Déclarations de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur la culture de l'olivier, la création d'un musée et d'un programme muséographique près du parc national du Mercantour, et sur la convention de développement culturel entre l'Etat et le département des Alpes-Maritimes, Nyons le 6 juillet 1996 et Tende le 12.

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Circonstance : Inauguration des travaux de la savonnerie de Nyons le 6 juillet. Inauguration du Musée de la Vallée des merveilles. Signature de la convention de développement culturel avec les Alpes-maritimes le 12

Texte intégral

Allocution à l'occasion de l'inauguration des travaux de la savonnerie de Nyons, samedi 6 juillet 1996

« Nyons me paraît être le paradis terrestre ». Cette phrase, Monsieur le maire, vous la connaissez sûrement ; elle a pour auteur Jean GIONO dont nous avons fêté l'année dernière le centenaire de la naissance. L'antiquité de votre cité, la douceur de son climat justifient pleinement cet éloge.

Depuis que GIONO s'est ainsi exprimé, Nyons est devenu site remarquable du goût, distinction que la ville doit à la rencontre de son histoire, de ses paysages et de ses traditions ancestrales au premier rang desquelles figurent la culture de la lavande, et bien sûr la culture de l'olivier, autour de laquelle un projet spécifique se développe.

Chacun sait ici que l'olive noire de Nyons – la tanche – et l'huile qui en est extraite bénéficient depuis 1994 de la reconnaissance de l'appellation d'origine contrôlée. Ce label, ne concerne pas la seule commune de Nyons, puisque soixante et une communes de la Drôme et du Vaucluse sont concernées. Mais l'appellation retenue est bien celle d'« Olives noires de Nyons ». Si cette mesure à une finalité agricole et commerciale, elle est aussi, aux yeux du ministre de la culture, une mesure patrimoniale, aussi importante assurément que le classement ancien de votre beau pont roman avec son arche unique.

En effet, ce n'est pas seulement un produit de la nature qui se trouve ainsi magnifié, mais un ensemble de savoir-faire et, au-delà, la préservation d'un paysage exceptionnel. Tel est bien le sens profond de la mission qu'exerce mon ministère : protéger et mettre en valeur la trace de l'homme, dans un territoire, au long de son histoire.

C'est ainsi que mes services conçoivent leur mission dans ce département. Ils y interviennent activement par la mise en place de la zone de protection du patrimoine et l'inventaire du pays de Bourdeaux et la réalisation de la carte archéologique et de l'inventaire du pays de Grignan ou nous serons tout à l'heure.

Celles et ceux qui ont ici et dans l'ensemble du département oeuvré pour que soient préservés ces sites et ces savoir-faire ont fait preuve de civilisation. Je tiens à les en féliciter publiquement. L'existence du musée de l'olivier et les activités de la confrérie des chevaliers de l'olivier concourent activement à cette démarche.

Vous avez la sagesse de prolonger cette action par une intervention économique vigoureuse marquée récemment par la création de l'institut de l'olivier. Le lien ainsi établi entre patrimoine, formation, recherche, économie, me paraît correspondre à un aspect essentiel de la politique du patrimoine que j'entends mener, à savoir son insertion dans une stratégie de développement.

C'est un des objectifs de la fondation du patrimoine que je mets actuellement en place et qui vise à concilier sauvegarde et développement, conservation et emploi, valorisation et insertion.

L'initiative prise par Monsieur Jean-Pierre AUTRAN, que je tiens à saluer, va dans le même sens. Dans ce lieu où l'on presse l'olive depuis la fin du XVIIIe siècle, la découverte fortuite de cette ancienne savonnerie, les recherches d'archives effectuées ont permis de donner une dimension supplémentaire – je devrais dire un surcroît d'âme – à ces vieux moulins à huile. C'est par amour de ces moulins et en souvenir de vos ancêtres, avez-vous dit, que vous l'avez fait. Notre réunion ici aujourd'hui avec vous témoigne que nous partageons le même amour.


Allocution à l'occasion de l'inauguration du musée de la vallée des merveilles, vendredi 12 juillet 1996

Monsieur le Président (du conseil général, le sénateur Charles GINESY),
Monsieur le sénateur-maire (de Tende),
Monsieur le professeur (Henry de LUMLEY),
Mesdames et Messieurs,

Le site de la vallée des merveilles, le plus vaste monument historique classé de France, est l'un des hauts lieux de l'archéologie préhistorique.

Les gravures préhistoriques, signalées dès le XVe siècle, qui ornent les rochers de la vallée et en font la réputation, n'ont commencé d'être étudiées que tardivement : de 1885 à 1918 avec les travaux du botaniste anglais Clarence BICKNELL qui effectua quatorze mille relevés, puis de 1927 à 1942 par le sculpteur piémontais Carlo CONTI qui en répertoria quarante mille.

Plus récemment, à partir de 1967, l'équipe du professeur de LUMLEY, directeur du muséum national d'histoire naturelle, a entrepris des relevés exhaustifs de ces gravures ainsi que leur étude. Cent mille figures ont ainsi été répertoriées dont plus de trente-deux mille représentations réparties sur trois mille six cent vingt-neuf rochers.

Cet ensemble considérable et unique en France est maintenant parfaitement daté du IIIe au IIe millénaire avant Jésus Christ.

Sa situation en plein arc alpin, dans une vallée aux formations rocheuses spectaculaires située à mille cinq cent mètres d'altitude et que domine à deux mille huit cent soixante-treize mètres la cime du Mont Bégo, est assez singulière. Les gravures elles-mêmes ont été localisées jusqu'à deux mille cinq cent mètres.

La création d'un musée consacré à ce lieu exceptionnel, riche d'un tel patrimoine, s'imposait. Sa vocation est triple.

Tout d'abord, il s'agit d'organiser la sauvegarde des gravures exposées aux conditions climatiques rigoureuses d'une vallée, inaccessible six mois par an, et, parallèlement, de sensibiliser à l'importance de ce patrimoine un public nombreux, constitué notamment de randonneurs, qui souvent par ignorance peut contribuer à sa détérioration.

En effet, bien que l'accès de la vallée des merveilles soit réglementé par le parc national du Mercantour et la commune de Tende, cette protection juridique, et les mesures de surveillance dont elle s'accompagne, ne permettent pas une protection totale des gravures.

Il s'agit également, en raison de l'impossibilité d'implanter le musée sur le site lui-même, de rendre intelligibles aux visiteurs les résultats de plusieurs dizaines d'années de recherche sur, la localisation de ces oeuvres, leur technique, leur thématique, leur développement chronologique et leur signification.

Enfin, il s'agit enfin de participer à l'essor touristique d'une région en mettant en valeur le patrimoine alpin de l'arrière-pays. À cet égard, l'opération de Tende peut être comparée au projet du musée de Quinson dans les gorges du Verdon, qui est actuellement en phase de programmation, à nouveau en liaison avec le professeur de LUMLEY.

Le programme muséographique traduit bien cette triple finalité.

Son noyau est constitué par une forte section consacrée aux gravures de la vallée des merveilles. Celles-ci sont représentées par des moulages et quelques fragments originaux dont le fameux bloc aux sorciers ainsi mis à l'abri, avec, en vis à vis, des matériels archéologiques de comparaison, issus pour l'essentiel de ramassages locaux ou acquis de collectionneurs privés.

Une place est aussi ménagée, au début du parcours, au cadre naturel dans lequel prennent place ces découvertes préhistoriques : histoire de la formation des Alpes, modelé du paysage, évolution de la faune et de la flore, interaction de l'homme avec son environnement. De même, comme le site de la vallée des merveilles a toujours été fréquenté par des bergers, auxquels les mystérieuses gravures ont longtemps été attribuées, quelques témoignages d'arts et traditions populaires sont réunis en fin de parcours, qui illustrent cette activité séculaire.

Ce programme s'adressant au grand public, pour lequel les séries archéologiques sont parfois fastidieuses et peu éloquentes, des mises en scène, des dioramas, des maquettes évoquant des aspects particuliers de la vie des hommes de l'âge du bronze complètent la présentation, dans l'esprit de ce que le professeur de LUMLEY a déjà réalisé au musée de Tautavel.

L'ensemble forme ainsi une présentation particulièrement vivante et attrayante. Cette belle réalisation, qui témoigne une nouvelle fois de la passion et du talent du professeur de LUMLEY et de son équipe, n'a été rendue possible que grâce à l'engagement du conseil général des Alpes-Maritimes.

Nous sommes réunis autour de son président, le sénateur Charles GINESY et du sénateur José BALARELLO, maire de Tende, auxquels je tiens à rendre un hommage particulièrement chaleureux pour le dynamisme et l'exemplarité de la politique culturelle du département.

Grâce à l'engagement du président GINESY et de son équipe, à son enthousiasme heureusement tempéré de pragmatisme, le partenariat culturel entre l'État et le conseil général des Alpes-Maritimes est, lui aussi, je crois pouvoir le dire, exemplaire.

Nous avons tenu à le manifester, ce matin, en signant ensemble, à la villa Ephrussi de ROTSCHILD, une importante convention de développement culturel. Elle concrétise le chemin que nous avons parcouru ensemble et qui comporte, pour l'avenir, de nouveaux chantiers de coopération, qu'il s'agisse du musée des arts asiatiques de Nice ou de la fondation du patrimoine, deux dossiers qui me tiennent particulièrement à coeur et pour lesquels nous travaillons la main dans la main, comme nous l'avons fait pour le musée des merveilles de Tende.
Le ministère de la culture a, vous le savez, soutenu le département des Alpes-Maritimes dans la réalisation de ce musée.

En 1994, le fonds constitutif, c'est à dire les collections de mobilier archéologique et ethnographique, a reçu l'approbation du conseil artistique des musées de France, et le musée est entré du même coup dans la catégorie des établissements contrôlés par la direction des musées de France.

Par ailleurs, l'État a contribué, aux côtés du département, de la région et de la commune de Tende, au financement des travaux du nouvel établissement installé dans un ancien HLM racheté à cet effet. La restructuration et les aménagements intérieurs ont été confiés, en 1991, à l'architecte Jacques GOURVENEC dont je veux saluer ici le travail tout à fait réussi.

Vous avez souhaité, Monsieur le Président, que le musée de la vallée des merveilles soit doté d'un statut original : la création d'un établissement public administratif départemental, dont les statuts seront très prochainement soumis à l'avis du conseil d'État.

Ce statut exceptionnel que, comme vous, j'appelle de mes voeux, parachèvera une opération elle-même exceptionnelle. Je suis heureux de la saluer aujourd'hui.


Allocution à l'occasion de la signature de la convention de développement culturel avec le département des Alpes-Maritimes, vendredi 12 juillet 1996

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus

Lorsqu'il était en charge des affaires culturelles, Jacques DUHAMEL avait mis en oeuvre des chartes, documents fondateurs d'une coopération renforcée entre l'État et ses partenaires naturels que sont les collectivités territoriales de la République.

Un quart de siècle après ces initiatives, alors que la décentralisation a multiplié les efforts et les réussites des uns et des autres, alors que le ministère de la culture travaille, chaque jour davantage, avec l'ensemble des administrations de l'État intéressées à la culture, j'ai décidé de donner une impulsion nouvelle, par le moyen de conventions de développement culturel, à ce travail en commun.

Les résultats de l'action culturelle du département des Alpes-Maritimes en font, pour le ministère de la culture, l'acteur décisif d'une coopération de tous les jours. La richesse culturelle du département – son patrimoine, ses musées, ses festivals, sa vie musicale - se mesure à l'indicateur des millions de Français qui, tous les ans, participent à sa vie culturelle. La culture est, ici, une activité qui constitue un secteur singulier de l'économie locale.

C'est pourquoi l'État et le conseil général ont décidé de s'engager, en une démarche véritablement exemplaire de valorisation du potentiel culturel du département. Les domaines qui sont concernés par ce texte qui nous réunit aujourd'hui couvrent quasiment toute l'action du ministère de la culture : le patrimoine, la création et la diffusion artistiques, l'enseignement culturel, l'emploi culturel. Autant dire que cette convention est un symbole de ce que nous souhaitons mettre en place à l'échelle de l'ensemble du territoire national.

Dans le domaine du patrimoine, en premier lieu, c'est l'inventaire, la restauration, la mise en valeur qui sont concernés. Je veux citer par exemple la grotte du Vallonet, le plus ancien habitat d'Europe, site archéologique majeur de notre pays.

Le patrimoine paysager fera également l'objet d'une mise en valeur, à la mesure de plus de deux siècles de tradition des parcs et des jardins des Alpes-Maritimes. Dernière remarque : la fondation du patrimoine sera mise en oeuvre dans les Alpes-Maritimes, département pilote, autour du thème des chapelles et des oratoires.

Dans le domaine des musées, j'évoque naturellement le musée des merveilles implanté à Tende, et qui ouvre ce mois-ci. Je songe également au musée des arts asiatiques de Nice.

Deuxième grand volet de cette convention : la création et la diffusion artistiques. Ce département, Mesdames et Messieurs, est un véritable concentré de la richesse et de l'activité musicales de notre pays orchestres, saisons lyriques, récitals, festivals de dimension internationale.

L'État et le département y soutiennent de grandes institutions permanentes - je songe à l'opéra de Nice - et s'engagent, conjointement, à inscrire ce soutien dans la durée. Voilà bien l'exemple de ce que nous souhaitons faire, le plus souvent, dans le plus grand nombre de lieux possible. Je pourrais également évoquer le théâtre et la danse qui font l'objet de dispositions particulières. Quant aux arts plastiques, opérations et équipements décidés et réalisés en commun prendront une nouvelle impulsion.

J'évoque à présent l'enseignement artistique. Vous savez que j'ai l'ambition de faire, de l'enseignement spécialisé de la musique et de la danse, un véritable service public. Il faut que tous les enfants de France puissent accéder à la musique, à la danse, à l'art dramatique, dans des conditions d'égalité semblables à celles qui régissent l'instruction publique de ce pays depuis le siècle dernier.

Il y faudra du temps ; il y faudra des moyens ; il y faudra, surtout, de la volonté. Je n'en manque pas. Je sais qu'il n'en manque pas, ici, dans les Alpes-Maritimes ! Témoin, cette école départementale de musique dont le dossier, pour nous, est véritablement prioritaire et qui constitue une propédeutique de ce que nous voulons réussir ensemble.

Je tiens, cher Président GINESY, à vous rendre aujourd'hui un hommage appuyé et, à travers vous, saluer la détermination du conseil général des Alpes-Maritimes et le travail remarquable des services du département, au sein des quels vous avez créé une mission culturelle particulièrement active et efficace.

La somme de ces projets, de ces moyens, de ces décisions aura - n'en doutons pas ! - des conséquences sur l'emploi culturel. Il n'est qu'un des éléments de cette composante plus vaste, que résume la préoccupation constante des responsables publics de notre pays : faire en sorte que la France retrouve le chemin de la croissance et de l'emploi. Vous le voyez, la culture n'est pas en marge de ce mouvement de création de cette richesse humaine qu'est le travail. Elle pourrait même, demain, si nous le voulions, en constituer un des moteurs !

Monsieur le Préfet, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les élus et chers amis, ce texte que nous allons signer nous engage ; il portera la signature de l'État, ainsi que celle du président de l'exécutif départemental ; nous saurons, les uns et les autres, tenir nos engagements.