Déclaration de M. Bernard Pons, ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme, sur le projet de loi portant création de l'établissement public Réseau ferré national, à l'Assemblée nationale le 16 octobre 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bernard Pons - ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme

Texte intégral

Exposé des motifs

Mesdames, Messieurs,

Le gouvernement a souhaité que s'engage un débat national sur l'avenir du transport ferroviaire. Ce débat s'est déroulé au cours du premier semestre 1996 dans les régions, au sein des Conseils régionaux et des Conseils économiques et sociaux régionaux, puis, au niveau national, au Conseil national des transports et au Conseil économique et social.

Le gouvernement a tiré les conclusions de ce débat à l'Assemblée nationale le 11 juin 1996 et au Sénat le 25 juin 1996, en présentant les grandes lignes d'une réforme de l'organisation du transport ferroviaire, qui constitue une solution française originale à même d'assurer le renouveau de ce mode de transport.

Cette réforme s'inscrit dans une politique globale et cohérente, permettant à chaque mode de transport de faire valoir pleinement ses atouts dans un souci de complémentarité et d'efficacité économique. Pour le chemin de fer, ces atouts se mesurent notamment en termes de service public, d'aménagement du territoire, de sécurité et de préservation de l'environnement.

La réforme doit assurer un véritable renouveau du chemin de fer et le redressement durable de la Société nationale des chemins de fer français. Elle repose sur deux piliers :

– la clarification des responsabilités respectives de l'État et de la Société nationale des chemins de fer français en matière d'infrastructure et le désendettement de la Société nationale des chemins de fer français ;
– l'expérimentation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs.

La clarification s'appuie sur la création au 1er janvier 1997 d'un établissement public industriel et commercial responsable du réseau ferré national et de son financement.

Le projet de loi présenté porte création de cet établissements public dénommé « Réseau Ferré National », qui a pour objet l'aménagement, le développement et la mise en valeur de l'infrastructure ferroviaire, selon les principes du service public. (Article 1er)

La gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la Société nationale des chemins de fer français, pour le compte de Réseau Ferré National, qui la rémunère à cet effet, et selon les objectifs qu'il définit. La Société nationale des chemins de fer français gardera ainsi une double mission de transporteur ferroviaire et de gestionnaire de l'infrastructure. (Article 1er)

Le présent projet introduit une dérogation à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, relative à la, maîtrise d'ouvrage publique afin de permettre à Réseau Ferré National de confier à la Sécurité nationale des chemins de fer français des mandats de maîtrise d'ouvrage pouvant porter sur des ensembles d'opérations. Celle-ci pourra assurer la maîtrise d'œuvre des opérations correspondantes. (Article 1er).

Le projet fixe les règles constitutives de Réseau Ferré National. (Article 2). Cet établissement sera soumis au contrôle économique et financier de l'État ; il tiendra sa comptabilité selon les règles applicables aux entreprises. (Article 3).

Les biens de l'État gérés par la Société nationale des chemins de fer français, constitutifs de l'infrastructure, seront apportés en pleine propriété au nouvel établissement public. Ces biens comprennent notamment les voies, les quais, les réseaux et l'ensemble des installations nécessaires au fonctionnement des systèmes de régulation et de sécurité. La Société national des chemins de fer français demeurera gestionnaire des biens dévolus à l'exploitation des services de transport ferroviaire, c'est-à-dire notamment les gares et les installations et ateliers du matériel roulant ; elle continuera d'assurer également la gestion des magasins et ateliers de réparation et d'assemblage des équipements de voie, celle des immeubles administratifs, des biens affectés au logement et aux activités sociales et conservera ses filiales et participations financières. (Article 4)

Une dette de 125 milliards de francs vis-à-vis de la Société nationale des chemins de fer français sera inscrite au passif de Réseau Ferré National lors de sa création.

Le projet de loi prévoit les dispositions comptables, domaniales et fiscales nécessaires à la réalisation des opérations de transfert et permettant d'assurer, d'une part, leur exonération de tous impôts, droits et taxes et, d'autre part, leur neutralité vis-à-vis de la fiscalité locale. (Articles 5, 6 et 7)

À cet égard, l'article 7-I assurera la neutralité pour la fiscalité foncière. L'article 7-II modifiera le code général des impôts afin de permettre à toutes les communes disposant d'installations ferroviaires de continuer à percevoir la taxe professionnelle relative aux activités de la Société nationale des chemins de fer français, sans pour autant modifier le régime actuel de la Régie autonome de transports parisiens, dont la taxe professionnelle est versée au lieu de stationnement habituel de ses véhicules.

L'État gardera toutes ses prérogatives en matière de définition et de consistance du réseau. En particulier, les projets de déclassement seront soumis à l'autorisation de l'État. (Articles 1er à 9)

Une modification est apportée à la loi du 15 juillet 1845 relative à la police des chemins de fer afin de permettre de classer explicitement l'ensemble du réseau ferré national dans la grande voirie (article 10). Cette disposition protectrice permettra la poursuite des atteintes à l'intégrité du domaine public de Réseau Ferré National, selon la procédure des contraventions de grande voirie (article 9).

Les ressources de Réseau Ferré National seront constituées de l'ensemble des produits liés aux biens dont il sera propriétaire et notamment des redevances qu'il percevra pour les circulations sur le réseau ferré national, des concours financiers de l'État et de tous autres concours, en particulier ceux des collectivités territoriales. (Article 11)

Le projet de loi apporte les ajustements nécessaires à la loi d'orientation des transports intérieurs afin d'assurer la cohérence du cadre législatif. La Société nationale des chemins de fer français se verra confirmée à cette occasion dans sa double mission de gestionnaire de l'infrastructure et de transporteur ferroviaire. (Article 12)

Le projet abroge l'avant dernier alinéa de l'article 20 de la loi d'orientation. Cet alinéa prévoyait que le produit des aliénations ou changements d'affectation des biens immobiliers gérés par la SNCF devrait être utilisé pour l'aménagement ou le développement du domaine ferroviaire. Cette disposition n'aura plus de signification puisque cette mission est désormais confiée à Réseau Ferré National. Une disposition, de même nature est par ailleurs inutile pour ce nouvel établissement public, propriétaire de son domaine, qui percevra donc les produits de cession et les utilisera conformément à son objet. (Article 12)

Le texte prévoit enfin des concours financiers de l'État pour les missions de service public confiées à la Société nationale des chemins de fer français et pour les charges qu'elle supporte en matière de retraites. (Article 12)

Afin de lancer l'expérimentation prévue par l'article 67 de la loi n° 95-115 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, une disposition complétant cette loi permettra à l'État de compenser directement et forfaitairement aux régions les charge des services ferroviaires régionaux dont elles deviendront autorités organisatrices, dans le cadre de conventions avec la Société nationale des chemins de fer français. Cette expérimentation, qui débutera le 1er janvier 1997, se déroulera selon les principes de volontariat, transparence, réversibilité, convenus entre l'Association des présidents de conseils régionaux, l'État et la Société nationale des chemins de fer français. (Article 13)

Enfin, le projet prévoit des dispositions transitoires permettant d'assurer la continuité de la gestion du réseau ferré national, des opérations d'aménagement et de développement en cours, des responsabilités et concours financiers correspondants. (Article 14)


Projet de loi portant création de l'établissement public « réseau ferré national »

Article 1er : Il est créé la date du 1er janvier 1997 un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé « Réseau Ferré National ». Cet établissement a pour objet l'aménagement, le développement et la mise en valeur de l'infrastructure du réseau ferré national. La consistance et les caractéristiques principales de ce réseau sont fixées par l'État.

La gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national, ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau, sont assurés par la Société nationale des chemins de fer français, pour le compte et selon les règles définies par Réseau Ferré National. Il la rémunère à cet effet.

Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'exercice des missions de Réseau Ferré National. Ce décret prévoit qu'une convention entre le Réseau Ferré National et la Société nationale des chemins de fer français fixe, notamment, les conditions d'exécution et de rémunération des missions mentionnées au précédent alinéa.

Ce décret détermine également les modalités selon lesquelles Réseau Ferré National confie, par dérogation à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, à la Société nationale des chemins de fer français, après définition des programmes et enveloppes financières prévisionnelles, des mandats de maîtrise d'ouvrage pouvant porter sur des ensembles d'opérations.

Article 2 : Le conseil d'administration de Réseau Ferré National est constitué conformément aux dispositions de la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 modifiée relative à la démocratisation du secteur public.

Le président du conseil d'administration est nommé parmi les membres du conseil, sur proposition de celui-ci, par décret.

Un décret en Conseil d'État fixe les statuts de l'établissement et détermine les modalités de nomination ou d'élection des membres du conseil d'administration.

Article 3 : Réseau Ferré National est soumis en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales. Il tient sa comptabilité conformément au plan comptable général. Il dispose de la faculté de transiger et de conclure des conventions d'arbitrage. Il peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant pour but connexe ou complémentaire à se missions.

Réseau Ferré National est soumis au contrôle économique, financier et technique de l'État. Un décret en Conseil d'État précise les règles de gestion financière, comptable et domaniale qui lui sont applicables, ainsi que les modalités du contrôle de l'État.

Article 4 : Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport, appartenant à l'État et gérés par la Société nationale des chemins de fer français sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau Ferré National. Les biens constitutifs de l'infrastructure comprennent notamment les voies, les quais, les triages, les réseaux, les installations et bâtiments techniques.

Sont exclus de l'apport, d'une part les biens dévolus à l'exploitation des services de transport, notamment les gares et les ateliers d'entretien du matériel roulant, d'autre part, les ateliers de réparation des équipements de voie et les immeubles administratifs. Il en est de même des biens affectés au logement social et aux activités sociales et des participations financières.

Les modalités de détermination de ces biens sont fixées par décret en Conseil d'État.

Article 5 : Réseau Ferré National est substitué à la Société nationale des chemins de fer français pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 1997 et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date.

Un décret en Conseil d'État précise, en tant que de besoin et compte tenu des missions respectives des deux établissements, les droits et obligations résultant des actes ou conventions passés par la Société nationale des chemins de fer français qui sont transférés à Réseau Ferré National.

Article 6 : Lors de la création de Réseau Ferré National, une dette de 125 milliards de francs vis-à-vis de la Société nationale des chemins de fer français est inscrite à son passif.

Article 7 : L'ensemble des transferts mentionnés aux articles 4, 5 et 6 ne donne lieu à aucun versement de salaire ou honoraire au profit d'agents de l'État, ni à aucune indemnité ou perception d'impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.

Article 8 : I. – Pour le calcul de la valeur locative des immobilisations industrielles dont la propriété est transférée au 1er janvier 1997 à Réseau Ferré National, le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur pour laquelle ces immobilisations sont inscrites au 31 décembre 1996 dans les écritures de la Société nationale des chemins de fer français.

II. – Il est inséré dans le code général des impôts un article 1474 A ainsi rédigé : « Article 1474 A. Nonobstant les dispositions des articles 1473 et 1474, lorsque la majorité des véhicules ferroviaires d'une entreprise n'a pas de lieu de stationnement habituel, la valeur locative des véhicules de cette entreprise et les salaires versés  au personnel affecté à ces véhicules sont répartis entre toutes les communes sur le territoire desquelles des locaux et terrains sont affectés à son activité, quel que soit le redevable au nom duquel ces biens sont imposés. La répartition est proportionnelle aux valeurs locatives de ces locaux et terrains.

Article 9 : Les transferts mentionnés aux articles 4 et 5 sont réalisés à la valeur nette comptable des actifs correspondants.

Les conséquences dans les comptes de la Société nationale des chemins de fer français de ces transferts et des opérations juridiques et comptables réalisées à cette occasion sont inscrites directement dans les comptes de capitaux propres de la Société nationale des chemins de fer français.

Article 10 : Les biens immobiliers appartenant à Réseau Ferré National, affecté au transport ferroviaire et aménagés spécialement à cet effet, ont le caractère de domaine public.

Les atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public de Réseau Ferré National sont constatées par ses agents assermentés, conformément aux dispositions de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1845 modifiée sur la police des chemins de fer. Ces atteintes peuvent également être constatées, dans les mêmes conditions, par les agents assermentés de la Société nationale des chemins de fer français. Réseau Ferré National exerce concurremment avec l'État les pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression de ces atteintes.

Les biens immobiliers utilisés pour la poursuite des missions de Réseau Ferré National peuvent être cédés à l'État ou à des collectivités territoriales pour des motifs d'utilité publique, moyennant le versement d'une indemnité égale à la valeur de reconstitution.

Les déclassements affectant la consistance du réseau sont soumis à l'autorisation préalable de l'État.

Article 11 : L'article 1er de la loi du 15 juillet 1845 est ainsi complété :

« Article 1er : Cette disposition s'applique à l'ensemble du réseau ferré national. »

Article 12 : Les ressources de Réseau Ferré National sont constituées par :

– les redevances qu'il perçoit pour les circulations sur le réseau ferré national ;
– les autres produits liés aux biens qui lui sont apportés où qu'il acquiert ;
– les concours financiers de l'État ;
– tous autres concours, notamment ceux des collectivités territoriales.

Le calcul des redevances ci-dessus mentionnées tient notamment compte du coût de l'infrastructure, de la situation du marché des transports et des caractéristiques de l'offre et de la demande, des impératifs de l'utilisation optimale du réseau ferré national et de l'harmonisation des conditions de la concurrence intermodale. Les règles de détermination de ces redevances sont fixées par décret en Conseil d'État.

Réseau Ferré National peut, dès sa création, faire appel public à l'épargne et émettre tout titre négociable représentatif d'un droit de créance.

Article 13 : La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs est modifiée ainsi qu'il suit :

I – La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 18 est remplacée par les dispositions suivantes :

Cet établissement a pour objet :

– d'exploiter, selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire sur le réseau ferré national ;
– d'assurer les missions de gestion de l'infrastructure qui lui sont confiées par l'établissement public « Réseau Ferré National » créé par la loi n° …….. du ……

II – L'avant-dernier alinéa de l'article 20 est abrogé.

III – Le II de l'article 24 est remplacé par les dispositions suivantes :

« II – La Société nationale des chemins de fer français reçoit des concours financiers de la part de l'État au titre des charges résultant des missions de service public qui lui sont confiées. Elle reçoit également des concours des collectivités territoriales, notamment en application des dispositions de l'article 22 de la présente loi ainsi que de l'article 67 de la loi n° 95-115 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ; ces concours donnent lieu à des conventions conclues par la Société nationale des chemins de fer français avec l'État ou les collectivités territoriales concernées.

La Société nationale des chemins de fer français bénéficie de concours financiers, selon les règles fixées par son cahier des charges, en raison des charges qu'elle supporte en matière de retraites.

IV – L'article 26 est abrogé.

Article 14 : L'article 67 de la loi n° 95-115 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :

« Les régions concernées par l'expérimentation prévue au présent article sont autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs de la Société nationale des chemins de fer français. La délimitation de ces services est fixée conjointement par l'État et la région. Chacune des régions reçoit, chaque année, directement de l'État, une compensation forfaitaire des charges transférées à la date d'entrée en vigueur de l'expérimentation. La consistance et les conditions de fonctionnement et de financement de ces services, ainsi que leur évolution, sont fixées par une convention passée entre la région et la Société nationale des chemins de fer français. »

Article 15 : A compter du 1er janvier 1997, la Société nationale des chemins de fer français continuera d'exercer, à titre transitoire, pour le compte de Réseau Ferré National, les missions dévolues au nouvel établissement, qui lui étaient confiées par les textes et conventions en vigueur avant la publication de la présente loi, à assumer les responsabilités correspondantes et à recevoir, dans les mêmes conditions, les concours financiers prévus par ces textes et conventions, jusqu'à l'intervention des dispositions réglementaires mentionnées aux articles 1, 2, 3 et 4 (alinéa 3) et de la convention entre Réseau Ferré National et la société nationale des chemins de fer français mentionnée à l'article 1er alinéa 3 de la présente loi. À défaut de convention passée dans le délai de six mois après la publication des dispositions réglementaires susmentionnées, un décret en conseil d'État fixe les conditions d'exécution et de rémunération des missions mentionnées au deuxième alinéa de l'article 1er, jusqu'à l'intervention de ladite convention.


La SNCF ne pouvait continuer à vivre sur sa lancée actuelle pour au moins trois raisons :

1) Elle perd régulièrement des parts de marché, non seulement dans le transport de marchandises mais aussi, dans le transport des voyageurs, alors qu'elle investit fortement dans ce secteur ;

2) Elle souffre d'un endettement colossal qui dépassera, si rien n'est fait, 200 milliards de francs à la fin de cette année ;

3) Tous les grands réseaux européens de chemin de fer sont engagés depuis plusieurs années dans un processus de réforme et de redressement, qui commence à porter ses fruits dans des pays aussi différents que l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

Le projet du Gouvernement est original par rapport aux solutions des pays voisins. Il est conforme aux conclusions du débat national qui s'est déroulé de janvier à juin 1996. Il est fait pour redonner toutes ses chances à la SNCF. Il la décharge de toutes les dettes qu'elle a dû contracter pour financer ses lignes et en particulier, les lignes nouvelles. Il la rapproche de ses clients grâce à la régionalisation. Il repose sur un effort financier considérable de la part de tous les contribuables.

Par ailleurs, le Gouvernement s'oppose à toute évolution du droit européen sur les chemins de fer. Le statut des personnels est préservé. L'unité du réseau l'est aussi. Les syndicats ont été consultés tout au long de la préparation de la réforme. Ils le seront aussi sur les décrets nécessaires à l'application de la loi.


Pourquoi une réforme ?

Une réforme trop longtemps différée

Le chemin de fer traverse en France, comme dans les autres pays d'Europe, une crise profonde caractérisée d'une part par une baisse des trafics et des parts de marché face aux autres modes de transport, d'autre part par une augmentation continue de l'endettement et des déficits nécessitant des concours publics de plus en plus élevés.

La SNCF ne pouvait continuer à vivre sur sa lancée actuelle. Elle perd régulièrement des parts de marché, non seulement dans le transport de marchandises, mais aussi dans le transport de voyageurs alors qu'elle a investi fortement dans ce secteur. Elle souffre d'un endettement qui dépasse 200 milliards de francs.

Alors que de nombreux pays européens ont engagé une réforme de leurs chemins de fer, la France ne peut rester en marge et laisser la SNCF et le transport ferroviaire, dont les avantages collectifs sont évidents, s'enfoncer dans le déclin.

Un enjeu largement débattu

Le gouvernement a souhaité que s'instaure un grand débat national sur l'avenir du transport ferroviaire afin de dégager dans a concertation le diagnostic sur les causes de cette crise et sur les évolutions nécessaires. Ce débat a été introduit par le rapport d'un groupe de travail présidée par Claude Martinand. Il s'est ensuite déroulé au sein des conseils régionaux et des conseils économiques et sociaux régionaux puis, au niveau national, au Conseil économique et social et au Conseil national des transports. Il s'est logiquement conclu au Parlement, le 11 juin à l'Assemblée nationale et le 25 juin au Sénat.

Le débat national a fait ressortir quatre conclusions :

– une clarification des responsabilités de l'État et de la SNCF est nécessaire, tout particulièrement sur l'infrastructure qui représente un coût considérable et la part la plus lourde de la dette ;
– la SNCF doit être allégée d'une partie importante de sa dette, afin de la responsabiliser et de la mobiliser autour d'un objectif crédible de redressement ;
– le chemin de fer doit reconquérir ses clients : si le client et le service ne sont pas prioritaires, aucun redressement durable de la SNCF n'est possible ;
– il faut engager la régionalisation des services régionaux de voyageurs, qui est une réforme essentielle tant pour le chemin de fer que pour le service public de transport.

Tirant les conclusions du débat national, Bernard Pons et Anne-Marie Idrac ont présenté en juin dernier devant le parlement une réforme en profondeur de l'organisation du transport ferroviaire français. Cette solution originale s'organise autour de deux piliers :

– la création d'un établissement public, « Réseau Ferré National », chargé d'exercer pour le compte de l'État la responsabilité de l'infrastructure, dont la gestion demeurera confiée à la SNCF ; le nouvel établissement public sera propriétaire du réseau ferré et reprendra les 125 milliards de la dette que la SNCF avait contractée pour financer ces infrastructures ;
– l'expérimentation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs dans six régions volontaires (Alsace, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire), l'État apportant les moyens financiers correspondants.

Cette réforme ambitieuse :

– préserve l'unité de l'entreprise, chargée à la fois de l'exploitation ferroviaire et de la gestion de l'infrastructure ;
– clarifie les responsabilités de l'État et de la SNCF sur l'infrastructure, en conduisant l'État à assumer la responsabilité financière du réseau ;
– allège la SNCF de la charge de sa dette liée à l'infrastructure.

Le projet du gouvernement est original par rapport aux solutions des pays voisins. Il redonne toutes ses chances à la SNCF et repose sur un efforts financier considérable de tous les contribuables.

Le pacte de modernisation entre l'Etat et la SNCF

Parallèlement à cette réforme, la SNCF va se mobiliser autour d'un projet industriel. Il s'agit pour l'entreprise de définir, dans la concertation, sa stratégie et les modalités de sa mise en œuvre dans le cadre des priorités fixées par l'État :

– la reconquête de la clientèle voyageurs et fret ;
– le retour à un équilibre durable de chacune des activités du transporteur ferroviaire ;
– l'amélioration continue de la gestion de l'infrastructure réalisée pour le compte de Réseau Ferré National.

Afin de donner un cadre solennel à leurs engagements réciproques, l'État et la SNCF ont décidé de conclure un pacte de modernisation qui marque leur accord sur les objectifs fixés.

Pourquoi une réforme ?

Pourquoi un projet de loi ?

En présentant au Parlement en juin dernier la solution mise au point à la lumière des conclusions du débat national, Bernard Pons et Anne-Marie Idrac avaient annoncé l'intention du gouvernement de présenter dès l'automne un projet de loi traduisant les principes de cette réforme en profondeur de l'organisation du transport ferroviaire en France.

Un texte législatif est nécessaire

La création du nouvel établissement public, « Réseau Ferré National », l'apport d'actifs et la reprise de 125 milliards de dette imposent un acte législatif. Les missions confiées à Réseau Ferré National impliquent en outre une adaptation de certaines dispositions relatives au transport ferroviaire de la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982.

Enfin, l'expérimentation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs, qui confie aux régions une responsabilité assumée jusqu'à présent par l'État, nécessite une mesure législative spécifique.

Conformément aux principes constitutionnels, le projet de loi ne contient que les dispositions qui relèvent du niveau législatif. Les mesures d'ordre réglementaire feront l'objet de décrets pris en application de la loi.

Un projet qui donne lieu à une concertation permanente

Conformément à ses engagements, le gouvernement a préparé le projet de loi avec l'objectif d'une entrée en vigueur de la réforme à la date du 1er janvier 1997.

Il a veillé à informer à plusieurs reprises les principaux acteurs du transport ferroviaire, au premier rang desquels les organisations syndicales de la SNCF, et à recueillir leurs observations. Il a par ailleurs tenu à saisir le Conseil national des transports, qui a débattu de l'avant-projet de loi le 1er octobre 1996.

Le gouvernement poursuivra bien entendu cette large concertation pour l'élaboration des textes d'application.

Les principales dispositions du projet de loi

La création de l'établissement public « Réseau Ferré National »

Au 1er janvier 1997 sera créé un établissement public industriel et commercial dénommé Réseau Ferré National (RFN).

RFN aura la responsabilité des infrastructures ferroviaires, dont il sera propriétaire. Les voies, les triages, les équipements de signalisation, les aiguillages lui seront ainsi transférés. RFN aura pour mission d'aménager, de développer et de mettre en valeur le réseau ferré national. En particulier, RFN sera responsable des investissements sur le réseau.

L'unité du réseau national est maintenue. Le réseau conserve le caractère de domaine public.

RFN agit pour le compte et sous le contrôle de l'État, qui conserve pour sa part toutes ses prérogatives en matière de définition de la consistance du réseau.

RFN confie à la SNCF la gestion de l''infrastructure, c'est-à-dire d'une part l'entretien des installations techniques, d'autre part la gestion du trafic et des circulations.

En contrepartie de la reprise des actifs qui constituent l'infrastructure, RFN prend en charge la dette de 125 milliards de francs contractée par la SNCF pour le financement de ces infrastructures.

Les ressources et les dépenses de RFN

Les dépenses de RFN seront principalement constituées de la rémunération de la SNCF pour la gestion de l'infrastructure, des investissements pour le développement du réseau et de la charge de la dette de 125 milliards de francs reprise à la SNCF.

Les ressources comprendront l'ensemble des produits liés aux biens qui lui sont apportés et notamment les redevances qu'il percevra de la SNCF pour la circulation sur le réseau ferré national. Il recevra en outre des concours financiers de l'État, en particulier la contribution aux charges d'infrastructure qui était versée jusqu'à présent à la SNCF ainsi que des dotations permettant de faire face à la dette transférée. Il pourra par ailleurs recevoir des concours des collectivités territoriales, comme par exemple les subventions pour les investissements sur le réseau dans le cadre des contrats de plan État-Région.

La SNCF

L'unité de la SNCF est préservée : elle conserve ses deux missions de gestionnaire de l'infrastructure et de transporteur ferroviaire, ainsi que l'ensemble des personnels qui y sont affectés.

La gestion de l'infrastructure sera exercée pour le compte de RFN, qui rémunérera la SNCF à cet effet. Dans ce cadre, la SNCF sera responsable, comme elle l'est aujourd'hui, de la gestion des circulations, de la surveillance et de l'entretien des voies et de l'ensemble des installations techniques du réseau.

La SNCF assurera l'exploitation des services de transport ferroviaire dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Elle conservera à ce titre l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de ces services : gares, entrepôts du fret et du SERNAM, matériel roulant, atelier d'entretien,… La SNCF conservera en outre les bâtiments administratifs, les immeubles et les terrains affectés aux activités sociales, ainsi que ses filiales.

L'État continuera de verser à la SNCF des concours financiers pour les missions de service public qui lui sont confiées. Les collectivités locales pourront de même confier des missions de service public à la SNCF, dont elles compenseront la charge financière. Ces missions devront faire l'objet de conventions conclues par la SNCF avec l'État ou la collectivité concernée.

La réforme n'entraîne aucune modification statutaire d'aucune sorte pour les agents de l'entreprise.

La régionalisation

L'expérimentation de la régionalisation concernera six régions volontaires à compter du 1er janvier 1997. Elle se déroulera selon trois principes : transparence, réversibilité, transfert de compétence sans transfert de charges.

Dans le cadre de l'expérimentation, les régions concernées se verront déléguer la responsabilité de l'organisation des services régionaux de voyageurs. Les infrastructures demeurent nationales au sein de RFN ; la régionalisation ne porte bien que sur les services de transport, qui sont ceux de la vie quotidienne.

Les régions expérimentales recevront directement de l'État la somme qui était versée jusqu'à présent à la SNCF complétée de 800 millions de francs supplémentaires de manière à compenser intégralement la charge transférée. Elles fixeront ensuite, par une convention conclue avec la SNCF, les services de transport (dessertes, horaires, fréquence, tarifs) et les conditions de rémunération de la SNCF.

La situation des autres régions n'est pas modifiée. La SNCF est cependant invitée à approfondir le cadre de ses relations avec les régions qui souhaiteraient dès à présent se préparer à la régionalisation.

Les principales dispositions du projet de loi

Répartition des biens immobiliers

Voies et terrains d'assiette :

– voies principales ouvertes au trafic ou non utilisées ;
– voies de service liées aux infrastructures ;
– autres voies de service et faisceaux ;
– triages ;
– chantiers de transport combiné.

Bâtiments et installations :

– gares voyageurs : SNCF ;
– quais et accès routiers voyageurs : Réseau Ferré National faisceaux ;
– bâtiments, cours et emplacements fret et Sernam : SNCF faisceaux ;
– quais et voies d'accès fret : Réseau Ferré National faisceaux ;
– ateliers et magasins de l'équipement : SNCF faisceaux ;
– bâtiments de l'équipement : Réseau Ferré National faisceaux ;
– installations techniques liées aux infrastructures : Réseau Ferré National faisceaux ;
– installations et ateliers du matériel, dépôts et foyer : SNCF faisceaux ;
– bâtiments administratifs : SNCF faisceaux ;
– logements sociaux : SNCF faisceaux ;
– bâtiments destinés à des activités sociales : SNCF faisceaux ;
– bâtiments non liés à l'activité ferroviaire (hors logement sociaux) : Réseau Ferré National.

Terrains

– terrains destinés à des activités sociales : SNCF faisceaux ;
– autres terrains non liés à l'activité ferroviaire : Réseau Ferré National faisceaux ;
– terrains déclassés : Réseau Ferré National.

Électrification :

– installations électriques : Réseau Ferré National faisceaux ;
– éclairage des gares : SNCF.

Signalisation :

– signaux et installations de sécurité : Réseau Ferré National faisceaux ;
– téléaffichage : SNCF.

Télécommunications :

– installations liées aux infrastructures : Réseau Ferré National faisceaux ;
– autres installations : SNCF.


Dix questions – réponses sur la réforme

1. Quels résultats pour la SNCF peut-on attendre de la réforme ?

La SNCF se voit allégée de la dette de 125 milliards de francs qu'elle avait contractée pour financer les infrastructures et n'aura plus à assumer la responsabilité financière de l'infrastructure ferroviaire pour le futur. Ainsi dégagée d'une charge à laquelle elle ne pouvait faire face seule, la SNCF va pouvoir s'engager dans un redressement durable dans le cadre de son projet industriel en se recentrant sur son double métier de transporteur ferroviaire et de gestionnaire de l'infrastructure. La priorité devra être accordée au service du client, qui est le ressort de tout véritable redressement.

2. Comment ont été déterminé les actifs transférés à RFN ?

La définition de l'infrastructure qui a été retenue est celle que chacun peut comprendre : l'infrastructure est constituée de toutes les voies et de leurs installations techniques. A l'inverse, il était logique que la SNCF conserve les équipements nécessaires aux services de transport et les gares où elle est en relation directe avec ses clients. La détermination précise des différents actifs a été validée par un audit extérieur.

3. Comment seront régies les relations entre RFN et la SNCF ?

La loi et ses décrets d'application fixeront le cadre général des relations entre la SNCF et RFN pour la gestion de l'infrastructure, en indiquant les missions et les obligations respectives des deux établissements. Puis, plusieurs conventions détaillées devront être conclues entre la SNCF et RFN afin de décliner ce cadre général de manière précise et opérationnelle.

4. Comment seront fixées les redevances

Les principes de la tarification, qui relèvent de la compétence de l'État, seront fixés par décret. De manière générale, le projet de loi prévoit que le niveau des redevances doit tenir compte du coût de l'infrastructure, de la situation du marché des transports, des impératifs de l'utilisation optimale du réseau ferré national et de l'harmonisation des conditions de la concurrence intermodale.

L'audit des charges d'infrastructure, qui est en cours, aidera à déterminer le niveau le plus adéquat. En tout état de cause, il sera tenu compte de la capacité contributive de la SNCF. Le gouvernement a indiqué clairement qu'il était exclu de reprendre d'une main à la SNCF ce qu'on lui a donné de l'autre.

5. Comment seront définies les évolutions du réseau ?

L'État reste responsable de la consistance du réseau. Pour le développement de lignes nouvelles, les procédures de débat public et d'autorisation ministérielle demeureront inchangées. De même, les éventuels déclassements de lignes continueront de s'effectuer selon la procédure en vigueur qui prévoit des consultations préalables, notamment des collectivités territoriales et de la SNCF. En revanche, RFN sera responsable, sous le contrôle de l'État, de la programmation et du financement des investissements.

6. Quels concours l'État apportera-t-il en 1997 ?

L'État versera en 1997 à RFN les concours qui étaient précédemment affectés à la SNCF pour l'infrastructure, soit au titre de la dotation forfaitaire, soit au titre des subventions d'investissement. Il lui apportera en outre une dotation en capital financée sur les recettes de privatisation, dont le montant sera déterminé sur la base de travaux comptables en cours.

Au total, les concours budgétaires consacrés par l'État au transport ferroviaire connaîtront une progression très significative, qui en fera l'une des hausses les plus fortes parmi les champs d'intervention de l'État.

7. Combien d'agents comptera RFN ? Quel sera leur statut ?

Le nombre n'est pas déterminé à ce stade. Compte tenu des missions que RFN aura à assumer, on peut cependant considérer que l'ordre de grandeur est de 100 à 200 personnes.

Comme tous les établissements publics, RFN pourra recruter directement des personnels. Toutefois, il y aura sans doute des agents de la SNCF, puisque la compétence en matière de chemin de fer est aujourd'hui en France essentiellement présente au sein de la SNCF. Ils seront détachés sur la base du volontariat et conserveront leur statut.

8. La régionalisation ne risque-t-elle pas de créer une SNCF à deux vitesses ?

La régionalisation des services régionaux de voyageurs doit entraîner une modernisation du transport ferroviaire de proximité en rapprochant le décideur du client. Les conditions de l'expérimentation, fondées notamment sur la transparence et la réversibilité, doivent lui assurer toutes les chances de succès en vue d'une généralisation ultérieure. L'État apporte aux régions les moyens financiers supplémentaires nécessaires à l'équilibre de l'activité dans les comptes de la SNCF et maintient sa compensation pour les tarifs sociaux. Le réseau reste national au sein de RFN qui doit veiller partout à son bon état. Il n'y a donc pas de crainte à avoir sur une éventuelle marginalisation.

9. La réforme s'accompagne-t-elle d'une libéralisation du transport ferroviaire ?

Non, la réforme ne s'accompagne d'aucune modification du cadre d'exploitation du transport ferroviaire en France. En dehors de la SNCF et de ses éventuels sous-traitants, seuls restent autorisés à circuler sur le réseau ferré national les services internationaux de transport combiné international et les groupements internationaux pour le transport de voyageurs.

10. Comment ce projet se situe-t-il par rapport aux directives européennes ?

Le projet n'est pas dicté par des considérations communautaires mais constitue une voie originale répondant à la volonté de maintenir un réseau national unique et une entreprise publique préservée dans son unité. Il s'inscrit dans le cadre communautaire actuel qui préconise un assainissement de la situation financière des entreprises ferroviaires et une clarification des responsabilités dans le domaine des infrastructures. Il n'anticipe sur aucune évolution future, évolution à laquelle le gouvernement a fait clairement savoir qu'il était opposé.


Projet de loi

Portant création de l'établissement public – Réseau Ferré National

Avis du Conseil National des Transports

Le Conseil National des Transports,

Saisi par lettre du ministre de l'Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme et du Secrétaire d'État aux transports du 25 septembre 1996, d'un projet de loi portant création de l'Établissement public « Réseau Ferré National ».

Après en avoir délibéré au cours de sa séance du 1er octobre 1996.

A émis l'avis suivant :

1. Considérant que ce projet de loi qui a pour objet de clarifier les responsabilités en matière d'infrastructures ferroviaires et, à cette occasion, de mettre en place à compter du 1er octobre 1997 l'expérimentation d'un transfert aux régions de l'organisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs, prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoires, répond aux vœux exprimés dans son avis du 12 avril 1996 sur l'avenir de la SNCF et du transport ferroviaire ;

Considérant que par son ampleur la réforme ainsi engagée doit assurer à la SNCF les bases d'un assainissement durable de nature à lui permettre de mener à bien sa politique de reconquête commerciale et de mobiliser son personnel ;

Le CNT dans sa grande majorité a manifesté une large approbation des principes et des objectifs définis dans ce projet de loi.

2. Observant que ce projet de loi s'inscrit dans le cadre de la législation française et des directives européennes actuellement en vigueur, le CNT s'est prononcé strictement dans ce cadre.

3. Constatant que la nature législative du texte conduit nécessairement à se limiter à l'énoncé de principes et de dispositions générales, le CNT, souhaite toutefois que la réforme réponde en tout état de cause, tant au niveau de la loi elle-même que de ses textes d'application, à une exigence de transparence et de simplicité, afin que la création du nouvel établissement public n'induise pas de difficultés dans les relations et la répartition des responsabilités entre les trois partenaires : l'État, RFN et la SNCF.

4. S'agissant de l'entretien et du fonctionnement des installations techniques et de sécurité sur le réseau, le CNT demande que le projet (art. 1er - alinéa 2) indique plus nettement si la SNCF a pleine compétence ou si elle agit par voie de délégation de RFN, afin que toutes conséquences utiles en soient tirées, tant dans les décrets d'application que dans les relations contractuelles entre les deux établissements, et afin d'éviter ainsi tout ambiguïté dans l'exercice des compétences respectives de l'État, de RFN et de la SNCF.

5. s'agissant de la gestion du trafic et des circulations sur le réseau, en particulier de l'allocation des sillons, observant que le projet conduit à confirmer en ce domaine la large délégation à la SNCF telle qu'elle résulte du décret 95-666 du 9 mai 1995, le CNT recommande que ce décret soit adapté pour tenir compte de la création de RFN au moins en ce qui concerne la procédure de recours en cas de litige (art. 27 et 28 dudit décret).

6. S'agissant des biens appartenant au domaine public ferroviaire (art. 4 du projet), le CNT recommande que la répartition entre ceux transférés au nouvel établissement et ceux dévolus à « l'exploitation ferroviaire » restant gérés par la SNCF, relève d'une logique et de principes clairs, pour éviter des difficultés tant dans la gestion quotidienne que dans les relations avec les différents partenaires du transport ferroviaire (élus, usagers, clients, fournisseurs…).

A cet égard et quel qu'en soit le propriétaire (RFN ou SNCF), la gestion des installations en contact direct avec la clientèle (telles que les gares ou les chantiers de transports combinés) et la gestion des emprises ferroviaires méritent une attention particulière afin de prendre en compte les exigences commerciales, la complémentarité avec les autres modes de transport et les besoins de desserte des agglomérations.

7. Observant que la répartition des biens entre RFN et la SNCF ne peut être traitée indépendamment de la répartition des responsabilités entre ces deux établissements telle que définie à l'article 1er du projet de loi, le CNT souligne la nécessité d'une mise en cohérence de l'une et de l'autre, afin de prévenir les divergences de vues entre le responsable de l'infrastructure et le responsable de sa gestion ; à cet effet, un mécanisme de conciliation ou d'arbitrage pourrait être prévu, en particulier lorsqu'il s'agit d'opter entre une opération d'investissement et l'optimisation de l'utilisation d'infrastructures existantes, ou pour répondre aux exigences de sécurité, ainsi que pour la mise en œuvre de la police des chemins de fer.

8. Observant que le projet de loi précise en son article 4 qu'une dette de 125 milliards de francs vis-à-vis de la SNCF est inscrite au passif du nouvel établissement dès sa création, le CNT s'est félicité de cet allègement substantiel de la dette de la SNCF au titre des infrastructures, et a pris acte des assurances données par l'administration sur les modalités comptables de la prise en charge effective de cette dette.

9. S'agissant des investissements ultérieurs d'infrastructure, le CNT constate que le projet de loi attribue à RFN la compétence de « développer » le réseau (article 1er – 1er alinéa), sans indiquer le champ de ses responsabilités techniques et financières en ce domaine (préparation des projets, collecte des financements …) et en prévoyant seulement une dérogation à la loi de 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique pour permettre «  des mandats de maîtrise d'ouvrage à la SNCF pouvant porter sur des ensembles d'opérations ».

10. Considérant que RFN est appelé à prendre le relais à compter du 1er janvier 1997 du compte d'infrastructure établi jusqu'à présent sous la responsabilité de la SNCF en application du décret du 9 mai 1995. Le Conseil national des transports observe que les ressources mentionnées à l'article 9 du projet (produits des biens, redevances pour les circulations sur le réseau, concours financier de l'État et des collectivités territoriales) doivent permettre au nouvel établissement de faire face à ses charges.

Toutefois, les conditions de l'équilibre financier du nouvel établissement, sous la responsabilité de l'État, ne doivent pas obérer celui de la SNCF en mettant à la charge de celle-ci des redevances d'usage trop lourdes risquant de compromettre ses relations commerciales avec ses partenaires (autorités organisatrices, clients et usagers).

En ce qui concerne ces redevances, le Conseil estime que le projet ne comporte pas d'indication de principe ou de règles générales quant à leur finalité économique et à leur mode de calcul dans le cadre de la politique globale des transports.

11. Considérant enfin que la mise en œuvre de ce projet de loi requiert la modification ou d'adoption de plusieurs textes d'application, le CNT recommande qu'une large concertation se poursuive, et demande à cette fin que les principaux décrets lui soient présentés pour avis.

Le Secrétaire Général, Jacques Robert

Le Président, Guy Salmon-Legagneur