Déclaration de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, sur l'effort des entreprises en matière de protection de l'environnement, le développement de l'éco audit et l'utilisation rationnelle de l'énergie, Paris le 1er octobre 1996.

Prononcé le 1er octobre 1996

Intervenant(s) : 

Circonstance : 4ème édition des trophées entreprises environnement de Coopers Lybrand et Enjeux - les Echos, à Paris le 1er octobre 1996

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureuse de participer, comme l'an dernier, à la remise des prix de cette quatrième édition des trophées Entreprises Environnement organisée conjointement par Coopers & Lybrand et Enjeux-Les Échos.

Je suis en effet très attachée à ce que le savoir-faire, qui est indéniable, de nos entreprises en matière de protection de l'environnement soit accompagnée d'un « faire-savoir ». Quoi de mieux qu'une remise de prix pour mettre en lumière les réalisations exemplaires, et espérer ainsi qu'elles susciteront la réalisation de nombreuses autres réalisations ?

Je me félicite particulièrement que ces trophées soient le résultat d'une initiative privée. Je voudrais souligner à cet égard que le jury a effectué ses choix en toute indépendance, notamment vis-à-vis des pouvoirs publics et du ministère que je représente.

L'existence même de ces trophées Entreprises Environnement témoigne d'une révolution des mentalités.

Certes, cette révolution n'est pas achevée et rencontre ici ou là des résistances, mais elle est en marche.

Elle est irréversible.

Il y a quelques années, en effet, on opposait volontiers la croissance et l'environnement. C'était l'époque où certains prônaient la « croissance zéro ».

On a ensuite affirmé que la production industrielle n'était pas forcément l'ennemie de l'environnement, et on a présenté l'économie et l'environnement comme des impératifs à concilier. Il fallait rechercher un équilibre entre deux objectifs implicitement considérés comme contradictoires.

Enfin, aujourd'hui, nous arrivons au dernier stade de cette évolution. Nous nous sommes aperçus que les objectifs de production et d'environnement ne sont pas contradictoires, mais bien convergents pour peu que l'on se place dans une perspective « durable » et que l'on intègre bien tous les paramètres.

Production industrielle performante et respect de l'environnement sont donc des objectifs complémentaires et, on peut l'affirmer, indissociables à terme.

On constate que les pays à forte production industrielle disposent de politiques d'environnement ambitieuses, et cette convergence se retrouve au niveau de l'entreprise, où la qualité de la prise en compte de l'environnement constitue un indice de la réussite économique de l'entreprise.

La charte du développement durable lancée par la chambre de commerce internationale traduit bien ce phénomène, et les banques – je regrette qu'il n'y ait point de françaises – qui y adhèrent le disent bien : les investissements consentis dans des entreprises de gestion environnementale ambitieuses sont plus solides que dans les autres entreprises.

La prise en compte de l'environnement est, bien sûr, une affaire de morale collective, mais c'est aussi un enjeu économique de plus en plus clair.

Au niveau de l'entreprise, la prise en compte de l'environnement doit non seulement devenir une partie intégrante de la gestion, mais elle représente aujourd'hui un indicateur de la réussite économique.

J'estime que les entreprises doivent aujourd'hui donner l'exemple, bien entendu pour réaliser des investissements de protection de l'environnement, mais encore et surtout pour mener une véritable politique de concertation avec son environnement, pour assurer et diffuser une information transparente.

Il convient à présent de tirer les conclusions de cette nécessité de la prise en compte de l'environnement par les acteurs économiques, afin de faire évoluer les politiques publiques.

L'administration de l'environnement, le ministère, ses services extérieurs, ses établissements publics, doit bien sûr rester vigilante et faire appliquer la réglementation. Mais cela ne suffit pas, et elle doit accompagner les efforts entrepris par les entreprises pour intégrer l'environnement dans leurs systèmes de production.

Au rôle « défensif » de contrôle doit s'ajouter un rôle « constructif », j'oserais dire « offensif », de soutien au tissu économique pour aborder cette transformation des mentalités et des pratiques.

Et, vous le savez, la meilleure défense, c'est l'attaque. Cette adaptation de l'administration est largement engagée. Les plans environnement d'entreprises sont nés il y a plus de cinq ans, et ont pris leur régime de croisière avec le dynamisme de l'Ademe.

L'administration a trouvé de nombreux partenaires sur ce chemin, comme Orée, (entreprises pour l'environnement), les Critt environnement (Centres régionaux d'innovation et de transfert de technologies), des corps consulaires et des fédérations professionnelles.

Le premier niveau du management environnemental est bien cet auto-diagnostic qui commence à se développer en France.

Je me plais à souligner leur dimension le plus souvent partenariale et leur dimension régionale. Parmi ces programmes, permettez-moi de citer Prométhée en Bourgogne et Bretagne Environnement Plus. Lancé il y a deux ans dans le cadre du contrat de plan État-région, ce dernier programme a permis de réaliser plus de 200 diagnostics, de créer plus de 20 emplois, soit dans les cabinets d'ingénierie, soit dans les entreprises industrielles, et de lancer près de 60 MF d'investissements dans des technologies propres ou pour financer des outils d'épuration…

C'est sur ce socle que d'autres procédures, plus ambitieuses, doivent se développer, et là, nous avons du chemin à parcourir.

Deux formules sont proposées, la norme Iso 14000 internationale et l'éco-audit, adopté par l'Union européenne.

Je ne vous cache pas que notre pays doit mettre les bouchées doubles pour faire connaître son savoir-faire. À ce jour, seuls 4 sites – bientôt 5 – ont été enregistrés en France au titre de l'éco-audit, sur 191 sites au niveau européen dont 153 en Allemagne. Seuls 4 sites – bientôt 6 – ont été certifiés par l'Afaq au titre de la norme Iso 14001. Sur 139 vérificateurs environnementaux agréés en Europe, la France n'en dispose que de 7. Le mouvement est rapide, puisqu'au 15 février 1996, date de référence pour la publication du « Journal officiel des communautés européennes » du 31 juillet dernier, il n'y avait que 77 vérificateurs agréés dont 4 français.

Je prépare donc une véritable politique du management environnemental, qui visera à enregistrer d'ici deux ans 100 à 200 sites industriels au titre de l'éco-audit et à mettre en place l'an prochain 300 diagnostics environnement. Ces objectifs seront répartis dans toutes les régions françaises.

Je connais le soutien que les milieux industriels et financiers apportent à cette politique. Le président de l'Association de certification des auditeurs environnement (ACAE) m'a fait tout récemment savoir que l'objectif des 300 auditeurs en 3 ans était réalisable, et je me réjouis de cette ambition partagée.

La famille des normes Iso 14000 est effectivement née le 1er septembre dernier avec la norme Iso 14001

Sans entrer dans les détails, je soulignerai que l'instrument européen, l'éco-audit, comporte en plus un volet important de communication. Cette différence mérite d'être notée car, au-delà d'une affaire de management, il apparaît selon certains sondages auprès des entreprises que l'environnement est aussi un outil de communication, tant « interne », pour le personnel, qu'« externe ».

Les atouts de ces démarches sont d'une part de renforcer la compétitivité de l'entreprise, d'autre part de communiquer sur l'entreprise.

Renforcer la compétitivité de l'entreprise car elle permet une meilleure maîtrise des consommations, des rejets, des déchets, des risques… Les conséquences directes peuvent être financières et se traduire par une diminution des coûts de fonctionnement.

Elles peuvent également être d'ordre économique : cette démarche peut faciliter l'identification de nouveaux produits ou procédés ou permettre d'anticiper l'application de nouvelles réglementations. Enfin, elle constitue l'opportunité pour l'entreprise de se démarquer sur un marché de plus en plus concurrentiel.

Communiquer sur l'entreprise car la participation à cette démarche renforce les relations de l'entreprise avec ses différents partenaires : clients assureurs, élus locaux, associations de protection de l'environnement, consommateurs…

En impliquant le personnel, elle contribue à développer de nouveaux comportements respectueux de l'environnement et de véhiculer une meilleure image de l'entreprise. Un logo accompagné d'une déclaration de participation sera la marque des efforts ainsi accomplis.


Mesdames, Messieurs,

Je vous répète ma conviction personnelle que la prise en compte de l'environnement est aujourd'hui un enjeu tout autant économique qu'écologique. Comme le reconnaissent les derniers programmes d'action européens pour l'environnement, un niveau élevé de protection de l'environnement est une condition indispensable de la réussite économique.

La protection de l'environnement est devenue une « force industrialisante ». Le développement de véhicules plus propres, de systèmes performants de dépollution et de traitement des déchets, etc., sont autant d'atouts pour l'avenir des industriels qui misent sur l'environnement.

L'enjeu est de taille. Je prendrai quelques exemples. Le « tableau de bord de la planète » pour 1995 du WorldWatch Institute indique que la production mondiale de bicyclettes a atteint le niveau record de 114 millions d'unités, contre 108 millions en 1993.

L'énergie éolienne pour sa part a fait un bon de 33% par rapport à 1994 et a atteint une capacité de 4880 mégawatts au niveau mondial, soit l'équivalent de cinq tranches nucléaires.

Cette évocation de l'énergie éolienne est l'occasion de terminer mon intervention par quelques propos sur les relations entre environnement et énergie, puisque vos trophées comportent cette année un volet thématique consacré à la gestion de l'énergie.

L'utilisation de l'énergie est indispensable au développement économique et contribue à l'amélioration des conditions de vie par l'accroissement du confort, des facilités de déplacement, de la qualité du travail…

La civilisation industrielle s'est bâtie en grande partie sur l'utilisation massive et croissante de l'énergie. Au vu de l'évolution de cette civilisation, la question se pose avec une acuité croissante de savoir si les dégâts et risques liés à l'énergie, toujours croissants, ne dépassent pas les avantages que l'on peut en retirer au niveau de la qualité de la vie de tous les habitants de la planète.

La production, la transformation, le transport, la distribution et l'utilisation d'énergie causent en effet un certain nombre d'atteintes à la santé humaine et à la qualité de l'environnement : risques technologiques, pollution des eaux, émissions radioactives, occupation des sols, atteintes aux sites naturels…

Mais c'est surtout dans la pollution atmosphérique que la responsabilité de l'énergie est particulièrement grande : en France, la combustion de l'énergie fossile et les transports représentent de l'ordre de la moitié des émissions de poussières, et plus des trois quarts des émissions des principaux polluants gazeux.

L'énergie a en particulier une très grande responsabilité dans les rejets de la plupart des gaz à effet de serre notamment le gaz carbonique dont plus des trois quarts des émissions mondiales proviennent de la combustion des énergies fossiles.

Quels que soient les efforts de réduction des émissions polluantes, force est de constater que l'énergie qui pollue le moins est celle qui n'est pas consommée. On ne peut donc faire l'économie d'une action globale sur les sources d'énergie. Cela est d'autant plus vrai qu'il n'existe pas aujourd'hui de dispositif de dépollution raisonnablement envisageable capable de piéger le gaz carbonique.

Les préoccupations en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie, qui jusqu'à présent visaient essentiellement la sécurité des sources d'approvisionnement en énergie, méritent donc d'être actualisées dans un contexte où elles sont devenues indissociables des préoccupations touchant à la qualité de l'air.

C'est pourquoi le projet de loi sur l'air, que j'ai présenté devant le Parlement au printemps dernier et qui sera examiné en seconde lecture avant la fin du mois, intègre les préoccupations d'utilisation rationnelle de l'énergie qui sous-tendent la loi du 10 mars 1948 sur l'utilisation de l'énergie.

Les relations entre énergie et environnement sont donc fondamentales. Elles doivent être abordées dans le cadre d'une utilisation rationnelle des ressources, de façon à réduire la pollution liée à notre ère industrielle tout en garantissant la sécurité d'approvisionnement énergétique. Une approche plus coordonnée des politiques environnementale et énergétique peut y contribuer.


Mesdames, Messieurs,

Pour conclure, permettez-moi de féliciter les promoteurs de ces trophées. Des voix s'élèvent ci et là pour dénoncer la multiplication des prix dans le domaine de l'environnement.

Mais ne faut-il pas des événements de ce type pour mettre en lumière les nombreuses réalisations exemplaires des entreprises pour l'environnement ?

Ne boudons pas notre plaisir, même si le foisonnement apparaît à certains un peu excessif.

L'environnement est souvent évoqué pour le pire. Il est heureux qu'il le soit aussi pour le meilleur.