Texte intégral
RTL - mardi 6 août 1996
R. Arzt : Quelle est la situation des plages cette année ?
C. Lepage : Elle est plutôt bonne. Les indications que j’ai pu donner, avec H. Gaymard voici quelques semaines, montrent que 90 % de nos plages en bord de mer sont de bonne qualité. Tout à l’heure, j’entendais qu’on se plaignait sur votre antenne de la pollution des mers, ce qui est vrai, parce que malheureusement il y a encore beaucoup de déchets mais ce qu’il faut dire, c’est que ce bon résultat est dû à l’effort d’assainissement entrepris par les collectivités locales. C’est une petite consolation quand nous payons notre facture d’eau.
R. Arzt : Vous êtes l’auteur d’un projet de loi sur l’air qui a été voté en première lecture par les députés qui l’avaient d’ailleurs trouvé un peu timide…
C. Lepage : Ils l’ont renforcé, c’est vrai.
R. Arzt : Comme, par exemple l’idée de rendre gratuits les transports collectifs quand les seuils de pollutions sont dépassés…
C. Lepage : Oui, ça c’est quelque chose dont on a beaucoup parlé, ce n’était peut-être par le plus important.
R. Arzt : À l’automne, sur quelles bases allez-vous repartir ? Avec un texte différent qui intégrera les amendements en question ?
C. Lepage : C’est un texte très renforcé qui viendra en deuxième lecture devant le Sénat vers le 20 octobre, puis un mois plus tard devant l’Assemblée nationale. J’espère que tout ceci pourra être voté avant Noël.
R. Arzt : Qu’y aura-t-il de vraiment nouveau ?
C. Lepage : Il y aura beaucoup de choses nouvelles, nos concitoyens pourront le voir concrètement dans les mois qui viennent, d’abord la surveillance mais aussi des véhicules, j’espère, moins polluants ; je pense notamment aux véhicules GPL, c’est-à-dire au gaz, qui vont être très encouragés. Je pense également au plan de dépassement urbain qui devrait permettre dans les années qui viennent d’avoir peut-être un peu moins de voitures en ville et un peu plus de vélos, un peu plus de piétons et un peu plus de transports collectifs.
R. Arzt : Exemples ?
C. Lepage : En termes de remboursement de carburant GPL et également en termes d’investissements, pour pouvoirs bénéficier de facilités fiscales lorsqu’on fait un investissement lourd permettant de passer d’un système polluant à un système moins polluant qui serait le GPL.
R. Arzt : Vous aviez obtenu une rallonge de 200 millions de francs afin de financer un système de surveillance de la qualité de l’air. Vous conserverez ces 200 millions supplémentaires ?
C. Lepage : J’ai très bon espoir de pouvoir les conserver dans le budget 1997, absolument.
R. Arzt : Malgré les restrictions ?
C. Lepage : Le Premier ministre s’y était engagé.
R. Arzt : Donc pas d’inquiétude ?
C. Lepage : J’ai très bon espoir. Mais on est en plein arbitrage, donc rien n’est tout à fait définitif.
R. Arzt : On entend moins parler ces derniers temps de « pics de pollution ». On y fait moins attention ou cela va-t-il bien ?
C. Lepage : Non, je crois que l’été s’est passé dans des conditions meilleures – en tout cas sur Paris et sur certain nombre de grandes villes – que l’année dernière. Il y a eu effectivement moins de pics de pollution que l’année dernière.
R. Arzt : Les travaux de percement du tunnel du Somport se poursuivent et la colère des militants écologistes ne s’apaisent pas. Que leur dites-vous ?
C. Lepage : Je leur dis que je les comprends, mais que cette décision a été prise depuis longtemps et que je vois mal comment on pourrait y toucher. En revanche, à ma demande, le Premier ministre a accepté, dans un cas un peu voisin, puisqu’il s’agissait d’une ligne à très haute tension, de renoncer à un projet pour préserver la qualité de l’environnement et de mener un projet de développement économique fondé sur l’environnement, mené par les collectivités locales. Par conséquent, je crois qu’il faut être de plus en plus vigilant sur les infrastructures et sur leur coût aussi.
R. Arzt : Le Somport, c’est un projet d’une autre époque ?
C. Lepage : C’est un projet qui a été décidé voici plusieurs années et déclaré d’utilité publique bien avant notre Gouvernement.
R. Arzt : Avant d’être ministre, vous étiez avocate ?
C. Lepage : Oui, c’est vrai.
R. Arzt : Vous aviez, avec votre mari, défendu les communes bretonnes victimes de la pollution de l’Amocco Cadiz en 1978. Les communes ont été indemnisées.
C. Lepage : Oui, largement, heureusement. Je coirs qu’on a trop parlé d’argent dans cette affaire. Il faut rappeler que, sur le plan du droit de l’environnement, cela a été une affaire très importante et qu’en réalité, c’est la seule qui ait permis aux États-Unis de toucher la société-mère qui était responsable à l’origine de la pollution.
R. Arzt : Le président du syndicat des communes en question, A. Arzel, a exigé la restitution de 4,8 millions de francs d’honoraires, il est allé devant les tribunaux pour cela, il a fait mettre sous hypothèque votre villa de Cabourg.
C. Lepage : Il a essayé. C’est une attitude que je trouve d’abord humainement détestable. Quand on a travaillé pendant quinze ans avec les gens, ce n’est pas un comportement. Alors, sur le plan personnel, j’ai demandé à mon avocat de le poursuivre car je trouve qu’il a eu des propos qui étaient tout à fait inacceptables. Mais je crois que ce qui est important, et qu’il faut souligner, c’est que cette affaire – puisqu’il y a eu en tout, avec ce que l’État a donné en plus aux Bretons, près de 340 millions de francs – aient permis des actions fortes en faveur de l’environnement qui auront pu être menées, pas seulement pour faire un port ou une mairie, mais de vraies actions en faveur de l’environnement parce qu’il faut aussi que ces sommes aient pu servir à cela.
R. Arzt : Sur quels motifs allez-vous poursuivre le sénateur Arzel ?
C. Lepage : J’estime que les propos qu’il a tenus à mon encontre n’avaient absolument pas lieu d’être. C’était une affaire qui concernait un cabinet d’avocat et je ne suis plus avocat depuis quinze mois. Il a voulu faire un coup politique en cherchant à me salir. Je trouve que c’est tout à fait inacceptable et anormal et je n’ai aucune raison de me laisse faire. Par conséquent, il y a des tribunaux pour faire juger ce genre de choses.
R. Arzt : Vous considérez que les motivations du sénateur Arzel sont politiques ?
C. Lepage : Je ne sais pas ce qu’elles sont. J’ai pu juger qu’il est allé vraiment très loin, cherchant à me toucher à titre personnel – vous avez parlé de ma maison – alors qu’encore une fois, à titre personnel, je n’étais pas en cause. C’est tout à fait inacceptable. Je crois qu’aucun citoyen n’accepterait d’être traité de la sorte. Je n’ai aucune raison de l’accepter.
R. Arzt : Cela colore d’une certaine façon ce qui avait été une réussite judiciaire ?
C. Lepage : C’est un épiphénomène qui n’est pas important, pas intéressant. Ce qui est important, c’est ce que cette affaire a pu apporter à la Bretagne en termes d’indemnités financières, c’est quand même très important, 340 millions de francs je le rappelais tout à l’heure. Et, ce qui est très important, c’est que c’est le seul procès qui a permis que des étrangers puissent être indemnisés à la suite d’une pollution causée par une société américaine. Il faut le rappeler, parce que c’est vraiment très important.
R. Arzt : Vous avez une détermination à ne pas vous laisser faire ?
C. Lepage : Je crois que, depuis quinze ou seize mois les Français ont pu juger que je suis quelqu’un qui a des convictions, qui les défend, au service du Gouvernement et du président de la République et je crois que c’est important. L’environnement est, pour nos concitoyens – et peut-être encore plus dans la période de crise que nous traversons aujourd’hui – un facteur très important, un facteur de richesse, de développement. Crois donc qu’il y a beaucoup de choses à faire dans ce domaine. J’essaye de le faire.
Le Parisien - 8 août 1996
Le Parisien : Les Français vont-ils manquer d’eau cet été ?
Corinne Lepage : L’alimentation en eau potable n’est pas menacée. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir de ce côté-là. Les réserves stockées dans les barrages-réservoirs étant dans un état normal pour la saison. Toutefois la persistance de la sécheresse, en particulier dans la moitié nord du pays, a conduit les préfets à imposer des restrictions à certains usages de l’eau (arrosage des pelouses, lavage de voitures…).
Les agriculteurs, dont les besoins en eau sont ces temps-ci considérables, ont en revanche raison de s’inquiéter. Le déficit est en effet tel aujourd’hui qu’il ne pourra être comblé d’ici à la fin de l’été. J’ajoute que les mesures de restriction de l’irrigation ne seront prises qu’en toute dernière extrémité.
Le Parisien : Une des raisons du déséquilibre actuel ne tient-elle pas à l’accroissement spectaculaire des surfaces agricoles irriguées ?
Corinne Lepage : Elles ont, c’est vrai, doublé en vingt ans. J’ajoute que la prolifération du maïs – qui exige beaucoup plus d’eau que le blé par exemple – rend la gestion des ressources très délicate en été. Savez-vous que, dans le bassin de la Charente, 80 % des prélèvements d’eau en juillet et août sont effectués par l’agriculture locale ! Il est clair que cette sécheresse nous appelle tous à une utilisation plus concertée de la ressource en eau. D’autant que celle-ci devient rare.
Le Parisien : La comparaison avec 1976 est-elle pertinente ?
Carine Lepage : Oui et non. Oui parce que 1996 sa caractérise déjà par des déficits de pluviométrie jamais enregistrés depuis l’après-guerre. Non parce qu’elle n’affecte que la moitié nord du pays, contre 90 % du territoire il y a vingt ans. Non, enfin, parce que, cette fois-ci, l’alimentation en eau potable sera assurée même s’il ne pleut pas une goutte avant le 31 août.
Le Parisien : Pas de nouvel impôt sécheresse alors ?
Corinne Lepage : La collectivité nationale ne sera pas en effet mise à contribution en 1996 comme elle le fut il y a vingt ans.
Europe 1 - vendredi 9 août 1996
C. Boulloud : Que vous inspire come réflexion le drame de Biesca ?
C. Lepage : D’abord, bien entendu, un sentiment de très grande tristesse et le désir de m’associer aux victimes et de présenter mes condoléances à elles-mêmes et aux autorités espagnoles ; et ensuite, de se dire que, malheureusement, les risques naturels, précisément, font qu’il y a des cas dans lesquels il y a des choses exceptionnelles et d’autres qui le sont moins.
C. Boulloud : Une polémique sur l’implantation du camping a commencé en Espagne ; concernant la France, y a-t-il encore des campings situés dans des zones à risques ?
C. Lepage : La France a fait quand même de gros efforts puisque la législation a été revue en 1994 et en 1995. Désormais, tous les terrains qui peuvent être, parce qu’ils ont été réalisés par le passé, situés dans des zones de risques, qu’ils s’agissent de risques naturels ou de risques technologiques, sont soumis à des prescriptions d’information, d’alerte et d’évacuation. Ce qui veut dire qu’il y a toute une série de mesures qui sont prévues. Par ailleurs, les préfets et le ministère de l’environnement – mais la responsabilité locale incombe au préfet – travaillent bien sûr en liaison avec Météo France, avec un certain nombre de radars qui ont été mis en place et lorsqu’il y a un risque, il y a des évacuations préventives. Il y en a eu 17 en 1995.
C. Boulloud : Aujourd’hui, est-ce qu’il y a encore des zones à risques où se trouvent implantés des sites touristiques ?
C. Lepage : Oui. Je ne peux pas vous dire non parce qu’il y en a, bien évidemment, parce qu’il y a des risques d’inondation, parce qu’il y a des risques de feux de forêt, parce qu’il y a toute une série de risques et que nous vivons avec les risques. Ce qui est très important, c’est de faire de la prévention et d’avoir des mécanismes d’alerte qui fonctionnent bien, je crois que c’est ça qui est essentiel.
C. Boulloud : Est-ce que des contrôles réguliers sont effectués sur les sites d’implantation touristique ?
C. Lepage : Le ministère de l’environnement a lancé, avec le ministre de l’intérieur, en 1995, une enquête auprès de tous les départements. Nous n’avons pas encore tous les retours mais nous en avons près de 90 %, précisément pour voir comment toute cette réglementation de 1994-1995 a été suivie sur le terrain et, si tout n’est pas fait, beaucoup de choses ont déjà été faites.