Interview de M. Gilles de Robien, président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, à France-Inter et Le Parisien le 3 juillet 1996, sur le problème Corse, les affaires touchant l'attribution des logements HLM notamment l'affaire "Tibéri", et sur la lutte contre le chômage.

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Intervenant(s) : 

Média : Emission Objections - France Inter

Texte intégral

M. Denoyan : Bonsoir.

La session parlementaire est terminée depuis samedi et le gouvernement en a tracé un bilan plutôt positif, que ce soit sur le difficile dossier de la Sécurité sociale, de la programmation militaire ou du service des Télécommunications. Pourtant, le comportement du gouvernement vis-à-vis du rôle du Parlement n'a pas varié et l'absentéisme, si souvent reproché aux députés, a battu des records.

À la fin de cette session, le doute sur l'action gouvernementale a saisi une bonne partie de la Majorité qui redoute pour son sort en 1998. Il est vrai que le chômage est reparti et que la croissance stagne, que les affaires mettant en cause les pratiques qui auraient eu cours à la mairie de Paris touchent au cœur même du dispositif du RPR et s'y ajoute le défi fait à l'État en Corse par des bandes armées.

Invité d'OBJECTIONS, ce soir, Monsieur Gilles de Robien, Président du groupe UDF à l'Assemblée nationale.

Gilles de Robien, bonsoir.

M. de Robien : Bonsoir.

M. Denoyan : Si la session parlementaire est terminée depuis samedi, ce qui est peu sur les quatre jours, l'actualité politique reste importante et mérite, je crois, quelques explications de votre part.

Pour cela faire, nous allons vous interroger avec :
– Pierre le Marc et Dominique Brocard de France Inter
– Jean-Michel Aphatie et Caroline Brun du Parisien-Aujourd'hui

Gilles de Robien, l'État est défié ouvertement en Corse, déjà depuis plusieurs mois, mais l'attentat d'il y a 48 heures a énormément ému non seulement dans l'île, mais, ici, sur le continent. Que doit faire aujourd'hui l'État pour que la République et le Droit retrouvent toute leur place en Corse ?

M. de Robien : Je crois d'abord qu'il faut que la population corse prenne complétement ses responsabilités. La situation est aujourd'hui insoutenable, elle n'est pas républicaine. Cela devient un lieu de non droit. Et personne ne peut accepter ça, que l'on soit en Corse ou que l'on soit sur le continent. La population corse, dans sa grande majorité, on le sait, refuse cette logique de terreur et de brutalité – cette logique de guerre, pourrait-on dire – et elle refuse cette prise en otage par des factions qui sont minoritaires, voire ultra-minoritaires, ceux qui veulent la violence, ce qui s'est passé encore il y a deux jours.

On peut accepter le dialogue, mais il ne faut pas accepter le dialogue avec n'importe qui. Et donc je comprends parfaitement qu'on accepte le dialogue avec des régionalistes, parce qu'ils ont le droit d'avoir leurs idées quand ils restent dans le climat d'un dialogue républicain. Des régionalistes qui refusent la violence.

Et puis, deuxièmement, le complément, c'est de ne pas faiblir vis-à-vis de ceux qui, aujourd'hui, menacent carrément la République en Corse. Je pense qu'il y a des mesures à prendre en ce qui concerne le contrôle des armes en Corse, parce qu'on sait que des armes circulent. À partir du moment où on le sait...

M. Denoyan : ... On les voit, Monsieur de Robien. On les voit à la télévision. Pensez-vous que les Pouvoirs publics doivent aujourd'hui prendre la décision, par exemple, de désarmer les bandes armées ?

M. de Robien : Je crois que si l'on a vraiment les moyens de le faire, c'est la moindre des choses que, dans un État républicain, il n'y ait pas de bandes qui se baladent avec des armes, qui se font photographier avec des armes et qui ne recueillent aucune réaction de la part du Pouvoir républicain.

Je voudrais aussi dire qu'une initiative va être prise dans le cadre du rôle parlementaire qui est le nôtre, au Groupe UDF, et notamment sur une proposition de José Rossi, pour avoir, ou une mission d'information ou une commission d'enquête sur la situation en Corse parce qu'il faut prendre un petit peu de recul, il faut prendre un petit peu de champ et il me semble que l'on doit recueillir aujourd'hui l'avis de la représentation parlementaire. Après tout, ce sont les élus du peuple, j'allais dire de toute la France, qu'ils soient Corses ou continentaux, pour faire l'état des lieux et engager, encourager les mesures nécessaires à établir l'ordre républicain.

M. Le Marc : Faut-il consulter les Corses sur l'avenir de l'île et sur la nécessité pour l'État d'avoir une politique beaucoup plus ferme qu'à présent ? Faut-il avoir recours à ce genre de consultation, que proposent d'ailleurs certains parlementaires ?

M. de Robien : Si vous voulez mon avis personnel, un referendum, je crois, ne serait pas constitutionnel. Par contre, il y a une possibilité, c'est pourquoi ne pas imaginer, peut-être, d'avancer les élections régionales en Corse ? Et, à ce moment-là, de dire : « on avance les élections régionales. On aurait des listes qui se présenteraient avec des options différentes et si la règle du jeu est respectée, c'est-à-dire la règle du jeu démocratique, on aurait le résultat de l'opinion publique corse à l'instant T, c'est-à-dire en 1996 ».

C'est une suggestion, je ne me permets pas de la faire au nom du Groupe UDF parce que nous n'avons pas pris cette décision ensemble. Mais je crois que anticiper des élections régionales, c'est permettre au peuple corse de s'exprimer et, une fois qu'il se sera exprimé, de faire respecter l'opinion publique corse.

M. Le Marc : Mais d'élection en élection, il s'est déjà exprimé. Qu'est-ce qu'une consultation de ce genre apporterait de plus ? Et en quoi elle légitimerait l'action du gouvernement ?

M. de Robien : Tout simplement parce que, lorsqu'il y a des événements, que ce soit dans un pays ou même en France d'ailleurs, la Constitution permet, par exemple, la dissolution pour l'Assemblée nationale. Cela veut dire que, entre des périodes quinquennales de cinq ans, il peut y avoir des moments forts dans l'actualité politique, sociale, économique, qui nécessitent de la part du Pouvoir une interpellation des citoyens. Je crois que, en Corse, à l'échelon de la Corse, il y a la possibilité aussi d'interpeller la population corse en disant « Exprimez-vous maintenant ».

M. Denoyan : N'est-ce pas la couper un peu plus encore de la population française dans sa globalité, à partir du moment où vous la voyez se distinguer au niveau d'une élection particulière en tant que région corse ?

M. de Robien : Monsieur Denoyan, je ne vois pas en quoi un dialogue et l'exercice le plus subtil de la démocratie, c'est-à-dire le vote, le scrutin, est un moyen de remonter des populations les unes vers les autres. On sait que les élections se font toujours à coups de harangues, de réunions publiques, de journaux, mais les points-de-vues, au moins, se confrontent de façon pacifique.

M. Denoyan : Peut-on dire ce que vous êtes en train de dire et dire, comme vous l'avez dit, il y a quelques instants, « c'est l'action d'une poignée extrêmement minoritaire. Et, d'abord, l'État de droit et la République doivent retrouver leur place dans l'île ». D'abord, commençons par ça et, ensuite, faisons peut-être des élections ?

M. de Robien : Il peut arriver des moments où les minoritaires se croient suffisamment puissants et se font certainement des illusions pour croire qu'ils sont suivis par l'immense majorité des Corses. Je crois que cette mise au point démocratique, une fois de plus, peut-être, mais de façon anticipée sûrement, serait de nature à les amener à davantage de modestie et ce serait un appel à l'ordre républicain.

M. Aphatie : Au début de votre première réponse, vous disiez : « Que l'opinion publique corse se manifeste et montre son attachement à la France ». Mais les Corses, quand ils parlent, renvoient un peu la balle au Pouvoir politique. Les magistrats ne peuvent pas travailler en Corse – et les policiers ne peuvent pas travailler en Corse. On a l'impression que ce qui manque aujourd'hui, c'est une volonté du Pouvoir central, plutôt qu'autre chose. C'est cela qui paraît faire défaut.

M. de Robien : C'est pour cela que le point de départ ...

M. Aphatie : ... Oui, mais, ça, c'est une critique du gouvernement que vous soutenez tout de même.

M. de Robien : Vous en faites la critique, moi, je vous réponds. Le point de départ d'un nouveau contrat avec la Corse pourrait être justement un point de départ démocratique. Il n'y a pas plus beau départ, après tout dans la vie de citoyen, que de dire : « Eh bien, le gouvernement tirera les conséquences d'un scrutin démocratique en Corse. On avance les élections et on en tire les conséquences ». Mais si les Corses ont choisi véritablement de rester dans la République à travers le soutien qu'ils apportent aux listes qui sont pour ces options, à partir de ce moment-là, je crois que le gouvernement aura d'autant plus de volonté, de moyens et d'adhésion à ces majorités qui se sont ainsi dégagées, qu'elles se seront dégagées de façon incontestable dans les urnes.

M. Aphatie : La commission d'enquête parlementaire que vous évoquiez aussi dans une de vos réponses aurait pour souci de parler, de dialoguer avec les policiers présents en Corse, les magistrats présents en Corse, pour que, de manière publique, ils fassent état des difficultés qu'ils rencontrent ?

M. de Robien : Je crois que c'est une des qualités des commissions d'enquêtes parlementaires que de pouvoir auditionner et auditionner même en public ou en privé, selon les auditions qu'il y a à rendre, parce qu'on peut très bien imaginer aussi qu'il y ait à huit-clos des auditions, de façon à ce que les parlementaires puissent se faire une opinion plus intime dans un premier temps. Je pense que cette commission d'enquête parlementaire aurait l'avantage d'auditionner, de faire le point, de faire un bilan et de faire des recommandations ensuite aux Pouvoirs publics. Peut-être que, parmi ces recommandations, il y aurait l'avancement des élections régionales ? Peut-être pas ? Je ne veux pas anticiper. Je crois que ce serait une des voies recherchées car la voie démocratique est évidemment toujours la meilleure.

M. Brocard : Le juge Marseaud invite le Premier ministre à prendre personnellement le dossier corse en mains, et il dit aussi qu'en Corse il faut désarmer immédiatement, sans conditions, toutes les milices, et il préconise l'envoi d'un haut fonctionnaire qui serait investi des pleins pouvoirs pour rétablir la situation disons des armes.

M. de Robien : Le fonctionnaire avec les pleins pouvoirs, je ne sais pas ce que c'est. L'État républicain a aujourd'hui les pleins pouvoirs. Alors envoyer un fonctionnaire de plus était un pouvoir. Je croyais jusqu'ici que les préfets avaient la représentation de l'État républicain dans les départements, dans les régions, dans lesquels ils exercent leur mission. Peut-être que Marseaud a une idée derrière la tête, qu'il n'a pas exprimée totalement. Moi, je crois de toutes façons que ce n'est pas avec un fonctionnaire de plus, mais c'est avec un choc psychologique important, c'est une sorte de contrat moral, de nouveau contrat moral que la Corse doit prendre avec l'État républicain, ou ne pas prendre, mais au moins que chacun puisse s'exprimer dans les urnes, cela me semble finalement la meilleure façon de commencer une nouvelle page à écrire en Corse.

Mme Brun : Est-ce que dans tout cela l'annonce de la création d'une zone franche en Corse ne paraît pas totalement à contretemps, voire même ridicule d'une certaine manière ?

M. de Robien : Ridicule, non. Le mot zone franche a été repris depuis ce temps-là, une nouvelle chance de développement économique pour la Corse.

Mme Brun : Tant que le problème terroriste n'aura pas été réglé, aucune entreprise ne viendra s'installer même avec une franchise fiscale.

M. de Robien : Et c'est vrai. Et cette zone franche, ou cette zone de développement économique corse, comme nous le connaissons dans certaines banlieues de nos villes, n'aurait comme point de départ que le 1er janvier 1997. Donc ce n'est pas tout à fait innocent si je suggère d'anticiper, ou au moins de trouver une voie démocratique avant le 1er janvier 1997, pour que ce lien républicain entre la Corse et la France, ce lien qui existe : la Corse est la France, soit réaffirmé avant l'arrivée de nouveaux moyens de développement économique.

C'est vrai que sans la paix civile, la tranquillité, la sécurité, et c'est la même chose dans de nombreux quartiers de nos villes, il n'y a pas de développement économique possible. Il faut commencer effectivement par régler le problème de la démocratie et de la sécurité.

M. Denoyan : Tout cela plombe un peu, l'affaire corse, l'image du Gouvernement, c'est le moins qu'on puisse dire. Et il y a d'autres choses aussi qui plombent l'image du Gouvernement : c'est ce que l'on appelle l'affaire Tibéri, ou l'enterrement des affaires.

Que pensez-vous du rôle de la police dans la perquisition que le juge Halphen a fait chez Jean Tibéri et quelle idée vous faites-vous de la police qui, dans ce cas précis, n'a pas voulu obéir à la justice ?

M. de Robien : Il faut savoir si la police doit obéir ou pas à la justice.

M. Denoyan : Dans une démocratie, en général, c'est comme cela que ça se passe.

M. de Robien : Tout à fait, mais il faut savoir dans quelles conditions la police effectivement a été mandatée pour cela. Si les conditions étaient réunies pour que la police ait une mission clairement définie d'accompagner la justice, je ne comprends pas effectivement que la police n'ait pas accompagnée.

Quelquefois on a à travers des missions dans nos villes, parfois un peu délicates d'ailleurs, besoin de la police. Quelquefois la police aussi refuse ou tergiverse pour faire respecter le droit. Il y a une espèce d'adaptation aux circonstances. En ce qui me concerne, bien sûr, je le regrette, mais pour parler de l'affaire que vous citez, je vais vous dire que l'exploitation politicienne qui en est faite est indécente, parce que c'est un jeu que n'apprécie pas les Français, dans tous les sens. Un jour, on est !'Opposition, on critique les affaires qui peuvent toucher l'éventuelle Majorité ; un jour on est la Majorité et on essaie de se défendre contre une opposition qui essaie d'exploiter ces affaires.

M. Denoyan : Il y a affaire ou il n'y a pas affaire, Monsieur Gilles de Robien. S'il n'y a pas affaire, disons-le tout net, et que la justice puisse nous le dire, et s'il y a affaire, il faut que la justice poursuive son cours.

M. de Robien : Tout à fait, la justice doit poursuivre son cours. Mais qu'il y ait d'ailleurs de la part des journalistes enquête possible, qu'il y ait suivi, je suis tout à fait d'accord. Les journalistes, la presse, font un métier utile, toujours, pour l'expression de la vérité.

De là à faire du matraquage, parce que cela devient une polémique entre Majorité et Opposition, je crois que la justice a besoin d'un peu de sérénité pour s'exprimer.

M. Le Marc : Vous êtes maire d'Amiens : quelle réflexion suscite chez vous cette affaire des HLM de la Ville de Paris, réflexion sur le fonctionnement de la démocratie locale et peut-être sur le manque de règles limitant les abus, et réflexion aussi sur le fonctionnement de la justice, parce que tout de même on a eu le sentiment que le pouvoir dans cette affaire, et le Gouvernement, cherchaient à étouffer la vérité ?

M. de Robien : Sur le problème des HLM, je veux dire qu'on s'améliore tous les jours.

M. Le Marc : Il y a beaucoup de chemin à faire.

M. de Robien : Il y a beaucoup de chemin à faire, mais on a une vie pour cela et on peut s'améliorer aussi ; la perfection n'est pas de ce monde, mais on peut y tendre.

Il me semble que dans les problèmes d'affectation de logement, j'ai trouvé une situation qui à Amiens était convenable, mais je peux encore l'améliorer et je l'ai déjà améliorée depuis 8 mois que je suis président de la société du principal office d'HLM.

M. Le Marc : Mais il n'y a pas de prise légale d'intérêt lorsque par exemple un maire attribue un logement HLM à son fils ?

M. de Robien : Peut-être. C'est à la justice de le déterminer, si la justice fait son travail et suit normalement toutes les procédures.

M. Le Marc : Votre sentiment ?

M. de Robien : Mon sentiment, c'est dans quelles conditions le logement a été attribué. Nous sommes les uns et les autres soumis sans arrêt à des demandes d'intervention pour des logements qu'on nous demande. On fait une permanence, on nous demande des logements. Donc la simple lettre de recommandation que je fais à la Commission d'attribution des logements, qui est une commission avec des représentants des locataires, des représentants des élus, des représentants des associations intermédiaires et autres, est-elle une ingérence ou n'est-elle pas une ingérence ?

M. Le Marc : Il y a des priorités tout de même dans l'attribution de ces logements ?

M. de Robien : Je crois qu'il faut remettre l'attribution de tous ces logements, c'est ce que nous faisons, à une commission la plus neutre possible et simplement se contenter de lui suggérer que tel cas nous apparaît comme un cas social, un cas sensible, dont elle devra ou dont elle pourra tenir compte, et laisser la Commission d'attribution pleinement libre de ses décisions.

La deuxième chose, c'est sur le problème de la justice elle-même que vous m'avez interrogé. Je crois qu'on va vers une tendance qui apparaît comme inéluctable. Vous savez que depuis la Révolution, le parquet était dépendant du pouvoir politique, c'est-à-dire qu'on estimait que les élus du peuple étant les élus du peuple, ils devaient avoir avec le parquet ; et notamment le ministre de la Justice, une administration sous leur ordre, d'une certaine façon. Je crois que depuis 5 ou 10 ans, on évolue sur ce point de vue. Il y a début, dans la Majorité ...

M. Aphatie : L'exemple italien montre les dangers de la coupure qui peut exister entre le ministère et le parquet.

M. de Robien : Exactement.

M. Aphatie : Le problème auquel on est confronté là, c'est que visiblement les pressions du ministère sont peut-être un peu trop voyantes ou quelquefois grossières sur les parquets : c'est un peu différent peut-être.

M. de Robien : Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a un problème qui se pose depuis déjà plusieurs années, et un problème auquel on ne sait pas répondre de façon brutale. Si c'est la totale indépendance des juges, on peut aller à des excès que le pouvoir politique, issu du peuple, ne contrôlera pas. Et s'il y a un lien qui est trop fort entre le pouvoir politique, le ministre de la Justice ou le Premier ministre et le parquet, il peut y avoir confusion et l'esprit républicain peut être ...

Il me semble que, là encore, il faut savoir garder raison et que s'il y a un débat, cela mérite que, sans esprit polémique, et j'espère en dehors de toute « affaire », on puisse mettre au point un processus ou une procédure de quelques sages qui pourraient se réunir et qui pourraient nous dire si on doit ou pas le droit en la matière et comment on peut toujours donner la prédominance au pouvoir politique tout en assurant que ce pouvoir politique ne profitera pas de son pouvoir pour éteindre, pour reculer ou pour favoriser son camp.

M. Brocard : Ce n'est pas un peu la quadrature du cercle ?

M. de Robien : C'est toujours la quadrature du cercle, les justes milieux et les équilibres. Mais on a le droit aussi, là encore, c'est comme la perfection, d'essayer d'y tendre.

M. Aphatie : Je voudrais qu'on revienne un instant sur le HLM du fils de Monsieur Tibéri. Vous êtes un élu local et vous passez probablement beaucoup de temps pour servir les gens qui viennent vous demander telle ou telle chose dans votre ville. Mais l'image des élus est très atteinte quand, contre tout bon sens, on apprend qu'un élu loge ses enfants dans le parc HLM et qu'il n'y a rien à dire, c'est normal. Je pensais que ce n'était pas possible et je découvre à l'occasion de cette affaire que c'est tout à fait possible.

Cela ne vous étonne quand même pas un peu ?

M. de Robien : D'abord, cela me fait de la peine de savoir qu'effectivement, et je le constate bien entendu, que les élus qui sont les élus de la République sont plutôt mal vus, en général et globalement.

M. Aphatie : Mais il ne faut pas qu'ils donnent des arguments pour justifier les critiques qu'on leur adresse, peut-être !

M. de Robien : Il faut éviter les arguments, mais je vous rappelle qu'en France il y a probablement 500 000 élus, qu'ils soient locaux ou nationaux et que ces 500 000 élus sont, dans la quasi-totalité, des gens qui font leur travail et qui remplissent leur fonction avec une générosité, comme un véritable apostolat. Donc, ce n'est pas parce qu'il peut y avoir, éventuellement, un dérapage ici et là qu'il faut jeter l'opprobre sur l'ensemble des élus de la République.

M. Aphatie : C'est un dérapage d'avoir loué un appartement à son fils ?

M. de Robien : Cela dépend dans quelles conditions il l'a loué. Je ne connais pas la situation de son fils, quels sont ses revenus, quels sont les critères de la commission d'attribution des logements pour savoir s'il avait le droit, s'il rentrait dans les critères, s'il y a trop de logements ou pas assez de logements à Paris. Tout cela, honnêtement, je n'en sais rien. Je sais qu'à Amiens, les critères d'attribution, compte-tenu qu'on a une population qui n'est pas très riche, sont extrêmement sévères. À Paris, je ne les connais pas ; je pense que les critères sont un peu moins sévères, parce que la population est plus riche, tant mieux pour elle si elle est plus riche. Donc, à ce niveau-là, je ne peux pas objectivement me substituer à des organismes qui ont des procédures qu'ils doivent de toute façon respecter.

M. Denoyan : Finalement, vous êtes comme nous, vous aimeriez bien en savoir davantage sur la réalité de cette affaire et vous êtes sans doute un peu déçu que l'affaire soit enterrée, comme l'on dit ?

M. de Robien : Je suis déçu si elle est enterrée ... c'est vous qui le dites le mot « enterrée », disons qu'il n'y a pas poursuite, il y a non-lieu. Et puis pour terminer si les élus, si vous permettrez, c'est vrai que, souvent, les élus sont globalement mal vus, mais demandez aux électeurs ce qu'ils pensent de leur élu ? Ils vous diront : « Les autres ne sont pas bien, mais le mien, j'y tiens, je suis sûr qu'il est honnête ». Et je crois qu'ils ont raison dans 99,9 % des cas.

M. Le Marc : N'avez-vous pas le sentiment que sous le gouvernement d'Édouard Balladur les rapports entre la Justice et la politique étaient un peu plus vertueux et qu'on assiste tout de même à une rechute ?

M. de Robien : Quel est le compteur de vertu que vous suggérez pour mesurer cela ?

M. Le Marc : Il y a tout de même trois ministres qui ont été obligés de quitter le gouvernement Balladur ...

M. de Robien : Eh bien, là, il n'y a aucun ministre qui a été mis en examen et qui a été dans le même cas que les ministres sous Balladur.

M. Le Marc : Donc, il n'y a pas de rechute ? ...

M. de Robien : Il n'y a pas de cas équivalent entre le ministère de Balladur et le ministère de Juppé.

M. Aphatie : La différence peut peut-être exister, en tout cas c'est ce qu'on croit voir quand on a un œil un peu extérieur à tout cela, dans la pratique qu'avait Monsieur Méhaignerie au ministère de la Justice et ce qui semble être la pratique de Monsieur Toubon parce que tout de même Monsieur Bastard, le procureur général de Paris, dès qu'on lui donne un dossier périphérique aux HLM, il n'y a plus rien à voir, il n'y a plus rien à dire. On n'en parle plus. Cela a l'air d'une pratique assez différente par rapport à celle qu'on a observée effectivement ...

M. Le Marc : ... C'est ce que disent les juges, en tout cas.

M. Aphatie : Ce sont les juges qui le disent.

M. de Robien : C'est ce que disent certains juges.

M. Aphatie : Beaucoup de juges.

M. de Robien : Ne pensez-vous pas qu'il y a 20 ans ou 30 ans quand j'ai commencé à être dans la vie politique, on ne parlait pas du tout d'affaires et qu'il y avait aussi des affaires. Et donc le progrès réalisé en peut-être une génération, c'est vrai, c'est toujours trop lent, sont des progrès qui vont dans le bon sens ...

M. Le Marc : ... Malgré les gouvernements ?

M. de Robien : Maintenant, les choses sont connues, certainement grâce aux journalistes, mais au moins les choses sont connues ...

M. Denoyan : ... La liberté de la presse a peut-être gagné un peu.

M. de Robien : Sont débattues et font l'objet à OBJECTIONS de dix minutes de débat qui passionnent certainement les Français.

 

OBJECTIONS.

M. Denoyan : Objections de Monsieur Michel Charzat, maire socialiste du XXe arrondissement de Paris.

Bonsoir, Monsieur.

M. Charzat : Bonsoir, Monsieur.

M. Denoyan : Je vous livre, Monsieur de Robien.

M. Charzat : Je constate que Monsieur de Robien, par un discours embarrassé, ne va pas contribuer à relever le moral des Français, un moral qui est très, très dégradé, avec ce climat délétère qui pèse sur l'économie, sur maintenant l'emploi et qui même commence à peser sur la réputation internationale de la France. Donc, mes questions vont être très simples, questions qui s'adressent, bien sûr, au Président du groupe UDF à l'Assemblée nationale. C'est une personnalité de tout premier plan.

Nous avons parlé de la Corse, c'est, certes, un problème difficile que les gouvernements précédents ont eu beaucoup de mal à cadrer, mais chacun constate une dégradation constante depuis deux ans, depuis que ce gouvernement négocie au grand jour avec des bandes armées qui entretiennent des actes de guerre civile. Ma question est donc la suivante : est-ce que l'instauration d'une zone franche en Corse vous paraît compatible, Monsieur de Robien, avec cet État républicain auquel vous faites référence ?

M. Denoyan : La question avait été un peu posée, Monsieur Charzat.

M. Charzat : Oui, mais je n'ai pas été satisfait par la réponse. Car, encore une fois, une chose est d'affranchir la Corse d'un certain nombre de règles et de pratiques qui sont celles de la République française, une autre est de vouloir négocier avec les terroristes.

Les affaires : Monsieur Toubon était mieux inspiré dans l'Opposition qu'au Pouvoir. Nous avons connu une grave rechute, cela a été rappelé à l'instant, avec notamment cette décision sans précédent qui a été celle de la Police judiciaire refusant de prêter son concours au juge Halphen lors de la perquisition chez Monsieur Tibéri. C'était à l'évidence une entrave caractérisée à l'exécution de la Justice qui, d'ailleurs, entraîne une démarche solennelle de Monsieur Bastard, le procureur général de Paris ...

M. Denoyan : ... Vous voulez poser une question sur ce sujet, Monsieur ?

M. Charzat : J'y viens, c'est une affaire importante. Pourquoi Monsieur de Robien se trouve-t-il en retrait par rapport aux déclarations de Monsieur Devedjian qui est pourtant l'avocat de Jacques Chirac ? Et pourquoi est-il en retrait par rapport à Monsieur Lamassoure, porte-parole du Gouvernement, qui a considéré qu'il y avait une situation anormale ? Or, vous l'avez rappelé, Monsieur Balladur, dans une affaire similaire, l'affaire Schuller, Halphen, encore Halphen, avait, en tant que Premier ministre, obtenu la démission de Monsieur Franquet, le prédécesseur de Monsieur Olivier Foll, l'actuel directeur de la PJ ...

M. Denoyan : ... Cela devient un peu compliqué pour nous.

M. Charzat : Et il avait obtenu sa démission. Pourquoi, si Monsieur Balladur a eu raison de sanctionner cette entrave caractérise à la justice, Monsieur Juppé et Monsieur Toubon n'ont-ils pas encore réagi comme Monsieur Balladur ?

M. Denoyan : Monsieur de Robien, je le signale, est Président du groupe UDF à l'Assemblée nationale et n'est pas Premier ministre ...

M. Le Marc : ... Pas encore, en tout cas.

M. de Robien : Tout d'abord, Monsieur, j'ai répondu au problème de la zone franche. Oui, la zone franche ne réussira que si l'ordre républicain est rétabli. Ensuite, sur votre deuxième question, sur le mélange des affaires, permettez-moi de vous dire qu'il n'y a pas deux situations identiques sinon expliquez-moi pourquoi Monsieur Tapie échappe, comme ça, aux peines et aux prisons fermes alors qu'il y a hélas ! des Français qui, pour 50, 500 ou 5 000 francs de découvert au Crédit, se trouvent gênés par la justice ?

Si on veut aller sur cette polémique-là, je suis prêt à engager le débat...

M. Charzat : ... Vous polémiquez avec le procureur général de Paris et avec l'association française des magistrats instructeurs qui vient de déposer plainte. Donc, vous n'allez pas vous en sortir par des propos qui correspondent en quelque sorte à la langue de bois politicienne qui fait tant de mal à ce pays puisque les hommes politiques n'admettent pas la vérité ou font semblant de trouver les arguties ...

M. de Robien : ... Monsieur, si vous respectez la justice, laissez donc courir les actions que vous venez de citer. Et lorsque les jugements seront rendus, vous ferez le choix entre commenter les actions de justice ou ne pas les commenter. Moi, je préfère ne pas les commenter, mais je les respecte.

M. Denoyan : On va peut-être sortir maintenant de cette polémique sur les affaires et parler peut-être de la situation économique et sociale avec Caroline Brun.

Mme Brun : Les perspectives d'emploi s'assombrissent de semaine en semaine. Les instituts de conjoncture ne sont pas très favorables. Ils nous prédisent le retour de la croissance au mieux en 1998. Que peut-on faire pour lutter contre l'augmentation du chômage ? Que proposez-vous ? Vous allez me dire la réduction du temps de travail, mais peut-être pas uniquement ?

M. de Robien : Pas seulement, non, c'est vrai, parce que j'ai toujours dit que l'aménagement du temps de travail n'était pas une solution unique, universelle et miraculeuse, mais je crois que c'est une bonne solution pour permettre, d'ailleurs comme on le voit depuis le vote de cette loi, à des entreprises de s'engager vers une politique de réduction de leurs charges sociales en créant des emplois. C'est une des pistes. Maintenant, il y a un texte qui existe. Le décret d'application va passer au mois de juillet et je vois déjà beaucoup d'entreprises qui nous demandent des modes d'application et qui sont très intéressées. Vous savez certainement que le Crédit Agricole qui est une banque dynamique, qui crée des richesses, qui est en pleine croissance, va s'engager, grâce à notre loi, vers un système de réduction du temps de travail, aménagement du temps de travail, qui, probablement, va créer plusieurs milliers d'emplois. C'était dans un grand journal du soir, hier.

Alors, quelles sont les perspectives ? C'est vrai que le dernier mois et peut-être les mois suivants encore vont être mauvais pour l'emploi en France alors que nous avions eu deux mois consécutifs avec des créations de 10 à 15 000 emplois. La croissance, on ne peut pas dire qu'elle n'est pas au rendez-vous, la croissance était attendue et est toujours attendue pour le deuxième semestre 1996 ...

Mme Brun : ... Elle est de moins en moins attendue.

M. de Robien : Les conjoncturistes disent qu'elle va arriver probablement à la fin de l'année ou au début de l'année 1997 ...

M. Denoyan : ... C'est un peu sœur Anne ...

Mme Brun : ... Ce n'est plus le deuxième semestre 1996.

M. de Robien : On me cite des organismes de conjoncture qui disent que c'est pour 1997. Moi, je vous en cite d'autres qui disent que c'est pour fin 1996. Pourvu que ce soit les miens qui aient raison plutôt que les vôtres, mais je ne suis pas sûr que les miens aient raison. Donc, c'est vrai que la croissance tarde à revenir.

Si on me demande : comment la croissance peut revenir ? C'était votre question ? ....

Mme Brun : Absolument.

M. de Robien : Donc, si vous permettez, je vais essayer d'y répondre par deux ou trois pistes et, probablement, des mesures qui vont aller dans le bon sens.

On a chargé la barque et on a trop chargé la barque des prélèvements obligatoires et notamment des impôts. Les Français sont en gros, ceux qui prennent des initiatives, démoralisés parce qu'ils paient, personnellement, en impôt sur le revenu, personnellement, en TVA sur les produits qu'ils consomment, personnellement, en charges sociales s'ils ont éventuellement quelques heures de ménage ici et là et donc ils préférant, même à la limite, faire travailler au noir quelques personnes. Ils préfèrent ne pas prendre d'initiatives nouvelles et ne pas créer de richesses nouvelles parce que les impôts sont trop lourds. Et la TVA de deux points, finalement, a été un mauvais calcul parce qu'en augmentant la TVA de deux points, on n'a pas eu deux fois 40 milliards de recettes supplémentaires, comme on s'y attendait, mais au contraire cela a alourdi l'économie, cela a alourdi la consommation qui, du coup, s'est tassée et comme la TVA est basée sur la consommation, les rentrées ne se sont pas faites.

M. Brocard : Il faut la baisser tout de suite, alors ? Vous êtes d'accord avec Édouard Balladur qui dit qu'il faut la baisser de deux points pour les ventes d'automobiles ?

M. de Robien : Il faut baisser, à mon avis, et les impôts sur le revenu et la TVA de façon significative. Je ne suis pas un va-t'en guerre et je sais très bien les difficultés pour boucler un budget. Je sais très bien que la France a des dettes, je sais très bien que le déficit budgétaire voisine les 300 milliards de francs. Tout cela, je le sais. Mais à un moment donné il faut donner un signal fort, c'est ce que j'ai appelé « le pari fiscal », qui soit le mariage de deux actions volontaristes : La première action, c'est d'ailleurs presque une interrogation aux Français, voulez-vous réduire les impôts ? Ils vont tous dire « oui », mais le prix à payer, c'est la réduction des frais de fonctionnement de l'État. Et je dis bien de « fonctionnement » et non pas « l'étalement » d'investissements. Parce que si on étale les investissements, cela fera de l'activité économique en moins.

M. Aphatie : C'est-à-dire moins de fonctionnaires ?

M. de Robien : C'est-à-dire moins de fonctionnement.

M. Aphatie : Cela veut dire quoi ?
M. de Robien : Le fonctionnement, ce n'est pas seulement des fonctionnaires, mais c'est aussi des fonctionnaires. Si vous voulez tout de suite lever des défilés de fonctionnaires, on va dire : « Il faut moins de fonctionnaires ». Ce n'est pas ça qu'il faut. Les fonctionnaires sont des contribuables comme les autres. Ils sont des salariés comme les autres. La plupart, comme dans toutes les entreprises, donne le meilleur d'eux-mêmes, comme les autres, et donc ce n'est pas une attaque des fonctionnaires qu'il faut faire. C'est tout simplement de faire ce pari, de dire : « Si on réduit le fonctionnement de l'État, on arrivera à alléger les impôts de tous les Français ».

M. Le Marc : Dans quels domaines réduire le fonctionnement de l'État ? Dans quels domaines, précisément ?

M. de Robien : D'abord, on a des pistes aujourd'hui. Il y a des aides à l'emploi qui sont improductives, voir contre-productives ...

M. Le Marc : ... Lesquelles ?

M. de Robien : Eh bien, vous allez attendre 48 heures ...

M. Le Marc : ... Non, non, votre avis. L'avis de Monsieur Péricard, on l'aura demain, mais le vôtre ?

M. de Robien : Je ne suis pas dans la mission d'information qui a travaillé. Je ne voudrais pas dévoiler un rapport ...

M. Le Marc : ... Non, non, mais vous avez certainement un avis autorisé.

M. de Robien : Je ne suis pas habilité à vous dévoiler un rapport qui va paraître demain.

M. Le Marc : Non, mais votre sentiment à vous.

M. de Robien : Et mes amis qui ont travaillé sur ce rapport m'en voudraient.

M. Le Marc : Votre sentiment ?

M. de Robien : On peut certainement faire des économies sur le CIE, par exemple, car il y a un effet d'aubaine qui est prouvé. Le CIE a certainement permis ...

M. Denoyan : ... Vous nous dites ce qu'est le CIE pour ceux qui l'auraient oublié.

M. de Robien : Le CIE, le Contrat Initiative Emploi...

M. Le Marc : ... Cher à Monsieur Chirac.

M. de Robien : Cher à Monsieur Chirac, mais il est efficace dans une certaine mesure et il a prouvé qu'il y avait un effet d'aubaine important pour beaucoup d'entreprises. L'effet d'aubaine, c'est que l'entreprise aurait tout simplement embauché, mais qu'en plus de ça, elle se sert de cette prime supplémentaire pour embaucher à moindre frais. Donc, là, il faut faire la part des choses. On peut peut-être diminuer de 50 % le budget CIE. Il est important de l'ordre de 20 milliards de francs. Si on diminue de moitié, cela ferait 10 milliards de francs. Vous voyez que, là, il y a certainement des pistes importantes qui pourraient éventuellement être soulevées demain ou après-demain dans le rapport ...

Mme Brun : ... On le diminue comment ? En diminuant le nombre de personnes qui peuvent en bénéficier, c'est-à-dire non pas des chômeurs qui sont inscrits depuis plus d'un an, mais des chômeurs qui seraient inscrits depuis peut-être plus de deux ans – cela est une piste – ou alors on donne moins d'argent aux entreprises qui les recrutent ?

M. de Robien : Vous voulez tout de suite me faire dire les réflexions de cette commission qui travaille depuis un mois et demi sur le sujet ...

Mme Brun : ... Non, non, pas de cette commission puisque vous avez des idées là-dessus.

M. de Robien : On peut changer les taquets. Changer les taquets, c'est donner des critères autres à l'emploi du CIE. Pour l'obtention de ces primes à l'embauche, on peut donner des critères autres que ceux qui existent aujourd'hui. Je crois que c'est une piste intéressante.

D'autre part, je voudrais vous donner une méthode. C'est celle que j'ai employée à la mairie d'Amiens parce que je crois qu'elle est efficace partout et même dans un État mille fois plus important qu'une ville comme Amiens parce que, en gros, on a un budget d'un milliard et que le budget de l'État est de 1 500 milliards. Donc, 1 500 fois plus important.

Plutôt que de demander à des fonctionnaires : où voulez-vous vous mutiler ? Voulez-vous acheter moins de crayons billes ? Pouvez-vous avoir moins de lignes téléphoniques ? Y a-t-il, ici ou là, des économies à faire ? Je crois qu'on n'est pas bien placé quand on est soi-même juge et partie. La méthode que je propose est simple : c'est tout simplement de demander à des consultants extérieurs de rechercher les pistes d'économie, comme on le fait dans un service municipal, dans un service de Conseil général ou ailleurs. Eh bien, à partir de ce moment-là, on vous propose de nouvelle organisation, exactement comme dans une entreprise.

Dans une entreprise, il y a des gains de productivité qui sont considérables par ce regard extérieur de consultants qui sont des spécialistes. Je suis sûr que si on employait les mêmes méthodes pour l'État, on arriverait pour un Service public maintenu à avoir des économies importantes qui seraient reconverties en baisse des impôts. Et pas seulement en impôts directs, parce que je vous rappelle que l'impôt sur le revenu, il n'y a qu'un Français sur deux qui le paie, métis il faudrait aussi avoir un signe important et sensible vis-à-vis des consommateurs qui ne sont pas forcément soumis à l'impôt sur le revenu.

M. Denoyan : Il nous reste à peine cinq minutes, Monsieur de Robien, je vous demanderai de répondre très rapidement aux dernières questions de Caroline Brun et de Jean-Michel Aphatie.

Mme Brun : La technique des audits est peut-être très bien, mais à l'échelle de l'État c'est un peu difficile et souvent ce genre d'audit est mis au placard ?

M. de Robien : ... Pourquoi dites-vous cela ? Pourquoi est-ce difficile ?

Mme Brun : Parce que si on regarde les chiffres, il n'y a qu'une année sur la dernière décennie où justement le nombre de fonctionnaires a diminué d'une année sur l'autre.

M. de Robien : Peut-être ! Mais a-t-on essayé de faire des audits extérieurs ? Pourquoi dites-vous que c'est difficile ? On prend service par service et on essaie de l'organiser. Je vous assure que les fonctionnaires eux-mêmes s'y retrouveront parce qu'ils travailleront dans de meilleures conditions. Ils auront le sentiment d'être encore plus utiles et que ce sentiment d'utilité grandira la fonction. Et peut-être qu'à la suite de cela, sur deux ans, trois ans, quatre ans, il y aura un nombre de fonctionnaires qui diminuera ? Mais j'allais dire : si la santé du pays est à ce prix, je crois que les fonctionnaires eux-mêmes s'y retrouveront, et en considération et en rémunération, puisqu'ils auront, comme tous les Français d'ailleurs, une imposition réduite d'autant.

Donc, l'affaire de l'État, ce n'est pas de créer des emplois dans la fonction publique, l'affaire de l'État, c'est de donner des services de qualité aux citoyens au meilleur coût.

M. Aphatie : Avec un apparent bon sens, beaucoup de responsables de la Majorité, d'ailleurs, commencent à dire : « Si on continue la même politique, on va voir les mêmes effets », c'est-à-dire, par exemple, le chômage augmenter et les déficits sociaux continuer à se creuser. Que leur répondez-vous à tous ces gens qui disent : « Peut-être faudrait-il essayer autre chose et cesser de courir après une vertu qui fait exploser un tissu social ?».

M. de Robien : Faut-il ou pas changer de politique ? C'est votre question, peut-être bien habillée. Moi, je ne crois pas parce que cette politique, aujourd'hui, on en récoltera le bénéfice à terme.

Faut-il l'améliorer ? C'est-à-dire que je suis dans les sujets précédents, on peut toujours améliorer les choses.

M. Aphatie : ... L'améliorer, sûrement, mais à terme, vous diriez : à quel terme ?

M. de Robien : Regardez déjà les effets qui sont produits, notamment, sur les taux d'intérêt. C'est important les taux d'intérêt pour les Français, s'ils veulent consommer. Alors, on a fait la moitié du chemin. On a baissé les taux d'intérêt en disant : « Eh bien, maintenant, s'ils veulent consommer, ils vont pouvoir emprunter moins cher », malheureusement, ils ne veulent pas consommer. Et c'est pour cela que le nouveau volet que le Président de la République a déjà annoncé, que le Premier ministre a déjà annoncé, c'est une baisse de la fiscalité étalée sur cinq ans. Moi, je dis : « OK pour la baisse de la fiscalité étalée sur cinq ans, mais il faut que la vraie réforme de la fiscalité et que le geste soient significatifs dès la première année pour donner ce signal fort qui rendra crédible une vraie baisse des impôts sur cinq ans ». Cela donnera confiance, j'en suis certain, aux Français pour, de nouveau, plutôt que de thésauriser à travers des SICAV monétaires pour ceux qui le peuvent, leur donner le goût de consommer, de faire travailler les commerçants, de faire travailler les entreprises qui fabriquent les objets à acheter, etc. C'est toute l'économie qui pourrait repartir.

M. Brocard : Les entreprises reçoivent de l'argent pour aider à embaucher du personnel. Philippe Séguin propose de prendre cette enveloppe financière pour créer des emplois de proximité.

M. de Robien : Je crois beaucoup à la reconversion des allocations en activation de ces allocations. Je vous donne un exemple : aujourd'hui, il y a beaucoup de RMIstes en France, j'allais dire « beaucoup trop », mais si ces RMIstes étaient reconvertis en contrat emploi solidarité, pour un coût à peu près équivalent, on remettrait au travail plusieurs centaines de milliers de personnes. C'est simple puisqu'un RMIste touche une somme relativement modeste, de l'ordre de 3 000 francs, selon qu'il est célibataire, marié, etc. le contrat emploi solidarité, c'est la même chose. Or, on s'aperçoit que, dans le RMI, le « I » de l'insertion ne marche pas. Je crois qu'il y a beaucoup de cotisations, comme celles auxquelles pense le Président Séguin ou d'autres comme le RMI, qui pourraient être reconverties en travaux utiles.

Je vous rappelle tout de même que, dans le Pacte de Relance de la Ville de mes amis, Jean-Claude Gaudin et d'Éric Raoult, il y a, là, la création de 100 000 emplois qu'on appelle des « emplois de ville » qui sont financés, partie par l'État, à hauteur de 55 %, partie par les collectivités, à hauteur de 45 %. Eh bien, dans une ville comme Amiens, ce n'est pas dérisoire, loin s'en faut, parce qu'au 1er juillet 1997, on aura 250 emplois aux services créés des personnes et des citoyens.

M. Denoyan : On va quitter Amiens avec Pierre Le Marc, Gilles de Robien, parce qu'il reste vraiment peu de temps.

M. Le Marc : Vous évoquiez tout récemment une embellie économique et sociale qui permettrait des législatives anticipées. Vous croyez que l'on va vraiment vers une embellie économique et sociale ?

M. de Robien : Je n'ai pas prévu d'élections législatives anticipées ...

M. Le Marc : ... Non, non, je ne l'ai pas dit ...

M. de Robien : ... J'ai dit simplement qu'il vaut mieux choisir sa date plutôt que de la subir.

M. Le Marc : Oui, mais l'embellie, vous y croyez ou pas ?

M. de Robien : En 1997, alors, là, je reviens aux conjoncturistes cités par Caroline Brun, ces conjoncturistes ont dit que la croissance repartirait probablement en 1997. Je dis que « si, vraiment, le climat, ne le cachons pas, de morosité actuel, qui tient à beaucoup de facteurs, que ce soit l'Euro, la météo et beaucoup de choses, s'éclaircissait, eh bien, je crois, effectivement, que l'on pourrait imaginer de repartir sur un contrat de cinq ans, c'est-à-dire un vrai contrat de législature avec un nouveau projet pour la France ».

M. Denoyan : Merci, Gilles de Robien.

Prochain invité, mercredi prochain, Laurent Fabius.