Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur le service public audiovisuel, les conséquences du numérique pour les entreprises de communication, et les actions en faveur de l'industrie des programmes par la défense de l'exception culturelle, Hourtin le 30 août 1996.

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Circonstance : Université d'été de la communication à Hourtin du 26 au 30 août 1996

Texte intégral

L’honneur me revenant de conclure, pour la seconde année consécutive, l’Université d’été de la communication, je souhaiterais vous dire mon plaisir toujours renouvelé d’intervenir dans une manifestation, dont il faut souligner une nouvelle fois la très grande qualité.

« Inventons la cité numérique » : Voici un programme dont l’intérêt et l’ambition vont être au cœur.de ce changement de siècle et de millénaire.

À la question, « croyez-vous au numérique ? », je réponds oui.

Je n’aurai ni l’ambition, ni la prétention, aujourd’hui, après une semaine, où experts, professionnels et politiques ont fait part de leurs expériences, de leurs convictions et de leurs doutes, d’apporter une réponse définitive à cette injonction.

Plus modestement, je me contenterai d’apporter quelques éléments d’information à certaines questions qui ont, je crois, – si j’en juge par les comptes rendus de la presse – occupé les esprits au cours de cette semaine, et qui ne concernent pas toutes le numérique.

Et pour cela je vous propose d’examiner successivement les actions qui semblent nécessaires pour préparer l’arrivée du numérique :

(I) D’abord je voudrais vous parler du service public audiovisuel ;

(II) Ensuite des conséquences à tirer du numérique pour l’ensemble des entreprises de communication, qu’il s’agisse de la télévision, de la presse ou de la radio ;

(III) Et enfin, je conclurai par les actions à mener pour nos industries de production audiovisuelles et cinématographiques, qui sont au cœur de la bataille du numérique : c’est-à-dire le contenu.

I. – Quel service public audiovisuel pour faire faces ces défis ?

Vous permettrez, au ministre chargé de la tutelle du service public audiovisuel, de s’exprimer en premier lieu sur les évolutions nécessaires de ce denier.

En effet, le service public est directement concerné par l’arrivée du numérique. Et, ce à double titre :
En premier lieu parce que face à une offre croissante de nouvelles chaînes, le service public devra, plus que jamais, trouver les moyens de demeurer, face à cette concurrence accrue, un pôle de référence. Il ne faut pas oublier, non plus, que l’utilisation d’un réseau hertzien terrestre restera, pendant longtemps encore, le moyen démocratique le plus fort pour répondre aux besoins du plus grand nombre.

En second lieu, parce que le secteur public ne peut pas rester absent face aux développements de nouvelles technologies. Il y va de son avenir.

Le service public audiovisuel a les moyens de relever ce défi, grâce notamment à la qualité de ses équipes et à leur capacité de mobilisation au service de la différence. Il en a aussi le devoir.

Mais le secteur présente aussi des faiblesses, qui tiennent en particulier à une certaine dispersion des moyens, à une insuffisance de synergie, qui peuvent conduire à des problèmes d’identité.

C’est la raison pour laquelle, estimant qu’il était indispensable que le secteur audiovisuel public puisse consolider ses assises pour être à même de répondre aux évolutions à venir, le gouvernement a retenu un ensemble de mesures qui devrait permettre au secteur public de s’appuyer sur ses forces, en maîtrisant ses faiblesses.

Elles visent à créer plus de cohérence dans l’organisation du secteur public audiovisuel, plus de complémentarité entre ses identités, et elles doivent permettre d’obtenir un meilleur usage dans la mise en œuvre des ressources.

Le temps de mener certaines réformes de structure est venu.

A. – Affirmer l’identité du secteur public.

En premier lieu, je souhaiterai rappeler que si certains événements récents ont pu conduire à une interrogation, pour partie légitime, sur le rôle et le fonctionnement de la télévision publique, il serait tout à fait impropre de parler dans notre pays de « Crise » de la télévision publique.

D’abord parce que toutes les enquêtes et études montrent que l’image de la télévision publique est plutôt bonne, voire très bonne.

Ensuite, parce que la France fait partie des pays d’Europe occidentale comme l’Allemagne, l’Italie ou la Grande-Bretagne, ou la télévision publique, avec plus de 40 % de parts d’audience, joue un rôle important dans le paysage audiovisuel.

En revanche, il peut exister ici ou là des questions récurrentes du type : à quoi sert la télévision de service public ? Qu’est-ce qui la distingue d’une chaîne commerciale ?

Sur ce sujet j’aimerais faire quelques observations :

D’abord je considère que le financement mixte de la télévision par la publicité et la redevance doit être maintenu.

D’une part, parce que les risques que fait peser la publicité sur la nature et l’orientation des programmes peuvent être maîtrisés. Et je crois qu’une chaîne comme France 3, pour ne citer qu’elle, en a fait la preuve.

D’autre part, parce que la publicité est l’indispensable complément si l’on veut maintenir une redevance parmi les moins élevées d’Europe. Ce qui est une préoccupation forte du gouvernement, et un souhait légitime de nos concitoyens.

En second lieu, le secteur public n’a pas vocation à tout faire. Et ceci est particulièrement vrai dans les développements permis par la diffusion numérique.

Ainsi s’il était indispensable que le service public audiovisuel participe à un bouquet numérique – ce qui explique la présence de France Télévision dans TPS –, nous avons souhaité, avec le président de France Télévision, Xavier Gouyou-Beauchamps, que cette présence soit limitée à 8 %, car France Télévision n’a pas tant vocation à être opérateur que diffuseur de programmes.

Et dans ce domaine aussi, au-delà des chaînes thématiques déjà engagées comme Festival, France Supervision et Euronews, France Télévision n’a pas vocation à éditer une multitude de chaînes, mais plutôt un nombre limité de chaînes correspondant à ses missions.

Ces nouvelles chaînes thématiques du service public pourraient d’ailleurs être regroupées dans une structure commune à plusieurs sociétés du service public audiovisuel, comme le préconise M. Philippe Chazal dans le rapport qu’il m’a remis en juin dernier.

Enfin, concernant l’identité des différentes chaînes publiques, je crois que pour l’essentiel celles-ci sont bien affirmées. Certes, il y a des exceptions comme France 2, dont l’identité demeure difficile à fixer. Mais je pense que progressivement, et la nouvelle grille de rentrée permettra sans doute d’aller dans ce sens, les équipes de France 2 et le président de France Télévision, Xavier Gouyou-Beauchamps, sauront affiner et affirmer cette identité.

S’il est de la responsabilité des équipes dirigeantes de chaque société de veiller à l’identité de chacune des chaînes prises individuellement, ma responsabilité est d’assurer la cohérence, de l’ensemble des chaînes publiques dans leurs missions et leurs actions.

En effet, le respect et la définition de l’identité des différentes chaînes publiques ne doit interdire ni la coopération entre chaînes, ni la recherche de complémentarité. Bien au contraire.

C’est pourquoi certaines adaptations concernant les structures du secteur public audiovisuel seront mises en œuvre dans les mois à venir. Elles visent à rendre celui-ci plus cohérent, donc plus fort.

Face aux nouveaux enjeux qui se dessinent avec le développement de la compression numérique et confronté à une évolution de ses ressources publiques qui doit intégrer la contrainte générale qui passe sur le budget de l’État, une réorganisation de certaines structures du secteur public audiovisuel s’imposait.

B. – « Réarticuler l’ensemble » du secteur public.

a) France Télévision : vers une véritable organisation de groupe.

En premier lieu une réorganisation juridique au sein de France Télévision est nécessaire :

Ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire des contrats des animateurs-producteurs » a en effet soulevé :
    – le problème de la transparence du fonctionnement de la présidence commune, en raison de son absence de personnalité juridique ;
    – et celui de la clarté des responsabilités, les décisions relevant de la présidence n’étant pas précisément définies, ce qui a pu conduire à une confusion des rôles entre les équipes de direction des chaînes et la présidence commune.

Enfin, les capacités d’évolution de France Télévision sont bridées par l’absence d’une structure de groupe mieux défini. Regrouper autour de ce pôle d’autres antennes ou d’autres fonctions est plus difficile sans structure juridique d’accueil autre que les chaînés déjà en place.

Si cette formule a permis un premier rapprochement des deux chaînes, elle reste inachevée.

La présidence commune est un instrument sans personnalité morale, ni budget propre, ni conseil d’administration pour le contrôler.

Il faut donc organiser France Télévision en vrai groupe, avec une personnalité morale, des comptes et des moyens propres.

Nous avons donc décidé avec le président de France Télévision, de mettre à l’ordre du jour des prochains conseils d’administration de France 2 et France 3, qui se tiendront en septembre, la création d’une filiale commune, sous forme de société ou de GIE, qui regrouperait :
    – la présidence commune ;
    – les services communs à France 2 et France 3 ;
    – et les participations communes.

Une fois cette mesure d’effet immédiat prise qui apportera une première réponse à un vide juridique, il conviendra de réfléchir à la transformation de France Télévision en créant éventuellement une société holding de France 2 et France 3.

Une telle évolution ne me semble pas exclue à terme.

b) L’adossement de l’audiovisuel extérieur sur les chaînes nationales.

Le gouvernement a également décidé de créer un pôle radio extérieur avec RFI, dont Radio-France devient actionnaire pour un tiers. De son côté le président de RFI participera au conseil d’administration de Radio-France. Ainsi la politique actuelle de coopération entre Radio-France et RFI se trouvera accentuée par le jeu de synergies, facilitées et indispensables.

Ces dispositions figurent dans le projet de loi que je présenterai au conseil des ministres, en octobre prochain.

Concernant le pôle de la télévision extérieure, la décision a été prise par le gouvernement de l’adosser aux diffuseurs nationaux, en dormant la majorité de la holding qui contrôlera notamment TV5 et CFI à France Télévision. Mon collègue le ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, mettra en place cette nouvelle structure.

Là aussi, ces réformes de structures visent à utiliser au mieux les moyens existants, en évitant la dispersion, et parfois la confusion, pour accentuer les synergies et la coopération.

Cette nouvelle orientation qui vise à adosser très fortement l’audiovisuel extérieur sur les chaînes publiques nationales, m’a toujours semblé souhaitable. Elle est sans doute de nature à nous permettre, dans le domaine de l’action audiovisuelle extérieure d’obtenir des progrès sensibles.

c) Le regroupement de la Cinquième et de la Sept-Arte

J’en viens à présent à cette particularité de notre secteur audiovisuel public qui consiste à avoir deux chaînes distinctes, et deux sociétés séparées sur un même canal de diffusion hertzienne, je veux bien sur parler de la Cinquième et de la Sept-Arte.

Si nous voulons préserver les marges de manœuvre et les moyens du secteur audiovisuel public, alors que l’État fait un effort sans précédent pour contenir l’ensemble des dépenses publiques, il faut rationaliser l’usage des moyens.

Pouvait-on continuer à avoir deux sociétés publiques sur un seul canal de diffusion, dont la coopération sur tous les points, est des plus limitées, comme le montre le bilan du GIE existant.

En regroupant les deux sociétés (la Cinquième et la Sept-Arte, pôle français d’Arte) nous ferons des économies, et nous aurons dans le domaine des programmes comme dans celui de la gestion davantage de synergie et de coopération.

Ainsi serait créée une nouvelle société qui avec un budget voisin de 1,8 milliards de francs, aura les moyens de ses ambitions... et sera à même d’utiliser au mieux ses moyens.

Une telle réorganisation des supports entre la Cinquième et la Sept/Arte, a déjà fait l’objet de plusieurs échanges de vues avec nos partenaires allemands qui sont naturellement concernés au tire d’Arte. La mise en œuvre du schéma de réorganisation, la Cinquième/la Sept-Arte, se fera naturellement en recueillant l’avis de nos partenaires allemands et en donnant toutes les garanties prévues par le traité et nécessaires pour que nous puissions continuer à mener ensemble notre projet commun dans les meilleures conditions.

Ce regroupement devra permettre de garder deux chaînes distinctes et de maintenir l’indépendance de leurs lignes éditoriales comme c’est le cas aujourd’hui.
Mais il importe, en l’espèce, de ne pas confondre indépendance et ignorance réciproque.

Je tiens à souligner devant vous, qu’un tel regroupement n’est pas un acte ponctuel et de circonstance, mais s’inscrit dans une politique ambitieuse pour le service public audiovisuel, qui se trouvera ainsi réorganisé en deux pôles :
France Télévision, dont les deux chaînes généralistes répondent à une économie de marché spécifique avec pour France 2, des objectifs de diffusion grand public, et pour France 3, une dimension régionale.
Le pôle Arte/La cinquième dont la mission éducative et culturelle, à vocation européenne, répond à une autre économie, celle d’une télévision de l’offre.
Je précise d’ailleurs que les liens notamment de coproductions et d’échange de programmes entre ces deux pôles, devront également être renforcés.
Une mesure législative proposant au Parlement ce regroupement devrait figurer dans le projet de loi sur l’audiovisuel que je présenterai.

d) Vers une BBC à la française ?

Si l’ensemble de ces réformes de structures est important – et je dirais d’autant plus important qu’elles procèdent par rapprochement, par simplification, alors que jusqu’à présent les reformes se faisaient plutôt par adjonction, par création de chaînes ou d’organismes nouveaux ; Peut-on pour autant parler, comme on l’a entendu, ici où là, de reformation de l’ORTF ?

Un tel rapprochement me semble pour le moins excessif et inexact, puisque ne l’oublions pas l’ORTF, c’était la radio, et la télévision, mais aussi les métiers qui sort aujourd’hui assurés par la SFP, TDF et l’INA.

En revanche, à un moment où la concurrence entre groupes multimédia est de plus en plus vive, où la tendance générale est plutôt à la concentration, je crois que la réorganisation de l’audiovisuel public que je vais, en accord avec le Premier ministre, mettre en œuvre devrait permettre au secteur public audiovisuel d’être mieux organisé, plus cohérent et donc plus efficace.

Et plutôt que de parler d’ORTF, il me semblerait plus judicieux d’évoquer le modèle de la BBC, laquelle est aussi en charge de la diffusion de l’audiovisuel extérieur.

Je souhaiterai d’ailleurs profiter de l’occasion qui m’est donnée pour évoquer un instant la question de la privatisation de la SFP qui concerne aussi, d’une certaine façon, les structures de l’audiovisuel public.

Comme vous le savez sans doute, certains syndicats représentés au sein de cette société, plaident aujourd’hui pour le rapprochement de cette entreprise avec France Télévision.

Je tiens à dire qu’une telle option ne peut constituer en aucun cas une solution, et qu’il faut lever cette fausse alternative.

En effet, cette option ne ferait que fermer la SFP à une clientèle extérieure au secteur public, et ne permettrait donc pas d’assurer la reprise de la croissance de son chiffre d’affaire, croissance qui est nécessaire pour l’équilibre de la SFP.

En second lieu, tout le monde connaît les difficultés propres de la SFP qui conduisent cette société à des pertes annuelles récurrentes. Ainsi l’État a procédé à de très importants apports de fonds : près de 2,4 milliards de francs depuis 1991.

L’option du rattachement à France 2 et France 3 n’est absolument pas de nature à permettre de remédier aux handicaps propres de la SFP.

Enfin, mais cela va sans dire, une telle solution déstabiliserait profondément France Télévision, et en particulier France 3 qui a déjà un outil de production important.

En conséquence, la privatisation de la SFP votée par le Parlement en mai dernier, et initiée par le gouvernement le 16 juillet dernier, constitue l’unique option propre à assurer l’avenir de la SFP. Tout le monde doit en être convaincu.

C. – Le budget 1997 de l’audiovisuel public

Comme vous le savez, j’avais annoncé ici même, il y a un an, la mise en place à la demande du Premier ministre d’un audit sur l’ensemble du secteur public audiovisuel, estimant qu’il fallait y voir plus clair sur les dépenses et sur les structures de nos entreprises, qu’il y avait sans doute des économies à faire et des doublons à éliminer.

Ce travail a été fait par la mission présidée par Jean-Michel Bloch-Lainé. Il a conduit à identifier un certain nombre d’économies, qui pour l’ensemble du secteur public audiovisuel seront de 610 millions de francs en 1997. L’ensemble de ces économies permettra de maintenir le niveau de la redevance, qui, rappelons-le, est inférieure à celle de nos principaux voisins, anglais ou allemand.

L’effet de ces mesures conduira à une évolution du budget de l’ensemble du secteur qui, sans être nulle ou négative, sera limitée. Il appartiendra naturellement à chaque président d’entreprise, au-delà des économies identifiées qui leur seront demandées, de choisir de faire tel ou tel redéploiement an sein de leur entreprise pour mener les actions qu’ils identifieront comme prioritaires

II. – Quelles règles pour le développement des entreprises dans le numérique ?

Mais l’arrivée du numérique n’intéresse bien-sûr pas que le seul secteur public. C’est l’ensemble de nos entreprises de communication qui sont concernées et nombre d’entre-elles, – je pense tout particulièrement à Canal+ et à ses équipes dirigeantes, qui ont lancé le premier bouquet numérique véritablement commercialisé en Europe – se sont déjà activement mobilisées pour faire face à ce nouveau défi.

Face à ce marché émergent, l’État doit naturellement se garder d’être excessivement interventionniste. II doit au contraire faciliter le développement de nos entreprises dans ces nouvelles technologies, sans leur fixer de contraintes inutiles.

Son rôle doit se limiter :
    – à fixer quelques règles simples, stables ;
    – à encourager telle ou telle initiative le cas échéant, et je pense tout particulièrement au développement de la presse écrite dans le multimédia.

Enfin à s’assurer que le consommateur ne sera pas dépourvu de repères dans ce nouvel environnement.

Je souhaiterai évoquer devant vous successivement le secteur de la télévision, celui de la presse écrite, et enfin celui de la radio, car pour chacun de ces médias, les situations sont très différentes.

1) La télévision

Concernant la télévision, et la diffusion numérique par satellite des chaînes de télévision, nous sommes aujourd’hui confrontés dans notre pays à un certain vide juridique. En effet le décret d’application prévu par la loi de 1986 n’a jamais été pris, et par ailleurs l’article de la loi qui le prévoyait ne concernait que la diffusion directe par satellite, mode de diffusion qui est aujourd’hui tout à fait résiduel. Dès lors, il devenait nécessaire de définir un nouveau régime législatif pour la diffusion par satellite.

Le régime sera défini dans le projet de loi que je présenterai en octobre prochain.

II se caractérisera par une grande souplesse, en prévoyant un simple régime de convention par le CSA des chaînes diffusées par satellite.

Outre la définition de ce régime juridique pour la diffusion par satellite, et les mesures concernant l’organisation du secteur public audiovisuel que j’ai mentionnées précédemment, ce texte devrait apporter également quelques aménagements aux pouvoirs actuels du CSA.

Mon optique est de favoriser les pouvoirs de régulation du CSA, notamment à travers le système des conventions avec les chaînes, pour aller vers des relations plus contractualisées régis par la loi ou le règlement, ce qui suppose naturellement que le CSA utilise pleinement un pouvoir de régulation, et ne renvoie pas les acteurs du secteur vers le gouvernement, pour prendre telle ou telle mesure que le CSA n’a pas souhaité faire figurer dans les conventions avec les chaînes.

Les principaux aménagements concernant les pouvoirs du CSA, porteront sur :
    – la compétence qui lui est donné pour le conventionnement des chaînes diffusées par satellite ;
    – un pouvoir de recommandation générale ;
    – un pouvoir de veille et de recommandation sur tout ce qui touche à la déontologie des programmes, et je pense tout particulièrement à la violence à la télévision et la protection des mineurs.

Enfin des dispositifs de sanctions bénéficiant de procédures de mise en œuvre plus opérantes.

Au-delà de ces aménagements législatifs, il convient d’être également attentif aux conditions d’émergence du marché de la télévision numérique, et à la situation des consommateurs face aux offres qui leur sont proposées. Je crois que s’il est bon pour le pluralisme qu’il existe dans notre pays des offres distinctes de bouquets numériques, il y aurait un véritable risque à voir deux systèmes de décodeurs totalement incompatibles coexister.

En effet le consommateur serait confronté à un choix exclusif rappelant celui qui a pu exister entre les magnétoscopes VHS et Betamax. Le risque serait alors fort de voir, en raison d’une certaine confusion, le consommateur différer son acte d’investissement.

Je crois donc qu’il faut que les opérateurs des différents bouquets numériques existants et à venir, discutent ensemble pour assurer d’une façon ou une autre – et on peut penser à un dispositif de type « simulcrypt » – des passerelles pour le consommateur entre les bouquets qui lui seront proposés.

Je souhaiterais, sur ce sujet dire, un dernier mot.

Si l’on peut considérer qu’une concurrence entre opérateurs français de bouquets numériques, puisse exister sur le territoire national, en revanche vis-à-vis d’autres pays, – et je pense à l’Europe, à l’Amérique latine et à l’Asie –, les moyens des entreprises françaises ne permettent sans doute pas la dispersion. C’est pourquoi, je vais, dans les semaines à venir, et avec l’accord du Premier ministre – qui est particulièrement sensible aux conséquences économiques et culturelles qui sont en jeu – mener une consultation avec les principales entreprises françaises concernées. Afin de voir avec elles, comment des pourraient mener des actions concertées vis-à-vis des marchés extérieurs.

2) La presse écrite

Pour la presse écrite, l’arrivée de la compression numérique, le développement des services en ligne, loin d’être une nouvelle concurrence hostile, peut-être un moyen de diversification.

En effet d’une part, l’informatique, les nouveaux services loin de faire disparaître l’écrit, le rendent toujours aussi présent. Mais surtout par la richesse de ses fonds éditoriaux, par son métier même, qui est le traitement de l’information, la presse bénéficie de nombreux atouts pour se développer dans le numérique.

À condition naturellement qu’elle en ait les moyens financiers. Or la situation de la presse écrite dans notre pays, l’existence de nombreux groupes indépendants, rendent trop souvent de tels développements, – pourtant indispensables pour l’avenir de la presse –, difficiles, voire impossibles.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de mettre en place un fonds d’aide au développement de la presse dans le multimédia.

Ce fonds d’un montant de 20 millions de francs, doit permettre d’initier de tels développements en réduisant leur coût initial. Permettant ainsi d’obtenir plus rapidement un équilibre économique.

Le gouvernement continuera naturellement à être attentif à la diversification de la presse dans le multimédia.

3) La radio

J’en viens à présent au secteur de la radio. Celle-ci, à travers la technique du DAB, va être également concernée par la compression numérique.

Comme pour la télévision, il importe donc que des entreprises privées puissent avoir suffisamment de capacités pour se lancer résolument dans ces nouveaux développements.

Or, concernant le secteur de la radio, un constat s’impose : Le paysage radiophonique a considérablement évolué ces dernières années.

La loi du 1er février 1994 a permis à des groupes de communication de disposer pour l’ensemble de leurs programmes radiophoniques d’une couverture potentielle de 150 millions d’habitants.

Cette disposition conduit donc ces radios à se livrer à une concurrence acharnée afin de se développer sur de nouvelles fréquences. Or le développement de ces groupes de radio, qui est important pour le paysage économique de notre pays, semble aujourd’hui trouver de plus en plus ses limites.

Le conseil supérieur de l’audiovisuel continue pour sa part à gérer la pénurie de fréquence, Je tiens d’ailleurs à dire ici qu’il remplit en l’espèce une fiche éminemment difficile, et je crois qu’il faut éviter dans ce domaine la critique abusive.

Le conseil supérieur de l’audiovisuel a déjà dans un passé récent chercher dans de nouvelles règles pour le passage entre les catégories B et C. Je crois que, sur ces questions, de nouvelles évolutions sont sans doute à venir.

En effet si d’un côté, il me semble indispensable que les radios associatives puissent continuer à bénéficier globalement d’un pourcentage de fréquences qui tourne autour des 25 % actuels, – à condition naturellement qu’elles assurent une véritable mission de radio associative – en revanche, en ce qui concerne les autres catégories de radio, l’évolution des groupes de radio permise par la loi du 1er février 1994 doit pouvoir continuer, pour que nous puissions disposer d’entreprises dans le secteur de la radio capables de se développer en France, et au-delà de nos frontières.

Presse, télévision, radio : voici quelles sont les initiatives qui pourront être prises pour conforter la position de nos diffuseurs et qui devraient leur permettre de répondre aux défis du numérique.

III. – Relever le défi de l’industrie des programmes passe par la défense de l’exception culturelle.

Mais n’oublions jamais, et ce sera mon dernier point, que le véritable enjeu de la « bataille du numérique » sera : la production de contenus.

Or, nous avons en France quelques atouts à faire valoir dans ce domaine. Nous sommes en effet l’un des seuls pays d’Europe à disposer à la fois d’une industrie de production audiovisuelle et d’une industrie cinématographique capables d’alimenter nos chaînes de télévision.

Je constate que d’une part le cinéma français a, au cours de l’année passée et au début de cette année, augmenté sensiblement sa part de marché dans nos salles ; d’autre part que nombre de films de fiction audiovisuels français connaissent, de plus en plus, un véritable succès auprès du public.

Ces réussites nous apportent ainsi la preuve que le combat mené pour l’exception culturelle, et le maintien des quotas de diffusion, étaient tout à fait légitimes et indispensables.

Comme vous le savez, depuis plus d’un an, j’ai continué ce combat initié par mes prédécesseurs, et j’ai obtenu de nos partenaires de l’Union européenne que le dispositif prévu par la « directive télévision sans frontière » soit conforté.

Le combat dans ce domaine n’est cependant pas achevé puisque la procédure entre le Parlement européen et le conseil des ministres prendra encore de nombreux mois. Si nous avons déjà gagné des batailles, le gouvernement comme les députés européens devront continuer à se mobiliser jusqu’à l’adoption définitive de la nouvelle directive « Télévision sans frontière ».

Mais l’exception culturelle ne se défend pas qu’à Bruxelles. D’autres négociations sont en cours, au sein de l’OCDE, et au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces négociations nous préoccupent car il convient d’éviter toute remise en cause des accords du CATS et des systèmes de protection du secteur audiovisuel français et communautaire.

C’est est pourquoi, j’ai demandé, avec le gouvernement, l’inclusion dans l’accord multilatéral sur l’investissement – qui est en cours de négociation – d’une clause d’exception culturelle qui permettrait à l’audiovisuel d’être traité différemment.

Conclusion :

En effet, ce sera ma conclusion... j’ai la conviction… – et la plupart des participants de cette université d’été de la communication, seront sans doute, au cours de cette semaine de débat et de discussions, arrivés à une conclusion voisine – que face aux enjeux culturels, sociaux, politiques que représente la « cité numérique », moins que jamais les industries de l’audiovisuel, du cinéma, de la communication, ne peuvent être considérées comme des entreprises comme les autres. Elles influeront plus que toute autre le cadre du début du millénaire à venir. Il nous appartient à nous tous, et en premier lieu au gouvernement, de nous organiser en conséquence.