Texte intégral
M. STRAUSS-KAHN. – Bonjour.
Un mot d'Air France. Que vous dire que vous ne sachiez déjà ? Pas grand-chose.
Il est toujours bien qu'un conflit se termine, surtout que pour celui-là, comme cela a été abondamment décrit – je ne sais pas si les chiffres sont exacts –, coûte des dizaines de millions par jour à la compagnie. Je ne sais pas si le « 100 millions » est tout à fait juste, peu importe. C'était vraiment la survie d'Air France qui était en cause, comme d'ailleurs, dans l'autre sens, le fait de ne pas avoir d'accord et de ne pas respecter l'objectif économique fixé mettait aussi en cause la survie d'Air France.
Il fallait trouver un accord qui respecte cela.
Le résumé de l'accord – il n'est pas la peine que je revienne dessus, il n'y a pas de nouveauté – doit permettre d'arriver à cet objectif d'économie.
L'issue du conflit repose beaucoup sur la fermeté qui a été celle du gouvernement, à laquelle j'ai toujours poussé, surtout à celle du Président SPINETTA auquel il faut rendre hommage, et plus techniquement au fait que nous avons fonctionné vis-à-vis des syndicats avec une négociation unique conduite par M. SPINETTA.
Je crois qu'en termes de négociations d'entreprises publiques, c'est un exemple qu'il faut garder à l'esprit. Pour moi, la philosophie de cette affaire est que tout conflit social n'est pas nécessairement porteur de progrès social.
Les Français ont été très partagés sur ce conflit, beaucoup plus qui ne le sont sur d'autres. Cela montre que, dans certaines situations, les impératifs de modernisation doivent l'emporter sur les situations acquises et que les Français sont capables de comprendre cela.
Évidemment, si cela avait pu se faire de façon plus courte – 10 jours de conflit, c'est long –, cela aurait été mieux, mais je crois très heureux que, finalement, on ait réussi à éviter un pourrissement qui risquait sinon de se mettre en place.
Si vous avez des questions, j'y reviendrai.
Je voudrais vous dire un mot aujourd'hui sur deux sujets :
– la situation budgétaire et fiscale,
– l'état du secteur financier.
Sur la situation budgétaire et fiscale, cela devient une litanie, point de presse après point de presse, que de vous dire que la situation économique s'améliore. J'ai scrupule à vous dire des choses pareilles.
La révision des chiffres des créations d'emplois au premier trimestre m'invite à noter qu'au lieu des 75 000 prévus, on est à 95 000 comme vous l'avez tous écrit. 95 000, ce n'est pas loin de 100 et 100, c'est la moitié de 200.
Lorsque la prévision a été faite de 200 000 emplois dans les entreprises pour 1998, je ne pensais pas que l'on en ferait la moitié au premier trimestre. Cela veut-il dire que l'on dépassera les 200 ? Je n'en sais rien. Il peut y avoir des effets intra-cycles. Je ne suis pas capable de le dire aujourd'hui, mais l'on est bien parti pour remplir l'objectif que l'on s'était fixé. Peut-être qu'au bout du compte, on en fera un peu plus. Je n'en sais rien.
Il reste que les attentes sont extrêmement fortes. C'est une caractéristique très intéressante de la période. Ce n'est pas une contradiction, mais ce n'est pas toujours ainsi, de voir à la fois les indicateurs économiques devenir meilleurs et les attentes de la population devenir de plus en plus fortes.
Cela a conduit encore plus que par le passé à vouloir éviter que cette reprise de la croissance soit à l'origine d'inégalités plus grandes. Le risque est celui-là. On l'a bien senti depuis le mois de décembre. Il n'a pas disparu mais s'il exprime aujourd'hui de façon moins violente ; cela peut revenir d'une manière ou d'une autre.
Lorsque le redémarrage de la croissance fait qu'une part de la population, plus ou moins plus grande (de plus en plus en grande à mesure que le temps passe), prend le train, il y a un sentiment d'autant plus difficile pour ceux qui ne le prennent pas encore. Lorsque le train est immobilisé en gare, personne ne bouge trop ; lorsqu'il démarre et que certains restent sur le quai, c'est d'autant plus difficile à supporter et c'est normal.
Une bonne part de l'effort à produire doit être d'essayer de limiter ces inégalités-là et de faire démarrer, toujours sur la même image, le plus de monde possible.
En matière d'emploi, il est clair que cela conduit à avoir le plus de créations d'emplois le plus vite possible, 95 000 en un trimestre, c'est le meilleur résultat obtenu depuis le début des années 1990. C'est assez significatif. Mais cela concerne aussi les problèmes d'inégalité de revenus, où vous avez sans doute comme moi entendu les propositions, les discours faits récemment sur l'idée que, la bourse se portant tellement bien, il faut absolument que la fiscalité des revenus du capital soit aggravée.
Le fait que la bourse se porte bien n'est pas pour moi un scandale. Elle reflète, même si parfois elle est un peu spéculative, les anticipations des résultats des entreprises. C'est un signe parmi d'autres du fait que la croissance est plutôt de retour.
Lorsque j'entends ces propositions sur le durcissement de la fiscalité de l'épargne, c'est un hommage rendu à la prévoyance du gouvernement qui l'a déjà fait, mais cela montre que tout le monde n'a pas à l'esprit ce qui a déjà été fait dans la loi de Finances pour 1998. Cela a été voté, mais cela n'entre en application que maintenant et, pour une part, cela ne rentrera en application que sur les déclarations de revenus en 1999. Dans la mesure où ce n'est pas totalement ressenti, il n'est pas surprenant que certains ne l'aient plus à l'esprit.
Gardez quand même en mémoire que le passage sur le revenu de l'épargne d'une CSG de 3,9 à 10 – puisque l'on était à 3,9, rappelez-vous que le point ou le point et demi maladie ne concernait pas les revenus financiers –, soit une augmentation de 150 %, la suppression, sauf dans le cas de contrats particuliers investis en actions, de l'exonération des contrats d'assurance-vie (7,5 % d'imposition), les plus-values financières dont le plafond d'exonération a été descendu de 100 000 francs à 50 000 francs et le taux remonte de 20,9 à 26... Bref ! Un ensemble de mesures ont été prises l'an dernier qui font que les revenus de l'épargne ont rapporté un impôt à l'Etat de 50 milliards en 1997 et que l'on en attend 40 % de plus, 70, en 1998.
Il y a une hausse de la fiscalité des revenus de l'épargne de 40 % entre 1997 et 1998. Dans ces conditions, il faut commencer à en regarder les effets et à en mesurer les chiffres que je donne là car, évidemment, lorsque je dis « 40 % », on ne le saura que lorsque l'année 1998 sera terminée. C'est une estimation, cela peut être un peu plus ou moins, avant de vouloir s'engager dans une autre phase. D'autant que du côté des entreprises, le fameux « MUF » qui nous a occupés au mois de septembre dernier a pérennisé la fiscalisation des plus-values des entreprises au niveau de l'impôt sur les sociétés.
Là aussi, on a fait une phase de hausse, ce qui fait qu'il n'est pas surprenant que l'on ait une fiscalité de ce type de revenus, ménages ou entreprises, qui soit plutôt supérieure à nos voisins. Ce n'est pas un secret.
Cela me pousse à soutenir la proposition de directive du commissaire « MONTY » sur les revenus de l'épargne, qui propose, avec une distinction selon les pays qui ont un secret bancaire ou non, un prélèvement libératoire de 20 %, que je trouve un peu faible, mais c'est mieux que rien, dans les différents pays de l'Union. Je ne sais pas comment cette directive finira. Je ne sais pas quelle sera la fin de la négociation, mais si l'harmonisation fiscale en cours aboutit à faire disparaître certains cas anormaux (exemple type le Luxembourg, il y en a d'autres), la situation française deviendra moins hétérodoxe qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Sur le calendrier budgétaire et fiscal, Christian SAUTTER et moi-même en sommes à la phase des dépenses. Nous recevons nos honorables collègues qui ont évidemment des demandes importantes, ce qui permet à Christian de se livrer à son exercice favori, dans lequel il excelle, consistant à rentrer l'édredon dans un petit attaché-case.
Ce travail est loin d'être terminé. On aura encore besoin d'une quinzaine de jours au moins avant d'avoir vu tous les membres du gouvernement.
Du côté des recettes, j'ai annoncé à l'Assemblée Nationale, il y a deux jours, qu'au cours du mois de juin on allait étendre la concertation à d'autres interlocuteurs que ceux que j'avais ou que Christian SAUTTER avait rencontrés.
C'est une pratique nouvelle que de procéder à une concertation sur l'avenir fiscal. Ce n'est pas une mauvaise chose. Le Premier Ministre tranchera début juillet – généralement, il le fait début août – mais on a organisé cela pour avoir un mois d'avance.
Comme vous le savez, le 22 juillet, en Conseil des ministres, les grandes orientations budgétaires et fiscales seront données, ce qui permettra de déposer le texte du projet de loi de Finances dès le premier Conseil des ministres de septembre, ce qui nous aura fait gagner à l'arrivée 15 jours par rapport aux délais habituels.
Voilà pour ce qui est de l'environnement budgétaire et fiscal.
Un mot sur le secteur financier, ensuite je m'en remettrai à votre férocité !
Le GAN : le Ministère a donc annoncé lundi que la Commission des participations et des transferts avait retenu deux candidats sur les quatre, à savoir SWISS LIFE et GROUPAMA. Elle l'a fait sur ses critères habituels, à savoir regarder d'abord les offres financières qui étaient faites et voir dans quelle mesure le reste du cahier des charges et des propositions faites par les candidats permettait, pour ceux qui étaient décalés, de rattraper ce décalage en termes d'offres financières. Elle a considéré que seuls les deux premiers pouvaient concourir pour la deuxième phase.
Ils doivent remettre leur offre définitive le 17 juin. Je recevrai l'intersyndicale le 29. Je pense que début juillet, si tout se passe bien, la décision d'attribution pourra être rendue.
Autre sujet financier dont je veux vous dire un mot : le C.D.R.
Il y a presque un an, au tout début juillet, j'avais dit que je trouvais que cette institution fonctionnait mal, qu'il fallait la réformer et que quatre principes présideraient à cette réforme :
– la transparence sur le niveau des pertes,
– la justice sur les actions ou les exactions passées,
– la rigueur et l'absence d'intervention politique dans la gestion des dossiers,
– la quatrième chose étant plutôt une constatation, la confiance dans le redressement du Crédit Lyonnais stricto sensu.
Un an après, pour ce qui est de la justice, les actions sont en cours. Vous avez vu que des efforts importants ont été faits. Je vous l'ai déjà dit, je le répète, des actions importantes ont été entreprises pour que le Ministère fournisse des moyens au Ministère de la Justice en termes de spécialistes financiers, fiscaux, etc. Les Parquets de Paris, d'Aix et de Lyon ont été fortement renforcés, si bien que ma collègue Garde des Sceaux va déplacer la galerie financière dans de nouveaux locaux pour installer son petit monde avec les effectifs nouveaux qui lui ont été fournis.
Il en est de même à la Cour des Comptes, où plusieurs dizaines d'assistants – c'était une demande ancienne de Pierre JOXE, elle sera satisfaite –, d'assistants auprès des magistrats de la Cour des Comptes, de spécialistes fiscaux et financiers du Trésor, de la Direction des Impôts seront fournis.
Si l'on veut que la justice s'exerce normalement, il y a une part qui relève de ce ministère, qui ne me concerne pas, mais il y a une part touchant aux moyens dont disposent les différents magistrats pour exercer leurs fonctions. Le problème des effectifs était donc extrêmement important.
La réforme du C.D.R. a eu lieu. Il fonctionne aujourd'hui sur un modèle différent. Cela se fait sentir clairement, notamment sur les différents dossiers qu'il a à traiter. Je ne suis intervenu sur aucun des dossiers. Le C.D.R. a à gérer. Il me semble que c'est une bien meilleure méthode.
Pour ce qui est du redressement du Crédit Lyonnais, vous connaissez tous les derniers événements. La banque est sur une bonne pente. La décision qui a été prise avec Bruxelles assure sa viabilité. De ce côté-là, le contrat est rempli.
Reste un quatrième point qui est plus compliqué, qui est la transparence sur les pertes. M'étant engagé à vous donner des informations sur la transparence sur les pertes, il faut que j'y vienne. Il y a toujours, selon les années, des évolutions qui peuvent être compliquées, qui tiennent à l'évolution des cours, aux valorisations que l'on peut faire. Tout cela peut échapper à la gestion du C.D.R. lui-même. Il y a sa capacité à gérer bien ou moins bien les conséquences qui peuvent ou pas être introduites par sa réforme et les difficultés qui peuvent en découler. Tout cela conduit à ce que je suis amené à réviser le montant de pertes du C.D.R. Il y a un an, il avait été fixé à 100,2 milliards. Les nouvelles évaluations, qui tiennent compte de l'ensemble des événements que je viens d'évoquer, me conduisent aujourd'hui – vous me direz que ce n'est pas énorme comme mouvement, j'en suis sûr – à considérer que les estimations du niveau des pertes du C.D.R. n'est plus de 100,2 milliards mais de 96,5, ce qui me donne à penser que l'opération qui a été conduite sur le C.D.R. donne les résultats que l'on pouvait escompter. Ce sont toujours des pertes estimatives, bien sûr. Il faut donc rester prudent sur cette amélioration de la situation. D'ailleurs, le Président du C.D.R., Raymond LEVY, comme d'ailleurs le Président de l'EPFR, Francis LORENTZ, s'exprimeront sur ce sujet dans les jours qui viennent.
J'ai fait le tour de ce que j'avais prévu de vous dire. Je suis à votre disposition.
Un dossier sur le passage à l'euro vous a été ou vous sera distribué. Voilà ce qu'il faut que je vous dise. Je lis. Dis-le, parce que je ne sais pas ce qu'il faut dire ! Le Cabinet ne veut pas prendre une part publique !
Le contexte : c'est un dossier sur l'euro. « Le processus de mise en oeuvre de l'euro est une réalité irréversible ». Un point est intéressant quand même : nous avions, les uns et les autres, une crainte, ici, dans la Maison, qu'après la séance du début du mois de mai et la réalité de l'euro plus acquise, cela entraîne une augmentation dans les réticences, dans les craintes : « Cela va vraiment arriver ; qu'est-ce qui va nous arriver ? »
La réalité n'est pas celle-là. Les pourcentages d'approbation sont stables. Dans certains autres pays, ils sont mêmes plutôt en croissance. On serait, dans une certaine mesure, en décalé par rapport aux autres. Mais il n'y a pas de mouvement d'inquiétude accentué par une réalité de l'euro qui est devenue plus forte, ce qui n'était pas absolument évident.
On a donc préparé un dossier sur ces questions de communication, d'information de la population. Le sondage SOFRES récent, qui a été mené sur cette question, est dedans. Vous trouverez cela, si cela vous passionne, en sortant.
Un Intervenant. – Si vous envoyez une fin de non-recevoir à M. HOLLANDE, comment comprenez-vous son souci d'envoyer un signe à l'opinion après la baisse du Livret A ?
M. le MINISTRE. – Je ne donne pas du tout une fin de non-recevoir à François HOLLANDE, parce que le souci est juste.
Il y a deux soucis. Il y a le souci que vous évoquez, qui est que, quand on baisse le taux du Livret A, même s'il y a toutes les justifications économiques pour le faire, c'est ressenti par une part de la population comme : « L'épargne dite “populaire”, en tout cas celle qui n'est de loin pas la plus fortunée, voit sa rémunération amputée de 0,5 point, alors qu'une bonne part de l'épargne investie sur les marchés financiers flambe ». Vous êtes trop avertis de ces choses pour que la formulation ne vous semble pas trop grossière. Il y a beaucoup de choses à dire pour corriger cela. C'est l'impression et c'est cela qui compte.
La préoccupation que nous avons tous – François HOLLANDE l'a exprimée justement – de montrer que ce n'est pas le cas est très importante.
Je ne donne pas une fin de non-recevoir pour la raison que j'évoquais en commençant : aucun des arbitrages fiscaux de 1999 n'a encore été fait.
Je voulais dire simplement – ce n'était pas une réponse à François HOLLANDE mais un besoin d'information, c'est pour cela que je l'évoquais parce qu'il est un peu oublié – que de façon presque préventive une part considérable du chemin a déjà été faite. D'ores et déjà, ces revenus de 1998, qui en matière d'épargne seront plus importants que par le passé pour les raisons que l'on vient de dire, seront taxés sensiblement plus fortement qu'ils l'auraient été en 1997. Si on ne l'avait pas fait dans la loi de finances précédente, en se réservant d'attendre la hausse de la bourse, pour répondre à la préoccupation que vous évoquiez, cela n'aurait porté que sur les revenus de 1999. On a pris un an d'avance. Cela ne veut pas dire que tout est parfait dans le meilleur des mondes. La fiscalisation qui sera celle des évolutions boursières de 1998 sera en taux 40 % supérieure à ce qu'elle aurait été en 1997 à niveau égal, à niveau d'évolution de cours égal.
Vous connaissez cela parce que c'est votre métier, mais je ne suis pas sûr que tous les Français soient dans ce cas-là. Il faut voir qu'un mouvement considérable a eu lieu, qui va s'exercer sur les mouvements qui sont en cours. Il ne faut pas prendre des mesures pour l'avenir. Des mesures pour le présent vont s'exercer pour la première fois sur les revenus 1998.
Un intervenant. – Avez-vous une estimation de ce que cela rapporte en plus ?
M. le MINISTRE. – Je l'ai dit tout à l'heure. La fiscalité, tous prélèvements confondus (sociaux, fiscaux, etc.), des revenus de l'épargne financière était en 1997 de 50 milliards en chiffre rond. L'estimation que j'en ai pour 1998, sous réserve de tout ce que l'on veut – on n'est qu'au mois de juin –, c'est 20 milliards de plus, soit un prélèvement global augmenté de 40 %. Le « 20 milliards » s'entend avec les réserves d'usage.
Une Intervenante. – Au sujet du GAN, jusqu'à maintenant je croyais que vous disiez que ce serait fini avant la fin juin. Y a-t-il une raison pour laquelle ce serait début juillet ? Y a-t-il un problème avec Bruxelles ?
M. le MINISTRE. – J'ai dit cela ?
Une intervenante. – Oui.
M. le MINISTRE. – Je peux vous faire confiance là-dessus ?
Je n'en sais rien. La nota room a été ouverte le 10. Ils remettent leurs oeuvres le 17. On a décalé ?
Un intervenant. – On a décalé d'une semaine. Comme on voit l'intersyndicale le 29, la décision...
M. le MINISTRE. – Voyez cela éventuellement avec Nicolas THERY si vous voulez des précisions. Il n'y a pas d'événement majeur. Visiblement, on est un peu en retard. Il n'y a pas de signification particulière. C'est sans doute pour cela que François-Guy LEROY avait raison de me faire corriger tout à l'heure, non pas avant le 15 juillet mais début juillet, pour ne pas accentuer ce décalage dont je n'avais pas conscience. J'avais oublié que l'on avait dit « fin juin ».
Un intervenant. – Pour le C.D.R., d'où provient l'amélioration ? Cela vient-il du fait que l'Etat a enfin procédé aux remboursements d'emprunts ?
M. le MINISTRE. – Je ne veux pas en dire trop là-dessus. Je n'ai pas pu résister au plaisir d'évoquer devant vous cette amélioration. C'est aux présidents des deux structures d'en faire le détail.
Un intervenant. – Mais est-ce lié en partie au fait que les intérêts payés par le C.D.R. diminuent ?
M. le MINISTRE. – C'est lié à une bonne gestion du C.D.R. sur différents aspects. Le Président LEVY aura à coeur de vous l'expliquer. Je n'aurais peut-être pas dû aborder la question. Ce n'est pas très poli de ma part de ne pas les avoir laissé faire l'annonce.
Un Intervenant. – Peut-être n'hésiterez-vous pas à répondre également à cette question ! Demain, il y a une conférence sur la famille. Que pensez-vous, en termes de solidarité, de la mesure qui va apparemment être proposé par le gouvernement, qui consiste à augmenter l'impôt sur le revenu via le quotient familial pour restituer 4,5 milliards d'allocations familiales aux 310.000 Français les plus aisés d'entre nous ? Y aurait-il eu d'autres moyens de le financer ?
M. le MINISTRE. – Le Premier ministre n'annoncera que demain sa décision. Tant qu'il ne l'a pas annoncée, j'ignore laquelle elle est. Je ne vais pas la commenter. J'ai bien entendu que certains étaient sur la position que vous évoquez, que l'on prête au Premier ministre le fait de préférer cette solution.
Vous avez raison d'évoquer la solidarité. Celle à laquelle je me renvoie, c'est la solidarité gouvernementale, qui me fait ne pas me prononcer sur cette question.
Un Intervenant. – Pour l'ouverture du capital d'Air France après la grève, voyez-vous des problèmes sur la valeur de la compagnie ?
M. le MINISTRE. – On ne peut pas dire que ces dix jours de grève arrangent les comptes de la compagnie. Cela ne change rien au principe. L'idée de l'ouverture du capital était acquise à partir du moment où l'on voulait faire cet échange entre salaires et actions. Il faut bien que ces actions, par ailleurs, soient cotées. J'avais fait un point de presse avec M. GAYSSOT, il y a trois ou quatre mois, pour annoncer les choses. Dans le DDOF, les articles de loi nécessaires ont été votés en ce sens. Sur le principe, il n'y a rien de changé. Le Premier Ministre l'a réaffirmé.
Sur la valeur que cela prendra au moment de la cotation, j'ai un peu du mal à vous dire. Il est clair – c'est un peu trivial – que les résultats d'Air France seront probablement, cette année, affectés par les dix jours de grève. Cela ne veut pas dire qu'ils seront obligatoirement mauvais, mais ils seront moins bons qu'ils auraient pu l'être. Cela n'aura peut-être pas une influence considérable malgré tout. Si, comme je l'espère, les choses se passent bien maintenant, il y a un effet positif aussi, à savoir que cette menace, qui était latente... Les lettres du Président de l'époque sont claires et indiquent qu'il y sera mis fin au bout d'un an. Il y avait cette sorte de menace sur : une solution temporaire a été mise en oeuvre, mais comment va-t-on en sortir ? On peut en sortir bien ou mal.
Le fait que, sous réserve de la négociation sur laquelle je n'ai plus d'inquiétude, la solution soit une bonne solution est un élément positif qui peut compenser les pertes de ces dix jours. Si vous voulez me faire dire qu'il aurait mieux valu qu'il n'y ait pas de pertes pendant dix jours, je vous le dis directement.
Un intervenant. – Vous allez évoquer devant l'Assemblée une réforme sur la taxe d'habitation. Si je comprends bien, il y aura donc une réforme de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation. Vous avez dit qu'il fallait la rendre plus juste. Cela pourrait-il être au moyen d'un transfert de l'assiette pour partie sur le revenu ? Allez-vous recréer un TDR ? Comment comptez-vous faire ?
M. le MINISTRE. – Je n'ai pas dit qu'il y aurait une réforme de la taxe d'habitation. Vous ne pouvez donc pas dire que, si vous comprenez bien, il y aura une réforme à la fois de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation. Je n'ai rien dit du tout. J'ai dit ce que nous avions sur les étagères et que, maintenant, il fallait que le gouvernement dans son ensemble et le Premier Ministre arbitrent.
Parmi les réformes envisageables, puisque c'était le travail que l'on s'était fixé avec Christian SAUTTER de passer le printemps à faire un balayage général sous l'égide du Comité de stratégie fiscale sur plusieurs domaines, dont la fiscalité locale... S'agissant de la fiscalité locale, on s'est concentré sur T.P. et T.H. en laissant le reste. On voit bien les axes possibles de réforme de la T.P. d'un côté et de la T.H. de l'autre.
Votre question porte sur la T.H. En matière de T.H., l'axe principal de réforme est que cet impôt est d'une très grande injustice. Plusieurs manières peuvent être envisagées pour corriger cette injustice, dont celle que vous évoquez, qui est de plus tenir compte des ressources des contribuables, ce qui d'ailleurs est réclamé par les groupes de la majorité. N'en tirez aucune conclusion sur les décisions qui seront prises.
J'ai dit, à un autre moment, qu'il ne me paraissait pas évident que l'on puisse mener en parallèle, la même année, une réforme de la T.P. et de la T.H. Ce n'est pas inconcevable. Des tas de contraintes entrent en jeu. Tant que le Premier Ministre n'aura pas arbitré les éléments de réforme fiscale qu'il veut voir mettre en oeuvre et celle qu'il veut pour 1999, les autres étant reportées à l'année 2000, il ne faut tirer aucune conclusion sur ce qui va se passe. Mais les lignes en matière de réforme de la T.H., s'il doit y en avoir une, sont plutôt celles-là. C'est une manière comme une autre de tenir compte des ressources des contribuables pour corriger des situations qui sont à l'évidence anormales.
On a notamment des personnes âgées à très faibles revenus qui sont restées dans des habitations relativement grandes, qui datent de l'époque où la famille était plus large, pour lesquelles déménager poserait des problèmes financiers ou psychologiques considérables, qui payent des taxes d'habitation hors de proportion avec leurs revenus.
À l'inverse, on a des situations exactement dans l'autre sens. Bref, la taxe d'habitation fondée sur des bases de 71 – si j'ai bonne mémoire – est très inadaptée, ne ressemble plus à grand-chose et il y a de bonnes raisons de vouloir rendre cela plus normalisé.
Un intervenant. – Cela signifie-t-il que vous abandonnez le projet de révision des évaluations cadastrales engagé depuis plusieurs années ?
M. le MINISTRE. – Je m'évertue à vous dire que rien n'est abandonné puisque rien n'a encore été choisi. Le problème, je viens de l'évoquer à l'instant. Les bases cadastrales sur lesquelles on fonctionne datent du début des années 70. La révision faite en 90 n'a jamais été mise en oeuvre. La difficulté que pose cette révision de 90 est qu'elle date d'une époque où l'on était au pic de l'immobilier. On peut penser que même cette révision-là est perverse sous beaucoup de points de vue par rapport à la situation actuelle. Si l'on veut introduire une révision des bases, il faut sans doute se livrer à un nouvel exercice de révision de ces bases. La révision de 90, en raison du caractère très exceptionnel de l'évolution de l'immobilier à cette époque, ne correspond pas à grand-chose.
Un intervenant. – Je voudrais dire un mot du Japon, suite à la réunion du G7. Avez-vous le sentiment que les Japonais sont plus clairs sur les réformes qu'ils veulent mettre en oeuvre et qui seraient susceptibles de renforcer un peu...
M. le MINISTRE. – Il y a eu hier, comme il y a tous les 15 jours ou 3 semaines, une discussion des suppléants du G7 à laquelle participait Jean LEMIERE – ? – Il n'y avait pas que le Japon à l'ordre du jour. Il y avait la Russie et d'autres sujets.
La situation japonaise continue d'être préoccupante, on ne peut pas dire le contraire. Un dollar à 140 yens est quelque chose que l'on n'a pas vu depuis le dernier pic qui date de 90. Entre temps, on est passé à 90 ce qui était sans doute trop fort dans l'autre sens. On voit bien tous les inconvénients qu'il peut y avoir à ce que le yen dérape trop, notamment la stabilité pour le moment acquise et souvent réaffirmée de la monnaie chinoise n'est pas obligatoirement susceptible de pouvoir tenir si la parité du yen se mettait à glisser trop fortement. Les Japonais, vous le savez, ont mis en oeuvre un plan de réforme qui, dans les chiffres, est très massif. Lors de la dernière réunion du G7, à Washington, j'ai demandé à mon Collègue japonais quand il escomptait avoir les premiers résultats. Il m'a répondu juillet. Il est normal qu'il y ait un délai de traduction. J'attends de voir les chiffres du mois de juillet de l'économie japonaise pour voir dans quelle mesure ces différentes dispositions donnent des résultats. Je crois que cela doit en donner puisque la masse de milliards mise en cause est quand même conséquente.
D'un autre côté, on sait bien que certaines des modalités du plan peuvent sembler l'affaiblir, notamment le fait que les réductions fiscales organisées sont temporaires. Je ne veux pas jouer au « vieux prof » mais il y a un bon paquet de théories économiques pour expliquer que lorsque des fluctuations sont annoncées comme temporaires, elles donnent lieu à des comportements d'épargne plutôt qu'à des comportements de consommation. Si c'est le cas, l'épargne japonaise se gonflera mais pas beaucoup la consommation. Or, justement, l'objectif est inverse. Il y a des arguments pour dire que ce ne sera pas le cas au Japon. Les comportements japonais sont différents dit le ministère des finances japonais. Je n'en sais trop rien. Je crois quand que même que la masse, l'ampleur du mouvement engagé ne peut pas être sans conséquence. Mais il faut attendre juillet.
Dans l'intervalle, le dérapage du yen se poursuit lentement. Ce n'est pas tellement le yen mais l'ensemble de la situation japonaise qui continue de constituer un souci. Je veux croire que le ministère des finances japonais a bien calibré son affaire et qu'en dépit des délais nécessaires, à partir du début de l'été, donc juillet, on verra le mouvement s'inverser.
Un intervenant. – Et si on ne le voit pas ?
M. le MINISTRE. – Si on ne le voit pas, on en reparle au point de presse de juillet !
On verra obligatoirement quelque chose. On ne peut pas avoir 7.000 milliards de yens qui se promènent ainsi sans qu'il se passe rien. On peut petit-être voir pas assez. Si on ne voit pas assez, ce sera au Gouvernement japonais de recalibrer son affaire. Mais il est raisonnable quand même, en dehors de toute langue de bois, d'attendre les effets de ce plan, dont il est clair qu'il demande un certain nombre de semaines pour se traduire dans la réalité, pour porter un jugement.
Un intervenant. – Pour l'instant, pas d'action concertée sur le yen.
M. le MINISTRE. – Il n'y a pas de décision d'action concertée sur le yen. Ce n'est pas tout à fait la même chose que ce que vous avez dit.
Un intervenant. – J'ai bien compris.
Un intervenant. – Il y avait une autre question devant le G7, celle de la Russie. Je voulais vous poser une question sur le FMI en particulier. Vous avez beaucoup parlé de la nécessité d'avoir une sorte de gouvernement européen face à la banque centrale européenne. Je ne vous ai jamais entendu, ni vous ni d'autres responsables européens, critiquer le FMI qui est considéré comme beaucoup comme ayant joué un rôle néfaste et dangereux en Asie et peut-être en Russie maintenant.
Croyez-vous que ce que l'on appelle cette tranche de 670 millions de dollars (devant le G7 et le FMI) est un bon remède pour les problèmes que M. ELTSINE et le Gouvernement russe posent actuellement ? De plus, question de fond, croyez-vous le temps venu pour sérieusement reformer l'ordre du FMI devant les gouvernements ?
M. le MINISTRE. – Je commence par la deuxième question.
Oui, le temps est venu. J'ai d'ailleurs fait des propositions en ce sens au dernier Comité intérimaire. Je ne sais si le temps est venu, il n'y a pas de rupture aujourd'hui mais il est plus que temps de réformer le fonctionnement du FMI dans 2 directions. La première, c'est l'extension de son intervention non seulement à la régulation des balances de paiements, balances courantes, mais à l'ensemble des mouvements de capitaux. Des décisions ont commencé à exister. C'est un discours que je liens depuis la réunion du FMI de Hong Kong, septembre dernier. La crise asiatique, de ce point de vue, est très caractéristique d'une situation dans laquelle tout le monde vante la globalisation financière, tout le monde dit avec des yeux émerveillés que nous entrons dans un monde nouveau mais nous n'avons pas du tout les instruments qui permettent de savoir exactement ce qui se passe, d'organiser des transitions progressives vers des économies financières plus ouvertes.
Ce n'est pas exactement le FMI ; ce sont plutôt les associations de Bretton Wood – ? – en général, pour être plus clair. Mais cela doit être de faciliter ou de permettre, sans heurt, ce passage, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à maintenant. Le FMI a son champ d'intervention défini par ce qui était nécessaire au lendemain de la guerre ; aujourd'hui, nous avons besoin de bien autre chose.
Le deuxième axe de réforme du FMI, c'est qu'il faut que le Comité intérimaire prévu pour cela par les statuts du FMI qui indiquent que « au bout d'un certain temps », le Comité intérimaire... Cela fait cinquante ans. On peut considérer que le « au bout d'un certain temps » est satisfait. Le Comité intérimaire doit devenir un organe de décision et non pas seulement un organe de consultation. Je propose que le Comité intérimaire devienne un organe de décision et que, sur un certain nombre de sujets, ce soit au Comité intérimaire et non pas au Conseil d'administration du fonds, que se prennent ces décisions.
Le premier thème que j'évoquais, était le champ couvert ; le deuxième, est le mode de fonctionnement. Dans ces deux dimensions, il est nécessaire que les associations de Bretton Wood, à commencer par le FMI, se reforment. Notamment, parce que l'on a besoin de beaucoup plus d'information, de plus de transparence.
J'ai un point de divergence avec Bob ROBIN – ? – là-dessus. Cette transparence dont on a besoin, ne concerne pas que les associations publiques mais aussi les associations privées. Il est très important, comme tout le monde le souhaite, que les associations publiques à commencer par les banques centrales, donnent leurs positions en devises, mais ce ne sont pas tellement les banques centrales qui sont à l'origine des mouvements de capitaux spéculatifs. Si l'on veut que cela serve à quelque chose, il faut que l'on soit capable d'étendre cette transparence et ces ratios prudentiels aux différentes structures privées. Cela pose un problème éthique à nos amis Américains. Il me semble que si l'on pense que le marché ne fonctionne bien que dans la transparence, il faut avoir le courage d'aller jusqu'au bout en matière de transparence.
La Russie. Oui, il y a eu beaucoup de critiques. Il y a toujours eu beaucoup de critiques sur le rôle du FMI. Pour ma part, je ne suis pas critique à l'égard du FMI. Il pourrait être plus efficace encore si l'on faisait les reformes que, d'un mot très rapide, je viens d'évoquer. Il faudrait entrer plus dans le détail mais j'ai écrit du papier là-dessus. Il y a plus de détails disponibles. Il pourrait fonctionner mieux. Pour autant, ce qui existe ne fonctionne pas si mal.
Pour ce qui est de la Russie, M. KIRIENKO – ? – était à Paris il y a quelque temps. Durant son séjour, il n'y a pas eu de demande d'aide bilatérale de la part de la Russie. Ce n'était pas notre position d'accepter une aide bilatérale si elle avait été demandée mais elle ne l'a pas été. Note sommes favorables à des opérations multilatérales si elles doivent exister. Et hier, lors de cette discussion à laquelle vous faisiez allusion, il n'y a pas eu de demande d'assistance financière faite par la Russie sur le plan multilatéral cette fois.
La priorité du Gouvernement russe me semble juste. C'est celle de la réforme fiscale. J'en ai discuté avec M. KIRIENKO il y a quelques jours. Il est tout à fait conscient de ce que la réforme fiscale, au sens de la réforme du code des impôts, est une chose et qu'autre chose, plus importante encore à court terme, est, en dehors de la réforme, la capacité à lever l'impôt qui est aujourd'hui censé être payé et qui ne l'est pas. C'est la réalité de la recette fiscale. Tout cela me semble bien mesuré, bien vu par le Gouvernement russe. Le problème est celui de sa capacité à le mettre en oeuvre. De toute façon, pour moi, si d'une manière ou d'une autre des soutiens doivent être apportés au Gouvernement russe, c'est bien par le biais du FMI et de la banque mondiale et non pas par des actions bilatérales quelconques.
La question de savoir si cela suffira, comment cela va évoluer, est trop compliquée pour moi.
Un intervenant. – Le problème avec cette analyse, c'est que chaque fois que les Russes se trouvent devant une échéance, c'est le cas maintenant, ils font beaucoup de promesses mais rien ne se passe. Il y a un an, on était devant la même situation. Ils n'ont pas un sou de plus mais il y a quand même une tranche 670 millions de dollars qui va être versée. Mais vous n'avez pas décidé hier sur cette tranche.
M. le MINISTRE. – Ce n'est pas faux. Notre rôle n'est pas celui de la punition. Il est de faire que le système fonctionne et donc d'aider le Gouvernement russe, qui en a la volonté claire, de faire que l'économie russe se remette sur pied. Comme il y a des contreparties demandées à l'aide, il faut que ces contreparties suivent, vous avez raison. Mais il faut voir, lorsque les contreparties n'ont pas été réalisées, pourquoi. Est-ce parce qu'elles n'ont pas été suffisamment recherchées ? Est-ce parce que les conditions de fonctionnement de l'économie russe sont à ce point difficile, qu'il n'a pas été possible de faire mieux ? Il y a toujours un peu des deux, a vrai dire.
Je ne conçois pas le rôle des associations internationales comme un rôle de gendarme. Les associations internationales sont là pour être capables de faire fonctionner un système qui à l'évidence ne fonctionne pas sans qu'il y ait de l'intervention. Ce qui renvoie à un débat plus philosophique sur le rôle de l'intervention dans l'économie et le rôle des marchés. On ne va pas le mener maintenant.
Un intervenant. – Peut-on revenir aux affaires franco-françaises ?
On a parlé des axes de la réforme de la taxe d'habitation. On n'a pas parlé des axes possibles de la réforme de la taxe professionnelle. Jusqu'à présent, il a surtout été évoqué la question d'une péréquation au sein des communes et des problèmes de distorsion créés par le fait qu'il peut y avoir des taux différents. Qu'elle pourrait être l'ambition de la réforme ? Pourrait-il être aussi question de modifier la base même de l'imposition ?
M. le MINISTRE. – Votre souci d'avoir de l'information fiscale est légitime car c'est celle de vos lecteurs et de vos auditeurs. Mais je ne veux induire personne en erreur et surtout pas vous.
Le Gouvernement, encore une fois, n'a rien décidé pour le moment. On approche de la date à laquelle une décision va être prise. Je ne fais qu'un panorama. En matière de fiscalité locale, il est clair. Le problème de la taxe d'habitation c'est la justice du prélèvement. Si une réforme a lieu, elle peut être reporté pour des tas de raisons, c'est ce thème qui doit être pris en compte.
La réforme de la taxe professionnelle est attendue. François Mitterrand trouvait que c'était un peu ambitieux en 1981. Cela fait longtemps. On pourrait même dire que la réforme de la taxe professionnelle est attendue depuis le jour où elle a été mise en place. En effet, on s'est alors rendu compte que ce n'était pas un bon produit. Pour moi, elle n'a toujours pas été faite. Je ne sais pas si elle sera faite pour l'année prochaine. Cela dépend de l'équilibrage général qui sera choisi. Si elle est faite pour l'année prochaine, l'axe général n'est plus tellement un problème de justice mais un problème d'efficacité économique ou, plutôt, c'est un problème de justice entre les communes (c'est le problème de la péréquation que vous évoquiez) et c'est un problème d'efficacité économique en tant que mode de financement de la dépense locale. On voit bien alors que le reproche fait à la taxe professionnelle est fondé, à savoir pénaliser systématiquement les entreprises de main d'oeuvre parce qu'une partie de leur assiette est fondée sur les salaires. C'est une critique qui ne peut pas être écartée du revers de la main.
Je veux être bien clair avec vous. Cela ne veut pas dire, pour la taxe professionnelle comme pour la taxe d'habitation, que je suis en train de vous dire qu'il va y avoir une réforme. J'en suis incapable, le Premier Ministre n'a rien tranché. Mais l'axe de réforme, s'il doit y en avoir une évidemment, est celui de l'efficacité vis-à-vis de l'emploi. Soyons bien clairs entre nous.
Un intervenant. – L'alternative sur la TP, que serait une assiette plus efficace économiquement ?
M. STRAUSS-KAHN. – Plusieurs propositions ont été faites par des experts et des forces politiques.
Il y a ceux qui pensent qu'il faut passer à une assiette valeur ajoutée simple tirant argument de ce que le plancher et le plafond de valeur ajoutée institués année après année crée déjà une logique pour avancer vers cela.
Il y a ceux qui pensent que ce n'est pas la bonne méthode pour 36 000 raisons dans lesquelles je n'entre pas, et qu'il faut, au contraire, diminuer la part salaire dans le calcul de la taxe professionnelle.
Il y a ceux qui pensent qu'il faut la supprimer carrément, mais de ceux-là, je n'ai reçu que des propositions de suppression, mais pas des compensations financières. Je ne sais pas aller jusqu'au bout de leur raisonnement.
Un intervenant. – Comment s'articulera cette réforme avec (inaudible) de stabilité dont les communes réclament une négociation ?
M. STRAUSS-KAHN. – Je suis incapable de vous dire comment cela va s'articuler puisque la réforme n'a pas été arbitrée.
Un intervenant. – Dans votre calendrier budgétaire, vous annoncez que la partie dépenses va être bouclée dans les prochains jours. Or l'enveloppe des concours financiers de l'Etat et collectivités locales est un élément essentiel.
M. STRAUSS-KAHN. – Non, c'est un élément.
Un intervenant. – Il y a quand même la part importante de ce que l'Etat verse au titre de la taxe professionnelle.
M. STRAUSS-KAHN. – D'accord, mais ce qui est déterminant ou pas pour le budget, ce n'est pas la part de chacune des dépenses, mais la variation de chacune des dépenses. Je ne voudrais pas vous laisser tirer d'une intervention de votre part, que je n'aurais pas corrigée, que la variation des dépenses consacrées aux collectivités locales sera obligatoirement très importante.
Vous avez raison de dire que les deux sont liés. Cela veut dire qu'avant que le volet dépenses ne soit totalement bouclé, il faudra que le Premier Ministre ait fait ses arbitrages fiscaux.
Un intervenant. – Il y aura négociation avec les élus ?
M. STRAUSS-KAHN. – Une concertation avec les élus, oui, négociation, ce n'est pas exactement le terme. Il est clair que des discussions ont lieu depuis un certain temps. Je vois qu'ils ne vous ont pas informés !
Un intervenant. – Vous avez parlé dans le rapport que vous avez remis pour le débat d'orientations budgétaires de « programmation pluriannuelle » pour les finances publiques. Quel est le contenu de cette réforme et quelles en seraient les conséquences ?
M. STRAUSS-KAHN. – C'est une pratique très fréquente chez nos voisins, qui en France a un fondement légal depuis assez longtemps, depuis une dizaine d'années, peut-être même plus, à savoir que, théoriquement, l'Etat doit fournir des projections triennales, mais il ne le fait pas trop.
L'idée est d'avoir un plan glissant comme toute entreprise fait d'ailleurs des plans réévalués année après année sur deux, trois, voire quatre années de finances publiques pour voir comment les choses se profilent et chaque année, les réajuster en fonction des décisions prises. Les Allemands le font depuis toujours, le rendent public.
On doit pouvoir retrouver cela dans vos archives, je crois que c'est la loi de plan, en tout cas, il y a plus de 10 ans que la France est censée faire cet exercice. Elle l'a fait une fois et ensuite elle s'est dépêchée de ne plus le faire. La plupart de nos voisins le font. Cela fait partie du pacte de stabilité et de croissance. Pour la fin de l'année, on fera un exercice de cette nature.
Un intervenant. – Cela pourrait-il contenir un engagement à long terme sur les dépenses, notamment qu'elles ne dépassent pas un certain volume, on pourrait penser à 1 % ?
Vous avez dit à l'Assemblée nationale que l'important en matière de dépenses, c'était l'effort sur la longue durée.
M. STRAUSS-KAHN. – C'est exact. Si je l'ai dit, c'est que c'est vrai. Au-delà, le fait que l'effort soit sur la longue durée ne veut pas dire qu'on puisse fixer le chiffre de l'effort à l'avance. Cela dépend de la croissance et du reste de la conjoncture.
Il faut faire des prévisions à long terme et des projections, toute chose égale par ailleurs, sur deux, trois ans, pourquoi pas quatre, quatre cela devient périlleux.
Il ne s'agit pas de se donner une norme. Cela voudrait dire que l'on fixe une politique budgétaire pour dans trois ans alors qu'on ignore tout de la situation qui sera celle dans trois ans.
Il ne s'agit pas de dire : « On trace le fil et l'on s'y tiendra », mais : « Voilà le fil dans lequel on est, si rien ne bouge par ailleurs ». Il est probable que beaucoup de choses bougeront, notamment la conjoncture internationale. Il faudra réajuster. C'est pour cela que ce sont des prévisions glissantes.
Il ne faut pas confondre avec une norme ou une sorte de contrainte ou l'on dirait : « Voilà, pour les quatre ans qui viennent, cela va se passer comme cela ». Ce genre de politique budgétaire automatique n'aurait pas beaucoup de sens.
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Un intervenant. – La Russie était représentée à la réunion du G7 ?
M. STRAUSS-KAHN. – Non, comme son nom l'indique le G7, ce n'est pas le G8. Il y a eu une discussion comme elle a toujours lieu entre les membres du G7. La conclusion qui en a été tirée est que personne n'avait reçu de demandes d'aide financière de la part de la Russie.
Je vais à Cardiff lundi, vous savez ce qu'il y a à l'ordre du jour de ce sommet.
En gros, il y a deux gros paquets : un paquet grandes orientations de politique économique et plans nationaux pour l'emploi, c'est-à-dire la suite de Luxembourg. Les pays remettent leur plan sur l'emploi.
Vous aurez noté avec gourmandise que la commission disait que le plan français était l'un des deux meilleurs, l'autre étant l'Espagne.
L'autre gros sujet est l'agenda 2000. C'est un gros sujet, mais il ne va pas se passer grand-chose. On verra. C'est un sujet compliqué puisqu'il touche à la fois des considérations budgétaires, à la politique agricole commune, à l'élargissement, etc. Je ne suis pas certain qu'on aboutisse cette fois-là.
Il est très intéressant de voir que ce premier sommet après l'euro traitera peu de l'euro parce que je crois que nous avons vraiment fait 95 % de ce qu'il y avait à réaliser en matière d'euro, maintenant le problème est un problème concret de mise en oeuvre, d'acceptabilité par les citoyens.
De ce point de vue, le travail sera au moins aussi important dans les mois qui viennent qu'il l'a été dans le passé.
Vous aurez ici, sur les aspects techniques, avec vos correspondants habituels et sur les aspects plus concrets de communication et d'information dans la personne de Philippe GRANDJEAN, que j'ai vu tout à l'heure, des correspondants que vous pourrez joindre autant que vous voudrez.
J'attache beaucoup d'importance dans les six mois qui viennent, (avant le 1er janvier, et cela continuera après) au travail que nous avons à faire de ce côté-là.
On a bien réussi (le « on » étant très collectif et remontant loin dans le passé) la mise en place technique de l'euro, à la surprise de beaucoup d'observateurs extérieurs, voire intérieurs qui pensaient que cela ne se passerait jamais.
On n'a pas mal réussi – je dis « pas mal » parce qu'on est loin d'être arrivé au bout du terme – la partie politique de l'euro, la mise en place de l'euro 11, l'existence d'un groupe de pilotage dont l'importance apparaîtra de jour en jour.
Reste la partie populaire, quotidienne, de l'euro. Quotidienne plutôt que populaire puisqu'elle concerne aussi bien les entreprises que les citoyens.
Il y a eu beaucoup de travail de fait, mais on est encore loin du compte. C'est clair.
L'importance de ce qu'il y a à faire dans ce domaine-là est aujourd'hui primordiale. Le reste est déjà très engagé.
C'est pour cela que l'on vous a fait le dossier qui est ici, qui sert de point de départ à cette nouvelle phase de perception par les entreprises françaises ou par les citoyens du passage à l'euro. On va être très attentif à la façon dont les choses se passent.
De votre côté, je ne sais pas si je dois vous inviter à une collaboration, parce que vous allez prendre cela comme une tentative de subordination insupportable. Mais si vous avez le sentiment, parce que vous êtes au contact de vos lecteurs et d'une partie importante de la population, que dans tel ou tel domaine, personne n'y comprend rien, pour parler vite et clair, faites remonter l'information.
On a de grandes oreilles à l'écoute de la population, mais il n'est pas obligatoire qu'elles soient toujours aussi efficaces. Nous sommes très preneurs de vous comme vecteur d'informations dans un sens, c'est normal, c'est votre fonction, mais aussi comme remontée d'informations.
C'est une grande cause nationale quoi que l'on en pense sur le fond, maintenant, on est dedans. Il ne me paraît pas absurde de proposer à tout le monde d'y collaborer de façon active. C'est l'intérêt général. Sachez que je suis très preneur de ce que vous pouvez faire.
Vous avez vu qu'on a lancé dans le ministère une opération où les agents du ministère, moi en tête, ont été faire, dans ces fameuses classes de CM2, des présentations.
J'ai constaté que l'heure de présentation que j'ai faite avait un intérêt limité. En revanche, pour la préparer, les gamins avaient travaillé des heures et des heures. C'est intéressant. Il y avait une cinquantaine de gamins. Ils avaient beaucoup travaillé. C'était la même chose dans les autres classes, ce n'était pas à cause de ma venue qu'ils avaient plus travaillé qu'ailleurs !
Il me semble que le fait de choisir, ce qui n'est pas exclusif d'autres choses, des enfants pour faire remonter l'information dans les familles est stratégiquement assez habile. Si les gamins se mettent dans le jeu, ils diffuseront vers leurs
Pour le moment, j'avais annoncé 10 000, 7 600 ont eu lieu, des agents de toute catégorie, dont 250 de l'administration centrale et 15 du cabinet. Je voudrais savoir quels sont les autres du cabinet qui se sont défilés !
Cela fait 325 000 élèves touchés. Cela ira jusqu'à son terme dans les deux semaines qui restent. On refera des opérations de ce type.
L'information à cette sensibilisation doit être récurrente pendant des mois et des mois. Je suis long et lourd sur ce sujet, mais je voudrais vous faire comprendre que l'on en fait un objectif important.
Je suis convaincu que les actions qui peuvent paraître un peu, je ne dirai pas, « gadget », mais secondaires, prises isolément, en masse, sur la longue période, constituent un vrai moyen d'information en profondeur de la population. Il faut que cela se passe deux, trois, cinq fois par ce canal et d'autres canaux. Au bout du compte, cela change l'information diffusée.
Bon jeudi.