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Le Journal du dimanche : Lors du séminaire gouvernemental qui se tiendra le 28 août, chaque ministre présentera son devoir de vacances. Quel sera le vôtre ?
Jean-Pierre Raffarin : La création d’entreprise : en 1995, 285 000 entreprises ont été créées ou reprises. Mais le taux de mortalité infantile est malheureusement trop élevé : une entreprise sur deux meurt dans les trois ans. Je souhaite donc bâtir une politique dont l’objectif est de réduire de moitié le nombre de ces disparitions.
Le Journal du dimanche : Comment faire ?
Jean-Pierre Raffarin : Nous avons analysé la situation de ces entreprises. Nombre d’entre elles ont échoué car leur projet n’était pas assez qualifié. Chacun a sa part de responsabilité mais on peut s’interroger sur les systèmes d’aides qui, tel l’Accre (Allocation pour les chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprises), finissent par conduire les créateurs à rechercher la prime plutôt qu’à qualifier réellement leur projet. Désormais, le projet devra précéder le financement. Nous proposerons donc un programme en deux phrases : une politique « prénatale », qui consiste à qualifier le projet du créateur et une politique « postnatale », qui accompagne le développement de l’entreprise. Ce programme national de qualité pour la création d’entreprise donnera lieu à une procédure partenariale qui permettra au créateur d’entreprise de bâtir un projet solide et sérieux en relation notamment avec des professionnels.
Le Journal du dimanche : Mais cela n’existe-t-il pas déjà ?
Jean-Pierre Raffarin : Oui, pour celui qui s’organise lui-même en allant voir un juriste, un expert, les chambre de commerce ou des métiers… Tout le monde peut consulter. Mais sur le plan national, cela n’existe pas. Il s’agit d’une démarche qualité qui aidera le créateur à convaincre les banquiers, les collectivités locales, les services de l’État et à trouver les partenariats nécessaires. Cette politique sera animée principalement par l’État. Quant à la politique d’accompagnement, elle sera conduite en partenariat avec le réseau Entreprendre en France qui rassemble les chambres de commerce, celles des métiers, l’ordre des experts-comptables, les notaires, l’Association française de banques et beaucoup d’autres intervenants. Dans cette seconde phase, la nouvelle banque de développement des PME, dont le Premier ministre a annoncé la création la semaine dernière à Maisons-Alfort, aura un rôle moteur pour débloquer les crédits et soutenir les projets qui auront été retenus. Nous voulons professionnaliser le métier de chef d’entreprise car la vie économique est trop complexe, trop aléatoire pour s’y lancer sans préparation.
Le Journal du dimanche : Et pourtant, dès 1979, Raymond Barre, alors Premier ministre, suggérait aux chômeurs de créer leur entreprise…
Jean-Pierre Raffarin : Il faut ne pas confondre le projet qui consiste à créer son propre emploi – dans ce sens, la loi Madelin a permis de favoriser l’initiative individuelle – et celui destiné à créer une entreprise dont l’objet est le développement et la pérennité. Fonder une entreprise est un acte économique fondamental. C’est plus une question d’ardeur que d’humeur. Pour ce qui est du secteur artisanal, l’objectif de la loi « qualification » publiée le 5 juillet est bien de préparer en profondeur la réussite de l’entreprise.
Le Journal du dimanche : À l’heure des restrictions budgétaires, ce programme national ne va-t-il pas coûter cher ?
Jean-Pierre Raffarin : Sur l’ensemble des financements, les aides à l’emploi sont mal utilisées. On peut donc dépenser mieux en dépensant moins. C’est ce qu’ont montré les différents rapports que viennent de nous remettre les parlementaires en mission qui se sont penchés sur ce sujet. Dans le cadre de la prochaine loi de finances, nous étudions le redéploiement de ces aides. Nous devons consacrer nos moyens à ce qui est essentiel pour la France : la création de richesses et la solidarité. Je rappelle que sur 180 000 créations pures, seules 4 000 à 5 000 ont bénéficié du soutien de plusieurs dispositifs.
Le Journal du dimanche : Trouvez-vous les banque trop frileuses ?
Jean-Pierre Raffarin : Le président de la République a eu raison de souligner une incompréhension entre les banques et les entreprises. Les premières nous disent qu’elles manquent de bons projets, les secondes de bons financements. La difficulté, c’est notamment l’absence de fonds propres des PME et en particulier des plus jeunes d’entre elles. Nous allons ainsi, dès le 1er janvier 1997, réduire le taux de l’impôt sur les sociétés de 33,33 % à 19 % pour les bénéfices réinvestis en haut de bilan. Les conditions en seront définies par la loi de finances à l’automne. Autre projet pour la rentrée : une charte entre les banques et les PME pour entraîner une meilleure confiance et une plus grande fidélité des unes vis-à-vis des autres. À l’occasion de cette charte, une idée parmi d’autres est en débat : exclure l’habitation principale des garanties demandées au créateur d’entreprise.