Texte intégral
Allocution à l'occasion de la signature du protocole d'accord sur le programme patrimonial bordelais, le vendredi 13 septembre 1996
Lors de l'inauguration de la rénovation du musée des Beaux-Arts de Bordeaux, le 13 octobre 1995, j'avais annoncé que j'étais disposé à engager mon ministère dans la voie d'une approche globale, patrimoniale, architecturale, en partenariat avec la ville.
Le protocole qui va être signé aujourd'hui répond à cette ambition. Il en est le témoin. Il en est le garant.
Il met en cohérence tous les aspects d'une politique patrimoniale ambitieuse ; il se fixe comme objectif de faire de Bordeaux une ville de référence européenne ; il concilie le respect d'un patrimoine prestigieux, avec les nécessaires évolutions urbaines.
Ainsi, le premier aspect de ce programme concerne la mise en oeuvre d'une opération d'inventaire, que conduira le service régional de l'inventaire.
Une meilleure connaissance des éléments patrimoniaux de la ville, en dehors du secteur sauvegardé, sera très utile pour les aménageurs, qui bénéficieront des informations numérisées sur les données du cadastre.
L'inventaire permettra, aussi, d'envisager dans l'avenir la mise en place d'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, au-delà du secteur sauvegardé.
Le second volet de ce programme traduit une ferme volonté commune à l'État et à la ville d'intensifier la restauration des monuments historiques dans la ville. Le programme prévoit de réaliser près de quinze millions de francs de travaux, par an, sur les monuments historiques appartenant à la ville.
Il s'agit d'un effort nécessaire, que mérite la qualité exceptionnelle du patrimoine bordelais et l'état sanitaire de monuments importants, comme l'église Saint-Michel, la Grosse Cloche, l'église Saint-Pierre…
Dès 1996, le ministère de la Culture financera la moitié de ce programme de restauration, en multipliant par 2,5 les sommes qu'il consacre au patrimoine de Bordeaux.
L'État, par ailleurs, prolongera ces efforts en portant une attention particulière à la cathédrale Saint-André, qui fête le neuvième centenaire de sa consécration par le pape Urbain II. En 1996, 8,5 millions de francs de travaux sont prévus sur la cathédrale.
De surcroît, le ministère de la Culture a tenu intervenir, activement, pour permettre la restauration du palais de la Bourse ? dix millions de francs de subvention, sur trente-trois millions de francs de travaux ?, prévus en 1996, 1997 et 1998.
Il importe aussi que la restauration d'un monument aussi emblématique que le Palais de la Bourse soit accompagnée par une politique de ravalement systématique des immeubles et particulièrement, dans un premier temps, des immeubles configurant la magnifique façade des quais, qui bénéficieront de l'aide du ministère de la Culture.
Cette cohérence retrouvée fera la force de la politique patrimoniale de la ville de Bordeaux, d'autant que l'obligation de ravalement sera assortie d'un dispositif d'aides significatives aux propriétaires les moins fortunés, et d'actions de réhabilitation des logements.
Cette ambition globale redonne vie au patrimoine ; elle se prolonge par une politique de mise en valeur, qui se traduira par un programme pluriannuel de mise en lumière, de signalétique, de rénovation des places et des rues.
Cette nouvelle donne, pour le patrimoine bordelais, conduit naturellement à développer des actions significatives de sensibilisation de la population et des touristes.
Le protocole envisage ainsi la perspective d'inscrire la ville de Bordeaux dans le réseau national des villes d'art et d'histoire.
Au total, sur les quatre années, qui vont de 1996 à 1999, et concernées par le protocole, le ministère de la Culture contribuera pour soixante-dix millions de francs à la réussite de cette politique globale.
Le programme patrimonial bordelais inscrit aussi à son actif une méthode nouvelle de travail, qui associe tous les partenaires concernés.
Un comité de pilotage, des comités techniques par action permettront à chaque partenaire d'apporter son conseil, son expérience, les compétences des services, pour faire de ce programme patrimonial bordelais un modèle exemplaire, en matière de politique patrimoniale et architecturale.
Cette grande oeuvre s'inscrit dans une dynamique à long terme et entre, par la signature du protocole, dans une première phase opérationnelle couvrant les années 1996 à 1999, qu'il est prévu d'intégrer dans la charte d'objectifs de l'agglomération bordelaise.
Je suis heureux de le signer, à vos côtés et avec vous, monsieur le Premier ministre : ce texte nous engage, ce texte engage l'État et Bordeaux dans une démarche commune et concertée. N'est-ce pas là, si l'on veut bien aller à l'essentiel, ce qui fait l'exemplarité d'une politique culturelle ?
Allocution à l'occasion des journées du patrimoine en Languedoc-Roussillon, à Espira-de-Conflent, le dimanche 15 septembre 1996
C'est un grand plaisir pour moi de me trouver aujourd'hui parmi vous : élu pyrénéen, je me sens solidaire de toutes les actions conduites, de l'Atlantique à la Méditerranée, ou en liaison avec nos voisins et amis du Sud ; ministre de la Culture, je suis très attaché à toutes les formes de vie culturelle, que chacun de vous contribuez à développer sur votre territoire.
Ma visite aujourd'hui dans la vallée de la Têt et un peu dans le Fenouillèdes à Belesta se situe, vous le savez, dans le cadre des journées nationales du patrimoine, journées au cours desquelles plusieurs millions de Français et d'habitants d'autres pays d'Europe vont porter une attention toute particulière à leur patrimoine architectural et artistique.
J'ai souhaité que mon programme de ces deux journées se déroule hors des grandes métropoles, en choisissant de préférence des lieux symboliques de la diversité du patrimoine et de son extraordinaire répartition sur le territoire national, jusque dans les communes rurales les plus modestes.
Hier, j'ai visité les églises à décor peint de la vallée du Louron, dans les Hautes-Pyrénées.
Aujourd'hui, je suis avec vous dans le Conflent et le Fenouillèdes, deux admirables régions du Roussillon aux personnalités bien marquées.
Vous pensez bien que ce choix ne relève pas du hasard ! Si j'ai choisi de vous rencontrer à Ille-sur-Têt, Belesta, Joch, Finestret et Espira-de-Conflent, c'est parce que je connais la richesse et la diversité du patrimoine dont vous avez la charge, ainsi que la passion et le dévouement que vous mettez à l'étudier, le restaurer, le faire vivre.
L'histoire du château-musée de Belesta est, à cet, égard, exemplaire. Voilà une commune de quelques deux cents habitants qui subit, comme la plupart des communes rurales, le choc des difficultés économiques et de la désertification de la moyenne montagne et qui cherche le moyen de sauver le village d'une mort lente quasi inéluctable.
Et ce fut la découverte de la grotte de Belesta, de la caune comme on l'appelle ici. Personne n'ignorait son existence mais elle n'avait jamais été vraiment explorée. Sa découverte, en 1983, a semble-t-il bouleversé la vie du village, puisque vos ancêtres connus et les ruines du château remontaient au XIe siècle et que vous vous retrouvez, monsieur le maire, confronté au souvenir d'occupants vieux de six à huit mille ans par rapport à notre fin de siècle.
Vous avez immédiatement choisi de tirer le meilleur parti de cette découverte et, aidés en cela par Françoise Claustre et beaucoup d'autres, vous avez réalisé dans le château, dont les ruines ont été consolidées, ce bel espace consacré à la présentation de l'histoire de votre commune.
Présentation muséographique réussie, complétée par un service pédagogique actif ; nous l'avons bien vu avec les actions lancées par le service pédagogique pour mieux connaître le petit patrimoine de la commune, avec le recensement des mégalithes et des cabanes de bergers qui se comptent par dizaines.
Vous-même, m'a-t-on dit, dans votre classe, vous apprenez aux enfants à lire dans la pierre l'histoire du village de Belesta ; on m'a même laissé entendre que leurs yeux exercés découvraient des détails architecturaux que vous n'aviez encore jamais décelés.
Nous verrons ensemble comment vous aider à restaurer et entretenir ce patrimoine local non protégé, dans le cadre de la politique « emploi-patrimoine ».
Le projet autour du baroque catalan, à partir du centre d'art sacré d'Ille-sur-Têt, est une autre histoire.
Je viens de découvrir une infime partie de votre richesse, grâce aux superbes retables peints de l'église de Joch ou de l'ensemble exceptionnel de mobilier monumental et de sculpture de celle d'Espira-de-Conflent. J'ai eu l'occasion d'entrevoir, en juillet dernier, quelques retables baroques de l'église de Collioure en cours de travaux.
Il me semble que le nombre de retables en Roussillon soit de l'ordre de huit cent à mille. Leur réalisation s'étale du XIVe au XIXe siècle, avec une très forte proportion datant de l'époque baroque, entre 1650 et 1750. Épargnés par les guerres de religion qui ont ravagé le Languedoc voisin, ils sont, pour la plupart, encore présents dans les églises du département.
Présents certes, mais malheureusement fragilisés par le temps, l'humidité, les vers, les termites ; ils sont, pour une trop large part, aujourd'hui en péril.
La direction régionale des affaires culturelles envisage, avec le concours du conseil général dans toute la mesure du possible, de dresser un état de la situation en réalisant une étude-diagnostic de l'ensemble du mobilier religieux du département, afin de mettre au point un plan de sauvetage et de restauration pluriannuel.
Je serais pour ma part très favorable au principe de l'inscription d'un tel programme dans le prochain contrat de plan État-région, auquel seraient associés le département et les communes concernées. Ceci, sous réserve, bien entendu, de l'accord du principal partenaire contractuel de l'État, c'est-à-dire le conseil régional.
Sans attendre un tel projet, ambitieux pour le patrimoine des Pyrénées-Orientales et certainement nécessaire, vous êtes, mesdames et messieurs les élus, bien conscients de la richesse artistique qui vous entoure et des responsabilités qui vous incombent.
Le centre d'art sacré d'Ille-sur-Têt et la vingtaine de communes adhérentes ? entre quinze et vingt selon les années ? ont déjà depuis près de dix ans décidé de travailler ensemble à la sauvegarde et à la valorisation de ce patrimoine, aidés en cela par mon ministère, la direction régionale des affaires culturelles, et Olivier Poisson, l'infatigable inspecteur des Monuments historiques.
Aidés également par le conseil général et son atelier départemental de restauration.
Une forte relance de ce projet de développement du tourisme culturel est intervenue cette année, dans le cadre de la mise en place d'un pôle d'économie du patrimoine qui a permis de bénéficier de moyens complémentaires de la DATAR, et grâce à la signature d'une nouvelle convention de développement culturel.
Le recrutement d'un chef de projet, Marc Puig (prononcer Puitch) dont les compétences en la matière ont déjà fait leurs preuves à Pézenas, a contribué fortement à redynamiser votre projet et à ouvrir des perspectives nouvelles. Tout en confortant ce qui a déjà été fait, il me paraît bon, ainsi que vous le proposez, de renforcer les cohérences et de mettre en réseau toutes ces richesses.
Pourquoi pas, en effet, un pays d'art et d'histoire dans la vallée de la Têt, associant d'amont en aval la Cerdagne, le Capcir, le Conflent et la basse vallée jusqu'à Perpignan, si les élus décident de coopérer ? La direction du patrimoine et la direction régionale des affaires culturelles sont prêtes à étudier un tel projet avec vous.
L'idée d'élargir, à partir du centre d'art sacré d'Ille-sur-têt, la mise en réseau du patrimoine baroque, peu à peu, aux collectivités prêtes à collaborer, y compris celles de la Catalogne du Sud, me paraît séduisante. Elle nécessitera sans doute des moyens accrus.
Le patrimoine est une chance pour notre pays et pour vous Catalans qui en êtes largement pourvus. II a un coût, certes, mais il peut, vous l'avez bien compris, contribuer au développement économique ou au maintien des activités existantes.
C'est vrai dans la commune voisine de Tautavel ; on l'a vu à Belesta, même si le pari n'est pas encore complètement gagné ; cela peut se confirmer dans le cadre du pôle d'économie du patrimoine limité aux quinze communes actuellement adhérentes ou élargi à d'autres collectivités locales ainsi que je viens de l'évoquer.
Je serai donc très attentif à tout ce que vous déciderez d'entreprendre dans cette direction.
L'action conduite par l'association « Réseau culturel : terres catalanes », que je salue ici, montre bien, en effet, que l'information relayée par différents lieux culturels ? depuis la préhistoire la plus reculée à Tautavel jusqu'au musée d'Art moderne et contemporain de Céret comme c'est le cas ? contribue, malgré les baisses de fréquentation observées au plan national, à fidéliser le public.
Nous pouvons aller encore plus loin ensemble. C'est pourquoi j'ai décidé de lancer un plan d'action en faveur de l'emploi et du patrimoine, destiné aux projets de restauration du patrimoine de proximité un peu oublié, tout en favorisant la création d'emplois locaux.
Sa mise en oeuvre associera les services du ministère, la direction régionale des affaires culturelles et le service départemental de l'architecture et du patrimoine, les services préfectoraux, les conseils généraux, les communes et la Fondation du patrimoine. Des réunions de travail ont déjà eu lieu dans la plupart des départements, comme ici dans les Pyrénées-Orientales, des orientations déjà définies, et certains programmes, comme en Lozère, sont d'ores et déjà quasiment opérationnels.
Deux exemples de ce matin viennent conforter la pertinence de ce programme : monsieur le maire de Belesta m'a dit son ambition de lancer un programme communal de restauration de son patrimoine, notamment celui des cabanes de bergers, les capitelles ; ce projet correspond bien à ce que nous souhaitons voir se réaliser sur le territoire national.
Nous venons, d'autre part, de faire une halte à l'église de Finestret, dont une bonne partie de la restauration intérieure a été réalisée par une équipe de personnes sous contrat emploi-solidarité, montrant qu'avec un bon encadrement certaines tâches de restauration peuvent être confiées à des non-spécialistes encadrés ; notre ambition étant que ces non-spécialistes le deviennent et puissent bénéficier d'un emploi permanent dans une entreprise. Voilà un autre exemple qui me prouve qu'avec votre aide, monsieur le président, nous pourrons arrêter pour 1997 un programme départemental de restauration.
Je voudrais, en terminant, vous féliciter, monsieur le maire d'Espira, à la fois pour la qualité du patrimoine de votre église, même si vous n'y êtes pour rien personnellement, mais surtout pour votre forte implication et celle de votre commune dans la gestion et la mise en valeur de cet exceptionnel ensemble.
Le programme de restauration des retables et des panneaux sculptés réalisé au cours des cinq dernières années est impressionnant. Votre décision de restaurer une maison proche de l'église pour y faire une micro-maison de la culture l'est tout autant. Vingt pour cent de la population d'Espira fréquente votre bibliothèque, petite, mais admirablement installée, c'est un beau résultat. L'accueil des visiteurs au rez-de-chaussée, dans votre maison du patrimoine vous permet de mettre en oeuvre une véritable politique en direction des publics, cette initiative est suffisamment exemplaire pour qu'elle soit soulignée, en rappelant que votre commune ne compte que cent trente habitants.
Le ministre de la Culture est donc aujourd'hui très heureux de vous remercier pour votre action en faveur du patrimoine et de vous encourager à poursuivre, à consolider et à développer ce que vous avez aussi magnifiquement entrepris.