Texte intégral
P. Lapousterle : Un mot sur la méthode et l'énergie – je dirais – de la diplomatie du chef de l'État au Proche-Orient. Vous approuvez ?
L. Poniatowski : Eh bien, je l'ai beaucoup appréciée. J'ai trouvé le comportement des services de sécurité israéliens choquant. J. Chirac allait là-bas en ami d'Israël. Il allait bien sûr là-bas en ami des pays Arabes – je reviens, en ce qui me concerne, de Jordanie, de Syrie et du Liban – et il était très attendu. Il arrivait un peu en messager de la paix avec la conviction, que je partage, qu'il peut faire progresser le processus de paix dans cette partie du monde. La moindre des choses aurait été de le recevoir correctement. Et ce que j'espère, c'est que le Premier ministre israélien se rattrapera en saisissant la main que J. Chirac lui tendait pour faire avancer ce processus de paix.
P. Lapousterle : Retour en France. À l'UDF, on dit que c'est la grogne actuellement. Est-ce que c'est parce que vous n'avez pas réussi à modifier le Budget comme vous le souhaitiez ou bien est-ce que ce problème est plus large ?
L. Poniatowski : Non, non. C'est très technique, cela concerne ce budget. Je dois vous avouer que nous n'avons pas bien compris parce que, globalement, nous avions trouvé ce budget bon, nous l'avons dit, et nous avons, d'entrée de jeu, annoncé que nous le voterions. Dans la conjoncture que nous connaissons, avec une marge de manoeuvre très étroite pour la France, une conjoncture nationale et internationale, nous faisons des propositions non seulement sérieuses mais qui pourraient rendre service au Premier ministre. Le Premier ministre et le Gouvernement ont un problème qui est qu'il ne s'agit pas tellement de faire autre chose mais qu'il s'agit, je pense, de faite autrement, et notamment sur la manière dont on s'adresse aux Français avec peut-être plus de concertation ou de discussion. Et là, nous permettions au Gouvernement de rattraper une chose qui était mal passée – vous vous en souvenez – c'est l'annonce de la baisse de l'impôt sur le revenu et quasiment en même temps de la hausse de toute une série de taxes : tabac, essence, etc. Nous donnions au Gouvernement l'occasion, par notre proposition UDF, de baisser le prix de l'essence et de baisser la TVA, de rattraper ce « ratage ».
P. Lapousterle : Cela coûtait cher, quand même.
L. Poniatowski : Cela coûtait cher mais nous proposions le financement de ces mesures en même temps. Je sais bien que cela coûtait cher, c'est-à-dire qu'il faut faire des sacrifices par ailleurs. Je pense que ce sont de bonnes mesures et nous avons sincèrement regretté que le Gouvernement ne nous ait pas suivis, que le RPR ne nous ait pas suivis.
P. Lapousterle : Est-ce que c'est vrai que vous avez failli vous abstenir à l'UDF ?
L. Poniatowski : Il y a eu un débat avec un certain nombre de députés qui avaient envie de s'abstenir.
P. Lapousterle : Et finalement ils l'ont voté.
L. Poniatowski : Et finalement, nous l'avons voté puisque nous avons tout simplement respecté l'engagement que nous avions pris dès le départ. Peut-être cet engagement est venu trop tôt.
P. Lapousterle : C'est-à-dire que vous n'allez pas le recommencer à l'avenir ?
L. Poniatowski : Non, je pense qu'à l'avenir, il faut discuter. On va le voir avec un texte qui vient tout de suite dans la foulée, qui est la loi de financement de la Sécurité sociale. Je pense qu'il faut que nous abordions ce texte en discutant, en débattant, en le modifiant si nous pensons que c'est utile de le modifier. Et puis, prendre la décision de voter ou de s'abstenir voire, peut-être sur certains textes, de voter contre après.
P. Lapousterle : J'entendais hier A. Juppé, le Premier ministre, sur France 3 ; il dit que tout se passe bien dans la majorité et que la discussion budgétaire cette année a été meilleure et plus harmonieuse que l'an dernier.
L. Poniatowski : Mais je vous rends témoin que la discussion budgétaire se soit passée avec une capacité à modifier, à accepter des amendements moins grands que d'habitude. Je suis parlementaire depuis un certain nombre d'années et chaque année, les gouvernements de droite comme de gauche, lorsqu'ils arrivent devant le Parlement, arrivent avec une marge de manoeuvre et notamment pour accepter des amendements, qui ont un coût bien sûr. J'ai été frappé de voir que cette année, pratiquement, le Gouvernement nous présentait un budget, non pas ficelé, mais un budget sur lequel la marge d'amendement était quasi inexistante. Je pense que c'est dommage pour le bon fonctionnement de la démocratie et le bon fonctionnement des relations entre le législatif et l'exécutif.
P. Lapousterle : Mr Léotard l'a redit hier : l'UDF n'est pas assez entendue. Cela fait des années que je vous entends dire cela : comment comptez-vous vous faire entendre à l'avenir puisque cela ne marche pas jusqu'à présent ?
L. Poniatowski : Sur les textes, en assumant notre rôle et notre mission. F. Léotard était très clair, il veut que le parlementarisme fonctionne mieux, c'est-à-dire le fonctionnement du Parlement et notamment que ce Parlement soit mieux entendu de l'exécutif. C'est un mal français quasi historique. On n'aime pas beaucoup laisser de la place et un pouvoir de décision au législatif, dans notre pays.
P. Lapousterle : Quand vous voyez les sondages, avec A. Juppé qui est au bas de l'échelle, est-ce que cela a des conséquences politiques ? Est-ce que cela n'est pas un problème pour l'ensemble de la majorité ?
L. Poniatowski : Oui, bien sûr. Le fait que le pourcentage de mécontents soit un des plus forts qu'on ait jamais connu dans la Vème République, c'est un problème. J'en reviens au problème du Budget, c'est un problème d'absence de confiance des Français à l'égard de l'exécutif, qui est vraiment problématique. Quand une formation politique comme la nôtre, qui est clairement dans la majorité, fait des propositions qui ne pouvaient qu'aller dans le sens de faire revenir un peu de confiance vers le Gouvernement, il aurait mieux valu saisir cette opportunité.
P. Lapousterle : L'affaire O. Foll : le patron de la PJ de Paris qui a été suspendu de ses fonctions d'OPJ pendant six mois par la justice et maintenu par le ministre de l'Intérieur. C'est ce qui fallait faire ?
L. Poniatowski : Je trouve que la sanction qui a été prise est quand même un peu disproportionnée par rapport aux faits. Je me souviens bien de ce qui s'est passé à l'époque. Vous vous souvenez : c'était perquisition d'un juge d'instruction dans l'appartement de monsieur Tibéri. Moi, ce qui m'avait frappé ce jour-là, c'était autre chose : il y avait des dizaines de journalistes – télés, radios, photographes – devant l'appartement avant même que n'apparaisse le juge et avant même que n'arrivent les policiers. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'il y a eu une autre faute grave ce jour-là : c'est le secret de l'instruction qui a été totalement bafoué. Moi, je pose une question aujourd'hui : comment se fait-il que l'on se soit empressé de sanctionner quelqu'un qui a dit aux policiers : « ne suivez pas » ? C'est vrai que c'était une erreur. Comment se fait-il que l'on n'ait jamais cherché à savoir qui a bafoué le secret de l'instruction ? Vous savez, ce n'est pas difficile : pour être informé à ce point-là, comme l'étaient les journalistes, c'est une volonté délibérée de faire du cinéma autour de cette perquisition et autour de cette fouille d'appartement. Donc, moi j'aimerais bien que l'autre volet de cette affaire avance aussi et qu'on sanctionne enfin, pour une fois, ce type de comportement.
P. Lapousterle : Et l'affaire Thomson : L. Fabius demande une commission d'enquête parlementaire. Est-ce que vos êtres pour cette commission d'enquête, parce que les protestations fusent sur cette affaire de privatisation de Thomson ?
L. Poniatowski : Je ne sais pas si c'est la bonne solution ou la bonne formule. Ce que je sais, c'est que cela n'est pas terminé. Je vous signale que, dans le processus, il y a une commission de la privatisation qui est saisie et qui doit, elle aussi, donner son avis. Le problème est que cette commission de privatisation donne son avis de fond et pas tellement de forme, c'est-à-dire va donner l'avis sur le fait : est-ce un bon choix, est-ce justifié que ce soit Matra plutôt qu'Alsthom Alcatel qui ait emporté cette privatisation ? Alors qu'on a tous pu constater qu'il y a aussi peut-être un problème de forme, c'est-à-dire la manière dont cela s'est passé. Moi, je suis frappé. Je suis un lecteur de la presse internationale et de la presse anglo-saxonne : elle est assez sévère. Cela veut dire qu'il faut que la France se pose la question de savoir si cette manière d'attribuer une société publique à un groupe privé est la meilleure manière. Cela donne l'impression d'une décision à deux, trois personnes et non pas d'une décision plus large et plus équitable.