réduction de l’inflation, et il la faut, que c’est de la croissance, et il faut retrouver le chemin de la croissance, que c’est tout cela qui va, au total, nous amener les solutions à la réduction du chômage. Or, ce raisonnement, aujourd’hui, est caduc.
Mme SINCLAIR : Au fond, vous dites : « Que ce soit le gouvernement ou que ce soit les autres, tous ceux qui proposent une politique économique, ce n’est pas le cœur du problème. Le seul cœur du problème, c’est la politique contre le chômage » ?
Mme NOTAT : C’est la politique contre le chômage et les conditions à partir desquelles on va relancer cette croissance, relancer l’activité pour, enfin, retrouver du travail et de l’emploi aux gens. Et, nous, nous disons aujourd’hui que c’est le chômage qui plombe l’économie et qu’il faut donc repartir de la réduction du chômage, de l’insertion dans le travail, donc d’un pouvoir de consommation. 400 000 jeunes demandeurs d’emploi en moins, c’est 400 000 consommateurs de plus. C’est peut-être là qu’est le début de la relance de la consommation, la relance de l’économie et le début de l’espoir qu’enfin on peut voir de manière sérieuse.
M. GOLDSMITH : Sur le chômage, je voudrais juste dire un petit mot : pour la création d’emplois vis-à-vis du chômage, on 1974, on avait 630 000 chômeurs. Depuis lors, on a eu 90 % de croissance, énorme ! et le chômage est passé de 630 000 à 7 millions. Donc, nous avons créé une économie perverse, avec une croissance énorme de 90 %, nous avons créé une fabrique de chômage. Madame, nous suivons la mauvaise route. Ne croyez pas que, dans la même route, vous allez trouver une solution au chômage.
Mme NOTAT : Nous sommes dans une mauvaise route, mais je n’ai pas encore compris quelle était la bonne route que vous nous proposiez ?
M. GOLDSMITH : Donnez-moi la parole et je vous la dirai.
Mme SINCLAIR : C’est moi qui vais vous la donner, mais tout de suite après la publicité.
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Mme SINCLAIR : Reprise de 7 sur 7 en compagnie de Nicole Notat et de Jimmy Goldsmith, deux regards fondamentalement différents, je crois que nous l’aurons compris si on suit cette émission, sur l’économie française, ses problèmes et ses remèdes.
J’avais essayé de lancer le débat, vainement, sur l’Europe, mais votre vivacité a fait qu’on a poursuivi sur d’autres terrains. Nicole Notat, oui ou non, selon vous, l’Europe est-elle la cause de nos problèmes ? Ou est-ce au contraire la condition de notre survie ?
Mme NOTAT : C’est l’absence d’Europe qui est en partie la cause de nos problèmes, d’une Europe assez forte et d’une Europe assez politique. Donc, aujourd’hui, il faut renforcer l’Europe. II faut la renforcer parce que, dans tous les coins du monde, les gens s’organisent en continents qui sont bien plus grands que nos petits pays les uns à côté des autres en Europe.
Mme SINCLAIR : Si on explique aux gens que c’est à cause de cela qu’ils souffrent, comme voulez-vous qu’ils aient de l’Europe une image positive ?
Mme NOTAT : L’Europe est pour eux, demain, la possibilité, parce que je continue à penser que nous vivrons dans une Europe telle que nous déciderons de la faire et qu’il faut peser, qu’il faut cesser de laisser aux seuls politiques, aux seuls chefs d’entreprise, aux seuls marchés, aux seuls milieux financiers le soin de construire cette Europe. II nous faut une Europe qui soit une Europe avec des valeurs fortes et qu’on affirme ces valeurs dans le monde, sans impérialisme, mais qu’on les affirme. La paix, franchement, il n’est pas trop tard pour continuer à mettre cette valeur au centre de l’Europe.
Un modèle social qui fait qu’il y a un équilibre sur les lois du marché, ce n’est pas la loi de la jungle, ce sont des services publics ou universels, on les appellera, on verra bien comment ?... pour tous. Ce sont des démocraties qui se développent ou qui s’approfondissent avec le dialogue social. Bret, c’est aussi un développement solidaire l’intérieur de l’Europe où les écarts ne cessent de se creuser entre les régions riches et les régions pauvres. Et Monsieur Goldsmith me fait peur abominablement quand il parle de l’Europe ou il faut que chaque nation, chaque pays reste recroquevillé sur lui-même. II me donne l’impression d’être Astérix, sauf qu’il n’a pas la potion magique. Peut-être l’a-t-il trouvée pour lui-même ? Mais en tout cas, en Europe...
Mme SINCLAIR : Nous allons lui demander son avis.
Mme NOTAT : ... nous n’avons pas la potion magique qui fait que nous pouvons rester replies sur nous-mêmes.
Mme SINCLAIR : Sur l’Union monétaire, vous allez un peu plus loin. Parce que c’est vrai que ces critères qu’on force les économies à tenir sont des critères qui sont ressentis par beaucoup comme étouffants aujourd’hui. Que dites-vous, vous ? II faut les respecter ? II faut les dépasser ? II faut avancer le calendrier ?
Mme NOTAT : Je dis deux choses : La monnaie unique, plus vile on l’aura, mieux ce sera. Parce que c’est un début d’arrêt aux spéculations financières, aux dévaluations compétitives, aux gens qui s’amusent avec les monnaies pour faire du profit.
Mme SINCLAIR : C’est une autre façon de dire : « On ne respectera pas ces fameux critères ». Parce que si on la fait très vite, on ne les respectera pas.
Mme NOTAT : Moi, je pense que les critères ne doivent pas être conçus de manière rigide, ce sont des grandes tendances. En ce moment où il y a eu Dublin, etc. il ne faut pas en rajouter dans la course d’obstacles pour arriver à la monnaie unique...
Mme SINCLAIR : ... Les chefs d’États européens qui se sont réunis à Dublin.
Mme NOTAT : Je trouve que maintenant ça suffit. Nous sommes assez vertueux. Tous les pays font des efforts, il faut que nous y entrions le plus tôt possible. Mais la monnaie unique n’est pas une fin en soi, effectivement. Ce n’est pas parce que nous aurons la monnaie unique, et il la faut le plus vite possible, que nous allons magiquement résoudre le problème de l’emploi. Cela va, enfin, dépendre de la capacité politique de tous, des gouvernants, des chefs d’États, à imprimer une ligne, imprimer une voie, à imprimer des choix pour l’Europe de demain qui, effectivement, fassent que les politiques de l’emploi soient coordonnées. Qu’il y ait une certaine harmonisation fiscale, qu’il y ait les services publics, comme je le disais tout à l’heure. Bref, c’est la monnaie unique comme outil pour faire, enfin, une Europe telle qu’on a envie de la vivre demain.
Mme SINCLAIR : Que répondez-vous à Nicole Notat aussi inspirée et à qui vous faites si peur ?
M. GOLDSMITH : Eh bien, je citerai Monsieur Chirac et Monsieur Balladur qui ne lui font pas peur.
Mme NOTAT : Oh ! cela dépend.
M. GOLDSMITH : Monsieur Chirac a dit, je le cite : « Dans le système de la monnaie unique, c’est en fait l’intégration de la politique économique dont la définition est transférée à un organisme nouveau. Cela conduirait à des transferts de souveraineté, à mes yeux, tout à fait excessifs. La monnaie unique priverait les États des éléments essentiels de leur souveraineté nationale ».
Et pour Monsieur Balladur, il dit : « Une politique monétaire unique signifie que la gestion budgétaire, fiscale, économique et monétaire des différents États devrait obéir aux orientations fixées par la Banque centrale européenne. Cette Union monétaire-là est contraignante et centralisatrice ».
Alors, ils ont changé d’idée...
Mme SINCLAIR : ... Vous citez tout de même deux Européens convaincus.
M. GOLDSMITH : Justement, je cite deux Européens qui ont changé d’idée parce qu’à l’époque ils réfléchissaient d’une façon plus ou moins valable et tous les deux sont tombés amoureux du duo germano-français ou peut-être, tout simplement, ont-ils cédé à la dominance allemande et ils ont changé d’avis. Et c’est une tragédie.
Mme SINCLAIR : Que pensez-vous, vous ?
M. GOLDSMITH : Je considère que d’essayer de faire des réformes nécessaires en France, en période de récession, parce qu’on essaie d’appliquer des critères de convergence qui correspondent à une idéologie et non pas à des besoins économiques, qui créent un chômage, comme je viens de le décrire, jusqu’à 7 millions de personnes, est la plus pure des folies. Quand fait-on les réformes nécessaires ? On les fait en période de croissance. II faut relancer la France, il faut libérer la France d’une idéologie...
Mme SINCLAIR : ... Toute seule ?
M. GOLDSMITH : On peut la faire, évidemment, dans le cadre européen parce que toute l’Europe en a besoin. Même si nécessaire toute seule. Pour la très simple raison que si vous essayez d’exiger les réformes nécessaires, aujourd’hui, ou vous dégraissez des services, la France ou autres, pour quoi faire ? Pour mettre des gens au chômage parce qu’il y a d’autres places ? Tous les problèmes dont parle Madame Notat, pourquoi sont-ils là ? II faut qu’elle se pose la question ? Parce que nous sommes dans une spirale de décadence. II faut arriver...
Mme NOTAT : ... Monsieur Goldsmith, Maastricht n’est pas là aujourd’hui. La monnaie unique n’est pas là et le chômage que vous décrivez est là dans chacun dans nos pays.
M. GOLDSMITH : Les critères de convergence, nous sommes en train de les faire. Nous sommes entrés dans une politique d’action récessive, en pleine récession. Nous creusons un trou lorsque nous sommes dans un trou. Madame Notat, il faut d’abord arrêter de creuser si on ne veut pas s’enterrer. Actuellement, nous sommes en train d’enterrer ce pays. II faut relancer l’économie. Une fois relancée, on peut faire les réformes qui sont nécessaires, absolument nécessaires. Mais il ne faut pas faire de la récession dans la récession, de la réforme dans la récession, cela ne fait que créer du chômage, de créer une spirale récessive et cela n’économise rien parce qu’il faut continuer les payer.
Mme SINCLAIR : Nicole Notat.
Mme NOTAT : Nous avons connu, Monsieur Goldsmith, des périodes de croissance, en France, qui n’étaient pas si mauvaises. Je crois qu’il faut arrêter de rêver à ce que nous allons connaître dans l’Europe, dans nos vieux continents industrialisés, des chiffres de progression de croissance qui sont aujourd’hui ceux du sud-est asiatique au des pays qui décollent, et c’est heureux pour eux. Donc, y compris quand nous avons nos périodes de croissance, Monsieur Goldsmith, nous avons notre chômage. Certes, il vaut mieux la croissance...
M. GOLDSMITH : ... Je suis entièrement en désaccord avec vous.
Mme NOTAT : Ah ! non, cela, chiffres à l’appui.
M. GOLDSMITH : Vous êtes d’un pessimisme qui tout simplement vient du fait que vous êtes prise dans le mauvais système. L’Europe peut être relancée. La bonne politique redonnerait à l’Europe sa vie. L’Europe pourrait redevenir le centre créateur, stable...
Mme NOTAT : Oui, mais je ne comprends toujours pas comment ?
M. GOLDSMITH : ... civilisateur et prospère du monde. Pour cela, il faut changer de politique qui est en train de détruire ce pays.
Mme NOTAT : Et mettre laquelle en place ?
M. GOLDSMITH : Je suis tout à fait prêt à vous le dire si vous me donnez quelques minutes.
Mme SINCLAIR : Rapidement et justement c’est tout à fait de cela dont nous sommes en train de parler. Et pourquoi, au fond ? Pour essayer de répondre à la crise française, pour essayer de réduire le chômage. Je voudrais qu’on regarde un peu ce qui s’est passé cette semaine avec, notamment, un certain nombre de tentatives pour aménager le temps de travail qui apparaît comme une piste de plus en plus grande pour certains.
SOCIAL :
II y a 10 ans, ils étaient encore 3 000. Aujourd’hui, ils sont à peine 250. Amères, en colère, les salariés de la Lainière de Roubaix savent que, pour eux, c’est déjà trop tard."
Mme SINCLAIR : Nicole Notat, votre grand cheval de bataille est la réduction du temps de travail. Le voyez-vous par une loi ? Ce qu’a l’air de refuser le Gouvernement ? Par une date-butoir, comme l’avait proposé Lionel Jospin en disant : « À terme, nous serons obligés de les réduire à 35 heures ou à 32 heures, donc négocions et arrivons à cela avant ? » Ou bien au cas par cas, au sur-mesure, comme dit Alain Juppé ?
Mme NOTAT : Je crois qu’il faut clarifier l’objectif avant de clarifier les moyens. L’objectif, c’est quoi ? C’est la réduction de la durée du travail qui est un moyen de repartir le travail qui devient rare, en même temps qu’il faut chercher à augmenter le travail. Ne faisons pas d’opposition entre ces deux notions. Donc, mieux repartir le travail en organisant mieux le travail pour libérer du temps pour les unes et les uns qui en ont bien besoin et donner du travail aux autres. Voilà l’objectif.
Mme SINCLAIR : Comme y arrive-t-on ?
Mme NOTAT : On y arrive en réduisant le travail massivement. Par de réduction à doses homéopathiques, les gains de productivité avalent immédiatement ce qui s’est produit et cela n’a pas d’effet sur l’emploi.
Mme SINCLAIR : Donc, on passe de 39 heures à 32 heures.
Mme NOTAT : II faut y aller, 35 ou 32. Et il faut faire, avec une réduction massive, du sur-mesure, l’expression n’est pas du Premier ministre, l’expression est de la CFDT, il nous l’a piquée, là...
Mme SINCLAIR : ... Quelquefois, il y a des confusions.
Mme NOTAT : Non, mais c’est très bien qu’il reprenne les bonnes idées quand elles sont de la CFDT ou d’autres, d’ailleurs. Mais il faut faire du sur-mesure parce que, selon les endroits, les professions dans lesquels on est, on ne va pas réduire le travail de la même façon et les gens ne vont pas avoir les mêmes besoins, les mêmes conditions du temps de travail.
Mme SINCLAIR : Sur-mesure, cela veut dire quoi ? Entreprise par entreprise avec la bonne volonté des salariés.
Mme NOTAT : Non, cela veut dire les formes de la réduction de la durée du travail. On peut faire la semaine de quatre jours. On peut faire les 32 heures sur plusieurs jours. On peut annualiser le temps de travail, comme l’a fait Edmond Maire à VVF, je ne peux tout de même pas ne pas citer cette belle expérience, qui veut annualiser la réduction du temps de travail et qui permet aux salariés de prendre 28 jours de congé en plus en échange de temps de travail plus important dans la semaine. C’est cela le sur-mesure, mais ce n’est pas du sur-mesure sur l’intention et sur l’objectif. Alors, nous avons un superbe joker qui vient de nous être donné entre les mains, c’est la loi car nous l’avons, la loi. C’est la loi de Robien qui, en réduisant de 15 % ou de 10 %, les charges sociales, avec la même équivalence de réduction du temps de travail, nous fait aller à 35 ou à 32 heures.
Alors, un seul objectif pour nous : nous avons fixé un objectif de 1 000 accords avec cette loi de Robien, soit dans des plans sociaux pour limiter les emplois, soit au contraire de manière offensive et dynamique car il faut prendre des initiatives maintenant...
Mme SINCLAIR : ... Est-ce que ce sera assez massif ? On parle de 10 000 postes de travail créés ou sauvés. Est-ce que cela suffit ? Est-ce à la hauteur ?
Mme NOTAT : Ah ! non, bien évidemment ce n’est pas à la hauteur. Mais aujourd’hui nous n’avons que 640 accords sur l’année 1995. Alors, imaginez que si chaque entreprise rentre dans ce mouvement, nous aurons un impact sur l’emploi dont je ne dis pas qu’il suffira à résoudre la totalité du chômage, mais qui fera tout de même sacrément de bien sur cette plaie, sur ce fléau qui est aujourd’hui le chômage, dans le pessimisme et la morosité ambiante.
Mme SINCLAIR : Question posée aux salariés par la SOFRES :
Pour permettre des créations d’emplois dans votre entreprise, seriez-vous prêts à accepter une réduction de votre temps de travail accompagnée d’une baisse de votre salaire ?
Ce n’est évidemment pas la situation générale puisque quelquefois il n’y a pas de baisse de salaire, mais c’est évidemment le type de question qui devient intéressant à poser.
Oui : 55 %
Non : 43 %
Donc, consensus sur cette question. Pas de différence Gauche-Droite et tout le monde a l’air d’avancer vers cette idée. Cela doit vous faire plaisir ?
Mme NOTAT : Fortement plaisir et je rejoindrai Victor Hugo qui disait que « rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue ». Je crois que l’heure de la réduction de la durée du travail est venue. Alors, allons-y ! Encore un effort et on y arrivera.
Mme SINCLAIR : Jimmy Goldsmith, Nicole Notat a dit qu’elle croyait aux pistes très concrètes qui s’amorcent pour elle. Vous, vous dénoncez beaucoup la dérive des gouvernements européens, en particulier du gouvernement français, vers les tentations européennes dont vous dites qu’elles seront mauvaises. Mais qu’est-ce qui serait bon aujourd’hui pour la France ?
M. GOLDSMITH : Ce que vient de proposer Madame Notat et ce qu’on vient de voir sur le sondage est une tragédie. Cela veut dire que la France est prête tout simplement à s’adapter à l’appauvrissement. Au lieu de dire : « Pourquoi avons-nous un manque d’emplois ? C’est parce qu’on suit une mauvaise politique qui, depuis 1974, date à laquelle elle a commencé, a fait passer le chômage de 630 000 à 7 millions de personnes en sous-emploi malgré une croissance énorme. Pourquoi a-t-on créé ce drame social, cette tragédie ? On dit : comment s’adapter à cette tragédie ?
Mme SINCLAIR : II suffit de la refuser pour la nier ?
M. GOLDSMITH : Cela veut dire que toutes ces solutions sont des solutions franco-françaises minimes, c’est comme si personne ne voyageait ou ouvrait les yeux, c’est seule l’Europe...
Mme NOTAT : … J’ai cru comprendre que vous étiez pour les situations nationales.
M. GOLDSMITH : Vous avez parlé, Madame, laissez-moi finir. Je suis pour les nations et les nations peuvent coopérer sans se retirer sur elles-mêmes.
Mme SINCLAIR : Quelles sont vos solutions ?
M. GOLDSMITH : Si vous regardez tous les grands succès depuis 25 ans, ils sont faits par des nations et non pas par des complexes. Lorsque vous parlez des réorganisations ailleurs qu’en Amérique latine, MERCOSUR, ALENA, en Amérique du Nord, dont parlait Monsieur Juppé l’autre jour, il ne comprend pas que c’était base sur des nations, cela n’est pas base sur un conglomérat.
Alors, je vous le dis, il y a un manque de compréhension totale, il faut voyager de temps en temps. Comment voyagent ces politiciens ? Comme des poissons dans des bols qu’on change de pièce. Ils ne voient rien. II faut voir que le Monde entier est vibrant...
Mme SINCLAIR : Le croyez-vous vraiment ? Voyons !
M. GOLDSMITH : Non, ils ne voient rien. S’ils voyaient quelque chose, ils comprendraient.
Mme SINCLAIR : Comment voyagez-vous ?
M. GOLDSMITH : Je voyage pour essayer de comprendre ce qui se passe ailleurs. Et qu’est-ce que je vois ? Je vois une prospérité énorme en train de se créer et je vois la France en pleine hémorragie d’emplois, en pleine d’hémorragie d’épargne qui est nécessaire pour investir ici et pour créer l’emploi. Et qu’est-ce qu’il faut ? Comment voulez-vous que quelqu’un investisse ? Personne ne s’est rendu compte que le Monde avec la chute du mur de Berlin.
Mme SINCLAIR : Tout de même !
M. GOLDSMITH : Quatre milliards de personnes sont rentrés dans le marché du travail, dont 910 millions, selon les chiffres officiels, sont sans emploi. La plupart travaille à 95 % meilleur marche que les gens chez nous. En plus de cela, il y a là mobilité instantanée des capitaux de la technologie. Vous pouvez donc construire une usine instantanément avec la meilleure technologie, faisons appel aux mêmes sources de capitaux que nous, en France, pour construire une usine qui fabrique des produits vendus ici, avec une main d’œuvre, 95 %...
Mme SINCLAIR : ... Alors, on met des « murs de Berlin » autour de nous...
M. GOLDSMITH : ... Non, je ne mets pas des « murs de Berlin ». Vous croyez que Taïwan n’a pas réussi ? Le Japon n’a pas réussi ? La Corée du sud n’a pas réussi ? L’Allemagne n’a pas réussi après la guerre ? L’Amérique d’ailleurs s’est bâtie avec une économie qui était basée pour servir sa propre nation et non pas pour servir une idéologie mondialiste moderne.
Mme SINCLAIR : Monsieur Goldsmith, puis-je me permettre de vous citer ? Dans votre livre, « Le piège » qui a été publié chez Fixot il y a deux ans, qui a été un grand succès de librairie, vous donnez des exemples des sociétés qui vous semblent des sociétés aujourd’hui prospères, intéressantes, justes. Et vous donnez deux exemples qui paraissent insensés et étonnants à des Français : vous donnez l’Ile d’Anguilla dans les Antilles ou le royaume du Boutan...
M. GOLDSMITH : ... Non, non.
Mme SINCLAIR : Si, vous le dites. Et vous dites : « Voilà des sociétés qui, au contraire...
M. GOLDSMITH : ... Ne me déformez pas. Je vais vous dire exactement ce que j’ai dit. J’ai dit : « Ce sont deux sociétés stables. Elles ne sont pas montrées dans le système économique. » Je dis justement qu’Anguilla a refusé l’immigration, si vous vous rappelez...
Mme SINCLAIR : ... Très bien. Vous dites : « Ce sont des exemples de sociétés paisibles... »
M. GOLDSMITH : … Paisibles... je n’ai pas dit qu’elles étaient rentrées dans le jeu économique dans lequel nous sommes. Le jeu économique dans lequel nous sommes, si vous lisez mon autre livre, « La réponse », cela expliquera que Taïwan et la Corée du sud se sont faits dans la protection, le Japon aussi et l’Allemagne. II est temps que l’économie française et l’économie européenne soient là pour servir l’emploi en Europe et non pas l’emploi en Chine, au Vietnam, aux Philippines et ailleurs. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas commercer avec ces gens. Cela veut dire que notre responsabilité n’est pas d’appauvrir et d’humilier cette nation, mais de créer l’emploi, la prospérité, la stabilisé et le contentement. Et, nous, nous faisons le contraire.
Mme SINCLAIR : Nicole Notat, nous sommes obligés d’avancer parce que j’ai l’impression que vous aimeriez répondre et qu’on organise un débat, mais ce n’est pas l’objet parce que je voulais deux regards et deux regards, qu’on comprend, aux antipodes. Je voudrais vous interroger et revenir à la grave du 17 octobre de jeudi prochain. Les médecins vont se mêler avec cette grève, avec des mots d’ordre très différents. Est-ce que cela ne donne pas une impression un peu fourre-tout ?
Mme NOTAT : Oui, cela donne plus qu’un sentiment fourre-tout. Je dirais même qu’il est assez incongru de voir les médecins venir un peu faire un hold-up sur cette grève des fonctionnaires...
Mme SINCLAIR : ... On les voit à Carcassonne en train de manifester et brûleur leur carte d’électeur.
Mme NOTAT : Si vous voulez, l’occasion pour moi de parler aux médecins. Je ne veux pas jeter de discrédit sur une profession qui a ses qualités, qui a besoin de reconnaissance, qui a besoin de considération, à laquelle on tient tous. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui cette profession est confrontée à une adaptation, comme beaucoup de professions ont été adaptées é des adaptations, dans l’exercice de la médecine, dans l’exercice de leur profession. Alors, c’est peut-être plus dur parce qu’on a mis trop de temps à réfléchir à cette adaptation. Mais des négociations vont s’ouvrir. Donc, si les négociations s’ouvrent, nous attendons des médecins qu’ils fassent preuve des coûts des assurés sociaux, qu’ils comprennent que leurs revenus, s’ils y tiennent, la survie de leur profession, c’est la sécurité sociale qui leur assure, ce sont nos cotisations qui permettent qu’ils aient l’essentiel de leurs revenus. Donc, un esprit de responsabilité. Donc, une obligation de résultat car, sans cela, cela va être très difficile.
J’en appelle tout simplement à ce que déjà des médecins ont compris. Je sais qu’à Nancy ils s’organisent avec la CEPAM, avec la Mutualité agricole, avec des syndicats de médecins. Et vous savez que le principal syndicat des médecins-généralistes est favorable à cette réforme parce qu’il sait que c’est l’avenir de sa profession qui y gagne. Donc, ils font une campagne de sensibilisation pour la bonne qualité des soins et ils la définissent très simplement : des traitements utiles, efficaces au meilleur coût.
Mme SINCLAIR : On est là dans l’illustration même de ce que vous faites. J’ai eu l’impression d’écouter une responsable, aujourd’hui, en charge d’appeler une partie de la population à la raison et pas quelqu’un qui représente un syndicat, qui a donc une vocation, plus traditionnellement, protestataire ou revendicatrice qui pourrait au contraire les appeler à rejoindre un mouvement quand cela ne va pas bien. Êtes-vous dans le rôle qui convient ?
Mme NOTAT : Attendez, je ne suis pas représentative des médecins, ils ont leurs syndicats, ce sont des professions libérales. Donc, il est dans mon rôle et dans le rôle de la CFDT, de défendre les assurés sociaux. Les assurés sociaux, ce sont les retraités, les chômeurs et les salariés. Donc, nous sommes en plein dans notre rôle quand nous disons aux médecins : « Voilà, comment nous pensons, aujourd’hui, qu’il faut que les choses avancent ». II faut aussi que le Gouvernement ne nous fasse pas taus les matins des coups qu’il ne devrait pas faire...
Mme SINCLAIR : Comme ?...
Mme NOTAT : Je veux parler des deux décisions qu’il a prises, qui sont deux décisions de trop, qui contredisent ce que la CNAM avait dit, c’est-à-dire sur les ambulanciers et sur les horaires de nuit. Je dis, là : « attention, carton jaune. Le Gouvernement fait un croche-pied aux partisans de la réforme et il ne faut pas que cela continue comme cela ». Je crois qu’il faut comprenne que l’assurance-maladie et son président – ce n’est pas dans sa nature – ne seront pas une marionnette entre les mains de l’Etat.
M. GOLDSMITH : Laissez-moi faire un appel aussi, non pas en tant que syndicaliste, laissez-moi faire un appel justement au contraire de ce que vous venez de dire. J’appelle aux gens de refuser de s’adapter à la pauvreté, de rejeter le système qu’ils créent, de demander que les réformes se fassent dans la prospérité et non pas dans l’appauvrissement qui est le chemin que l’on nous propose.
Mme SINCLAIR : On va regarder des images de l’étranger et notamment des États-Unis.
PROCHE-ORIENT :
« Les pourparlers avec Israël s’enlisent, tenez-vous prêts à toute éventualité ». Le ton est grave, l’heure aussi. En s’adressant ainsi à son peuple, Yasser Arafat lance un avertissement à peine voilé au gouvernement israélien.
MADE IN USA :
Côte à côte, c’est la version américaine du face-à-face. Pendant 90 minutes, Bill Clinton et Bob Dole ont parlé les yeux dans les yeux aux Américains. Aucun des deux candidats à la présidence n’a déçu son public.
Mme SINCLAIR : II nous reste très peu parce que nous avons été très pris par le débat.
Jimmy Goldsmith, quand vous voyez aux États-Unis que Clinton a l’air de réussir, que le chômage baisse, fut-ce au prix de la précarité, enfin d’un certain nombre de choses qu’on dit, ici, en Europe, que pensez-vous ? Qu’ils sont sur la bonne vole ?
M. GOLDSMITH : Ils ont choisi la voie de ce qu’ils appellent « la flexibilité », c’est-à-dire qu’ils ont réduit, selon leurs propres chiffres gouvernementaux, le salaire de 80 % de la population par 19,4 % depuis 20 ans, malgré une hausse considérable de productivité et de croissance.
Mme SINCLAIR : Donc, ce n’est pas la bonne voie non plus.
M. GOLDSMITH : Je ne crois pas que l’objectif d’une économie est d’appauvrir 80 % de son peuple.
Mme SINCLAIR : Nicole Notat ?
Mme NOTAT : Paradoxalement, voilà une conclusion que nous allons partager. Pour moi, les États-Unis, ce n’est pas l’Eldorado que l’on décrit parce que c’est effectivement peut-être moins de chômeurs, mais c’est un gros paquet de gens qui sont en-dessous du seuil de la pauvreté. C’est 40 millions d’Américains qui n’ont pas de protection contre l’assurance-maladie. L’Amérique, telle qu’elle est aujourd’hui, est une fracture béante sur le plan social dans un pays prospère, dans un pays qui est agressif sur les marchés internationaux, ou le dollar est plus fort que les autres parce qu’il est plus faible paradoxalement. Eh bien, cela est l’antithèse de la société européenne que nous aspirons à construire. C’est l’antithèse d’une société ou les forces du marché, les forces de l’argent, ce ne sont pas elles qui dominent, ce n’est pas la loi de la jungle. Voilà, c’est l’antithèse. La société américaine, ce n’est pas l’Europe que nous voulons pour demain.
Mme SINCLAIR : Vous défilerez jeudi aux côtés de Louis Viannet et de Marc Blonde ! qui a dit à Europe tout à l’heure : « II y a tout pour que ça pète mais je ne suis pas sûr que cela va péter » ?
Mme NOTAT : Cela est une parole très paradoxale qui n’engage vraiment pas à grand-chose. Au demeurant, je serai vraisemblablement dans le défilé avec les fonctionnaires.
Mme SINCLAIR : Merci, Jimmy Goldsmith. Merci, Nicole Notat. Dimanche prochain, je recevrai Ségolène Royal.
Dans un instant, Claire Chazal et le Journal de 20 heures qui, elle, reçoit Jean-Paul Belmondo.
Merci à tous. Bonsoir.