Texte intégral
La relance des zones d’éducation prioritaire a fait l’objet des travaux du Conseil des ministres de ce matin. Vous voyez donc exposés dans cette salle les travaux réalisés par les élèves du CAP Arts graphiques et publicité du lycée professionnel Garamond de Colombes, qui se trouve en zone d’éducation prioritaire. Parmi ces travaux, le logo du dossier de presse a été dessiné par l’un des élèves, Bruno Castinguy, il est là avec ses professeurs et quelques élèves de la classe. Je les en remercie beaucoup, c’est un travail de grande qualité. Je suis heureuse de pouvoir mettre en valeur ces lycées professionnels et le travail accompli parce que j’ai vraiment eu l’embarras du choix pour choisir ce logo ; c’est un travail tout à fait exceptionnel qui est exposé là et c’est bien que la presse voit aussi la qualité et le grand professionnalisme manifestés dans les zones d’éducation prioritaires.
Je vous donne maintenant quelques explications sur la logique de la démarche qui inspire la relance des zones d’éducation prioritaire. D’abord rappelons que les zones d’éducation prioritaire ont quinze ans, ce sont des adolescentes si j’ose dire ; elles ont été relancées une fois, dans la loi d’orientation de 89, et en 90 ; aussi, et ce que nous mettons en place maintenant, avec une très forte détermination, avec une méthode de travail reprise dans les dossiers qui vont vous être distribués, c’est vraiment un second souffle, les ZEP rentrent dans l’âge adulte et nous leur donnons définitivement les moyens d’exister et surtout de réussir.
Seconde observation, ma méthode est pragmatique. C’est-à-dire que je m’appuie sur les critères des réussites en zones d’éducation prioritaire, à partir d’un travail de repérage. Mon souhait est de généraliser à l’ensemble des zones d’éducation prioritaire ce qui a réussi au cours de ces quinze dernières années. Ce repérage a fait l’objet, comme vous le savez, du rapport de deux inspecteurs généraux Madame Moisan et Monsieur Simon, qui a déjà identifié un certain nombre d’actions faisant l’objet, aujourd’hui, d’une généralisation dans l’ensemble des zones d’éducation prioritaire, mais ce repérage va se poursuivre avec le lancement d’une enquête en profondeur dans chaque zone d’éducation prioritaire dont vous trouverez la matière statistique et scientifique dans les dossiers et pour permettre, au cours des forums académiques qui ont déjà commencé, le repérage et la remontée des réussites dans les zones d’éducation prioritaire qui constitueront aussi, parce que c’est un travail en profondeur qui est engagé, d’autres mesures à d’autres étapes. Mais aujourd’hui il y a une évolution de fond engagée autour de cinq priorités.
Premièrement la reconnaissance du métier d’enseignant dans les zones d’éducation prioritaire.
Tout tend à démontrer que là où les zones d’éducation prioritaire réussissent, c’est parce qu’on a de l’ancienneté, de la stabilité, de l’expérience, du travail en commun et de la motivation des équipes enseignantes. Par conséquent, indépendamment des mesures qui existent déjà, les bonifications de primes, les accélérations de carrière pour les personnels enseignants et non enseignants, nous allons mettre en place un certain nombre de dispositifs qui améliorent la stabilité du personnel, l’accueil des personnels, leur adaptation, leur formation dans les zones d’éducation prioritaire, le déroulement de carrière des personnels qui exercent en zones d’éducation prioritaire, qui stabilisent les équipes parce que là aussi les résultats de terrain nous prouvent que c’est la stabilité des personnels, c’est-à-dire l’inscription de leur action dans la durée, qui est un des déterminants de la réussite en zone d’éducation prioritaire. Le choix des chefs d’établissements, qui apparaît comme un déterminant capital et qui fera désormais l’objet de procédures particulières. Enfin, la possibilité pour les chefs d’établissements qui sont à la tête de gros établissements classés de venir dans les zones d’éducation prioritaire à la tête d’établissements moins bien classés, parce que, par exemple, il y a moins d’élèves, vous savez que le classement des établissements dépend du nombre d’élèves, et malheureusement pas de la difficulté du public scolaire, et par conséquent nous allons prévoir une sorte de clause de sauvegarde qui permet à des chefs d’établissements de pouvoir venir en zone d’éducation prioritaire sans sacrifier une· partie de leur carrière ou de leur rémunération. L’ensemble de ces dispositions très concrètes, qui portent donc à la fois sur l’accueil, l’accompagnement, la formation des personnels, sur les mesures qui visent à stabiliser les équipes, et donc inversement à permettre aux équipes qui s’engagent pendant plusieurs années dans les zones d’éducation prioritaire à avoir accès prioritairement à des demandes de mutation, à l’issue de ces contrats de stabilité dans les ZEP, et en troisième lieu à rendre plus attractif le métier de chef d’établissement et d’inspecteurs de l’Education nationale dans les ZEP, puisque c’est le même type de problème que l’on rencontre, feront l’objet de discussions avec les organisations syndicales pour que nous puissions déboucher dès la rentrée prochaine.
Deuxième objectif, la révision de la carte des ZEP et la mise en place des réseaux d’éducation prioritaire.
Là aussi l’examen de la situation sur le terrain montre que la carte des ZEP est un peu dépassée, puisque les évolutions des difficultés scolaires, sociales et économiques n’ont pas conduit de façon suffisamment souple à une révision de la carte des ZEP, que certains établissements doivent donc en sortir, c’est aussi l’objectif de réussite des zones d’éducation prioritaire, c’est qu’il y ait des allées et venues au sein de cette classification. Et deuxième objectif, c’est d’éviter l’effet de frontière, c’est-à-dire on est en ZEP ou on n’est pas en ZEP. On voit certains collèges - j’en ai visité un récemment en région parisienne qui n’est pas classé en zone d’éducation prioritaire, donc qui ne bénéficie pas, par exemple, des objectifs de maîtrise du nombre d’élèves par classe, et qui paradoxalement se trouve donc en situation plus difficile que certains établissements en ZEP. Donc l’urgence aujourd’hui, c’est de réintégrer les établissements qui sont à la frontière des ZEP dans le réseau d’éducation prioritaire. Première conséquence très concrète, c’est qu’à chaque fois que l’on va définir des actions prioritaires de lutte contre l’échec scolaire ou contre les inégalités scolaires, par exemple quand on dit : scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les ZEP ; priorité d’affectation des emplois-jeunes dans les ZEP ; priorité d’équipement des écoles en Internet dans les ZEP ; on voit bien que si on se cale uniquement sur la classification administrative des établissements dans les ZEP, on laisse de côté toute une série d’élèves qui ont vocation aussi à rentrer dans ces priorités pédagogiques et budgétaires. Par conséquent dès que seront mis en place les réseaux d’éducation prioritaire, c’est-à-dire la·liste des établissements dont les difficultés sont identiques à celles que l’on rencontre dans les ZEP, ils se trouveront automatiquement intégrés dans les priorités éducatives, chaque fois qu’une action en direction du public scolaire défavorisé est décidée. Quand je dis affectation des infirmières scolaires et des assistantes sociales nouvellement créée dans des zones d’éducation prioritaire, bien évidemment il est absurde d’en écarter des établissements qui auraient vocation à appartenir aux zones d’éducation prioritaire. Donc création des réseaux d’éducation prioritaire et en même temps, deuxième décision très concrète, c’est le retour des zones d’éducation prioritaire à une taille humaine. Là aussi je m’appuie sur un constat de réussite dans les ZEP, là où les ZEP ont des tailles humaines, c’est-à-dire où il est possible d’avoir une équipe de pilotage cohérente, ces zones d’éducation prioritaire-là réussissent bien mieux que les autres. S’il fallait citer un exemple, je citerais le cas des Bouches-du-Rhône où certaines ZEP ont plus de dix mille élèves, c’est ingérable. Les établissements dans ces ZEP beaucoup trop grosses sont à la dérive et donc toutes les ZEP vont être divisées en ZEP à taille humaine, et par exemple la taille indicative - mais il appartiendra à chaque académie d’être en phase avec le territoire - une ZEP de dix mille élèves doit être très clairement divisée par cinq, avec cinq équipes de pilotage et pas une seule pour dix mille élèves. Concrètement, ça veut dire qu’une ZEP cohérente est une ZEP qui fonctionne avec un réseau d’écoles dépendant du collège, donc le bassin de collèges, un bassin ou deux bassins de collèges au maximum. Donc ce chantier-là est engagé, il va déboucher très concrètement puisque je demanderai aux recteurs, dans les structures des ZEP et dans la mise en place des réseaux d’éducation prioritaire, de remettre des équipe de pilotage sur des bassins scolaires qui correspondent à une réalité d’efficacité du travail. Parallèlement j’engage une action sur la division des gros collèges. Là aussi, observation de terrain qui est presque une évidence mais c’est justifié par les faits, les collèges qui réussissent, qui arrivent à maîtriser l’épreuve de comportement, de citoyenneté, de réussite scolaire, d’évaluation des cheminements et des difficultés des élèves, là aussi ce sont des collèges qui sont à taille humaine. Et là où ça réussit, ce sont des collèges qui ne dépassent pas 500 à 700 élèves. Donc on va engager une action de réflexion pour diviser les collèges, ça veut dire très concrètement que dans les très gros collèges, il faut mettre en place deux équipes de direction, en mettant en place deux entités humaines pour pouvoir gérer, dans le cadre d’un travail collectif, des identités de collèges capables de tenir des projets pédagogiques. Enfin, toujours dans ce deuxième objectif sur les réseaux d’éducation prioritaire, la carte des ZEP, je vais lancer une action de jumelage entre les collèges ruraux et les collèges urbains, et cela pour répondre à une demande pressante, d’abord des assistantes sociales des collèges, et aussi des grandes associations humanitaires que j’ai rencontrées autour d’une table ronde, ATD Quart-Monde, le Secours Populaire, le Secours Catholique, Emaüs... ces grandes associations engagées dans des actions de soutien scolaire - auxquelles je vais rendre visite samedi prochain - la première demande qu’elles m’ont adressée, pour les familles en situation de grande pauvreté où il y a de bons élèves qui ont envie de réussir mais qui se trouvent parfois en situation d’échec parce que la lourdeur de la grande pauvreté et le besoin de distanciation avec le quartier et la famille ne trouvent pas de solution, ce sont des capacités d’accueil en internat. Et vraiment j’ai été frappée par cette demande-là et je veux absolument pouvoir répondre à cette demande de potentiel d’accueil en internat pour les élèves en situation de réussite scolaire, mais de réussite fragile. Ce n’est pas du tout l’idée d’accueil des enfants délinquants pour les éloigner du quartier. La demande des associations qui s’occupent des familles en grande pauvreté, c’est de trouver des lieux d’accueil des internats pour que les élèves puissent rester sur la trajectoire de la réussite scolaire. Je vais donc lancer un inventaire des potentiels d’accueil en internat dans le milieu rural parce que vous savez sans doute que les collèges ruraux aujourd’hui disposent de capacité d’internat inutilisée et je vais mettre en place des jumelages entre les départements ruraux, je vais lancer une dizaine d’expériences dans dix départements pilotes après un appel à projets, pour accueillir, en liaison aussi avec l’accueil dans les familles, des élèves dans les internats et dans les classes disponibles d’internats dans une première étape. C’est une idée à laquelle je crois beaucoup, je pense que la solidarité entre les quartiers urbains qui connaissent des phénomènes de violence, les collèges ruraux qui ne connaissent pas ces problèmes de violence et qui sont confrontés à la désertification rurale et au manque d’élèves, on voit bien qu’on peut faire converger les intérêts des uns et les intérêts des autres autour d’opérations de réussite scolaire des élèves et en appui sur le travail social mené dans les quartiers. Et pour prouver que c’est possible, je veux m’impliquer personnellement puisque le projet qui concerne mon département, celui des Deux-Sèvres, est en route et qu’une quarantaine d’élèves venant des quartiers défavorisés vont arriver dès la rentrée prochaine dans des collèges ruraux en voie de désertification. Lorsqu’il y a eu une réunion récente au ministère de l’Intérieur entre les préfets et les recteurs, j’ai commencé déjà à parler de cette idée-là et un certain nombre de préfets et de recteurs qui ont des départements ruraux dans leur académie se sont déjà exprimés pour participer à cette action qui me paraît pas seulement de l’ordre du symbole, mais aussi de l’ordre d’une conception du rôle de l’école dans le domaine de l’aménagement du territoire.
En troisième lieu, la relance des zones d’éducation prioritaire va s’atteler à la définition des priorités pédagogiques au service de la réussite scolaire des élèves.
Là aussi je m’appuie sur le constat des réussites scolaires dans les zones d’éducation prioritaire et je veux mettre en avant les points suivants : premièrement, les projets pédagogiques des écoles et des collèges vont être recentrés sur les apprentissages fondamentaux et en particulier sur la maîtrise des langages, l’expression orale, la lecture, l’expression écrite et la maîtrise de l’image. La maîtrise donc de tous les langages et en particulier du langage parlé qui conduit à la réussite de la lecture. Il faut savoir que la moitié des échecs en calcul sont dus à une mauvaise compréhension de l’énoncé du problème et donc le cœur de la lutte contre l’échec scolaire se situe autour de l’apprentissage des langages : langage oral, langage écrit, maîtrise de l’image. Vous verrez dans le dossier aussi que je fais référence à une étude de médecins menée sur l’académie de Besançon, mettant en évidence qu’au cours des trois mille heures d’éducation à l’école maternelle, les enfants avaient eu l’occasion de s’exprimer devant la classe et que dans les zones d’éducation prioritaire où il y a un travail sur l’expression orale des enfants dès l’école maternelle, mais tout au long de l’école primaire et bien au-delà de ce problème de la maîtrise de l’ expression orale, se pose à tous les échelons de l’enseignement scolaire parce qu’il est notoirement insuffisant, les résultats scolaires sont aussi importants qu’ailleurs. Le recentrage des projets pédagogiques sur les apprentissages fondamentaux ne veut pas dire le retour à l’école de l’ennui, bien évidemment. Mais cela signifie qu’on recentre dans toutes les matières, notamment à l’école primaire, toutes les activités. En histoire on peut faire de la lecture, de l’écriture et de l’expression orale, de même, en géographie, en instruction civique, en éducation sportive. Donc le projet scolaire doit dans toutes les matières se réorienter vers l’apprentissage des savoirs fondamentaux et de la maîtrise du langage. Deuxième priorité, l’éducation civique et l’éducation citoyenne. Tous les projets d’écoles et tous les projets des collèges devront comprendre un volet renforcé sur l’éducation civique et l’éducation citoyenne, et en particulier tous les règlements intérieurs devront se transformer en contrats des droits et des devoirs autour des initiatives citoyennes. Donc ce principe fera partie intégrante de l’évaluation et de l’objectif de la réussite scolaire dans les établissements en réseaux d’éducation prioritaire. Troisième priorité, - qui ne vous étonnera car j’en ai déjà parlé -, la préscolarisation, la scolarisation des enfants de moins de trois ans, où l’on va reprendre une priorité qui a été laissée à l’abandon depuis quelques années. Là aussi quand on compare certaines ZEP où la scolarisation des enfants de moins de trois ans a atteint cent pour cent - ailleurs elle atteint zéro pour cent, donc il y a une hétérogénéité qui est anormale dans les ZEP, il va falloir donc remettre à niveau la scolarisation des enfants de moins de trois ans parce qu’on le sait maintenant, c’est un des déterminants majeurs de la réussite scolaire des élèves. Enfin le soin tout particulier apporté à l’articulation entre l’école primaire et le collège sera étendu à tous les réseaux d’éducation prioritaires ; ce qui réussit dans certaines ZEP qui ont l’ancienneté de ce travail et de cette expérience, les échanges pédagogiques entre le CM2 et la sixième, avec les enseignants de sixième qui viennent à l’école primaire, les élèves de l’école primaire qui dialoguent sur des exercices de lecture avec ceux de la classe de sixième, l’identification des élèves -, parce qu’on observe qu’en sixième certains élèves qui étaient bons à l’école primaire décrochent s’ils n’ont plus le lien affectif avec l’enseignant, s’ils passent d’un ou deux adultes à une multiplicité d’adultes- , ils sont donc moins encadrés, moins identifiés ; il faut donc absolument soigner ce lien d’identification de l’enfant avec les adultes ; adoucir la transition entre l’école primaire et le collège apparaît là aussi comme un des déterminants majeurs de l’accrochage des élèves à leur réussite scolaire.
Quatrièmement, la mise en place des objectifs de réussite dans les zones d’éducation prioritaire.
Donc la mise en place des réseaux, la division des ZEP trop grosses, et chaque zone d’éducation prioritaire une fois que sera mis en place le groupe de pilotage, ZEP ou réseau, devra rédiger un contrat d’objectifs de réussite signé avec le recteur, proposant un diagnostic de la situation des élèves. Vous allez voir dans le dossier qu’il y a un matériel d’évaluation de la réussite en ZEP, des points forts, des points faibles, à partir desquels la direction de l’évaluation du ministère épaulera la mise en place de ces contrats d’objectifs de réussite, fixera des objectifs précis de réussite scolaire, mais aussi de réussite en terme de diminution de la violence, l’amélioration des comportements au sein des établissements, et de l’utilisation des évaluations que nous avons rétablies tous les ans. L’évaluation en CE2, l’évaluation à l’entrée de la sixième, qui, dans les réseaux d’éducation prioritaire, devront se traduire concrètement dans le cadre des projets de classe par des itinéraires individualisés de réussite pour chaque élève. Ces outils-là correspondent à une utilisation jusqu’au bout de leur logique des évaluations qui sont faites et qui ne sont pas suffisamment utilisées. Et j’observe l’effet positif dans les établissements difficiles où les évaluations sont utilisées et c’est lié aux moyens à trouver pour les enseignants, pour qu’ils travaillent en équipes, réfléchissent à ces objectifs de réussite dans les classes et individuellement pour chaque élève, et donc utilisent les outils d’évaluation qui existent actuellement mais pour lesquels les équipes enseignantes ont besoin d’être épaulées pour leur permettre de bien savoir utiliser des évaluations et surtout de les traduire en objectifs de réussite.
Enfin, cinquième point - pas cinquième par l’importance, parce que je crois que tous ces éléments-là recouvrent la même importance - c’est le renforcement du partenariat entre l’école et les autres déterminants de la réussite scolaire.
Il est évident, - et d’ailleurs Martine Aubry s’exprimait récemment sur cette question -, que les zones d’éducation prioritaire s’intègrent complètement dans la politique de la ville. Il est évident que les réseaux d’éducation prioritaire s’intègrent dans la politique de sécurité, puisque, par exemple, les contrats locaux de sécurité sont signés aussi avec les chefs d’établissements et que les aides éducateurs du ministre de l’Intérieur vont arriver, à partir du 15 janvier, dans les quartiers aux abords des établissements scolaires, là où souvent la violence se traduit de façon la plus importante. Il est évident que la relance des zones d’éducation prioritaire est reliée à ce qui préoccupe aujourd’hui, à juste titre, l’opinion publique, à savoir la délinquance des mineurs, parce que je suis convaincue que ces mineurs, délinquants, qui sont, dans quasiment tous les cas, en situation de rupture scolaire, ne seraient pas dans ces situations de délinquance s’ils avaient bénéficié depuis l’école maternelle de ce que nous renforcions dans l’école l’éducation citoyenne, le sens des droits et des devoirs, l’apprentissage du vivre ensemble, l’apprentissage du sens de la réussite à l’école. Et quand on interroge ces mineurs délinquants, ils ne savent pas à quoi ça sert de réussir à l’école. Et donc l’apprentissage aussi du sens de l’école, et dès le plus jeune âge, je suis convaincue que nous n’aurions pas les adolescents que nous avons aujourd’hui : le lien social se construit essentiellement au cœur des quartiers difficiles, là où l’école est souvent le dernier rempart contre une fracture définitive. Et cela est un point qui a été évoqué et qui a été repris par le premier ministre, lequel a, en effet, souligné la façon dont tout converge aujourd’hui vers le dernier service public restant au cœur du quartier difficile. Et, bien évidemment, les zones et les réseaux d’éducation prioritaire se situent au cœur de la problématique de l’emploi pour les jeunes. Donc vous savez qu’en particulier tous les emplois-jeunes créés par Claude Allègre vont prioritairement dans ces quartiers sensibles et que la deuxième vague des emplois-jeunes va prioritairement aller dans les collèges en réseaux d’éducation prioritaire, ceux qui ont non seulement des problèmes de civisme, de citoyenneté et de violence, de dégradation des comportements, mais aussi ceux qui n’en ont pas et qui doivent affronter des problèmes d’encadrement et de réussite scolaire des adolescents.
Toujours dans le renforcement des liens avec les partenaires de l’école, un travail tout particulier sur le partenariat avec les familles, avec les parents, les liens avec les parents d’élèves seront resserrés, et la grande difficulté dans ces quartiers de grande pauvreté, c’est que les représentants institutionnels de parents d’élèves n’existent pas, les grandes associations ne sont pas implantées dans ces quartiers et paradoxalement les parents dont l’école a le plus besoin pour identifier les difficultés des élèves, pour les faire cheminer vers la réussite scolaire, ce sont les parents que l’école voit le moins. Donc les écoles vont être invitées, pas seulement à attendre que les parents viennent, mais à faire la démarche d’aller vers les parents et d’aller vers les quartiers. Et là aussi, j’ai l’intention de généraliser un partenariat avec les parents, qui marche, là où les équipes pédagogiques ont fait preuve d’imagination, mais souvent par un travail sur plusieurs années. C’est le travail sur la lecture en liaison avec les parents qui ont eux-mêmes été en situation d’échec scolaire, c’est le travail réalisé, par exemple, par les abonnements des familles à des revues, des livres sur lesquels l’école travaille. Donc je vais généraliser cette action conduite dans les écoles primaires, qui permet de surmonter de façon spectaculaire des processus d’échec devant la lecture, en intégrant le milieu familial à l’apprentissage de la lecture par la présence des livres au domicile, que l’élève ensuite ramène à l’école, où les parents, le plus souvent la mère, est présente à l’école, une fois par semaine ou une fois tous les quinze jours, et où on surmonte ce gouffre culturel qui fait que, quand les enfants n’ont jamais vu leurs parents manipuler un livre, toucher un livre, - parce que l’apprentissage se fait à ce niveau-là dans les-zones d’éducation prioritaire -, apprendre aux enfants à toucher un livre parce qu’ils n’ont jamais vu leurs parents ouvrir un livre, et donc surmonter ce fossé culturel par l’invention d’un nouveau partenariat avec les parents, c’est une des méthodes que je vais généraliser dans l’ensemble des zones d’éducation prioritaire. De la même façon, pour avoir le contact avec les parents, faire les réunions de parents pas forcément dans l’école mais dans le quartier, dans un appartement d’une des familles qui invite les voisines, lesquelles, pour la première fois, vont avoir un contact avec l’enseignante parce qu’on n’ose pas aller à l’école, parce qu’on n’est pas habillé comme tout le monde, parce qu’on ne sait pas parler, parce qu’on ne sait pas lire, et donc parce qu’on pense que l’école est un lieu interdit pour les familles très pauvres. Il faut donc que l’école sorte, que les enseignants sortent comme cela se fait en certains endroits où le lien de contact avec les parents s’est fait parce que la réunion avec les parents d’élèves s’est faite au domicile d’une des familles et donc l’obstacle du franchissement du seuil de l’école a pu être surmonté. Toujours dans ce thème du renforcement des liens, généraliser et encourager les opérations d’écoles ouvertes pendant les vacances. Partout où ont lieu des opérations d’écoles ouvertes, l’agressivité et la violence ont reculé. Partout, il n’y a pas un seul cas d’expérience de travail d’école ouverte pendant les vacances qui ne s’est pas traduit par une amélioration du climat dans l’école et par une amélioration de la réussite scolaire. Donc, nous mettons en œuvre les moyens budgétaires pour l’étendre aux écoles qui le souhaitent, parce que ce dispositif repose, là aussi, sur le volontariat et la mobilisation des équipes, pour que les écoles ouvertes deviennent, en partenariat et les emplois-jeunes, d’ailleurs, ont permis à des expériences d’écoles ouvertes de se mettre en place pour étendre, partout où cela est nécessaire, où il y a un besoin par rapport au maintien des écoles ouvertes pendant les vacances, avec ce lien très direct entre la réussite scolaire et l’amélioration des conditions de vie à l’école. Enfin, des contrats de soutien scolaire avec les associations de quartiers seront recherchés, parce que, là aussi, le souci de l’articulation entre ce qui est fait dans le quartier et ce qui est fait à l’école prouve que, partout où cette articulation a eu lieu, les partenaires de l’école ont renforcé la volonté de l’école de réussir avec les élèves qui ont les plus grandes difficultés.
Le dernier point que j’évoquerai, parce qu’il fait partie aussi de ce travail avec les partenaires de l’Education nationale, c’est l’effort pour améliorer la santé scolaire, j’aurai l’occasion d’y revenir prochainement. Nous mettrons en place des dépistages précoces des difficultés liées à la santé scolaire, parce que, là aussi, dans les académies, que j’ai réunies récemment, où ont été mises en place des actions de dépistage précoce des difficultés liées à la santé scolaire, l’impact sur la réussite scolaire des enfants a été immédiat, avec la prise en charge des problèmes, pas seulement de malnutrition, mais aussi de souffrance dentaire, les problèmes visuels, les problèmes psychologiques avec les familles et ce dépistage précoce des difficultés scolaires, fait partie d’un des déterminants de la réussite scolaire.
Je voudrais dire pour conclure quelque chose qui me tient particulièrement à cœur. C’est que souvent les équipes des zones et des réseaux d’éducation prioritaires sont à l’avant-garde des méthodes, parce que face à l’urgence, face à la difficulté, face parfois à la souffrance, et la souffrance des enseignants qui ont tellement de mal, parce que c’est un métier particulier de travailler dans ces quartiers, la souffrance des élèves qui sont parfois en situation de détresse scolaire, on invente et on met en place des actions avec le seul objectif de l’efficacité. Et, au cours de ces quinze ans, on a vu des méthodes de travail ou des innovations pédagogiques inventées dans les ZEP qui se sont diffusées dans l’ensemble du système scolaire. Je pense aux projets d’écoles qui ont commencé dans les ZEP et qui maintenant sont appliqués à l’ensemble des écoles et des collèges. Je pense au travail en commun qui a commencé dans les ZEP et qui est diffusé. Je pense au rôle de la scolarisation précoce qui est maintenant revendiqué, que l’on soit en ZEP ou pas. Je pense aux méthodes de lutte contre l’échec scolaire par rapport au problème de lecture. Je pense à la prise en compte des problèmes de santé qui autrefois étaient limités à certains quartiers et qui aujourd’hui touchent tous les établissements scolaires. Et donc mon souci en m’occupant des zones d’éducation prioritaire, c’est de m’occuper de tout le système scolaire. Il n’y a pas d’un côté les élèves en situation difficile sur lesquels on va concentrer un certain nombre de moyens parce qu’il y aurait une bulle d’expérimentations et les autres. Je considère qu’il y a des élèves en situation de difficulté scolaire partout. Dans les réseaux d’éducation prioritaire et ailleurs. Et donc mon objectif, on pourrait prendre l’exemple de l’éducation civique que l’on renforce partout, dans les ZEP et ailleurs, et avec une attention particulière portée dans les zones d’éducation prioritaire. Mais en même temps les enseignements qui sont tirés sur les facteurs de réussite dans les endroits les plus difficiles, par définition, doivent marcher encore mieux dans les endroits qui ne sont pas classés dans ces zones. Donc ma préoccupation est de diffuser à l’ensemble des écoles, c’est-à-dire à l’ensemble des élèves en difficulté, qui peuvent être dans tous les établissements scolaires de France, les innovations, la créativité, les méthodes qui ont été mises au point dans les zones d’éducation prioritaire. Cela l’a déjà été, je viens d’en donner quelques exemples, cela continuera et mon souci est de tenir ce lien permanent entre ceux qui sont placés en ZEP et les autres. Et l’attention des recteurs va être particulièrement appelée là-dessus. Et, s’il existe des établissements scolaires en dehors des réseaux d’éducation prioritaire qui entendent parler des actions menées en réseaux d’éducation prioritaire et qui ont envie de s’y intégrer ou de les adopter, bien évidemment et au contraire, ce sera le cas. Et il faut bien garder à l’esprit ces deux objectifs : concentration des moyens pour lutter contre l’échec scolaire et les inégalités scolaires dans les quartiers les plus difficiles qui cumulent tous les handicaps, mais en même temps tirer de cette expérience, de ces facteurs de réussite sur des élèves en grande difficulté les leçons qui nous permettent de rénover partout où les établissements scolaires en ont besoin, pour lutter contre l’échec scolaire là où il existe. Et ainsi les zones d’éducation prioritaire ne seront pas le ghetto qu’elles sont parfois mais au contraire elles seront une sorte de locomotive par rapport à l’ensemble des problèmes qui peuvent se poser sur les élèves en difficulté scolaire, que ce soit en grande difficulté scolaire, dans les situations de grande pauvreté, que ce soit en difficulté scolaire moins profonde mais tout aussi réelle de certains élèves, quels que soient les quartiers des établissements.
Voilà les grandes lignes de ce travail qui s’est déjà engagé, il ne démarre pas aujourd’hui, d’ailleurs certains forums académiques ont déjà eu lieu, qui a fait l’objet d’une mise au point d’outils d’évaluation et de suivi que vous allez trouver dans ce dossier, qui fait l’objet d’une grande priorité gouvernementale sur laquelle le premier ministre s’est impliqué personnellement ce matin en Conseil des ministres, qui fera l’objet des forums académiques auxquels vous êtes invités à participer, - je me rendrai moi-même dans toutes les académies -, et qui se clôturera ou débouchera sur les Assises nationales qui auront lieu au mois de juin et qui permettront à la fois d’avoir une vision extrêmement précise des déterminants de la réussite scolaire avec le complément des repérages que nous avons déjà et dont je viens de parler.
Deuxièmement qui nous donnera à ce moment-là l’identification des réseaux d’éducation prioritaire par académie et du retour à une taille normale des différents espaces d’éducation prioritaire, qui nous permettra de préciser les contenus des mesures permettant de revaloriser et de renforcer le métier d’enseignant en zone d’éducation prioritaire et donc d’être opérationnel dès la rentrée prochaine pour les endroits qui seront prêts et de monter en puissance au cours de la prochaine rentrée scolaire jusqu’à la rentrée 1999.
Merci de votre attention. Est-ce qu’il y a des questions ?
QUESTION SUR LES MOYENS FINANCIERS (question inaudible)
Il y a à la fois les moyens financiers qui existent dans l’actuel projet de budget, c’est-à-dire que face à une diminution des effectifs, à la fois à l’école primaire et au collège, et au maintien du potentiel du personnel enseignant, la création de postes des personnels non enseignants. On dispose donc d’une marge de manœuvre pour attribuer dans les espaces d’éducation prioritaire ces moyens supplémentaires. Là les instructions ont déjà été données aux inspecteurs d’académies pour ce qui concerne l’école élémentaire, donc pour veiller au rattrapage, par exemple, de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, ouvrir des classes là où c’est nécessaire pour alléger les effectifs de classes, en particulier dans les collèges en donnant plus de potentiel d’enseignants que de classes, pour permettre soit un allégement des effectifs par classe, soit des crédits d’heures qui permettent aux enseignants de faire du travail d’équipe, puisque c’est le besoin le plus ressenti par les équipes pédagogiques des collèges, c’est le premier point. Ensuite les emplois-jeunes font partie d’un volet essentiel de la réussite dans les réseaux d’éducation prioritaire puisque, comme vous le savez, ils ont été prioritairement affectés dans ce secteur et que la deuxième vague va venir, non seulement sur les sites expérimentaux du plan anti-violence, mais aussi sur les établissements regroupés dans les réseaux d’éducation prioritaire. Il y a aussi les moyens d’accompagnement scolaire, le fond social pour les cantines, l’aide à l’équipement des bibliothèques et des centres de documentation des écoles qui correspondent à un crédit de 20 millions de francs pour l’année prochaine, axée sur les priorités de lutte contre l’échec devant la lecture, par rapport aux opérations que je viens d’évoquer, l’abonnement à domicile, les mallettes de livres, l’apprentissage par la qualité, l’attractivité de la lecture. Les crédits d’innovation pédagogique en ZEP sont augmentés de 17 % dans le budget de cette année, sans compter les mesures relatives à la revalorisation du travail des personnels enseignants, comme je l’ai évoqué tout à l’heure, ce qui va faire l’objet de discussions avec les organisations syndicales et qui fera l’objet de décisions opérationnelles statutaires, en particulier pour permettre à des chefs d’établissements expérimentés de venir en ZEP, pour permettre la stabilisation des équipes enseignantes, pour reconnaître la difficulté du travail, pour donner des moyens en heures qui permettent le travail collectif. Et au-delà de l’apport matériel qui est toujours essentiel, je crois que ce qui va être déterminant aussi, c’est une dynamique nationale, depuis quatre ans les ZEP ont été laissées dans un silence douloureux pour les équipes en place - car, pendant quatre ans, ne pas entendre dire une seule fois le mot de zone d’éducation prioritaire rend la situation sur le terrain difficile à supporter -, malgré tout, il fallait tenir les priorités. Donc, dans certains endroits, le cap a été maintenu parce que l’administration, les recteurs ont continué à aller là où il y avait des besoins simplement par instinct humain et de priorité scolaire et, ailleurs, la situation s’est détériorée. Donc il faut renouer les fils, recadrer les priorités, redonner des instructions, refixer des objectifs et faire comprendre que c’est une priorité de la société française, parce que si le lien social, si l’école craque, tout craque. Et donc il y a une priorité absolue, pour la société, de se rassembler autour de ce qui résiste et autour de la réintégration dans la réussite scolaire et dans le sens de la réussite scolaire, beaucoup de problèmes de délinquance seraient probablement résolus s’il n’y avait pas eu peut-être cet abandon préjudiciable pendant quelques années.
QUESTION
Comment les établissements sortiront-ils des ZEP ? Quel est l’intérêt d’un établissement à vouloir en sortir ?
SEGOLENE ROYAL
Certains établissements doivent sortir des zones d’éducation prioritaire, pour moi c’est parfaitement clair. Je ne ferai pas de démagogie sur ce sujet-là parce que je pense que les ZEP doivent s’inscrire dans un mouvement. On y entre, on y réussit, on en sort. On va donc examiner de quelle façon les établissements peuvent sortir des zones d’éducation prioritaire, d’abord certains parce qu’ils n’auraient jamais dû y être, il y a quelques classements aberrants qui datent d’il y a quinze ans, qui ont été faits et qui n’ont pas de raison d’être. Donc ceux-là, il faut les sortir, les recteurs les connaissent, on les sortira des zones d’éducation prioritaires tout simplement parce que les élèves ne sont pas en situation de difficulté sociale ou économique et qu’ils doivent donc fonctionner normalement. S’il y a besoin d’un phénomène de transition pour organiser cette sortie, on mettra en place une transition pour organiser cette sortie. Mais évidemment, l’objectif de la zone d’éducation prioritaire, c’est qu’un jour il n’y en ait plus, si je parlais dans l’idéal. Donc il faut des entrées, il faut des sorties et il y aura des sorties en discussion avec les équipes pédagogiques qui, d’ailleurs, à certains endroits reconnaissent elles-mêmes qu’elles n’ont pas à être dans les zones d’éducation prioritaire. D’ailleurs, c’est si vrai qu’aujourd’hui quand il y a des politiques éducatives axées sur la lutte contre l’échec scolaire, par exemple quand on dit priorité aux emplois-jeunes dans les ZEP, ou priorité à la scolarisation des enfants de moins de trois ans, les recteurs qui ont un peu de bon sens dans certains établissements qui pourtant sont placés en ZEP, ne font pas aveuglément l’application de cette politique prioritaire et donnent parfois les moyens à des établissements qui ne sont pas placés en zone d’éducation prioritaire et qui pourtant ont davantage de besoins. Donc il est temps de faire cette remise à plat, intelligemment, au plus près du terrain : c’est l’objectif des forums d’éducation prioritaire d’y réfléchir.
QUESTION
Il y a une perte d’un certain nombre d’avantages, je sais que certains dans vos services ont imaginé qu’on pourrait garder quelques avantages, une espèce de statut intermédiaire pour des établissements qui sortiraient de ZEP ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, il y a des avantages, la fameuse prime de 6:700 F pour les enseignants, il y a quelques bonifications de carrière pour certains enseignants, peut-être que ces enseignants-là peuvent aussi trouver l’occasion de s’impliquer dans une vraie zone d’éducation prioritaire, ce n’est pas absurde, au nom de la responsabilisation du respect mutuel, de l’absence de démagogie, on dit les choses telles qu’elles sont, il y a un établissement qui n’a aucune raison d’être en ZEP parce qu’il n’y a pas de difficulté particulière, je préfère donner ces avantages matériels qui correspondent à une vraie reconnaissance de la difficulté du travail à un travail effectivement plus difficile, ce qui n’empêchera pas l’enseignant en question d’aller dans un établissement plus difficile.
QUESTION
Est-ce que ce plan de relance des ZEP va s’appliquer totalement dans les départements d’outre-mer ?
SEGOLENE ROYAL
Les départements d’outre-mer qui affrontent des difficultés aiguës font l’objet d’un plan spécifique. Claude Allègre a nommé des chargés de missions spécifiques, en particulier sur la Réunion et je crois que le problème, qui doit être pris à bras-le-corps dans les départements et territoires d’outre-mer, renvoie à des difficultés particulières. Ce qui veut dire qu’à chaque fois que l’on prend des mesures de lutte contre les inégalités scolaires, les départements d’outre-mer sont toujours intégrés, mais en ce qui concerne les procédures que je viens d’indiquer, elles vont faire l’objet d’une ampleur supérieure, d’une démarche particulière, d’une concentration particulière, ce qui est aussi la tâche du ministre chargé des départements et territoires d’outre-mer.
QUESTION
La scolarisation à deux ans relève, quand même, largement des communes ?
SEGOLENE ROYAL
Absolument, elle relève complètement des communes, voilà pourquoi j’ai dit que la rénovation des ZEP s’intégrait dans la politique de la ville et que nous allions mettre les collectivités locales devant leurs responsabilités, parce que c’est trop facile de réclamer des postes quand les classes ne sont pas construites pour les accueillir et dans les ZEP de Paris il y a 0 % de scolarisation des enfants de moins de 3 ans, c’est complètement anormal, et il faut vraiment que la mairie de Paris s’engage sur la construction des écoles maternelles dans les zones d’éducation prioritaire, c’est vraiment une question d’exigence sociale et, plus tard, de lutte contre la délinquance des jeunes, puisqu’on voit qu’il y a un lien direct entre l’intégration scolaire et le comportement individuel des pré-adolescents. Donc dans le cadre de ces forums et de ces contrats, le ministère de la Ville est tout à fait disposé à lier les subventions relatives à la politique de la Ville et les efforts des collectivités locales sur l’école. On ne pourra plus d’un côté, recevoir des subventions pour la politique de la Ville et, d’autre part, ne pas faire ce que l’on doit faire à l’égard de l’équipement des établissements scolaires, surtout dans les communes qui en ont les moyens financiers.
QUESTION
Vous prévoyez d’autres moyens d’intégrer les collectivités locales dans ce plan, en dehors de la scolarisation des enfants de moins de 2 ans ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, les collectivités locales sont associés, comme cela a été clairement dit aux recteurs dans le cadre des forums académiques, les partenaires de la Ville doivent être présents, les contrats de sécurité aux alentours des établissements scolaires associent évidemment, les collectivités territoriales, le découpage, la carte des ZEP et la définition des réseaux d’éducation prioritaire se feront bien évidemment avec les partenaires des politiques locales, politique de la ville, politique rurale, peut-être qu’il y a des ZEP rurales aussi, ne l’oublions pas, avec les préfets qui seront associés à cette réflexion. Et donc il y a vraiment le souci d’une approche pluridisciplinaire qui rassemble l’ensemble des partenaires de la réussite. L’école est au cœur d’un réseau et c’est vers elle qu’il faut faire converger la cohérence des actions. Trop longtemps l’école s’est fermée aux autres partenaires, estimant qu’elle pouvait régler à elle toute seule les problèmes ; elle s’est érigée en citadelle. On est en train de changer cela. Pour la première fois, les préfets et les recteurs ont été réunis ensemble récemment, ils vont être complètement associés avec les élus locaux, avec les associations, avec tous les partenaires, à la réussite de la relance des ZEP, c’est-à-dire à la lutte contre les inégalités scolaires. Mais c’est assez nouveau dans la démarche. De même sur les comités locaux d’éducation qui jouent aussi un rôle très important sur la définition des projets éducatifs et des structures scolaires, associent maintenant les autres partenaires, en partie les élus locaux. Alors au début ça a été un peu difficile, l’école a longtemps estimé qu’elle n’avait pas de comptes à rendre, sauf que quand elle a besoin de faire des travaux, elle est bien obligée de se retourner vers les communes pour le primaire, vers les départements pour le collège, vers les régions pour le lycée. Donc autant rassembler les partenaires, je crois qu’il y a des endroits où la politique partisane n’a pas sa place, et si aujourd’hui il y a une urgence par rapport à la reconstruction d’un lien social, de points de repère, d’éléments de référence, de mobilisation pour que les adolescents aujourd’hui puissent retrouver le chemin de la réussite scolaire, c’est sur la relance de l’éducation prioritaire qu’elle repose. D’ailleurs, ce matin, le Premier ministre comme le président de la République sont intervenus pour insister sur l’urgence et sur le bien fondé de cette démarche, qui rejoint les autres préoccupations liées à ce qui se passe aujourd’hui dans les villes. C’est l’école qu’il faut protéger de l’intrusion de ce qui se passe dans les quartiers, pour que les élèves gardent souvent les seuls points de référence, les seuls modèles valorisants d’adultes qu’ils ont autour d’eux. Donc ce point crucial, il faut le tenir fermement, remonter la pente là où ça a dégringolé, mettre en valeur les réussites qui ont eu lieu, le travail fait parfois par certaines équipes depuis quinze ans, ignoré de tous, et donc c’est en mettant le projecteur sur ces réussites, sur ce qui marche, et en transformant ces expérimentations en une politique globale, en généralisant ce qui marche, qu’on sera le plus efficace.
Je vous invite à boire le Pinot des Charentes dans la salle à côté ! Et merci encore au lycée professionnel qui nous a apporté tous ces travaux.