Interview de M. Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, à LCI le 21 février 2019, sur la lutte contre l'antisémitisme, l'affaire Benalla, la réforme de la Justice et sur les "Gilets jaunes".

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour à tous. Mon invitée ce matin est la ministre de la Justice, garde des sceaux. Bonjour Nicole BELLOUBET.

NICOLE BELLOUBET
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci d'être avec nous ce matin. Alors, on voit un peu de poésie, mais sur Internet, notamment, ce n'est pas de la poésie, les graffitis qu'on voit sur Internet, c'est souvent de la haine. On va se demander ensemble comment est-ce que notre société est arrivée à ce niveau de haine dans les paroles, mais aussi dans les actes, hier soir, lors du dîner du CRIF, le président de la République a annoncé une nouvelle loi pour lutter contre la haine. En l'écoute.

EMMANUEL MACRON
Ce que ce texte portera donc, ce sont des dispositions claires, imposant les retraits dans les meilleurs délais de tous les contenus appelant à la haine, et mettant en oeuvre toutes les techniques permettant de repérer l'identité dans les meilleurs délais, et enfin, appelant à la responsabilité, y compris sur le plan juridique, lesdites plateformes.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, Nicole BELLOUBET, ce sera à l'initiative parlementaire, une proposition de loi, mais j'imagine que vous en serez forcément la copilote.

NICOLE BELLOUBET
Nous travaillons avec les parlementaires, s'ils le souhaitent évidemment, mais ce que dit le président de la République, c'est qu'il annonce une proposition de loi qui sera portée par Laetitia AVIA. Elle a en effet remis un rapport avec Gilles TAIEB, sur cette question de la haine en ligne, et elle fait des propositions qui vont être rapidement transformées en propositions de loi. Je crois…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, concrètement, comment ça va se passer, parce qu'on a vu qu'en Allemagne, ils ont fait la même chose avec cette fameuse loi NetzDG, mais ça conduit en fait à la suppression de milliers de contenus, pas forcément haineux, en fait, ça pose la question de la censure, est-ce que, à travers ça, on ne va pas contraindre la liberté d'expression ?

NICOLE BELLOUBET
C'est cet équilibre que nous devons trouver, entre lutte contre les propos haineux, racistes, antisémites, et évidemment, la liberté d'expression, mais je crois que les mesures que va proposer madame AVIA permettront de respecter cet équilibre. Il y a trois types de mesures, d'une part, un retrait rapide, qui sera demandé…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Aux hébergeurs…

NICOLE BELLOUBET
Aux hébergeurs, et d'ailleurs, en ce moment, nous avons une expérimentation d'autorégulation avec Facebook, qui est en cours, nous allons nous appuyer sur cette expérimentation pour voir concrètement quelles mesures peuvent être prises, il y a ensuite des sanctions qui seront fortes si les retraits ne sont pas opérés, et puis évidemment, la mise en cause de la responsabilité des hébergeurs.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Comment on en est arrivé là, sur cette libération de la parole sur Internet, et puis, on voit que, finalement, ça se traduit dans la rue maintenant, on a l'impression que, alors, c'est un lieu de non-droit, un peu Internet, pour l'instant, aujourd'hui encore, où on peut tout dire…

NICOLE BELLOUBET
Oui, c'est aussi la raison pour laquelle la question de la levée de l'anonymat a été posée par le président de la République, c'est une question importante. Moi, je suis extrêmement frappée par cette violence qui touche bien entendu les juifs, qui touche aussi d'ailleurs d'autres gens d'autres origines d'autres religions, qui touchent les élus qui, également, subissent une violence qui est inacceptable, qui est inadmissible, donc je crois que nous devons vraiment tout faire, et nous allons tout faire, pour éviter cela.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Les homosexuels aussi par exemple, est-ce que cette loi anti-haine s'appliquera aussi à l'homophobie ?

NICOLE BELLOUBET
Je crois que tous les propos haineux seront concernés, et c'est important que nous puissions également lutter contre l'homophobie.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, si je vous pose cette question aussi, c'est parce qu'aujourd'hui, dans Valeurs Actuelles, il y a une interview de votre collègue, Marlène SCHIAPPA, qui dit ceci, qui parle d'homophobie et d'islamisme : il y a des slogans de la Manif pour tous qui sont lancés dans les banlieues, les slogans et l'agressivité de la Manif pour tous ont nourri la recrudescence des violences homophobes. Plus 64 % l'an dernier. Et voilà ce qu'elle dit : je ne mets pas sur le même plan la Manif pour tous et les terroristes islamistes, mais je souligne l'existence d'une convergence idéologique.

NICOLE BELLOUBET
Je ne sais pas si la convergence est absolue, c'est-à-dire qu'il me semble qu'il y a en tout cas des ramifications qui peuvent exister, elles ne sont pas seulement entre ces deux tendances-là, je crois qu'il y a vraiment, par Internet d'ailleurs, par les réseaux sociaux, il y a des convergences multiples qui apparaissent. Et il est important…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est devenu comme une provocation, parce que les gens de la Manif pour tous, se voir comparer à des islamistes, vous imaginez bien que ça ne va pas leur faire plaisir…

NICOLE BELLOUBET
Oui, c'est la raison pour laquelle je pense qu'il n'y a pas vraiment de convergence absolue et systématique, je crois qu'elle souligne un phénomène qui malgré tout ne peut pas être exclu…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Notamment dans les banlieues.

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'ailleurs, parfois, il faut mettre des mots sur les choses, hier, le président de la république a dit qu'il allait lancer un audit dans les établissements scolaires où il semble que, effectivement, les enfants par exemple de confession juive sont déscolarisés parce qu'ils subissent trop de pression. Cet audit a été annoncé hier par le chef de l'Etat lors du dîner du CRIF.

NICOLE BELLOUBET
Oui, nous devons faire attention dans les établissements scolaires, et je sais que Jean-Michel BLANQUER y est particulièrement… est particulièrement vigilant là-dessus, aux multiples phénomènes d'exclusion qui apparaissent, parfois dès l'école maternelle, moi, j'ai rencontré des gens qui, alors sous prétexte de politique vaccinale, sous prétexte qu'on faisait de l'éducation sexuelle à la maternelle, me disaient : non, non, moi, je ne mets pas mes enfants là, et en fait, ça recouvre autre chose, ça recouvre d'autres réalités. Donc, je crois, là, également qu'il faut effectivement mener une enquête précise.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, autre… sur l'antisémitisme, on en parle beaucoup depuis plusieurs jours parce qu'il y a eu tous ces actes, cette multiplication de profanations de cimetières juifs, en Rhône-Alpes hier, en Alsace, il y a deux jours…

NICOLE BELLOUBET
Oui, et pas seulement ça…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Les tags évidemment de la représentation de Simone VEIL, bien sûr, et l'agression d'Alain FINKIELKRAUT. Alors justement, hier, le président a annoncé qu'on allait étendre la notion d'antisémitisme à l'antisionisme, alors c'était un débat depuis 48 heures, est-ce que ça veut dire qu'on ne pourra plus critiquer Israël, Nicole BELLOUBET ?

NICOLE BELLOUBET
Non, je crois que, d'abord, il a été clair, il a dit que nous n'allions pas… il a dit que nous allions reprendre une définition qui est une définition qui existe au niveau européen et qui a une valeur non contraignante. Il a dit que nous allions la réintroduire dans notre pays, et je crois qu'il y aura effectivement une résolution qui sera proposée aux parlementaires. Cette définition n'entrera pas dans le code pénal stricto sensu, et ce que je voudrais ici dire, c'est que les juges, lorsqu'ils ont affaire à des propos antisionismes, qui en fait sont…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, donc on rappelle que ça veut dire qu'ils critiquent plutôt la politique d'Israël que le fait d'être juif…

NICOLE BELLOUBET
Voilà. Lorsque les juges ont affaire à de tels propos qui cachent en fait des propos antisémites, ils savent détecter ce qu'on appelle un antisionisme de circonstance.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc ils ont le droit de condamner ?

NICOLE BELLOUBET
Bien sûr, ils s'appuient… si vous voulez, ce qui a été prononcé à l'encontre d'Alain FINKIELKRAUT, ces insultes-là, je ne sais pas comment les juges, et je ne veux pas préempter…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'ailleurs, je rappelle que ce Benjamin a été interpellé il y a deux jours et il est actuellement en garde à vue…

NICOLE BELLOUBET
A été interpellé, est en garde à vue. Je ne sais pas le moment venu ce que les juges décideront, ça relève de leur indépendance. Mais des propos antisionistes peuvent venir à l'appui de la haine antisémite, cela existe déjà, je crois que ce qu'a dit le président de la République, c'est que nous introduirons cette définition qui a été développée au niveau européen dans le droit français.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça peut aider quand même un peu plus les juges… ?

NICOLE BELLOUBET
Ça clarifiera sans doute les choses…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
De traduire que derrière une forme d'antisionisme, il y a parfois de l'antisémitisme.

NICOLE BELLOUBET
Oui, je le redis, ils le font déjà, mais les choses seront plus claires.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, vous avez décidément beaucoup d'actualités, on parlera de votre loi qui a été adoptée il y a deux jours, mais on va parler de l'affaire BENALLA, qui a rebondi hier avec le rapport de la commission d'enquête du Sénat, est-ce que le Sénat a bien fait son travail, est-ce qu'il a respecté la séparation des pouvoirs, Nicole BELLOUBET ?

NICOLE BELLOUBET
Moi, je ne veux pas juger la qualité du travail du Sénat, cela relève de la responsabilité des Parlements, je veux simplement dire quelque chose, est-ce qu'il n'est pas curieux qu'une commission d'enquête parlementaire enquête sur les services de l'Elysée. Est-ce que cela est possible ? Je réponds constitutionnellement, ce n'est pas possible, et ce n'est pas possible, non pas pour des raisons politiques, ce n'est pas possible parce que c'est une question de séparation des pouvoirs, c'est une question de séparation des pouvoirs au sens où il faut évidemment – et c'est la garantie de nos droits – il faut que le législatif reste dans son rôle, n'empiète pas sur les pouvoirs de la présidence la République qui…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais qui va contrôler, là, le président de la République alors ?

NICOLE BELLOUBET
Mais c'est le peuple, le président de la République, il tient sa légitimité de l'élection…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il ne peut pas être contrôlé ? Il est hors du droit ?

NICOLE BELLOUBET
Il est contrôlé par… non, il n'est pas hors du droit. Il n'est pas hors du droit, la Cour des comptes vérifie les dépenses de l'Elysée, il n'est pas du tout hors du droit, je dis simplement qu'il y a une séparation des pouvoirs entre le Parlement et la présidence de la République. Le Parlement, il a un rôle qui est prévu par la Constitution, son rôle, c'est de voter la loi, bien sûr, d'évaluer les politiques publiques et de contrôler…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et de contrôler…

NICOLE BELLOUBET
Le gouvernement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le gouvernement…

NICOLE BELLOUBET
Le gouvernement. Le gouvernement, c'est le Premier ministre, les ministres…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, mais on joue un peu sur les mots, en France, le régime présidentiel…

NICOLE BELLOUBET
Non, on ne joue pas sur les mots…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le gouvernement, c'est un peu le président quand même…

NICOLE BELLOUBET
Non, non, non, on ne joue pas sur les mots parce que les légitimités sont différentes, de la même manière, le Sénat, ou le Parlement, d'ailleurs ne peut pas empiéter sur le pouvoir judiciaire, que dirait-on, vous savez qu'on crie toujours beaucoup aux craintes d'un empiétement de l'exécutif sur le judiciaire, mais le législatif sur le judiciaire, c'est la même chose, et pourquoi, parce qu'il ne peut pas y avoir de jugement de nature politique.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, tout à l'heure, François GROSDIDIER, sénateur Les Républicains de Moselle, était l'invité de Pascal LA TOUR DU PIN, il avait un petit message pour vous. On va l'écouter.

FRANÇOIS GROSDIDIER, MEMBRE LR DE LA COMMISSION DES LOIS DU SENAT
On a rendu notre rapport sans jamais empiéter dans le domaine de la justice contrairement à ce que prétend la ministre de la Justice, qui sort complètement de son rôle et qui…

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous avez un message de lui faire passer peut-être ?

FRANÇOIS GROSDIDIER
Mais oui, retrouvez votre rôle ! Elle continue à dire, à nous nier notre droit, notre devoir constitutionnel de contrôler l'exécutif, donc elle devrait être dans l'exercice contraire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Là, il y a une divergence d'appréciations, on va dire.

NICOLE BELLOUBET
Oui, d'abord, moi, je voudrais dire que je respecte beaucoup le Parlement, beaucoup, je ne tiendrai jamais de tels propos, mais là, je pense que sénateur GROSDIDIER fait de la politique, je rappelle simplement ce que dit la Constitution, le Parlement contrôle l'action du gouvernement, c'est tout.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN

Quand même, quand on fait la liste de ce que reproche le Sénat à monsieur BENALLA, on est quand même un peu effrayé, je voudrais avoir votre avis personnel de femme de loi, port d'arme refusé d'abord par l'Intérieur, puis, obtenu par un autre biais, quatre passeports, un téléphone crypté, un appartement de fonction, un rôle d'intermédiaire pour un contrat avec un oligarque russe. Vous êtes femme de loi, ça ne vous choque pas tout ça pour un simple conseiller ?

NICOLE BELLOUBET
Je suis peut-être femme de loi, mais précisément, je respecte l'indépendance des pouvoirs, et sur ces différents faits, il y a des informations judiciaires ou des enquêtes qui sont en cours. Donc la justice est pleinement saisie…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Elle fera son travail…

NICOLE BELLOUBET
Je crois qu'il y a cinq enquêtes ou informations judiciaires actuellement en cours sur les différents faits que vous venez de citer, la justice va évidemment faire son travail. Elle a commencé à le faire, et elle continuera à le faire.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'ailleurs, il est incarcéré depuis deux jours…

NICOLE BELLOUBET
Il est incarcéré…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce qu'il a violé son contrôle judiciaire.

NICOLE BELLOUBET
Son contrôle judiciaire qui résultait de la première information judiciaire, celle sur les événements de la Contrescarpe.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, on va être très concret avec votre loi de réforme de la justice qui a été adoptée dans la nuit de lundi à mardi, je crois, à l'Assemblée, après toutes les navettes parlementaires d'usage. Alors qu'est-ce que, concrètement, ça va changer pour nous, les Français, alors, il y a une nouvelle échelle d'application des peines, il y a quelque chose qui est très intéressant aussi, c'est que désormais, le seuil d'application des peines de prison fermes a changé, ce n'est pas en dessous de deux ans, on ne va pas en prison, c'est en-dessous d'un an, si vous êtes condamné à un an de prison ferme, vous êtes sûr d'aller en prison.

NICOLE BELLOUBET
Oui, si vous voulez, ce qu'on a voulu faire, c'est repenser cette échelle des peines en fonction de son utilité. Autrement dit, moi, ce que je pense profondément, c'est qu'en dehors de quelques hypothèses, une très courte peine de prison, comme on en voit parfois, d'un mois ou de six mois, ça n'est pas utile…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Même parfois contre-productif…

NICOLE BELLOUBET
C'est parfois, c'est même très souvent contre-productif parce qu'on n'a pas le temps de préparer la personne à sa réinsertion, alors qu'on l'a coupée de sa vie sociale. Donc je pense que c'est très…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais en fait, en même temps, il faut bien faire prendre conscience à la personne condamnée que ce qu'elle a fait est grave.

NICOLE BELLOUBET
Mais vous savez, il y a d'autres manières, il y a d'autres sanctions, je ne dis pas qu'il faut l'impunité pour les personnes, je dis qu'il y a d'autres sanctions, nous les avons. En revanche, je pense que pour une question de crédibilité, de crédibilité, quand une personne est condamnée à un an de prison, elle doit aller en détention…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce qui n'était pas le cas avant, on le rappelle, c'était devenu deux ans…

NICOLE BELLOUBET
Il y avait des aménagements de peine possibles, là, il n'y aura plus d'aménagements de peine au départ, il pourra y en avoir évidemment en fin de peine.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je rappelle qu'en dessous d'un an, il y a des aménagements de peine, mais souvent avec des peines privatives de liberté et des bracelets électroniques, des choses comme ça…

NICOLE BELLOUBET
Bien sûr.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et l'obligation de se présenter.

NICOLE BELLOUBET
C'est ce que je vous disais tout à l'heure. Il y a d'autres peines qui sont toutes aussi efficaces, me semble-t-il, même plus efficaces d'ailleurs.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, il y a des choses très concrètes pour tous les Français aussi dans cette nouvelle loi, par exemple, pour le divorce, la procédure va être simplifiée, pour les pensions alimentaires encore, vous expérimentez le fait que ce ne soit plus le juge qui décide…

NICOLE BELLOUBET
Absolument, beaucoup de choses très concrètes, donc à la fois, vous le dites, le divorce, lorsque c'est un divorce contentieux, nous avons mis en place un dispositif pour qu'il soit plus rapide, parce que les gens souffrent dans cette période-là, il faut donc qu'ils aboutissent positivement…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On passerait de combien à combien de temps selon vous ?

NICOLE BELLOUBET
On va dire, eh bien, on va passer de 30 mois à 12 mois. Ce qui est tout de même…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'accord, donc de presque 3 ans à 1 an…

NICOLE BELLOUBET
Ce qui est tout de même très important. Les pensions alimentaires, leur révision sera simplifiée et rendue plus rapide avec toujours la possibilité d'un recours au juge si les parties…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et on laissera les Caisses d'Allocations Familiales gérer les contentieux…

NICOLE BELLOUBET
Voilà, et travailler sur un barème, gérer les révisions, uniquement les révisions, les révisions des pensions alimentaires. Autre innovation très concrète, on va expérimenter une cour criminelle départementale qui permettra de juger les crimes en première instance, de manière plus rapide, je crois que cela aussi est important.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors tout ça, ça sera effectif quand ? Parce que vous savez que le président dit toujours aux ministres : vous faites des lois, mais les Français n'en voient pas les résultats concrets avant plusieurs mois.

NICOLE BELLOUBET
Ecoutez, ça va être… je ne vais pas rentrer dans le détail, parce qu'il y a des niveaux de mise en… des dates de mise en application différentes, suivant la nature des mesures, suivant les textes d'application que nous avons besoin de prendre, mais très rapidement, dans les quelques mois qui viennent…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avant la fin de l'année, parce que souvent, on en parle à la télé, et puis, derrière, les Français qui nous regardent, ils nous disent : eh bien, on ne voit pas concrètement comment ça se passe…

NICOLE BELLOUBET
Ah oui, bien sûr. Non, non, il y aura des mises en application bien avant la fin de l'année, évidemment.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avant la fin de l'année 2019 ?

NICOLE BELLOUBET
Oui, oui, tout à fait.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, un mot sur les gilets jaunes, la justice est particulièrement active depuis 14 semaines, 15 semaines, on a eu les derniers chiffres, notamment sur le nombre d'interpellations et le nombre de condamnations. Ça vous semble être une justice plutôt équilibrée, vous allez me dire oui, ou plutôt…

NICOLE BELLOUBET
Je vais…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
… Ce que disent les gens, c'est que, au fond, ça va beaucoup plus vite avec les gilets jaunes qu'avec certains délinquants de col blanc…

NICOLE BELLOUBET
Eh bien, je ne crois pas. Nous venons de parler d'une délinquance récemment à l'instant, et je ne crois pas…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alexandre BENALLA…

NICOLE BELLOUBET
Je ne crois pas que ça aille beaucoup plus vite, nous sommes dans des circonstances et dans des situations complètement différentes, ce que nous sanctionnons lors de… je ne parle pas des gilets jaunes, la justice sanctionne à l'occasion de ces manifestations les atteintes aux biens ou aux personnes, et ça…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On voit 8.701 interpellations et presque 1.800 condamnations…

NICOLE BELLOUBET
Oui, et d'ailleurs, il y en aura d'autres, puisque tous les jugements n'ont pas eu lieu, mais je crois que ce que nous voulons, c'est assurer la sécurité des personnes et des biens et pas du tout sanctionner la liberté de manifester, qui est une liberté fondamentale.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Si on prend un exemple concret qui a beaucoup marqué les esprits, Christophe DETTINGER, le boxeur, qui a justement été condamné, lui, à un an de prison ferme…

NICOLE BELLOUBET
Oui, évidemment, je n'ai pas pénétré dans son dossier, mais il ne me semble pas anormal que monsieur DETTINGER ait fait l'objet d'une condamnation. Donc je crois que là, la justice a joué un rôle parfaitement équilibré, rapide, normal.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, alors Jean-Luc MELENCHON vous reprochait, alors, deux ans fermes, c'était au début, maintenant, c'est un an ferme. Le procureur au nom de Nicole BELLOUBET a exigé trois ans ! Justice de classe…

NICOLE BELLOUBET
Oui, j'ai vu ce tweet, j'y ai répondu, enfin, je n'ai pas répondu sur « justice de classe », parce que tout ce qui est excessif est insignifiant. Mais en réalité, c'est inexact, il n'a pas eu deux ans fermes…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non, il a eu un an ferme…

NICOLE BELLOUBET
Voilà, il a eu un an, plus un sursis avec mise à l'épreuve…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il dit que le procureur avait exigé en votre nom trois ans…

NICOLE BELLOUBET
Non, pff, moi, je veux bien, mais Jean-Luc MELENCHON, là, confond des fantasmes et la réalité, je ne donne…, je le répète à nouveau, le Garde des sceaux ne donne aucune instruction individuelle à aucun procureur, cela va de soi, vous me voyez prendre mon téléphone et appeler le procureur en disant : alors pour untel, vous mettrez tant, enfin, ça n'a aucun sens, aucun sens, et si Jean-Luc MELENCHON veut bien raisonner un peu, il le sait parfaitement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je voudrais qu'on revienne à ce qu'on s'est dit au départ de cette émission, est-ce que parfois on n'a pas l'impression dans notre pays, à cause des réseaux sociaux, à cause de la haine, qu'au fond le respect de la règle, le respect du droit, le respect du vivre ensemble, n'existe plus, en tout cas existe moins ?

NICOLE BELLOUBET
J'espère qu'il existe. Je dirais que ce n'est même pas une question… enfin, c'est le respect de la règle, vous avez raison, mais c'est surtout le respect de l'autre. Moi ce qui me frappe c'est que, finalement, les gens s'invectivent, se parlent, sans souci de respecter l'autre, et ça je trouve que nous devons collectivement faire un effort. Alors, il y a l'effort qui est facilité par l'action de justice, mais je trouve que c'est une attitude humaine que nous devons développer, redévelopper, retrouver.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous nous dites que la justice, et les sanctions de la justice, ne peuvent pas tout dans ce domaine, qu'il va falloir retrouver le lien d'être ensemble. Est-ce que c'est par la démocratie, est-ce que c'est par le référendum, comment on fait pour que les Français se respectent mutuellement ?

NICOLE BELLOUBET
Je crois que l'un des éléments de réponse c'est sans doute, effectivement, l'écoute au niveau des institutions, c'est-à-dire effectivement des mécanismes où on prend mieux et davantage en compte la parole de nos concitoyens, au niveau local, au niveau national…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qu'on fait pendant le débat, selon vous ?

NICOLE BELLOUBET
Par exemple pendant le débat, et puis ça peut se traduire par des mesures institutionnelles, le président de la République a dit qu'il en proposerait.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Par exemple, le référendum, on a bien compris que le 26 mai, jour des européennes, ça c'était enterré, il n'y en n'aura pas.

NICOLE BELLOUBET
Oui, mais là on est une approche, je dirais circonstancielle et technique. Je crois effectivement que le 26 mai on va parler des européennes, ce n'est pas la peine d'y adjoindre d'autres sujets qui viendraient déconcentrer de ce sujet majeur, mais il y a d'autres mécanismes que l'on peut trouver.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Après il y aura peut-être des référendums, plus souvent ? Vous pensez qu'on n'en fait pas assez des référendums ?

NICOLE BELLOUBET
Moi je suis très méfiante à l'égard des référendums, vous savez, on a vu l'utilisation qui en a été faite. On peut, si on se décentre, voir ce qui a résulté du référendum sur le Brexit, je trouve que les conséquences à payer sont extrêmement lourdes, et pour nos amis Anglais, et pour l'Europe, donc il faut être prudent avec les référendums.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, si ce n'est pas des référendums c'est quoi ? Parce Union européenne vous venez de dire il faut effectivement qu'il y ait d'autres mécanismes démocratiques pour redonner…

NICOLE BELLOUBET
Il y a toutes sortes de consultations, qui peuvent avoir lieu.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Des consultations au niveau local, par exemple ?

NICOLE BELLOUBET
Par exemple.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vers ça qu'on va, probablement ?

NICOLE BELLOUBET
Les choses ne sont pas tranchées, nous sommes au milieu du débat, donc laissons-nous le temps de trouver les bonnes solutions avec les Français.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et vous préparerez sûrement une réforme institutionnelle sur la suite de celle qui est en cours, soit une autre.

NICOLE BELLOUBET
Absolument.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez du travail. Merci beaucoup Nicole BELLOUBET d'avoir été notre invitée ce matin.

NICOLE BELLOUBET
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 février 2019