Texte intégral
Force ouvrière hebdo : 21 septembre 1996
Chers camarades,
Chers amis,
Je vous salue, toutes et tous ici, salariés du privé et du public, réunis pour vous faire entendre.
Je salue les délégations étrangères des confédérations, le DGB, la FGTB, et l'UGT, ainsi que nos camarades africains.
Certains ont déclaré que les 21 septembre 1996 Force Ouvrière organisait une réunion de famille.
En vous voyant aujourd'hui, toutes et tous à la Bastille, toutes générations confondues, je me dis que la famille prospère puisqu'elle occupe largement une des places les plus symboliques de Paris.
Nous renouons ainsi avec une tradition, celle du meeting sur la place publique, pour exprimer les revendications des travailleurs, mettre en garde les gouvernants.
Nous sommes réunis pour lancer dans la rue un avertissement, solennel à ceux qui gouvernent, pour leur dire : ouvrez les yeux, regardez ce qui se passe dans le pays, écoutez ce que dit le plus grand nombre et agissez vite.
Ne vous enfermez pas dans vos certitudes technocratiques. L'économie n'est pas une science. La société doit être dirigée par les hommes, pour les hommes. La certitude confine à l'aveuglement, surtout quand elle conduit à l'entêtement.
Ne dites pas « tout va bien » quand beaucoup de choses vont mal.
Ne dites pas non plus que les voix qui s'expriment pour critiquer la politique économique sont celles de pyromanes.
Aujourd'hui, les pyromanes ce sont avant tout les inquisiteurs, qui ne veulent rien voir, entendre et regarder et considèrent comme hérétiques ceux qui ne s'inscrivent pas dans leur dogme. Les pyromanes sont ceux qui ne laissent aucun espoir à la jeunesse.
L'espoir ne se nourrit pas de la soumission ou de la fatalité.
Retrouver l'espoir c'est envisager différemment l'avenir
Ne pas craindre pour son emploi, pouvoir vivre et travailler dans des conditions correctes, donner aux jeunes d'autres perspectives que le chômage ou le petit boulot, c'est cela, concrètement, l'exigence d'espoir.
Cela impose aujourd'hui de savoir se faire entendre et respecter. Et c'est pour cela que nous sommes dans la rue ce 21 septembre 1996.
Ce qui est anormal, pour ne pas dire scandaleux, c'est que dans la 4e puissance mondiale, la richesse soit de plus en plus répartie de manière inégale que les riches s'enrichissent, les pauvres s'appauvrissent, que certains vivent de mieux en mieux de leurs rentes et placements alors que d'autres ne peuvent pas vivre décemment d'un travail.
Je pense plus particulièrement aux 600 000 jeunes demandeurs d'emploi et aux 8 millions de jeunes de 15 à 24 ans qui ont aujourd'hui comme perspective à l'an 2000 la certitude du chômage.
Une société qui n'est pas en mesure d'intégrer les jeunes, de leur donner l'espoir, est une société qui sacrifie l'avenir.
Ce n'est pas parce que quelques technocrates ont arbitrairement défini quelques critères économiques au niveau européen, il y a quelques années, que ces critères doivent constituer une bible, une vérité révélée, incontournable, intangible.
On ne rêve pas sur un taux d'endettement ou de déficit budgétaire.
La preuve en est que pour gagner des élections politiques on sait les mettre entre parenthèses ou les vilipender.
Et que l'on ne fasse pas le chantage à l'Europe. C'est en effet avec de tels raisonnements que l'Europe est en train de perdre du crédit. Le problème de l'Europe, c'est sa soumission aux lois du marché, c'est la généralisation de la jungle libérale, quelles que soient les structures et les pratiques nationales. Le problème de l'Europe, c'est que les Américains n'en veulent plus parce qu'elle leur ferait de l'ombre.
Tout se passe comme si les gouvernements, auto-mutilés en matière économique, s'engageaient dans une course au meilleur élève dont le diplôme ne serait plus décerné par les citoyens mais par les intervenants financiers et les banques centrales.
Si tel doit être le cas, alors qu'on ait le courage d'expliquer que le champ de la démocratie se réduit de plus en plus.
La marche forcée vers la réduction des dépenses publiques et sociales, la déréglementation du marché du travail, la remise en cause des services publics, ont des conséquences sociales terribles : chômage, précarité, pauvreté, multiplication des inégalités.
Les exemples sont nombreux. Quand l'Italie dévalue sa monnaie, raflant ainsi de nombreux marchés dans le textile et la chaussure, le Gouvernement français réagit en dévaluant le social par exonération de cotisation.
Quand, enfin, il est démontré les effets plus que nocifs de l'amiante sur la santé publique, le Gouvernement tergiverse, considérant qu'il n'a pas d'argent pour engager rapidement un grand programme de déflocage. On sait augmenter les taxes sur l'alcool et le tabac, en s'appuyant sur la santé publique, on ne sait pas prendre des décisions pourtant indispensables sur l'amiante.
En fait, on cherche surtout à diminuer les déficits, on ne fait pas de la prévention mais de la comptabilité.
Aujourd'hui, on nous dit que pour créer des emplois, il faut alléger le coût du travail et accroître l'aménagement du temps de travail, c'est-à-dire la flexibilité. Mais la flexibilité, faut-il le rappeler, c'est avant tout une méthode qui permet de ne pas embaucher.
Si l'objectif est de créer des emplois, c'est plus de réglementation qui est nécessaire, notamment en matière d'heures supplémentaires et de travail à temps partiel. Quant à la durée du travail en tant que telle, ce n'est pas son aménagement qu'il faut viser mais sa réduction.
Ces revendications ne sont pas spécifiques aux travailleurs français, comme en témoigne d'ailleurs aujourd'hui la présence de délégations étrangères avec nous. À Bonn comme à Bruxelles, Madrid ou Paris, les travailleurs entendent se faire respecter.
Leur présence est un signe fort de la solidarité des travailleurs européens dans les revendications et le combat syndical. Elle sera suivie, nous en sommes certains, d'autres démonstrations.
En Allemagne comme en Belgique, en Espagne ou en France, les pouvoirs publics réduisent les droits à la sécurité sociale au nom de la compétitivité. Les méthodes diffèrent d'un pays à un autre mais partout l'objectif est le même : réduire les dépenses pour les ajuster aux recettes, des recettes qu'il faut par ailleurs contenir pour ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.
Résultat : la part collective, solidaire, diminue pour développer, au nom du libéralisme et de la concurrence, les assurances privées. Cela concerne tout autant la maladie que la retraite. C'est là, en France, l'objet de la contre-réforme Juppé qui se traduit par une fiscalisation du financement et les premières tentatives de réductions de prestations dans le domaine de l'assurance-maladie.
Quand j'entends le Gouvernement affirmer qu'il faut s'interroger sur les médicaments qu'il faut rembourser, il y a de quoi s'inquiéter. D'ores et déjà, dans certains établissements de soins, les médecins demandent aux familles des malades de se procurer des médicaments à l'extérieur car ils ne sont pas remboursables.
Comme elle vient de le faire à l'assurance-maladie, en s'opposant aux restrictions de droits en matière de capital décès et d'indemnités journalières, Force ouvrière défendra activement, pied à pied, les intérêts des assurés sociaux.
De même, comment apprécier la volonté du Gouvernement de développer l'épargne-retraite alors que le taux d'épargne est déjà trop élevé en France et qu'il faut continuer à baisser les taux d'intérêt. Or, pour être rentable, la retraite par capitalisation suppose des taux d'intérêt élevés.
En quelque sorte, on demande aux salariés de choisir entre salaire et épargne, emploi et retraite. Seuls pourront en bénéficier ceux qui en auront les moyens. Le seul objectif est, là encore, d'ordre idéologique : développer les mécanismes privés de retraite, faire dépendre le montant des retraites du casino boursier.
Que penser également des dernières dispositions fiscales qui, paraît-il, doivent avantager les salariés et les familles ? Non seulement les 25 milliards de réduction passent à 11 quand on tient compte des autres augmentations d'impôts, mais il faut rappeler que les quelque 100 milliards de taxations supplémentaires se renouvelleront d'année en année.
Il y a peu, on nous expliquait que l'impôt sur le revenu avait une place trop petite en France comparé aux autres pays.
Or, le Gouvernement vient de décider d'exonérer 1,5 million de foyers supplémentaires.
Comme s'il y avait deux catégories de citoyens : ceux qui paient l'impôt sur le revenu et les autres. Or, l'impôt sur le revenu et les autres. Or, l'impôt sur le revenu, si tous les revenus sont connus, est l'impôt le plus juste parce qu'il est progressif : plus on gagne d'argent, plus on paie.
Progressivement, le Gouvernement vide de son contenu l'impôt sur le revenu pour développer l'impôt retenu à la source qu'est la CSG, un impôt proportionnel, inégalitaire et plus indolore. Voilà l'objectif caché de la réforme annoncée.
En fin de course l'inégalité fiscale se sera accrue. La logique qui consiste à favoriser les riches pour qu'ils ne placent pas leur argent à l'étranger est aussi celle qui conduit à créer du chômage et à délocaliser les productions.
Or, la réalité, c'est aussi aujourd'hui la multiplication des plans sociaux et des réductions d'effectifs. Entre le 1er juin et le 15 juillet, plus de 120 000 annonces de suppressions de postes ont été faites, à la fois par manque d'activité et par souci d'alléger continuellement le coût du travail pour être compétitif.
L'année 1996 se soldera malheureusement avec 150 000 chômeurs supplémentaires.
Ce sont ces éléments catastrophiques qui nous ont conduits, dès le mois de juillet, à annoncer ce rassemblement du 21 septembre.
La présence, aujourd'hui, de salariés des entreprises en proie à des plans de licenciements montre bien que les salariés du privé n'acceptent plus la fatalité du chômage, les discours lénifiants sur le thème « ça ira mieux demain ».
FO ne démissionne pas. FO ne démissionnera jamais. Aujourd'hui, nous en administrons la preuve. C'est cela le syndicalisme indépendant.
Aujourd'hui, 21 septembre 1996, ce que nous revendiquons, ensemble, salariés du privé comme du public, c'est l'arrêt des licenciements !
Nous voulons un pays qui se développe pour toutes et tous, pas pour quelques-uns !
Nous voulons de l'activité économique, pas de la spéculation financière !
Nous voulons du concret, pas des leçons de morale !
L'arrêt des licenciements impose de nouvelle orientations économiques.
Accroître le pouvoir d'achat et la consommation, relancer l'activité économique, réapprendre la stratégie industrielle, réduire la durée du travail, tels sont les défis auxquels il faut répondre rapidement.
Si fixer des objectifs de développement et dégager les moyens pour les atteindre : telle doit être la démarche, et non restreindre les moyens, ce qui conduit à avoir comme seule démarche la restriction.
C'est ensemble, privé et public, que nous nous adressons au Gouvernement pour qu'il change sa politique.
Le chômage, ce n'est pas une donnée exclusivement économique. Ce n'est pas seulement une statistique qui fait l'objet de commentaires une fois par mois quand les chiffres s'améliorent.
Le chômage, c'est abord et avant tout ce qui vivent tous les jours 20 millions d'hommes et de femmes en Europe et ce que craignent en permanence des millions d'autres.
Le chômage, c'est se demander comment on vivra demain si l'on ne retrouve pas de travail.
Le chômage, c'est aussi le regard des autres et de ses enfants.
Pour comprendre cela, il faut le vivre directement ou indirectement. Ça ne s'apprend pas dans les livres. Ça se vit, ça se sent et ça ne se raconte pas.
Le rôle aujourd'hui de ceux que l'on pourrait appeler les anciens, c'est aussi de se battre pour laisser aux plus jeunes une société dont ils n'auront pas honte. Cela s'appelle tout simplement pouvoir se regarder dans la glace.
Toutes et tous ici, c'est finalement ce que nous voulons, pouvoir nous regarder dans la glace et dans les yeux de nos enfants en disant : « On s'est battu pour que la situation s'améliore. On a obtenu telle ou telle chose. À toi maintenant de les faire fructifier et d'obtenir d'autres choses.
Cela porte un nom : le progrès.
Cela impose une obligation : le respect.
Cela appelle deux exigences : la liberté et la démocratie.
Et c'est pour tout cela que nous voulons nous battre toutes et tous ici et aujourd'hui ! Non, ce n'est pas un combat d'arrière-garde.
Tout comme le mouvement de novembre/décembre 1995 n'était pas un combat d'arrière-garde, un dernier soubresaut du syndicalisme comme ont pu l'écrire, après le mouvement bien entendu, certains commentateurs qui se libéraient ainsi de leurs peurs.
Ce fut l'expression mûrie d'un mécontentement profond contre une logique renouvelée d'efforts, de sacrifices, de chômage et d'exclusion.
Ce fut un mouvement social, c'est-à-dire un mouvement dans lequel les organisations syndicales ont joué un rôle essentiel.
Je sais qu'aujourd'hui si les militants FO sont, bien entendu, les plus nombreux sur cette place, il y a aussi parmi la foule des militants d'autres organisations syndicales, il y a aussi, sans doute, des non-syndiqués qui veulent exprimer leurs inquiétudes et leur solidarité.
Cela veut dire tout simplement que lorsque les revendications sont bien définies ou lorsque les problèmes le nécessitent, il est normal et logique que les organisations syndicales se battent ensemble.
Il ne s'agit pas de prôner par principe l'unité, ce qui ne veut rien dire ou, plutôt, peut servir d'alibi incantatoire pour ne rien faire. Mais l'unité dans l'action peut être une nécessité pour obtenir satisfaction.
Force ouvrière a déjà montré qu'elle pouvait en être l'initiatrice.
Force ouvrière n'hésitera pas à la reprendre, mais sur des bases et des objectifs clairs, ceux qui, par définition, collent avec la réalité, avec ce que vivent les salariés dans les entreprises, les administrations et les services.
C'est une question de loyauté, de responsabilité et d'indépendance syndicale.
Et la responsabilité syndicale aujourd'hui est de ne pas se taire. Se taire serait irresponsable. La mission du syndicalisme n'est pas de démissionner devant les problèmes.
Le rôle de l'organisation syndicale c'est de défendre et représenter les intérêts des salariés actifs, chômeurs et retraités, de ce que les partisans du politiquement correct n'osent plus appeler : la classe ouvrière.
Et nous n'accepterons pas, parce que nous faisons entendre la voix des salariés, leurs problèmes et leurs revendications, qu'on nous considère comme des mauvais Français, qui ne seraient pas soucieux de l'intérêt général.
Est-ce que le patronat, quand il réclame la baisse des charges, défend l'intérêt général ? Non, et ce n'est d'ailleurs pas son rôle.
L'intérêt général c'est le rôle des partis politiques en démocratie.
Nous, nous faisons du syndicalisme et le syndicalisme doit jouer son rôle quel que soit le parti politique au pouvoir, quel que soit le Gouvernement.
Nous ne faisons pas des promesses, nous prenons des engagements.
Nous ne voulons pas gérer le pays mais faire aboutir les revendications des hommes et des femmes qui vivent, ont vécu ou voudraient vivre d'un travail salarié, de ceux sans qui la production de richesses serait impossible.
Nous avançons et proposons nos revendications et essayons de les faire aboutir. Nous savons que lorsque nous obtenons satisfaction, nous influons sur la société. Nous savons que si demain nous obtenons une réduction sensible de la durée du travail, cela aura une influence sur la société, les comportements, les structures économiques. C'est dans cet esprit que nous revendiquons les 35 heures et la 6e semaine de congés payés.
Mais quand nos interlocuteurs sont sourds ou entendent mal, alors nous levons le ton et agissons.
C'est cela être responsable quand on est militant.
Les suppressions d'emplois, le tassement du pouvoir d'achat, le développement de la pauvreté sont intolérables.
La remise en cause des principes fondateurs de la République l'est tout autant.
Pour que les mots liberté, égalité, fraternité, auxquels j'ajouterai celui de laïcité, aient encore un sens, il faut non seulement préserver mais renforcer les services publics.
Les citoyens ont des droits sur le service public, en particulier le droit à l'égalité d'accès à celui-ci.
Le service public, au sens large, est l'ossature de la République, son ciment, un élément essentiel de sa cohésion.
C'est aussi une source importante d'emplois ; En réduisant ses effectifs, l'État employeur augmente mécaniquement le chômage, en particulier pour les jeunes. En jetant par exemple au chômage des milliers de maîtres auxiliaires, il pénalise l'emploi et fragilise l'enseignement.
Au nom de quoi la concurrence serait, par définition profitable au citoyen ?
Au nom de quoi les lois du marché seraient des lois républicaines ?
Au nom de quoi le citoyen devrait-il s'effacer devant le client ?
Qui peut croire aujourd'hui que le libéralisme économique est synonyme de liberté, de progrès, d'égalité ?
Le service public est l'outil indispensable pour le respect des valeurs républicaines.
Rien n'est inéluctable. Il n'y a pas de fatalité. C'est une question de choix.
Et nous sommes là aujourd'hui pour exiger du Gouvernement qu'il réponde aux attentes de millions d'hommes et de femmes actifs, chômeurs et retraités.
Et qu'il ne se trompe pas de cible. Ce ne sont pas les chômeurs qui sont responsables du chômage, ils en sont les victimes.
On ne réglera pas le chômage en multipliant les procédures de traitement social.
Celles-ci finissent en effet par coûter très cher et bénéficient plus aux entreprises qu'aux chômeurs.
Que penser encore de ces barbarismes culpabilisants que sont par exemple des formules telles que « l'employabilité » ?
En quelque sorte, les chômeurs ne trouvent pas de travail parce qu'ils n'auraient pas les compétences requises, et la grande réforme consisterait non à développer l'emploi, mais à rendre les chômeurs employables.
Pardonnez-moi l'expression, mais ça leur fait une belle jambe aux chômeurs !
C'est comme si votre voiture était en panne, que vous le conduisiez au garage pour qu'elle soit réparable mais que vous ne faites pas la réparation. Résultat : elle est toujours en panne !
Toute cela c'est la nouvelle langue de bois, la langue de bois vaseline pour fermer les yeux sur les réalités sociales et économiques.
Le Gouvernement, comme d'autres Gouvernements aujourd'hui, doit ouvrir les yeux.
Pour satisfaire aux critères de Maastricht, qui servent eux aussi d'alibi – car ils sont moins sévères qu'on nous le dit – les pouvoirs publics s'évertuent à diminuer les dépenses et à s'approprier ce qui ne leur appartient pas.
On le voit encore avec le projet de budget 1997 qui s'inscrit dans la même lignée restrictive.
Après avoir récupéré le financement de la Sécurité sociale, le Gouvernement lorgne maintenant sur ce qu'il appelle l'excédent du régime d'assurance-chômage pour que celui-ci supplée l'action du Gouvernement.
À nouveau, il aimerait bien s'approprier ce qu'il n'a pas le droit de s'approprier, vos cotisations sociales, il porte atteinte à une expression de la démocratie : la gestion paritaire.
Tout cela ne peut pas durer. Il faut que ça change.
C'est aussi la politique économique menée depuis des années qui est en grande partie responsable de la montée du racisme, de la xénophobie et de l'antisémitisme. C'est cette politique qui fragilise la démocratie par la montée de l'intolérance et de l'ignominie. Le cynisme ou le grotesque des tenants du racisme et de la xénophobie ne peut faire oublier que c'est sur la misère que leurs théories prennent racine.
Il faut que le Gouvernement réponde à nos interrogations, à nos revendications. Il ne suffit pas de dire que des négociations de salaires seront ouvertes dans la fonction publique. Il faut dire quand et combien.
Il ne suffit pas de claironner que l'emploi est une priorité. Il faut effectivement lutter contre le chômage en relançant l'activité, en soutenant le pouvoir d'achat des salaires, retraites et indemnités.
Il ne suffit pas de parler avec une mine attristée de l'exclusion. Il faut modifier la politique économique pour susciter la création d'emploi.
Il ne suffit pas de parler de réforme fiscale, il faut en faire une qui soit équitable, ce qui passe par une connaissance réelle de tous les revenus et une égalité de traitement.
Il ne suffit pas de parler de l'amiante, il faut engager tout de suite un vrai programme d'action.
Il ne suffit pas de parler des banlieues, il faut aussi mettre en place un programme de reconstruction des HLM.
Il n'est pas tolérable de laisser entendre que la santé est un luxe et qu'il faudra limiter la couverture par l'assurance maladie.
Il n'est pas tolérable de plaider pour des syndicats responsables et remettre en cause la gestion paritaire du salaire différé.
Arrêter les licenciements, c'est prendre le taureau par les cornes et engager une politique de développement et de progrès.
Ce 21 septembre à la Bastille, est un avertissement au gouvernement. Nous ne les multiplierons pas. Nous sommes lassés d'attendre.
Notre responsabilité de syndicat indépendant c'est de dire haut et fort ce que nous disent de plus en plus de salariés. C'est cela aussi la démocratie.
Force ouvrière a une conception déterminée de l'indépendance syndicale. La présence ici de camarades allemands, belges et espagnols est aussi plus qu'un symbole, c'est un signe de détermination et de solidarité du mouvement syndical.
Il est de la responsabilité du syndicalisme et des confédérations de représenter efficacement les intérêts des salariés actifs, chômeurs et retraités.
Il est de leur responsabilité, quand les revendications ne sont pas entendues, d'agir.
Qu'on ne s'y trompe pas : Force ouvrière est prête à renforcer la mobilisation. Ce 21 septembre est un tremplin.
Le slogan « tous ensemble » n'est pas mort. Les problèmes se situent au niveau des entreprises en difficulté, au niveau des administrations et du secteur public. Il se situe aussi au niveau général interprofessionnel, ce qui nécessite une action confédérale.
En quelque sorte, ce 21 septembre, le gouvernement reçoit une lettre recommandée avec accusé de réception.
Les délais sont courts.
Force ouvrière est déterminée.
Force ouvrière n'est pas seule.
Force ouvrière vit et fera vivre l'indépendance syndicale.
Mes chers camarades, vous tous ici présents, je vous demande de défiler ensemble jusqu'à la Nation. Et je vous demande, une fois rentrés dans vos départements, de poursuivre la mobilisation sur le terrain, au plus près des travailleurs.
Vive le syndicalisme, vive la solidarité internationale, vive la démocratie.
Force ouvrière hebdo : 25 septembre 1996
Querelle de chiffres ou manoeuvre ?
Vendredi 20 septembre – 17 h 13 – dans une dépêche, l'AFP indique que l'objectif de FO pour son rassemblement du 21 septembre à la Bastille était de 20 000 participants mais que « selon des responsables se situant dans l'opposition interne », les prévisions de transport avaient été revues à la baisse (entre 10 000 et 15 000).
Nous sommes parallèlement informés que dans les services de police le nombre de 12 000 tournait déjà les jours précédents.
Nous savons nous, statistiques à l'appui, que les réservations de trains et bus permettent d'ores et déjà de totaliser plus de 15 000 participants auxquels il faudra bien entendu ajouter les parisiens et la banlieue, les délégations étrangères, les lycées et étudiants, les sympathisants présents et les curieux…
Samedi 21 septembre, la place de la Bastille est grande. Nous faisons une première évaluation à 25 000, évaluation que nous établirons entre 30 000 et 35 000 lors de la manifestation entre Bastille et Nation. Quand la tête du cortège arrive à la Nation… la queue est encore place de la Bastille.
Le chiffre officiel de la police sera bien de 12 000…
Finalement, tout cela n'a guère d'importance. Les participants savent que le 21 septembre est réussi, ils repartent gonflés et à nouveau Force ouvrière a pris ses responsabilités en prenant date. Une telle mobilisation, un samedi, à Paris, dans le contexte que l'on sait, est significative d'un état d'esprit, celui de l'indépendance et de la dignité.