Texte intégral
Madame le Président,
Monsieur le Délégué interministériel aux personnes handicapées,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de vous dire combien je me réjouis de me trouver aujourd’hui parmi vous, pour ouvrir les travaux de la première réunion du CNCPH qui se tient en cette année 1996.
Ma présence parmi vous témoigne de l’intérêt que je porte à la mise en œuvre de la politique en faveur des personnes handicapées, pour laquelle je souhaite m’impliquer personnellement, en liaison notamment avec Anne-Marie Couderc, Ministre délégué à l’emploi, qui ne pouvait malheureusement être avec nous aujourd’hui.
Je tenais également à vous exprimer l’importance que j’attache aux réunions de ce Conseil, auquel la loi d’orientation du 30 juin 1975 a confié la mission d’assurer la participation des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique de solidarité nationale les concernant.
Cette séance me fournit l’occasion d’installer, pour 3 ans, ce Conseil renouvelé.
Pour en assumer la présidence, Jacques Barrot et moi-même avons sollicité et nommé Madame Roselyne Bachelot, député du Maine-et-Loire.
Votre expérience, chère Roselyne, votre chaleur humaine, votre intérêt déjà ancien pour les problèmes qui nous rassemblent ici aujourd’hui, votre sens du dialogue sont unanimement appréciés. Ce sont là autant d’atouts pour remplir ce rôle essentiel d’interface qui sera le vôtre entre les membres du Conseil et le gouvernement que je représente ici.
A vos côtés, le concours d’Henri Lafay, en qualité de vice-président sera tout aussi précieux.
Président de l’Association pour Adultes et Jeunes Handicapés (APAJH), votre engagement Monsieur, à la cause des personnes handicapées est bien connu de tous. Témoins de leurs capacités et de leurs espoirs, vous aurez cœur, je le sais, de susciter et de préserver la qualité de la communication qui doit s’instaurer entre les personnes handicapées, leurs représentants et les pouvoirs publics.
Les contraintes liées aux changements de gouvernement n’ont pas permis de tenir, en 1995, les deux réunions annuelles du CNPH. Je sais que vous l’avez regretté. Je le comprends car j’attache, comme vous une grande importance à la concertation avec les personnes handicapées, leurs familles et tous ceux qui œuvrent en leur faveur.
C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que l’ordonnance du 24 avril 1996 relative à l’organisation de la sécurité sociale a prévu la présence de représentants des personnes handicapées et accidentées du travail au sein du conseil de surveillance des organismes nationaux du régime général de sécurité sociale.
Le pluralisme du secteur associatif est une garantie de dynamisme et d’aptitude à imaginer des solutions novatrices pour aider les personnes handicapées. Il est néanmoins essentiel qu’existent des instances au sein desquelles puissent s’échanger les expériences et les idées, et s’éprouver les certitudes.
Le CNCPH, lieu de réflexion collective et d’information, est le cadre naturel de tels échanges.
Ses réunions doivent vous fournir l’occasion d’aborder toutes les questions qui vous préoccupent et dont vous souhaitez débattre.
La réflexion dans ce secteur est du reste permanente, et d’excellente qualité. La meilleure illustration en est la plate-forme du comité, fruit exemplaire d’une action collective.
Vos avis sont et seront, pour les pouvoirs publics d’autant plus précieux que votre Conseil ressemble tout à la fois les associations représentatives des personnes handicapées, les organismes finançant leur protection sociale et développant la recherche dans le domaine du handicap, mais aussi des organisations syndicales et patronales.
Je citerai également les représentants des différents ministères intervenant dans le champ du handicap pour évoquer la création souhaitée par le Président de la République, et réalisée par le Premier Ministre, d’un délégué interministériel aux personnes handicapées.
Permettez-moi de m’arrêter sur la mission confiée à Patrick Segal. Elle répond au souci d’accroître la cohérence de l’action publique en faveur des personnes handicapées, en renforçant la dimension interministérielle de cette action menée jusqu’ici par plusieurs administrations, chacune dans son domaine de compétence.
Pour assurer la coordination des politiques que ces administrations définissent, Patrick Segal a réuni, pour la première fois, le 29 février dernier, le Comité interministériel de coordination en matière d’adaptation et de réadaptation (CICAR) dont la loi du 30 juin 1975 dispose qu’il est assisté du CNCPH.
Ce Comité connaît précisément des questions d’intérêt commun à l’ensemble des ministères ou à plusieurs d’entre eux lorsqu’ils interviennent dans le champ du handicap. Cette approche globale est, à l’évidence, particulièrement nécessaire lors de la scolarité, au début de la vie, et les liens avec l’éducation nationale doivent à cet égard être encore renforcés.
Rétablissant le lien intrinsèque que la loi a instauré entre ces deux instances, vos travaux évoqueront les thèmes abordés lors de la première réunion du CICAR. Je souhaite que la complémentarité qu’elles parviendront à développer leur permettra de jouer, de façon concrète, leur rôle de force de proposition, dans le respect des objectifs définis par la loi du 30 juin 1975.
Je m’engage, par ailleurs, à renouveler ces moments de concertation et d’échanges au sein de votre Conseil. Les deux rendez-vous annuels traditionnels seront pris et tenus pour entretenir le dialogue auquel nous sommes tous attachés. Une nouvelle réunion devra se tenir dans le courant du mois de décembre 1996.
Aujourd’hui, je souhaiterais mettre à profit ce moment privilégié pour vous présenter les grandes lignes de l’action que j’entends mener, bien entendu, en concertation avec vous.
Dans le droit fil du discours prononcé le 1er juillet 1995 à Bort-les-Orgues, par le Président de la République, et répondant à ses vœux, je souhaite donner une nouvelle impulsion à la politique menée en faveur des personnes handicapées qui sont et demeurent une priorité de la solidarité collective.
C’est pourquoi j’entends lancer un véritable plan d’action pour réaffirmer, à leur égard, la volonté de l’Etat de conduire une politique résolue et dynamique. Ce plan a pour ambition de dépasser les obstacles de quelque nature que ce soit et qui ont pu constituer, jusqu’ici, autant de freins à une politique répondant aux souhaits de chacun.
Le contexte général, marqué par la crise économique et les tensions sur les comptes sociaux n’autorise aucune facilité et requiert, bien au contraire, vigilance, capacité d’initiative et de choix. Il implique surtout une volonté clairement définie et sans cesse réaffirmée autour de la mise en œuvre de l’objectif essentiel de la loi de 1975, à savoir l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées.
Le nouvel élan que j’entends donner à cette politique, sans renier les acquis que chacun s’accorde à reconnaître substantiels, s’enrichira des évolutions constatées dans le domaine du handicap, pour proposer les réponses les mieux adaptées, dans les domaines prioritaires suivants :
1er axe prioritaire : créer, dès le plus jeune âge, les conditions de la socialisation la plus précoce possible du jeune enfant handicapé et d’une intégration scolaire réussie.
Cet objectif passe tout d’abord par l’affirmation et la reconnaissance du droit de l’enfant handicapé à être accueilli en milieu ordinaire (crèche, halte-garderie). Mes services s’attachent à cet effet, à introduire dans la réglementation relative aux établissements et services d’accueil des enfants de moins de 6 ans, des dispositions de nature à faciliter l’accueil du jeune enfant handicapé. Un projet en ce sens a été soumis pour avis à certains d’entre vous.
- Par ailleurs, les structures d’aide et d’accompagnement du jeune enfant maintenu en milieu ordinaire doivent être soutenus. Je préconise, pour ce faire, d’encourager et de développer l’action des centres d’action médico-sociale dans leur mission de prévention, de dépistage et diagnostic précoce. Tous les départements ne sont pas, à l’heure actuelle, pourvus de structures de ce type. Il conviendra d’y remédier.
- Je souhaite également insister sur la nécessité de renforcer la complémentarité entre ces centres et les services d’éducation spéciale et de soins à domicile, dont une des missions essentielles est l’accompagnement de l’enfant en intégration scolaire.
Sur ce point, précisément, je voudrais rappeler avec force combien l’intégration scolaire est un objectif prioritaire qui contribue à la réussite de l’intégration sociale et professionnelle future. Les actions menées depuis près de 15 ans dans ce domaine doivent être poursuivies avec une volonté accrue pour prévenir l’échec.
J’ai demandé à mes services de présenter à l’une des prochaines réunions du CNCPCH, le bilan de la mise en œuvre des Annexes 24, et des classes d’intégration scolaire. Par ailleurs, en liaison avec le Ministère de l’Education Nationale, une réflexion devra être engagée sur l’adéquation des moyens mis à disposition par ce ministère pour assurer aux enfants handicapés un soutien pédagogique adapté à leurs besoins.
2e axe prioritaire : faciliter le libre choix de leurs lieu et mode de vie par les personnes handicapées.
Cet objectif leur garantie l’autonomie de vie qui est corollaire de l’exercice de leur citoyenneté.
Pour en relancer la mise en œuvre, j’entends mener une politique active, privilégiant résolument le maintien à domicile des personnes handicapées qui le souhaitent. Une telle politique concilie à la fois la satisfaction de leurs besoins et la nécessité de créer des emplois d’utilité sociale.
Il convient à cet effet de faire porter nos efforts sur les deux pôles essentiels à partir desquels doit s’élaborer cette politique, à savoir les aides humaines et les aides techniques.
Le développement de la politique de maintien à domicile implique la promotion résolue des emplois d’auxiliaires de vie.
Les efforts consentis par l’Etat dans ce domaine seront poursuivis. Je rappelle qu’une dotation exceptionnelle a abondé en 1996, à hauteur de 2,1 MF, les crédits consacrés, dans le budget de l’Etat, au fonctionnement des services d’auxiliaires de vie. Je demande, au titre de l’année 1997, la réduction de ces crédits.
Par ailleurs, l’accès aux moyens techniques susceptibles de compenser le handicap et d’accroître l’autonomie participe aussi à la promotion sociale des personnes handicapées.
Il est important, à cet effet, de reconsidérer les conditions de prise en charge de ces aides, ainsi que les modalités de leur délivrance.
Vous avez été, pour la plupart d’entre vous, associés au groupe de travail qui dans un rapport récent a formulé des propositions en ce sens. Il convient maintenant de les mettre en œuvre. Ce dossier est en bonne voie puisque l’expérimentation d’une nouvelle méthodologie pour la délivrance des aides techniques, fondée sur une procédure coordonnée d’évaluation de la personne handicapée, devrait démarrer dans les prochains mois.
3e priorité : développer l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
L’un des enjeux du dispositif de protection sociale issu de la loi d’orientation est de développer une politique de promotion du travail protégé permettant, notamment, d’améliorer la prise en charge des personnes handicapées.
Les centres d’aide par le travail sont des instruments privilégies de cette politique. Leur objectif est de dynamiser l’insertion professionnelle des personnes handicapées en favorisant leur accès au monde du travail. Mais il s’agit aussi de leur offrir, en fonction de leurs capacités, des possibilités d’épanouissement grâce à des actions de soutien adapté.
Dans cette perspective, il est indispensable que le CAT renoue avec l’une de ces finalités premières qui est de constituer un lieu de de transition vers le milieu de travail, pour améliorer le taux d’accès à ce milieu qui n’est actuellement que de 0,8 %.
Le CAT devra donc s’adapter aux formes nouvelles de production pour offrir et encourager des modes de prise en charge et d’exercice professionnel plus diversifiés et innovants.
Il s’agit de mettre prioritairement l’accent sur l’ouverture sur un environnement plus dynamique et plus proche des conditions de travail de droit commun.
Parmi ces actions innovantes à promouvoir, je citerais l’encouragement à la mobilité professionnelle et géographique au sein des CAT, ou entre les CAT et les autres structures de travail protégé, mais aussi la diversification des modes d’activités offerts par les CAT hors les murs, les murs, ou encore, le développement des stages en entreprises et du travail à temps partiel.
Il s’agira aussi d’améliorer les dispositifs de formation dans les établissements d’éducation spéciale, d’encourager le développement des formations en alternance pour favoriser le rapprochement avec le monde extérieur.
Sur le volet plus spécifique de l’emploi des personnes handicapées dans le milieu de travail ordinaire, l’accent devra être mis sur les progrès à accomplir encore en matière d’obligation d’emploi en application de la loi du 10 juillet 1987, mais aussi sur le développement des programmes départementaux d’insertion des travailleurs handicapés.
Ces programmes ont en effet pour objectif d’accroître le nombre des personnes handicapées insérées professionnellement grâce à la coordination d’initiatives émanant des milieux économiques, du service public de l’emploi, des associations, de l’AGEFIPH, des conseils généraux, sous l’autorité du directeur départemental du travail et de l’emploi.
Une réflexion d’ensemble sur la politique d’insertion professionnelle, tant en milieu protégé qu’en milieu ordinaire, sera conduite par un groupe de travail composé des partenaires institutionnels et des associations notamment. Il devra recenser les expériences novatrices susceptibles de modélisation, et tirer profit, le cas échéant, des projets transversaux dans un cadre communautaire.
4e axe : assurer, par un dispositif adapté, la continuité de la prise en charge des adultes et des personnes handicapées vieillissantes.
Sans m’étendre trop longuement sur le dispositif né de l’amendement CRETON, je voudrais souligner à mon tour que le règlement de ce problème, à court comme à moyen terme, implique des décisions difficiles à mettre en œuvre, mais néanmoins indispensables.
Il faut pouvoir trouver des solutions à la situation née de cet amendement, peut-être en envisageant de mettre un terme à ce dispositif conçu au départ comme un dispositif de transition, et donc d’en borner dans le temps l’application à une échéance permettant de mettre en œuvre un plan d’action résolu.
Il va de soi que ces années devront être mises à profit pour conduire, après un bilan du dispositif d’accueil existant, des opérations significatives de reconversion d’établissements, et des redéploiements de moyens du secteur sanitaire vers le secteur médico-social.
Il faut insister sur le fait qu’une telle décision implique une démarche dynamique et volontariste de planification au niveau local, voire national, autour de la réalisation de schémas d’organisation de l’offre de places en établissements.
La réflexion entamée après le bilan par l’inspection générale des affaires sociales de l’application de la loi de 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales abordera immanquablement cette question déterminante.
Par ailleurs, les données démographiques soulignent l’importance à terme du problème du vieillissement des personnes handicapées. Elles révèlent qu’on ne dispose que de quelques années pour préparer, au plan national, le dispositif institutionnel adapté à cette évolution.
Il est important de s’attacher à développer des formules transitoires permettant à la personne handicapée de ne pas subir brutalement les effets de l’âge.
La transformation de structures existantes, la création de structures spécifiques — notamment spécialisées —, ou de modes d’accueil temporaire ou de jour, sont autant d’hypothèses à envisager pour offrir aux personnes handicapées vieillissantes les solutions les plus adaptées à leur maintien dans le milieu ordinaire.
Une réflexion collective associant sur ce thème important les associations et les personnes qualifiées sera engagée prochainement dans le cadre d’un groupe de travail, dont Mme Geneviève Laroque, Inspecteur général honoraire et présidente de la Fondation de Gérontologie a bien voulu accepter la présidence.
Je souhaiterais enfin souligner la nécessité d’agie résolument pour moderniser les dispositifs d’orientation et de connaissance des personnes handicapées que sont les Commissions d’Education Spéciale (CDES) et les COTOREP.
Des progrès sensibles ont été réalisés dans le traitement des dossiers individuels. J’ai pour ma part demandé des moyens supplémentaires pour améliorer le fonctionnement des COTOREP dans le cadre de la loi de finances pour 1997.
Des efforts restent encore à accomplir pour valoriser le rôle stratégique de ces instances. Il s’agit d’outils précieux d’aide à la décision qu’il faut rendre plus efficients pour une meilleure planification des structures dans le temps et dans l’espace, et une meilleure adéquation de l’offre aux besoins.
Conclusion
1. Je ne saurais conclure sans évoquer le contexte politique et juridique de la mise en œuvre de ce plan d’action défini par les lois de décentralisation.
Vous savez que sur le problème récurrent de la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales, un débat est engagé en application de la loi du 4 février 1995 relative à l’aménagement du territoire.
Il nous appartient de clarifier le cadre d’intervention des politiques publiques, en veillant à ne pas ajouter l’instabilité à la complexité, et en désignant de façon précise les responsabilités respectives en cas de compétences partagées.
Le débat est ouvert, au premier chef, bien entendu, avec les élus locaux sur ce problème important. Il est vrai qu’une dilution mal maîtrisée des responsabilités entre collectivités publiques est préjudiciable aux intérêts des personnes handicapées elles-mêmes. Une telle clarification est un préalable nécessaire à une politique ambitieuse du handicap.
2. Je tenais, Mesdames et Messieurs, à tracer devant vous les grandes lignes du plan d’action que je m’engage à mettre en œuvre, dans la plus large concertation.
C’est une œuvre de longue haleine dont vous serez, comme moi, comptables de la réalisation. Car il ne se fera pas sans vous. C’est une affaire de moyens, certes, mais aussi de volonté.
Je sais que je peux compter sur vous. Je vous remercie.