Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d’assister aujourd’hui à cette réunion du pôle télécommunications civiles du GITEP (Groupement des industries de télécommunications et de l’électronique professionnelle) issu du récent rapprochement, que je salue, du SIT (Syndicat des industries de télécommunications) et du SPER (Syndicat professionnel de l’électronique et des radiocommunications). Je ne vous cacherai pas que j’accorde beaucoup de prix à ce rendez-vous annuel avec des acteurs qui sont concernés au premier chef par l’action de mon ministère.
C’est une année riche en événements décisifs pour l’avenir du secteur français des télécommunications qui vient de s’écouler. Avec l’adoption de la Loi de Réglementation des Télécommunications et la réforme du statut de France Télécom, ce sont en effet deux pas en avant essentiels qui ont été accomplis.
J’avais évoqué devant vous l’année dernière la nécessité pour tous les industriels réunis au sein du SIT de relever de double défi que constituent l’avènement de la société de l’information et l’ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications.
Depuis un an, c’est à faire de ce nouveau contexte une opportunité à saisir plutôt qu’un obstacle à surmonter, c’est à vous donner les moyens de relever ce défi que nous avons travaillé – avec la conviction que les réformes entreprises serviraient votre dynamisme, votre compétitivité et votre sens de l’innovation.
Avec un objectif : que, dans un secteur appelé à connaître une forte croissance, la concurrence soit source de richesses économiques et de créations d’emploi.
Le secteur des télécommunications est en effet appelé à devenir, dans un avenir proche, l’un des plus créateurs de nouvelles richesses et de nouveaux emplois : la croissance exponentielle du trafic, le déferlement de nouvelles applications multimédias, le succès du réseau Internet ou la recherche d’alliances industrielles à l’échelle internationale dans votre secteur d’activité sont autant de phénomènes qui laissent pressentir, sans risque de se tromper, les enjeux d’un tel marché, le poids futur des télécoms dans notre économie et notre société.
Rappelons par exemple que, selon les évaluations de l’Union Européenne, le chiffre d’affaires total dans le secteur des télécommunications passera d’environ 90 milliards d’écus en 1990 à 200 milliards en l’an 2010. Rappelons également qu’un pays comme le Japon estime que dans une dizaine d’années le secteur des technologies de l’information emploiera plus de monde et générera plus de revenus que le secteur de l’automobile aujourd’hui.
En réformant le secteur des télécommunications, je suis persuadé que nous avons fait les bons choix : ceux qui permettront à tous les acteurs concernés d’aborder avec un élan renouvelé la révolution technologique que nous vivons et de passer avec un succès le cap de l’ouverture à la concurrence.
C’est dans cette optique que nous avons veillé à répondre au plus près à vos attentes. Vous souhaitiez, en priorité, disposer de signaux et de points de repère aussi clairs que possible pour déterminer les bonnes stratégies. C’est bien à cette attente que répond la définition par la LRT de règles du jeu précises et transparentes, qui permettront un exercice loyal de la concurrence, tout en préservant le service public tel que nous le connaissons.
1. Un nouvel espace à investir : le marché des télécommunications à l’heure de la concurrence
Un espace dans lequel les industries devront trouver leurs marques
Certes, il va maintenant vous falloir apprendre à vivre avec ces nouvelles règles, à évoluer dans un monde des télécommunications qui ne ressemblera pas à celui que nous avons connu du temps du monopole de France Télécom – celui que nous voyons déjà se construire à la veille de l’avènement de la concurrence.
Dans une société où les télécommunications vont jouer un rôle croissant et déterminant, où la demande de diversifie et se complexifie sans cesse, la présence d’industries de télécommunications dynamiques, compétitives et innovantes est une nécessité vitale pour notre pays.
Mais nous sommes en même temps tous conscients que les industriels vont devoir trouver leurs marques, définir leurs ambitions et leur place dans un paysage profondément chamboulé par les mutations en cours. Nous savons aussi que les plus petits d’entre vous vivent difficilement la période de transition, dans la mesure où il leur est difficile de gérer les variations qu’elle induit.
Une période posant des difficultés qui ont vocation à s’estomper
Il est vrai également qu’il ne reviendra plus à l’État de jouer sur un marché où la concurrence s’exercera pleinement le rôle qu’il a assumé naguère s’agissant des investissements de l’opérateur public. France Télécom a en effet besoin, pour aborder avec succès l’ouverture à la concurrence, de disposer de la même liberté de gestion que celle de ses concurrents : c’est la raison principale de la réforme de France Télécom que nous avons conduite. Et cela vaut bien entendu pour les investissements.
C’est dans cette optique que j’ai proposé au ministre de l’Economie, qui l’a accepté qu’à compter de l’ouverture du capital, c’est-à-dire de l’année prochaine, les programmes d’investissements de France Télécom ne relèvent plus du contrôle exercé par l’État par le biais du Fonds de Développement Économique et Social (FDES).
Cette modification de procédure intervient en outre à un moment où, vous le savez, la future entreprise France Télécom met de plus en plus souvent les industriels en concurrence et se montre de plus en plus exigeante quant au coût et à la qualité des services auxquels l’opérateur a recours. Une telle évolution des relations de France Télécom avec ses sous-traitants, évolution dont je mesure les problèmes qu’elle peut poser à certains d’entre vous – répond au demeurant à un souci légitime, compte tenu des échéances auxquels l’opérateur doit se préparer.
Certes, la diminution sensible des investissements de France Télécom – si elle est parfois durement ressentie par les industriels, et notamment par les PME – s’explique par la bonne qualité du réseau atteinte grâce aux efforts exceptionnels des années passées. Les comparaisons internationales montrent d’ailleurs que le niveau d’investissements se stabilise aux alentours de 20 % du chiffre d’affaires pour des opérateurs ayant achevé le développement et la numérisation de leur réseau national – ce qui correspond pour France Télécom à un montant de l’ordre de 26 milliards de francs par an, niveau prévu pour 1997. Mais j’observe aussi que les principaux concurrents de France Télécom déjà soumis à la concurrence comme British Télécom investissent massivement dans des technologies d’avenir comme les technologies large bande et préparent la compétition de demain. France Télécom ne doit donc pas se reposer sur ses lauriers mais au contraire l’entreprise de technologie qu’elle est doit savoir investir dans les technologies d’avenir. Et si elle ne le fait pas, gageons que les marchés qui surveilleront sa stratégie sauront le lui rappeler…
Je comprends qu’il vous soit néanmoins nécessaire de disposer d’une marge de prévisibilité plus grande s’agissant des commandes de France Télécom, et j’ai demandé à l’opérateur d’œuvrer en ce sens. Je souhaitais aussi que soit mis en place un partenariat entre France Télécom et ses sous-traitants afin de trouver, au cas par cas, des solutions adéquates au problème d’emploi que l’évolution à la baisse de ses investissements risque d’engendrer. Je suis cependant conscient – de France Télécom également – que les mesures prises aujourd’hui notamment pour les PME ne sont pas suffisantes. Nous travaillons sur ce sujet activement et je présenterai prochainement des mesures pour faciliter l’adaptation des PME du secteur des télécommunications à ce nouvel environnement.
Gageons en outre que la concurrence et la croissance constante du trafic engendrée par la démocratisation de nouvelles technologie de communication ou le développement de nouveau services en ligne très attractifs seront autant de raisons, dans un avenir proche, de poursuivre la modernisation du réseau – ne serait-ce, par exemple, que l’adapter aux besoins de télécommunication à haut débit. L’exemple du « boom » des mobiles prouve d’ailleurs suffisamment que le marché des télécommunications est loin d’être victime d’un coup d’arrêt…
Enfin, les difficultés que vous connaissez aujourd’hui devraient naturellement s’estomper avec l’entrée sur le marché de nouveau acteurs qui ne manqueront pas, pour les mêmes raisons, d’investir et – j’en suis persuadé – de faire appel aux industriels français pour développer une offre de qualité sur notre territoire.
Ma conviction est donc qu’à une période de transition, comme celle que nous traversons, répondent des difficultés tout aussi transitoires. Les industriels des télécommunications ont en réalité toutes les raisons d’espérer de l’ouverture à la concurrence un nouveau souffle pour leur secteur d’activité.
Sans doute les industriels français doivent-ils veiller encore davantage à devoir leur succès à leurs seuls efforts, sans attendre d’un opérateur national tout entier mobilisé par la préparation du 1er janvier 1998 qu’il les épaule autant que par le passé. Mais ces efforts prennent tout leur sens si l’on songe aux opportunités qui vont s’offrir aux acteurs ayant su se préparer à temps à les saisir.
2. Un marché riche de nouvelles opportunités que les industriels français doivent se préparer à saisir
Quelles sont les voies dans lesquelles les industriels français doivent désormais s’engager pour faire tenir ses promesses à l’ouverture à la concurrence ?
Partir à la conquête des nouveaux opérateurs
Leur premier souci doit naturellement être de chercher à cueillir les fruits de la fin du monopole auprès des opérateurs alternatifs aux opérateurs historiques : en France, mais aussi dans le monde, puisque le mouvement de libéralisation des télécommunications est commun à tous les grands pays industrialisés. La multiplication des acteurs sur le marché mondial des télécommunications doit être l’occasion pour les industriels français de partir à la conquête de nouveaux clients.
Certains d’entre vous m’ont saisi du devenir de la directive européenne réglementant les marchés publics, notamment ceux des télécommunications, dans la perspective de l’ouverture généralisée du secteur à la concurrence. Je compte soulever la question de la révision de cette directive auprès de mes collègues européens et de la commission dès le Conseil du 27 septembre prochain. Mais j’attache également du prix à ce que les travaux de révision de ce texte puissent être préparés de façon concertée entre les différents services de l’administration, les industriels et les opérateurs. C’est pourquoi un groupe de travail doit être mis en place prochainement et je souhaite qu’il puisse rapidement déterminer une position française dans les négociations à venir.
Partir à la conquête de nouveaux marchés à l’export
La concurrence est aussi une invitation à partir à la conquête de nouveaux marchés, partout où la compétence et la capacité d’innovation des industriels français peuvent leur valoir une implantation réussie. Et nous savons que les perspectives sont vastes, des investissements importants de mise à niveau de réseaux devant être consentis par nombre de pays, notamment en Asie.
Je souhaite à ce titre vous faire part d’une profonde conviction. Face à la concurrence acharnée des constructeurs étrangers à laquelle vous êtes soumis, une approche coordonnée des marchés me parait plus que jamais souhaitable. Une concurrence à l’intérieur de nos frontières n’exclut pas une certaine connivence à l’exportation pour gagner de nouveaux territoires. Il importe que nos opérateurs de télécommunications, et en particulier France Télécom, et nos industriels, grands et petits, sachent unir leurs efforts pour conquérir de nouveaux marchés à l’étranger. Notre pays a la chance d’avoir un opérateur de télécommunications et des industriels parmi les premiers mondiaux : ils doivent s’épauler.
Le Gouvernement est prêt à s’engager, aux côtés de nos industriels pour prospecter les marchés d’avenir d’Asie. Les effectifs des postes d’expansion économique de la zone Asie-Pacifique, au service des industriels français désirant prospecter, d’établir ou développer des partenaires avec des entreprises locales, vont être, dans les mois qui viennent, considérablement renforcés. Je me rendrai moi-même prochainement dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est et je compte à cette occasion être accompagné de plusieurs d’entre vous.
Se positionner sur le marché des nouvelles technologies de l’information
Il est par ailleurs évident que les industriels français doivent se tenir prêts à investir le marché des technologies de l’information du futur et participer activement, dès aujourd’hui, au déploiement des autoroutes et services de l’information. Vous avez compris cette nécessité et mesuré l’extraordinaire potentiel de développement de ce secteur émergent. Un exemple : pour les seuls services à valeur ajoutée sur les réseaux de télécommunication, les investissements devraient s’élever dans les prochaines années à 1 à 3 milliards de francs par an, France Télécom investissant d’ores et déjà 605 MF en 1995 sur un secteur largement ouvert à la concurrence.
J’avais déjà salué votre mobilisation l’an passé au lendemain de la clôture de l’appel à propositions sur les autoroutes de l’information et précisé les mesures nombreuses et importantes mises en œuvre pour soutenir vos efforts. Cette année encore, soyez convaincus que nous mettrons tout en œuvre pour que vous puissiez continuer à tirer parti d’une révolution technologique qui, alliée à un exercice stimulant de la concurrence, démocratisera et fera entrer dans le quotidien des français les outils de la société de l’information – comme c’est déjà le cas pour la téléphonie mobile.
Lancement de la consultation publique sur la boucle locale radio
Pour illustrer ce propos, j’ai décidé le lancement d’une consultation publique sur la boucle locale radio dont le développement est une condition de la création d’un marché pleinement concurrentiel des télécommunications dans notre pays.
Je sais que de nombreux industriels étaient demandeurs de cette consultation sur une technologie qui représente un marché potentiel important. Cette consultation que lance aujourd’hui le ministère devra permettre, en s’appuyant sur une meilleure appréciation des besoins du marché et une évaluation des technologies envisageables pour les satisfaire, de définir le cadre réglementaire du développement de la boucle locale radio, tant en matière de licences des futurs opérateurs que de choix des systèmes et des fréquences les plus adaptés aux différents segments de marché. Je souhaite donc que vous soyez nombreux à y répondre.
Poursuivre l’effort de R&D dans le domaine des télécommunications
Pour bâtir ces industries du futur, la capacité d’innovation constituera un élément décisif car la bataille industrielle est générale. La R&D en matière de télécommunications est essentielle et le maintien de l’effort national de recherche en la matière est pour le gouvernement une priorité de premier ordre.
Une école de pensée, actuellement en vogue, tend à laisser croire que les infrastructures de télécommunications sont désormais stables et ne connaîtront pas d’évolutions technologiques dans les dix ans qui viennent. Je puis vous assurer que je n’adhère en aucune façon à cette idée car les études en cours et les résultats obtenus dans les laboratoires nous permettent de présager, à coup sûr, de progrès techniques encore plus exceptionnels que ceux que nous avons vécus.
Certes les évolutions que connait le secteur ne seront pas sans répercussion sur l’organisation de la recherche et développement dans ce domaine mais il est essentiel de s’assurer que notre pays continuera à disposer des technologies et des compétences indispensables à maintenir la compétitivité de notre industrie.
Les opérateurs historiques, partant souvent de situations très variées, ont partout dans le monde et pour la plupart d’entre eux, réorganisé leurs pratiques sans pour autant, au contraire, diminuer leurs efforts de recherche et développement. Mais les relations entre centres de recherche des différents opérateurs sont moins ouvertes à la coopération qu’elles ne l’étaient par le passé ; les moyens et résultats des recherches ne sont plus aussi largement publiés…
Pour ce qui concerne la recherche et le développement des équipementiers de télécommunications, la situation actuelle des industriels français fait apparaître un effort au moins de même niveau que celui consenti par les entreprises des autres principaux pays de l’Union Européenne, des États-Unis et du Japon – et nous ne pouvons que nous en féliciter.
J’ai souhaité que l’État puisse appuyer ces efforts. C’est pourquoi la LRT rappelle que les missions d’intérêt général dans le domaine des télécommunications, et en particulier la recherche publique et l’enseignement supérieur, sont exercées par l’État ou pour le compte de l’État et sous sa responsabilité. Le développement de l’innovation dans ce secteur demeurera donc, soyez-en certains, une préoccupation stratégique des pouvoirs publics au-delà du 1er janvier 1998.
De plus, les initiatives du MPTE visant à encourager les expérimentations dans le domaine des autoroutes et services de l’information ont aussi pour vocation de contribuer au soutien à la recherche et au développement dans le secteur des télécommunications. Je pense notamment à l’appel à propositions lancé par l’ANVAR, qui a rencontré un exceptionnel succès auprès des industriels français.
L’évolution constatée au cours des dernières années des dépenses de recherche et développement de France Télécom et la perspective d’un recentrage accéléré lié à l’arrivée de la concurrence, rendent nécessaire de définir les conditions permettant de garantir le maintien en France d’efforts de recherche et développements publics et privés dans le secteur des télécommunications, de déterminer la part que doit y consacrer l’opérateur historique au titre de ses missions de service public et enfin d’accompagner les nécessaires évolutions du CNET.
C’est pourquoi, vous le savez, j’ai confié à Didier Lombard, directeur général des stratégies industrielles, une mission d’information et de propositions sur ces sujets. Le rapport qu’il me rendra à l’automne proposera des modalités de soutien, notamment contractuelles, pour les efforts de recherche qu’il est important de maintenir à la fois dans les laboratoires publics et universitaires et chez les industriels, en partenariat avec l’État. Je veux ici remercier le GITEP et les acteurs présents ce soir qui ont bien voulu apporter leur contribution à la réflexion engagée par le gouvernement à ce sujet.
Conclusion :
Le secteur français des télécommunications se prépare à aborder un monde nouveau. Ce n’est plus une « terra incognita », puisque vous en connaissez maintenant précisément, avec la LRT, les contours et les règles : c’est un espace ouvert à vos initiatives, une nouvelle frontière dont vous devez – et pouvez – partir à la conquête avec l’énergie propre aux pionniers. Vous avez par le passé démontré votre capacité à doter la France du meilleur de la technologie. J’espère que l’action du MPTE aura contribué à vous donner les moyens de faire demain de notre pays un avant-poste de la société de l’information.