Texte intégral
Mesdames et Messieurs les directeurs,
C'est avec plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui.
Cette réunion annuelle, à laquelle j'attache une grande importance, est pour moi l'occasion d'effectuer avec vous un bilan des actions réalisées et de définir avec vous les objectifs qui doivent être les nôtres pour le futur.
Force m'est de constater que vous avez été particulièrement sollicités tout au long de l'année qui vient de s'écouler. En effet, dans vos domaines de compétence, vous avez notamment dû faire face à la difficile gestion de la poursuite du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et aux conséquences pour l'environnement et la santé de l'application des mesures justifiées de lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine.
J'attache le plus grand intérêt à ces dossiers qui s'inscrivent pleinement dans le concept de développement durable appliqué à l'activité agricole.
Leur gestion concourt particulièrement à notre objectif de maintien et de promotion d'un élevage parfaitement intégré dans son environnement, respectueux de la qualité des eaux et des sols, et garant de la santé humaine.
Permettez-moi, avant d'aborder les sujets qui sont les vôtres, de vous rappeler les grandes lignes de deux des principaux axes de mon action, le développement durable d'une part, les relations entre l'environnement et la santé, d'autre part.
Le développement durable
J'ai souhaité proposer au gouvernement, dès le mois de septembre 1995, les principes et les moyens permettant de mieux intégrer les exigences du développement durable dans les politiques publiques. Le principe de l'élaboration d'une stratégie nationale du développement durable a été arrêté par la communication que j'ai faite en conseil des ministres, le 18 octobre 1995.
En vue d'engager ce large débat, j'ai multiplié les initiatives.
Tout d'abord, j'ai renouvelé et installé officiellement le 25 janvier dernier la Commission française du développement durable. Son secrétariat, précédemment rattaché au commissariat au plan, est désormais assuré par mon ministère. Je lui ai demandé de consacrer prioritairement ses travaux à l'élaboration des grands axes de la stratégie nationale. Cette contribution me sera remise dans les toutes prochaines semaines.
J'ai, par ailleurs, proposé aux présidents de conseils généraux d'organiser des assises régionales du développement durable, en vue d'alimenter la réflexion conduite pour l'élaboration de la stratégie nationale. Plus de la moitié des régions ont d'ores et déjà organisé ces assises. J'ai participé à la plupart d'entre elles et ai pu à ces occasions apprécier la qualité des débats qui se sont tenus.
J'ai également mobilisé l'ensemble des ministères sur cette démarche, qui nécessite leur contribution active. Les administrations ont ainsi engagé un travail de réflexion et de propositions.
Enfin, j'ai engagé la préparation des assises nationales du développement durable, dont le principe avait été retenu dans ma communication en conseil des ministres. Ces assises, qui se tiendront à la mi-décembre, constitueront une étape forte de la démarche. Elles examineront les travaux de la commission, ainsi que les contributions des régions et des administrations.
Environnement et santé
Le couple santé-environnement est promis à un avenir très prometteur. Les débats qui se sont déroulés en France sur l'amiante, sur l'ESB ou autour du projet de loi sur l'air démontrent que ce sujet est au coeur des préoccupations de nos concitoyens.
Le débat social et politique qui s'est ouvert avec ces sujets témoigne très clairement de ce que, dans l'esprit de nos concitoyens, des médias, des politiques, c'est bien la santé qui justifie l'intervention du législateur. C'est pourquoi, le projet de loi sur l'air reconnaît explicitement à chacun un droit à respirer un air d'une qualité telle qu'il ne nuise pas à sa santé. Le lien santé-environnement ne saurait être plus clairement établi.
Nous sommes aujourd'hui à une charnière entre la conception de l'environnement qui a dominé depuis 25 ans – puisque le ministère de l'Environnement fête cette année ses 25 ans – et la conception des années à venir. Le législateur s'est toujours intéressé au milieu naturel et aux activités susceptibles de lui nuire. L'homme et plus précisément sa santé n'ont jusqu'à présent pas été au centre des préoccupations même si la santé ou la salubrité, voire l'hygiène, sont énumérées parmi les critères de référence de l'action de l'État.
Aujourd'hui, l'ordre des facteurs s'est inversé : la santé devient un problème environnemental cependant que l'environnement est géré en fonction de ses incidences sur la santé.
Cette transformation ne doit rien au hasard et paraît au contraire traduire une tendance très forte des années à venir. Même s'il est nécessaire que la protection de la nature et des écosystèmes demeure un objectif fondamental de la politique environnementale française, la prise en compte de la santé humaine sera l'un des axes majeurs des politiques futures.
Une transformation profonde devra s'opérer dans les esprits, dans les méthodes et dans les textes, tant il est évident que finalement les lois proposent mais le public dispose.
Pour ces raisons, j'ai créé, et installé en septembre, un comité de la prévention et de la précaution, chargé d'une part d'une fonction de veille et d'alerte sur l'ensemble des questions d'environnement susceptibles d'avoir une incidence sur la santé humaine, d'autre part d'assurer une expertise dans l'évaluation des risques liés à l'environnement sur la santé.
Venons-en maintenant aux sujets plus concrets qui caractérisent votre action.
Vous avez un rôle difficile. Vous avez, en effet, à la fois deux ministères de rattachement, qui n'ont pas toujours la même vision sur les politiques à mener, ni les mêmes moyens, et une mission de police que vous devez exercer avec indépendance sous l'autorité du préfet de votre département.
Le PMPOA
Dans le domaine de l'environnement, la difficulté de votre mission n'a fait que s'accroître ces dernières années. En 1992, a été prise la décision de soumettre plus largement les élevages bovins à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement et, en 1993, a eu lieu le lancement du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
Aujourd'hui, ce programme peut être perçu de deux manières par votre assemblée.
Pour certains, le PMPOA constitue une valorisation, un coup d'accélérateur de la politique que vous menez en matière d'élevage : il constitue un moyen de disposer d'exploitations plus conformes à une gestion correcte des effluents d'élevage, voire plus modernes.
C'est donc une meilleure application de la loi et, en quelque sorte, une amélioration des conditions d'exercice de votre mission.
Pour d'autres, le PMPOA est très risqué, car il a pris le parti de faire « sortir du bois » un bon nombre d'éleveurs, ce qui a conduit, certains préfets et certains d'entre vous à se voir placés dans une situation difficile. Vous êtes parfois, en quelque sorte, otages de groupes de pression, qui sont, par ailleurs, et le plus souvent nos alliés.
La situation n'est pas facile et, pendant toute la phase de réalisation du PMPOA, nous devrons gérer ces risques ; je crois qu'il ne faut pas s'en cacher.
J'ai le souci, tout comme les préfets concernés, de protéger les directeurs des services vétérinaires. C'est pourquoi, j'ai opté pour la fermeté.
Je vous demande donc, en vous assurant de mon complet soutien, de veiller particulièrement à l'application respectueuse de l'esprit de la réglementation des installations classées par le secteur de l'élevage.
Cela signifie, par exemple, que la suspension des extensions d'élevage en zone d'excédent structurel doit être maintenue tant que cette situation persistera.
Cela suppose également que les exigences relatives à la qualité des études d'impact soient maintenues, voire renforcées, en particulier dans les zones ou l'environnement est particulièrement dégradé. Les préfets doivent, en effet, disposer des éléments nécessaires pour prendre en toute connaissance de cause leurs décisions de refus ou d'autorisation. Des travaux, auxquels certains d'entre vous sont associés, sont en cours en vue d'améliorer le contenu de ces documents.
Cela dépasse bien souvent le cadre strict de l'atelier de production. Il est, en effet, impératif, à ce titre, que les épandages soient réalisés en respectant la capacité d'épuration des sols et les cultures, c'est à dire que les apports en fertilisants soient justifiés par une approche agronomique rigoureuse.
Je me fixe, par ailleurs, une exigence égale, et j'y travaille en liaison étroite avec Philippe Vasseur, pour l'augmentation des ressources financières de l'État affectées au PMPOA afin que la période transitoire dans laquelle nous nous trouvons, soit réduite au maximum. Il faut que le PMPOA se réalise dans le meilleur délai.
Ces difficultés financières ne doivent pas remettre en cause les avancées qui, grâce à votre active implication, ont pu être réalisées sur le terrain.
Enfin, et c'est un domaine nouveau pour vous, les installations classées seront soumises aux programmes d'action dans les zones vulnérables dont l'élaboration arrive bientôt à échéance. J'ai demandé à ce que vous soyez associés à ces travaux.
Il est, en effet, impératif que la mise en place des programmes de résorption dans le cadre de l'application de la directive nitrates ne se traduise par un transfert de pollution vers des zones non encore trop touchées. Les possibilités éventuelles d'exportations d'effluents doivent, en ce sens, être rigoureusement encadrées.
Vous aurez à veiller à cette cohérence, qui est nécessaire à la crédibilité des actions sur l'environnement dans le domaine agricole.
J'entends, pour ma part, que l'ensemble de ces actions contribue à restaurer la confiance des consommateurs dans le secteur de l'élevage.
Les conséquences de la lutte contre l'ESB
Le souci de protection de la santé humaine a conduit le gouvernement à prendre un certain nombre de mesures visant à interdire l'utilisation d'une partie des farines d'origine animale produites par les équarrissages.
Cette mesure a entraîné rapidement un problème d'élimination des déchets ainsi créés. Il nous appartient de trouver rapidement les solutions pratiques, permettant leur incinération dans des conditions ayant le moindre impact sur l'environnement.
Comme vous le savez, des solutions ont été trouvées auprès d'activités consommatrices d'énergie, et de nouvelles possibilités sont à l'étude.
Là encore, je vous demande, même si j'ai pleinement conscience des difficultés que vous pouvez rencontrer sur le terrain, de veiller à ce que la période transitoire que nous vivons soit gérée avec la plus grande vigilance, en vue d'assurer la protection des milieux.
Les moyens
Pour réaliser ces objectifs, je sais que je peux compter sur votre compétence.
L'implication de vos services dans l'ensemble de la filière alimentaire des productions d'origine animale m'apparaît devoir être préservée dans toute la mesure du possible.
Dans cette perspective, j'ai renouvelé mon souhait de voir rattacher au budget de mon ministère, les postes d'inspecteurs des installations classées appartenant à vos services.
J'ai également demandé, conjointement avec Philippe Vasseur, à la MISE (Mission d'inspection spécialisée de l'environnement) un rapport sur les conditions d'inspection des installations classées au sein des services déconcentrés du ministère de l'Agriculture, et notamment des services vétérinaires.
Ce rapport vous sera présenté au cours de cette journée, par son auteur, Monsieur Dupont, contrôleur général des services vétérinaires.
J'ai en outre en projet d'harmoniser le suivi informatique de l'inspection des installations classées au sein des différents services concernés. Cette mesure doit permettre une valorisation de vos actions.
Comme vous le savez, le projet de réforme de l'État n'est pas encore finalisé. Toutefois les missions de l'inspection des installations classées doivent pouvoir être exercées dans des conditions d'indépendance et d'impartialité maximum.
Dans ce cadre, les services vétérinaires présentent un intérêt particulier. Ils sont, en effet, un des rares services de l'État à se consacrer exclusivement à l'application des lois qui concernent la santé (de l'homme et des animaux) et la protection de l'environnement.
Ces missions de police sont difficiles et peu gratifiantes. Je tiens, ici, à vous féliciter pour votre action, qui traduit le rôle fondamental de l'État, à savoir sa mission régalienne.
La structure des services vétérinaires est originale. En effet, placés au sein des Directions départementales de l'agriculture et de la forêt, ils ne relèvent que de l'autorité des préfets pour leurs missions de police.
Cette indépendance vis-à-vis d'intérêts particuliers me semble être de bonne administration et ne peut qu'être un facteur essentiel de votre efficacité et de votre crédibilité.
Conclusion
En conclusion, je ne peux que vous répétez ma conviction que la protection du consommateur et de la santé publique, ainsi que le maintien ou la reconquête de la qualité de l'eau et la surveillance de l'intégrité des sols, sont des priorités de notre action pour les années à venir.
Nous devons nous y consacrer au mieux des possibilités de chacun.
Je vous remercie.