Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Madame BELLOUBET, bonjour. Il y a plusieurs phrases d'Emmanuel MACRON « Je pense que je peux mieux faire », qui donnent l'impression d'une certaine forme de mea culpa. Est-ce que vous pensez sincèrement ce matin, là je parle simplement de la forme, qu'il y a quelque chose qui a changé ? C'est le président de la République il a quand même été pendant tout cet épisode des Gilets jaunes, extrêmement critiqué, voire même caricaturé d'une manière violente, voire même pendu dans la rue, d'une manière symbolique.
NICOLE BELLOUBET
Ce qui n'est pas acceptable.
GUILLAUME DURAND
Ce qui n'est pas acceptable, je vous l'accorde, mais est-ce qu'il a changé ? Est-ce qu'il a entendu cette... ce qui n'est pas une protestation mais une colère ?
NICOLE BELLOUBET
Oui. Moi je ne sais pas s'il a changé, parce qu'il est évident que, lorsqu'en tant que ministre je travaille avec lui, je le vois parfois sous un autre jour que ce qu'il peut laisser apparaître dans le cadre public, en tout cas j'ai trouvé hier ce qui moi sur le plan humain m'a frappée, c'est qu'il était extrêmement sincère, sincère à la fois dans son engagement, sincère quand il dit : « Moi ce qui m'importe au fond, si je veux réussir ce quinquennat », et sincère quand il dit « Ce qu'il faut c'est de l'humain partout ». Et je crois vraiment, vous savez pour l'entendre en Conseil des ministres ou en entretien particulier, il est obsédé par la traduction concrète de ce que l'on fait pour les gens, donc par de l'humain. Il se trouve que c'est apparu clairement hier, il me semble.
GUILLAUME DURAND
Il ne faut pas aller, d'une manière abusive, jusqu'à la psychologisation de la politique…
NICOLE BELLOUBET
Ah non, non non.
GUILLAUME DURAND
Mais tout à l'heure je citais la France de Saint Thomas d'AQUIN : « Il est plus beau d'éclairer que de briller seulement », et vous avez répondu par la sincérité, parce que c'est aussi ça le problème des Français qui jugent plutôt négativement, mais il faut faire attention aux sondages, cette prestation, ce matin, c'est qu'il se pose vraiment, vous avez prononcé le mot, la question de la sincérité de MACRON. C'est-à-dire qu'il y en a une partie qui considère que c'est une sorte d'arriviste, qui est arrivé par effraction, et qui a braqué la Vème République, qui s'installe derrière le bureau du Général de GAULLE...
NICOLE BELLOUBET
Je crois qu'on n'en est pas là du tout, je crois que…
GUILLAUME DURAND
Oui, mais quelle en est la preuve tangible ?
NICOLE BELLOUBET
Mais c'est la preuve tangible, monsieur DURAND, c'est l'accumulation des évolutions qu'il propose. Quand vous regardez la masse de choses qu'il a annoncées hier, c'est pourquoi est-ce faire, pourquoi est-ce dit, pourquoi est-ce proposé, si ce n'est pour changer la vie des gens ? Pour moi c'est ça la sincérité en politique. Quand il dit : « Pas de retraits inférieure à 1 000 € », on va réindexer les retraites, on va baisser les impôts, on va remettre de l'investissement productif dans les filières d'avenir, c'est-à-dire dans les filières sur la transition énergétique, etc. On va être au plus près des gens par ces Maisons France service. Tout est fait, en tout cas dans ses propos, et il nous appartient maintenant de le transformer en réalité. Tout est fait pour changer la vie des gens.
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il faut un deuxième mandat ?
NICOLE BELLOUBET
Oui.
GUILLAUME DURAND
Donc vous y êtes favorable.
NICOLE BELLOUBET
Bien sûr.
GUILLAUME DURAND
Mais développez.
NICOLE BELLOUBET
Non, eh bien ben bien sûr. L'action publique elle se conduit sur le long terme. Non mais je ne suis pas l'envoyée d'Emmanuel MACRON pour dire cela devant vous. Je vous dis…
GUILLAUME DURAND
Vous êtes quand même sa garde des Sceaux, ce qui n'est quand même pas neutre.
NICOLE BELLOUBET
Oui, absolument, sur mon champ ça n'est pas neutre, je dis simplement que l'action publique elle s'inscrit dans le long terme, toujours.
GUILLAUME DURAND
Une question qui est évoquée par Guillaume…
NICOLE BELLOUBET
Mais ça, ce sont les Français qui en décideront, ce n'est pas le moment de dire ça maintenant.
GUILLAUME DURAND
Enfin, il a quand même répondu, il a dit : « C'est une question classique, je vais répondre d'une manière pas classique », et il a répondu de manière classique, c'est-à-dire qu'il a dit qu'il n'y pensait pas du tout, alors qu'il y pensait.
NICOLE BELLOUBET
Eh bien moi je vais vous répondre, je vous réponds oui, mais je ne suis pas sa porte-parole, là.
GUILLAUME DURAND
Question pratique, puisqu'on a beaucoup reproché évidemment que le manque de choses pratiques, cette affaire de proportionnelle, dans l'histoire de politique française, bon, la grande décentralisation c'était 69 avec Gaston DEFFERRE, il y a les traces d'une décentralisation qui sont incontestables ce matin. Et puis il y a cette affaire de proportionnelle qui évidemment pour beaucoup de partis politiques, puisqu'on approche d'élections importantes, est fondamentale pour l'évolution du système français. Alors c'est quand ?
NICOLE BELLOUBET
Eh bien la question de la proportionnelle, évidemment va faire l'objet d'un texte de loi. Vous savez que c'est un sujet que nous avions déjà effleuré…
GUILLAUME DURAND
Absolument, on vient de le rappeler TABARD.
NICOLE BELLOUBET
Absolument, mais ça n'est pas dans la révision constitutionnelle. C'était, les lois électorales sont à côté de la révision constitutionnelle, donc il faut que ces lois soient adoptées, le président de la République là, a donné un chiffre qui serait de 20 %, et donc il faut que le Parlement adopte…
GUILLAUME DURAND
C'est 20 ou 25 ? Parce qu'on a l'impression qu'à un moment, il a dit 20 et peut-être même 25.
NICOLE BELLOUBET
Il a plutôt dit 20 pour la représentation proportionnelle. 25 % c'est plutôt la diminution du nombre de parlementaires, puisque cette diminution du nombre de parlementaires, le président l'avait envisagée autour de 30 % initialement…
GUILLAUME DURAND
Et LARCHER était contre.
NICOLE BELLOUBET
Oui, mais l'idée c'est évidemment, et c'est ce que disait le président du Sénat, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas trop de départements où il n'y ait pas assez de sénateurs, et donc du coup peut-être est-ce qu'effectivement nous diminuerons la diminution, si j'ose dire.
GUILLAUME DURAND
Mais je repose ma question sur la proportionnelle, essayons de donner un horizon d'une date, à partir du moment où la loi sera déposée.
NICOLE BELLOUBET
Pour les prochaines élections législatives ; c'est évident.
GUILLAUME DURAND
C'est une évidence, donc ce sera concomitamment avec la prochaine élection présidentielle.
NICOLE BELLOUBET
Absolument.
GUILLAUME DURAND
Il y a une chose qui a été totalement absente de cette Conférence de Presse, c'est l'écologie, autre absente totale, la culture.
NICOLE BELLOUBET
Non non non non, je ne suis pas du tout d'accord, l'écologie elle n'est pas absente. Lorsque le président de la République d'une part dit qu'il faut faire évoluer l'investissement productif, c'est évidemment parce que cela va également concerner les filières de transition énergétique, donc cela à avoir. Lorsqu'il dit qu'il va mettre en place un Conseil de défense, ce qui est quand même symboliquement très fort, pour traiter de l'ensemble de ces questions liées au climat, à la transition énergétique, tout cela a avoir. Donc pardonnez-moi, je vous reprends, non ça n'était pas absent, au contraire.
GUILLAUME DURAND
Petite phrase qui est importante, sur le fonctionnement donc de l'attelage entre le gouvernement et le président de la République, on lui a beaucoup reproché de travailler tout seul, là il a ouvertement dit, mais est-ce qu'il faut le croire, publiquement, que finalement il donnerait les grandes inflexions, les grandes directives horizon 2025, a-t-il dit pour le chômage de masse, mais il a dit, en se retournant vers le Premier ministre et vous étiez à côté, mais c'est le gouvernement qui va faire tout ça.
NICOLE BELLOUBET
Mais on est absolument…
GUILLAUME DURAND
Et vous êtes le gouvernement.
NICOLE BELLOUBET
Absolument, et on est pleinement dans l'application de la Vème République. Et je crois, moi ce qui m'a frappée hier, si vous voulez, c'est deux choses. D'abord sur l'aspect humain, je l'ai dit, la sincérité de l'action conduite et tracée par le président de la République, et sur le plan institutionnel, le président de la République était pleinement dans son rôle, c'est-à-dire un rôle d'arbitre, c'est ce que dit l'article 5 de notre Constitution, quelqu'un qui fixe le cap, et derrière il y a un gouvernement qui doit trouver les voies et les moyens pour appliquer ces orientations. On est absolument dans la Vème République.
GUILLAUME DURAND
Ce qui veut dire qu'Edouard PHILIPPE n'est pas, comme l'avait dit Nicolas SARKOZY, à propos de François FILLON, le simple collaborateur du président.
NICOLE BELLOUBET
Absolument pas, absolument pas. Ce n'est pas un collaborateur, on a une autonomie de réflexion, une autonomie d'action, une autonomie de pensé. Le président de la République, qui est élu directement par le peuple, trace les grandes orientations, le Premier ministre et le gouvernement sont là pour vraiment diriger la politique du mouvement.
GUILLAUME DURAND
Alors, question extrêmement directe, qui concerne cette affaire de Gilets jaunes. Hier, nous recevions donc l'ancien patron du RAID, Jean-Michel FAUVERGUE, qui est donc un des députés de votre majorité, et qui dit : « Finalement, à terme, si ça continue, autrement on n'y arrivera pas, on va arrêter dans un climat, comme l'a dit Valéry GISCARD d'ESTAING, de guerre civile froide, on peut peut-être envisager d'interdire les manifestations ». Est-ce que vous qui êtes garde des Sceaux, vous considérez qu'à terme, si ça continue, pour ramener le calme dans le pays, il faudra peut-être envisager d'interdire les manifestations ?
NICOLE BELLOUBET
Alors écoutez, moi ce n'est pas du tout l'optique dans laquelle je me situe, je considère que nous sommes dans un Etat de droit, que la liberté de manifester est une liberté essentielle, et donc elle doit être préservée. Et d'ailleurs, toutes les dispositions, tous les textes qui ont été adoptés, toutes les dispositions que nous mettons en oeuvre, concrètement, sont là pour préserver cette liberté de manifester, mais pour empêcher les débordements qui pourraient résulter de mouvements violents. Nous sommes vraiment dans cette op^tique-là.
GUILLAUME DURAND
Mais pardonnez-moi madame, pourquoi laisser manifester des Black-blocs ? C'est un droit de laisser manifester les Black-blocs ?
NICOLE BELLOUBET
Non, on ne laisse pas manifester les Black-blocs.
GUILLAUME DURAND
Eh bien, c'est quand même, pardonnez-moi, je vais être un peu vulgaire, mais c'est quand même eux qui ont tout bousillé sur les Champs-Elysées.
NICOLE BELLOUBET
Non mais je suis d'accord, nous avons dû resserrer, c'est ce qui a été fait par Christophe CASTANER, nous avons dû resserrer les moyens dont dispose l'ordre public, c'est ce qui a été fait depuis 15 jours ou 3 semaines. A partir de là nous mettons en place, et des moyens d'ordre public, et des dispositifs judiciaires derrière, pour empêcher que cela dégénère. Mais il me semble que, entre cela et empêcher la liberté de manifester, il y a une nuance.
GUILLAUME DURAND
Je ne sais pas si vous avez vu cet arrêt du Conseil d'Etat, qui a annulé les dispositions concernant la fiscalisation de GOOGLE, ce qui pourrait être à terme une sorte, évidemment si tout ça se généralise, une sorte d'échec absolu sur l'idée de fiscaliser finalement, pour un Etat que vous représentez, tout le capitalisme dématérialisé, et c'est une décision du Conseil d'Etat français. Et si c'est appliqué à GOOGLE, à FACEBOOK, à AMAZON et aux autres, j'allais die, on est dans un drôle de pétrin, étant donné l'importance économique.
NICOLE BELLOUBET
La volonté qui est manifestée par…
GUILLAUME DURAND
Mais vous l'avez vu cet arrêt du Conseil d'Etat.
NICOLE BELLOUBET
Oui, je l'ai vu. La volonté qui est manifestée par Bruno LE MAIRE de prendre des dispositions législatives, me semble-t-il, permettra précisément de pallier les difficultés qui ont été là relevées.
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire qu'on ne considérera plus ce capitalisme comme dématérialisé, et qu'on…
NICOLE BELLOUBET
Nous pourrons absolument mettre en place une imposition qui sera tout à fait normale.
GUILLAUME DURAND
Merci Nicole BELLOUBET d'être venue ce matin. Donc je rappelle que vous êtes garde des Sceaux, et que vous étiez à cette Conférence de Presse du président de la République hier.
NICOLE BELLOUBET
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 avril 2019