Texte intégral
Madame le ministre, chère Christine,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse de me trouver aujourd''hui aux côtés de Christine Albanel pour installer la mission sur la lutte contre le téléchargement illicite et pour le développement des offres légales d'oeuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques, mission dont la présidence est confiée à Denis Olivennes. C''est pour moi un symbole important, illustrant le fait que dans notre monde moderne dominé par les technologies du virtuel, l''économie et la culture, loin d''être incompatibles, se nourrissent l'une de l'autre.
Internet est aujourd''hui entré dans la vie quotidienne de nos compatriotes, avec plus de 14 millions d''abonnés au haut débit - chiffre qui place la France dans le Top 5 mondial, au coude-à-coude avec l'Allemagne. On cherche ses recettes de cuisine sur Google, on achète ses livres sur Fnac.com, on vend ses meubles sur PriceMinister, on prépare ses voyages sur voyages-sncf.com. On retrouve ses amis sur Facebook et on regarde leurs vacances sur DailyMotion. On peut même s'en inventer de nouveaux sur Second Life. Jeunes ou moins jeunes, nous faisons tous partie de la génération HTTP.
Règne du virtuel, Internet génère pourtant de l''argent bien réel. Le chiffre d''affaires du commerce en ligne devrait ainsi atteindre près de 17 Md d'euros fin 2007 compte tenu du dynamisme de ce circuit de distribution. Le remarquable essor en France des services en ligne et des accès Internet haut débit, pour lesquels nous sommes les champions du monde en terme de rapport qualité/prix, fait du secteur français des Technologies de l''information et de la communication (TIC) l''un des plus compétitifs au monde. Gisement de croissance, modèle de productivité, Internet devient chaque jour plus vital pour notre économie, pour cette "économie de la connaissance" qui est au coeur de nos engagements européens.
Internet, c''est donc autant un moteur économique qu''une culture quotidienne. Mais ce n''est pas seulement une culture. C''est aussi de la culture. Sous l''impulsion de créateurs de plus en plus nombreux, qui vont du simple "podcaster" à l''artiste professionnel, la toile vit, la toile vibre, elle fourmille d''oeuvres écrites, sonores ou visuelles. Musiques pour téléphone portable, diffusions de spectacle en haute définition, portails de musées, livres incunables à feuilleter en ligne... l''économie numérique représente une occasion unique pour les créateurs de se faire connaître, pour les internautes de diversifier leurs centres d''intérêt, et pour les archives de sortir de leur placard.
Ce phénomène "d''e-culture", si je puis me permettre ce néologisme, est en plein développement. L'accélération de la convergence entre les technologies de la communication et de l'audiovisuel devrait bientôt permettre une consommation personnalisée de la télévision (vidéo à la demande, télévision interactive, télévision sur mobile...), brouillant encore davantage la ligne de partage entre la culture et le divertissement, la création et l''animation, le créateur et le consommateur...
Dans un tel contexte, l''État se doit de veiller attentivement au respect des droits fondamentaux, au premier rang desquels le droit de propriété intellectuelle. C'est non seulement un droit pour les artistes, mais aussi une nécessité pour l'économie numérique. La contrefaçon du droit d'auteur sur Internet, en d''autres termes le piratage, représente aujourd''hui un véritable fléau.
Pour contenir ce fléau, la répression est nécessaire, mais elle ne suffit pas. L'État ne doit pas se transformer en policier du net ; il doit inventer des moyens d'incitation et d'action positifs. J'en distinguerai trois :
1. D'abord, la sensibilisation du public : nous allons faire oeuvre de pédagogie pour promouvoir une véritable éthique du net. Les utilisateurs doivent être davantage conscients du caractère frauduleux ou nuisible de certaines pratiques courantes.
2. L'État doit ensuite promouvoir un véritable dialogue interprofessionnel entre les différents acteurs concernés, titulaires de droits et fournisseurs de services Internet. Les pouvoirs publics français ont été les premiers en Europe à défendre une telle approche « partenariale » du sujet : ce fut notamment l'objet, en juillet 2004, de la « Charte d'engagements pour le développement de l'offre légale de musique en ligne, le respect de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique » à laquelle le ministre d'État de l'époque avait apporté son soutien.
Toutes ces actions ont permis d'enregistrer ces trois dernières années des progrès significatifs en termes de développement des filières légales d'accès à la musique ou au cinéma. L'État doit poursuivre et développer ce rôle de médiateur.
3. Mais la meilleure manière de lutter contre le piratage, c'est encore de lui faire concurrence. Voilà pourquoi nous voulons tout mettre en oeuvre pour augmenter la quantité et la qualité des offres culturelles légalement mises en ligne. Les consommateurs sont prêts à payer un prix raisonnable pour accéder à des oeuvres plus riches et plus variées, disponibles dans les meilleurs délais, et inscrites sur des fichiers de qualité, facilement transportables d'un support sur un autre.
Dans le secteur musical, le marché montre d'ores et déjà des signes encourageants en ce sens avec, par exemple, une offre récente de téléchargement « illimité » d'un catalogue de musique pour les abonnés d'un opérateur bien connu.
Pour les oeuvres cinématographiques, la question de la fenêtre d'exploitation des services de vidéo à la demande est évidemment l'un des sujets. Sur ce point, le dialogue permanent entre les différents partenaires professionnels pour constamment veiller à la pertinence des nouveaux modes d'exploitation est important.
Tous ces dispositifs d'action positive ne dispensent bien évidemment pas l'État de son rôle répressif face à la délinquance de masse que représente le piratage, quitte, le cas échéant, à devoir adapter le cadre réglementaire.
Je suis convaincue que Denis Olivennes et les autres professionnels de la mission auront à coeur de mener à bien leur tâche. Une tâche délicate, mais nécessaire pour le bon développement d'Internet. La toile doit rester un espace qui libère les créateurs, plutôt que de les piéger comme une toile d'araignée.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 6 septembre 2007