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Le Parisien : Le tribunal de Toulouse vient de relâcher trois trafiquants de drogue estimant que leur réseau avait été infiltré par des douaniers sans que la procédure juridique adéquate soit respectée. Que s’est-il-passé ?
Alain Lamassoure (ministre du Budget, porte-parole du gouvernement) : Depuis la loi du 19 décembre 1991, les douaniers, les policiers et les gendarmes ont le droit, en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants, de procéder à ce que nous appelons des « livraisons surveillées ». Ce dispositif est très contrôlé. Les douanes procèdent à des infiltrations passives, quand il s’agit de simple surveillance avant interpellation, ou d’infiltrations actives, quand nos agents, au risque de leur vie d’ailleurs, pénètrent les réseaux. Dans ce cas – et tout est encadré juridiquement –, la loi autorise les douaniers à participer à la réalisation de l’infraction. Dans l’affaire de Toulouse, un dispositif d’infiltration active a permis de mettre la main sur 1 200 kg de cocaïne. Si nous voulons arrêter des gros trafiquants de drogue, et ne pas nous limiter à la simple arrestation de dealers, l’infiltration active est évidemment la méthode la plus efficace. C’est aussi, et de loin, la plus périlleuse.
Le Parisien : Pourquoi le tribunal de Toulouse a-t-il estimé que les formes n’avaient pas été respectées ?
Alain Lamassoure : Sur le détail de la procédure de Toulouse, nous avons fait appel de la décision, et c’est le juge d’appel qui tranchera. Dans le cas des infiltrations actives, la loi prévoit que nous agissions sur autorisation du procureur de la République. Ce qui a évidemment été le cas. A Toulouse, le procureur avait donné son feu vert. Ensuite la loi n’exige pas que les autorisations du procureur soient versées au dossier. En clair, rien ne prévoit que le juge d’instruction soit officiellement au courant. C’est bien compréhensible. L’identité de nos agents, ainsi que les moyens mis en œuvre, doivent rester secrets. C’est impératif.
Le Parisien : Faudrait-il changer ce point législatif ?
Alain Lamassoure : Si au vu du jugement en appel, il apparaît que nous devions modifier la procédure, nous saisirons le garde des Sceaux. Il paraît évident que nous devons veiller à la sécurité de nos agents dans ce genre de missions. Nous verrons bien. Le plus sage est d’attendre la décision de la cour d’appel. Cela dit, je regrette que les efforts et les moyens que nous avons mis en œuvre, pendant des mois, pour l’opération de Toulouse débouchent sur la remise en liberté de trois individus dont personne ne conteste qu’ils ont importé en France 1 200 kg de cocaïne. Encore une fois, l’infiltration est la meilleure méthode pour mettre la main sur les gros trafiquants. Nous pratiquons plusieurs centaines d’infiltrations passives par an, et plusieurs opérations secrètes évidemment, d’infiltrations actives. Ces fonctionnaires travaillent au péril de leur vie. Nous devons tout faire pour les protéger.