Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi une grande joie de vous accueillir dans ma région pour cette assemblée générale de votre association. Je m'en réjouis d'autant plus que cette réunion permettra certains de découvrir la richesse agricole, culinaire et gastronomique du Nord-Pas-de-Calais, qui dispose de produits et de spécialités qui gagnent à être connus.
Je remercie tous ceux qui ont contribué à l'organisation de cette réunion et c'est bien volontiers que j'ai accepté de la conclure, à la demande du président Cazals.
Vous le savez, j'ai fait de la politique de qualité une de mes premières priorités pour le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation. C'est pour moi un axe majeur de mon action, car je considère que cette politique de qualité répond à la fois aux attentes des consommateurs et aux objectifs de notre filière agricole et agro-alimentaire.
Toutes les études le montrent, les consommateurs sont de plus en plus attachés à l'origine et aux caractéristiques des produits qu'ils achètent. Même si le prix reste un élément essentiel de leur choix, ils attendent également des produits qu'ils soient surs, qu'ils satisfassent leurs goûts et leurs besoins. Les consommateurs sont aussi de plus en plus sensibles à l'origine des produits et à leur mode de fabrication ou de transformation.
La crise de la vache folle est venue nous rappeler, avec une acuité particulière, l'importance de ces attentes.
Être capable d'y répondre est un des objectifs majeurs de ma politique et cela passe d'abord par une politique de qualité.
Si le premier impératif est de répondre aux besoins des consommateurs, la politique de qualité doit aussi permettre de valoriser notre production agricole et c'est un objectif à mes yeux tout aussi importants. En assurant la promotion des produits de qualité et des produits liés à leur terroir, nous favorisons le développement d'une agriculture diversifiée, présenté sur l'ensemble de notre territoire, une agriculture qui assure aux producteurs la juste rémunération de leur travail et un revenu satisfaisant.
Vous le savez, car je me suis exprimé plusieurs fois sur ce sujet, je considère que cette politique de qualité, qui doit être un des fondements de notre politique agricole et alimentaire, doit pouvoir s'appuyer, pour être crédible, sur des instruments officiels et reconnus de tous, notamment des consommateurs.
Il est donc essentiel pour moi de mettre l'accent sur les garanties officielles que sont l'appellation d'origine contrôlée, le label, la certification de conformité et l'agriculture biologique, qui ont fait leurs preuves et qui sont seules à même d'apporter aux consommateurs les certitudes qu'il attend.
Naturellement, je n'attends pas des produits qui bénéficient de ces garanties officielles représentent 100 % du marché. Ce n'est ni souhaitable, ni réaliste.
J'ai fixé, il y a maintenant près d'un an, un objectif de 15 % pour chacune des filières. Nous y sommes déjà pour certaines d'entre elles, mais tout reste à faire dans certaines autres.
Les garanties officielles doivent avant tout répondre à un besoin. Il ne s'agit en aucun cas de les réserver à des produits de luxe qu'achèterait une élite fortunée. Chacun doit avoir accès à ces produits.
C'est pour moi la première exigence.
Même si ces garanties ne concernent pas l'ensemble de la production, cela ne doit pas nous empêcher d'avoir des objectifs ambitieux pour favoriser leur développement. Au travers de ces démarches, nous avons mis en place des méthodes de contrôle et de traçabilité, des exigences sur les produits qui sont d'un intérêt majeur et qui doivent sinon s'appliquer à la totalité de la production, du moins avoir un effet d'entraînement sur la production de base.
Je pense en particulier, vous l'imaginez bien, à la viande bovine. Nous n'échapperons pas à un développement de la certification de cette viande. Je suis convaincu que c'est l'une des clefs qui nous permettra de sauver cette filière et de retrouver la confiance. Mais en attendant d'y parvenir, il faut que nous mettions en place des maintenant les méthodes de traçabilité bien connues dans les labels ou dans la certification de conformité.
C'est ce que nous avons commencé à faire avec la marque collective « viande bovine française ».
Les garanties officielles ont donc un rôle majeur à jouer :
– pour répondre aux attentes des consommateurs ;
– pour valoriser notre filière agricole et agro-alimentaire ;
– enfin pour servir d'exemple pour l'ensemble de la production.
Les labels occupent, dans cet ensemble de garanties, une place essentielle et que je considère comme tout à fait indispensable, car ils permettent d'identifier des produits de qualité supérieure qui « tirent » l'ensemble de la production agricole vers le haut et sont l'expression du savoir-faire et de la maîtrise des professionnels.
Toutes les enquêtes le montrent, le label est aujourd'hui le signe officiel le plus connu du public. Je m'en réjouis, mais je n'en suis pas étonné, car c'est le résultat de trente ans d'effort permanent de nos producteurs. Le label rouge est parti de l'initiative des éleveurs de volailles de la Sarthe et des Landes. Il a connu, depuis, un développement extraordinaire, dans la volaille bien sûr, mais aussi dans beaucoup d'autres domaines, je pense en particulier à la viande, à la charcuterie ou aux produits laitiers.
Qu'il me soit permis de saluer également le rôle tout à fait particulier qu'a joué le CERQUA dans le développement des labels. En fédérant l'ensemble des énergies, en apportant une assistance technique indispensable, en assurant la promotion des labels et l'interface avec les pouvoirs publics, le CERQUA s'est affirmé comme un moteur de cette politique de qualité laquelle vous êtes, comme moi, très attaché.
Je le suis d'autant plus que ma région, le Nord-Pas-de-Calais, compte de nombreux produits sous label et un de plus depuis ce matin puisque j'ai le plaisir de vous annoncer la sortie au Journal officiel de l'homologation du label pour le poulet rôti de Licques.
Nous avons aujourd'hui, à notre disposition, tous les outils pour une grande politique de qualité. Nous devons absolument réussir cette politique. Il y va de l'intérêt des consommateurs et de la filière.
Mais cela ne va pas de soi. Il nous faut d'abord une volonté politique sans faille pour affirmer la priorité que nous donnons à cet objectif et c'est pourquoi j'ai souhaité que la qualité constitue un des axes forts de la future loi d'orientation que nous sommes actuellement en train de préparer.
Cette préparation bénéficie du concours actif des organisations professionnelles agricoles, de l'industrie agro-alimentaire, de la distribution, grande et de détail et des associations de consommateurs. Je me réjouis également de la part active que prend le CERQUA dans la préparation de cette loi.
Mais au-delà de cette volonté, il faudra que nous mettions en place toutes les conditions pour que cette politique réussisse et je voudrais maintenant m'attarder sur certaines d'entre elles.
Tout d'abord, la politique de qualité doit être celle de toute la filière, depuis la production jusqu'à la distribution finale.
Il ne servirait à rien que nos producteurs consentent des efforts parfois lourds pour améliorer la qualité des produits si ces produits ne sont pas mis en valeur et si leur qualité n'est pas reconnue par le consommateur.
C'est pourquoi une priorité doit être donné à la mise en place de démarches contractuelles dans l'ensemble de la filière, depuis la production jusqu'à la distribution.
Mais il faut aussi que les producteurs aient la capacité de s'organiser. Les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres et c'est encore plus vrai pour les produits de qualité. Les producteurs doivent donc être capables de maîtriser ensemble les conditions et les volumes de production. C'est à ce prix que cette politique de qualité réussira.
Je me réjouis, comme vous, de voir que le Parlement a décidé de reconnaître, dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 86, cette spécificité agricole au regard du droit de la concurrence, en introduisant dans la loi une disposition qui permet certaines ententes, dès lors qu'elles concourent au progrès économique.
Les accords sur les produits de qualité me semblent correspondre parfaitement à cette exigence de progrès.
La loi nous offre aujourd'hui de nouvelles opportunités, qu'il faudra saisir. C'est une chance et je souhaite qu'elle soit concrétisée. Cela implique d'abord que les acteurs aient la volonté de s'entendre, car c'est un préalable. Mais cela implique aussi que l'on fasse de la loi une juste interprétation et je rejoins sur ce point l'analyse faite par Maître Le Pen. Il faudra être vigilant quant à la mise en œuvre de la réforme de l'ordonnance de 1986 et je vous encourage tous à exercer cette vigilance car il y va de la crédibilité de ce nouveau dispositif voulu par le législateur et pour lequel vous savez combien j'ai milité.
Mais notre politique de qualité, si elle repose d'abord sur la volonté et le dynamisme des professionnels que vous représentez, doit aussi être crédible aux yeux des consommateurs.
Une garantie officielle tel que le label est un engagement : l'engagement du producteur de se conformer à un cahier des charges de haut niveau, mais aussi l'engagement des pouvoirs publics qui garantissent le respect de ces exigences de qualité. J'ai reçu récemment le président de la commission nationale des labels et des certifications de produits, André Gaillard, dont je voudrais saluer l'action à la tête de cette commission, depuis 10 ans.
Grâce à son action énergique, nos garanties ont considérablement évolué vers plus de rigueur et plus d'exigence. Je pense naturellement à la révision de certaines notices techniques comme celles du poulet label à laquelle le CERQUA à largement participé et qui doit se poursuivre, mais aussi à la réorganisation profonde du système depuis deux ans tant au niveau de la commission nationale que des organismes certificateurs.
À ce propos, il me semble essentiel de donner très rapidement à ces organismes les moyens de leur crédibilité. Nos garanties officielles ne seront reconnues et apporteront la confiance que demande le consommateur que si elles sont contrôlées par des organismes compétents et totalement indépendants.
Cette évolution est un enjeu majeur pour les deux ans qui viennent. Il ne m'appartient pas de privilégier tel ou tel type d'organisme, mais il me semble essentiel de disposer d'organismes certificateurs compétents, tant sur les produits qu'en matière de qualité et indépendants des producteurs qu'ils devront contrôler.
Je vous encourage, au niveau du CERQUA, à réfléchir à votre propre évolution, dans un contexte où les organismes certificateurs seront totalement séparés des groupements qui détiendront les labels. Nous ne pourrons, je pense, faire l'économie de cette réflexion en liaison avec le CEPRAL, votre alter ego dans le domaine de la certification de conformité.
La crédibilité de nos garanties officielles repose également sur la cohérence et la lisibilité du dispositif. C'est un point essentiel sur lequel j'estime que nous avons beaucoup à faire. Nous avons aujourd'hui un ensemble de garanties qui ne sont pas suffisamment connues ou tout au moins comprises par les consommateurs. Nous sommes perdus entre les différentes garanties officielles ou non, les mentions diverses et variées qui fleurissent sur certains produits et le paysage ne risque pas de se simplifier avec l'introduction des protections juridiques européennes. Nous avons donc un véritable effort de clarification et d'explication à fournir.
Nous devons d'abord « balayer devant notre porte » et veiller à la cohérence interne de nos garanties. Nous avons aujourd'hui quatre garanties officielles.
Toutes sont utiles car elles répondent chacune à des besoins précis : le lien au terroir pour l'appellation d'origine contrôlée, la qualité supérieure pour le label, le respect de caractéristiques précises et connues pour la certification de conformité, un mode de production particulier pour l'agriculture biologique.
Pourtant, cette distinction n'est pas clairement perçue et certains signes sont moins connus que d'autres. Nous devons donc améliorer notre communication.
Faudra-t-il aller au-delà et revoir le dispositif d'ensemble ? Il est trop tôt pour le dire et la loi d'orientation doit nous aider à prendre les bonnes décisions. Pour ma part, j'estime que nous devons impérativement aller vers un système simple, lisible, et compréhensible par tout le monde.
La cohérence de ce dispositif doit être renforcée. Les premières initiatives ont été prises, d'une part en harmonisant les procédures entre le label et la certification, d'autre part en instituant une commission mixte qui assure le lien avec les appellations d'origine contrôlées. C'est un premier pas, mais je pense que nous n'échapperons pas à une plus grande harmonisation, même s'il ne me semble pas gênant que coexistent deux systèmes fondamentalement différents : les labels et certifications contrôlés par un tiers privé et les AOC, contrôlées par l'administration et un établissement public.
Vous avez évoqué le cas de la certification de conformité. Je constate que ce signe attire les foudres de nombreux opérateurs, car on en a également parlé récemment au congrès de l'institut national des appellations d'origine, l'INAO.
Pourtant, je suis convaincu que nous avons besoin d'un tel signe qui permet d'apporter aux consommateurs la certitude du respect d'exigences connues, même si elles ne traduisent pas la qualité supérieure du produit.
La certification répond à un besoin. J'ai cité tout à l'heure le cas de la viande bovine, mais cela peut s'appliquer à bien d'autres domaines. Peut-être faut-il repositionner la certification de conformité, expliquer à quoi elle correspond. Des progrès ont été faits dans les exigences qui sont aujourd'hui imposées et nous devons poursuivre dans cette voie. Quant à l'étiquetage des produits certifiés, il était indispensable d'avoir un logo commun à ces produits, même si celui qui a été choisi peut effectivement susciter des interrogations, mais surtout, il est très important d'indiquer les caractéristiques des produits qui font effectivement l'objet de la certification.
Je trouve à titre personnel que « certification de conformité » n'est pas un terme très heureux ni très parlant et je souhaiterais que nous en trouvions un autre.
Mais la cohérence du dispositif ne concerne pas seulement les garanties officielles entre elles : nous avons aujourd'hui deux difficultés : la cohérence avec les protections européennes et la question des indications de provenance.
Je ne le répéterai jamais assez, mais la répétition, dans ce domaine, est indispensable, les protections juridiques européennes, AOP et IGP, ne sont pas des signes de qualité : ce sont de simples instruments juridiques qui permettent de protéger au plan communautaire des dénominations de certains produits. Il est indispensable que chacun le comprenne et pour ma part je demande à tous les professionnels concernés de ne pas communiquer auprès du grand public sur les IGP et AOP.
Le consommateur se trouverait encore un peu plus perdu alors que c'est déjà bien assez compliqué comme cela.
J'en profite pour rappeler mon attachement au principe de subsidiarité dans ce domaine comme dans d'autres : il nous revient de définir les produits de qualité et il revient à la Commission de protéger les dénominations, mais chacun doit jouer son rôle et pas celui de l'autre.
Vous avez évoqué la question très difficile des indications de provenance. Nous sommes aujourd'hui dans une situation tout à fait absurde puisque d'un côté nous autorisons aux produits sans signe de qualité d'utiliser toutes les mentions géographiques possibles pour peu qu'il ne s'agisse pas de tromperie du consommateur, alors que pour qu'un produit de qualité utilise la moindre indication géographique, il lui faut passer par le biais d'une IGP ou d'une AOP, système dont on connaît la lourdeur.
Cela nous conduit, j'en suis convaincu, à « monter » des dossiers d'IGP qui n'en sont pas réellement, car le lien du produit avec sa zone géographique n'est pas toujours effectif. Nous devons, sur ce point, revoir notre politique. Il y a des produits qui ont un lien réel avec leur région d'origine et pour ceux-là nous devons exiger qu'ils passent par une procédure d'AOP ou d'IGP, qui leur permettra d'utiliser une mention géographique dans la dénomination du produit. Pour les autres, nous devons donner la possibilité de mentionner la provenance du produit, qu'il s'agisse d'un produit sous signe de qualité ou pas sans avoir à passer nécessairement par les procédures européennes.
Encore faut-il, si cette possibilité est donnée, encadrer précisément cette utilisation des mentions géographiques. C'est un vaste chantier auquel j'ai demandé à mes services de travailler dès maintenant et je vous encourage à faire toutes les propositions que vous jugerez utiles dans ce domaine.
L'utilisation de mentions géographiques est pour moi une composante essentielle de la politique de qualité. Elle doit être partie prenante de cette politique et c'est pourquoi nous devons avoir des orientations claires et éviter les distorsions de concurrence avec des produits qui, sans avoir à respecter les exigences draconiennes des garanties officielles, pourraient se prévaloir de mentions valorisantes.
Vous avez évoqué un point également très important en matière de provenance : il s'agit des exigences que nous imposons sur la production dans les dossiers d'IGP. Je partage tout à fait votre analyse : même si la réglementation nous en donne la possibilité, je ne suis pas favorable à ce que les exigences sur les IGP ne portent que sur la zone de transformation, sauf lorsque c'est indispensable.
Il serait absurde de développer une politique de qualité qui ne bénéficie pas à notre agriculture pour laquelle cette politique a été conçue. La politique de qualité est l'affaire de toute la filière et cela doit commencer au premier maillon, celui de la production agricole. C'est, à mes yeux, un devoir que nous devons respecter. C'est ainsi que nous ferons de notre politique de qualité l'instrument que je souhaite au service des consommateurs mais aussi au service de notre agriculture.
Vous le voyez, c'est un véritable défi que nous devons relever : nous devons être capables de développer une politique de qualité au service de tous. C'est ma grande ambition pour l'avenir.
Des opportunités fantastiques existent, je pense à certaines filières comme la viande ou les fruits et légumes.
Le label doit être le fer de lance cette politique de qualité et son instrument privilégié.
Réussir le pari de la qualité, c'est d'abord prendre en compte les besoins des consommateurs. C'est aussi tout mettre en œuvre pour respecter des exigences de haut niveau sur la qualité des produits et sur les contrôles indispensables qui seront exercés. Cette politique, le ministère ne la mènera pas seul. Il peut l'encourager, mais l'initiative appartient d'abord aux professionnels, car il s'agit d'une démarche volontaire et c'est à eux de la mener. Votre participation à cette assemblée générale et à la vie du CERQUA et du label depuis 30 ans me donne la certitude que nous sommes sur la bonne voie et que nous réussirons ensemble cette grande ambition pour notre agriculture et pour notre pays.