Déclaration de Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi chargé des droits des femmes, sur la représentation des femmes dans la vie politique et dans les secteurs de décision de la vie publique nationale et locale, Paris le 6 mars 1996.

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Circonstance : Réunion avec les élues à Paris le 6 mars 1996

Texte intégral

Si le taux de féminisation a augmenté dans les différents secteurs de la vie publique depuis dix ans, si davantage de femmes occupent des postes de responsabilité, les évolutions constatées sur la place des femmes dans les « lieux de pouvoir » restent très modestes.

Aujourd'hui encore, les sphères de pouvoir, qu'elles soient politiques, administratives, médiatiques, économiques ou sociales, restent l'apanage des hommes.

L'accession tardive des femmes à l'égalité civique et civile explique certainement au moins en partie la lenteur de leur progression dans les sphères de décision de la vie publique française.

Il apparaît également que les femmes ont une autre relation au pouvoir, au monde du travail et à la vie quotidienne. Les contraintes actuelles du pouvoir, la disponibilité et la mobilité qu'il implique sont souvent contraires aux impératifs familiaux : à cet égard, l'organisation française du « facteur temps » - réunions tardives, déplacements, etc... - est préjudiciable aux femmes, compte tenu de leurs charges domestiques.

L'analyse de la place des femmes dans les différents secteurs de décision de la vie publique présente un trait identique : une progression lente et toujours fragile des femmes.

Après cinquante ans de droit de vote, les femmes représentent aujourd'hui 53 % d'électrices, prennent part aux élections autant que les hommes et votent de façon de plus en plus autonome.

Cependant, la représentation des femmes dans la vie politique reste faible : 6 % des femmes parmi les députés, moins de 6 % parmi les sénateurs, 20 % parmi les conseillers municipaux, 7 % parmi les maires.

Les résultats des élections municipales de 1995 laissent apparaître un plus grand nombre de femmes maires mais il ne s'agit que d'un frémissement au regard du nombre total d'élu.

Ainsi, il y a près de 2 700 femmes maires de communes de moins de 3 500 habitants, 63 femmes dans les communes de 3 500 à 9 000 habitants, 37 dans les communes de 9 000 à 30 000 et 12 dans les communes de plus de 30 000.

Au-delà du nombre, les départements sont loin d'avoir la même approche ; si l'on trouve 64 femmes maires dans l'Aisne, 67 dans l'Eure ou 59 dans l'Oise et la Marne on trouve seulement 9 femmes maires dans les Bouches-du-Rhône, 7 dans le Haut-Rhin et 2 dans les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis !

Lors des dernières élections européennes, en 1994, 146 femmes ont été élues au Parlement Européen, soit 25,7 % des 567 euro-parlementaires. Ce pourcentage est supérieur à la moyenne des parlements nationaux des États membres, qui s'élève à 12,3 %, mais encore très éloigné d'une représentation équilibrée.

Au niveau des parlements nationaux en Europe, seule la Grèce fait plus mal que la France (5,2 % contre 5,6 % !).

À la suite de IV° Conférence mondiale sur les femmes de Pékin en septembre dernier, le gouvernement devant le Comité national du suivi de Pékin avait ouvert quelques réflexions. Je les rappelle : Parmi les actions qui pourraient être envisagées dans cette perspective devront figurer : des mesures concrètes visant à promouvoir la place des femmes en politique et de façon plus générale dans les postes de décision.

Certaines dispositions très simples peuvent immédiatement concourir à cet objectif : par exemple, la publication systématique, après chaque élection, de statistiques par sexe pour les candidat(e)s et les élu(e)s, contribuerait à sensibiliser l'électorat, les médias... et les partis politiques.

D'autres méritent de voir leurs modalités rapidement mises à l'étude, telle que celle qui a retenu l'attention du Président de la république, visant à assortir le financement des partis politiques d'un principe de progression de l'objectif de parité à respecter.

La fonction publique devrait être exemplaire pour ce qui concerne l'égalité entre les sexes, notamment dans l'accès aux postes de responsabilité et de décision. Des progrès notables ont été réalisés au cours des dix dernières années qui méritent d'être poursuivis et amplifiés. Dans cette perspective, les modalités de recrutement et de formation jouent un rôle important. Il me paraît, par exemple, que la mixité des jurys de concours, qui est de règle, devrait être accentuée pour aboutir à un projet de parité.

De toute évidence, deux fausses solutions doivent être évitées :
    – celle des quotas constitutionnellement difficiles à mettre en œuvre, contradictoire dans son esprit avec le sens de la parité, 
    – celle des nominations par en haut, fragiles, donnant peu de légitimité.

Ces mesures ont en commun un caractère artificiel et volontariste, ne correspondant pas à une évolution de la société réelle. »

Je crois à une démarche beaucoup plus uniforme où un ensemble de mesures, un calendrier, des bilans permettent réellement d'avancer.

Comme le rappelait Jacques CHIRAC, le 7 avril dernier, ce qui est en cause « c'est le conservatisme de notre société ; c'est la volonté d'enfermer les autres, en l'occurrence les femmes, dans des choix dont on en peut plus sortir. C'est le désir de reproduire un modèle ancien tout en faisant semblant, le cas échéant, d'adhérer aux modèles nouveaux. »

Pour combattre ce conservatisme, je crois en l'investissement des femmes dans la vie locale, socle de compétence, d'ancrage, où le pragmatisme, le sens du terrain et de l'humain permettent aux femmes de s'exprimer pleinement et sans doute mieux que d'autres.

Je crois aussi à un regain de la solidarité des femmes en politique ; trop souvent elles sont leurs propres fossoyeurs d'espérance ; je parle de la solidarité entre femmes dans la prise de décision mais aussi de femmes en général face à celles qui sont dans la prise de décision.

La solidarité masculine existe, pourquoi ne pas chercher à parler ainsi d'égalité dans ce domaine.

La bataille pour la parité passera ainsi par la renaissance d'une vraie solidarité des femmes.

Je veux croire en cette solidarité vitale.

Car lorsqu'une femme accède à la prise de décision, milles femmes la suivent partout dans tous les domaines !

Mais lorsqu'une femme perd cet accès à la prise de décision, ce sont dix milles femmes qui voient les portes se fermer sur leur avenir !

Comme tout guide de Haute-Montagne, nous n'avons pas le droit à l'erreur ! Ni pour nous, ni pour les milliers de femmes qui nous suivent !