Interview de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux transports, à BFM TV le 18 octobre 2019, sur l'exercice par les syndicats du droit de retrait après l’accident du TER dans les Ardennes et la réforme des retraites à la RATP et à la SNCF.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Baptiste DJEBBARI, bonjour.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Bonjour monsieur BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes secrétaire d'Etat aux Transports. Ça tombe bien ce matin, pourquoi ? Parce que les TER, les RER, les Transiliens ne roulent pratiquement plus dans de nombreuses régions. En Ile-de-France mais pas qu'en Ile-de-France, dans de nombreuses régions françaises. Colère des usagers. J'ai reçu un nombre incalculable de coups de téléphone ce matin d'usagers en colère sur l'antenne de RMC, Jean-Baptiste DJEBBARI. Droit de retrait dit le syndicat CGT. Droit de retrait ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors d'abord, deux choses.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Trois choses. Le trafic est perturbé, c'est vrai. Il est très perturbé en région sur les TER, 25 % des TER roulent environ. Très perturbé notamment avec quasiment aucun TER en Occitanie, en Nouvelle-Aquitaine. Effectivement il y a eu, pour expliquer les causes, un accident il y a deux jours.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Collision.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Une collision entre un TER et un camion.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était mercredi dans les Ardennes.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Absolument. Qui est resté bloqué sur un passage à niveau. Le conducteur a très bien réagi, il a mis en oeuvre les mesures de sécurité et il y a une enquête interne, en tout cas une procédure interne ouverte à la SNCF pour en tirer les conclusions.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, attendez ! Je finis sur les faits. L'accident a fait onze blessés.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le conducteur a été blessé à la jambe lors de l'accident. Il n'avait pas été prévenu du camion présent sur les voies car le signal radio n'a pas fonctionné dit la CGT, et il a dû ensuite gérer seul la situation. Seul parce qu'il était le seul agent de la SNCF à bord du train.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors plusieurs sujets. D'abord il a très bien réagi et il a permis de mettre en sécurité l'ensemble des passagers et de prévenir le sur-accident parce qu'un train arrivait dans l'autre sens. Il y a un sujet : c'est que les équipements de sécurité ont été détruits dans l'accident et ne permettent pas de faire toute la lumière sur l'enquête. Mais l'enquête se poursuit, les syndicats y sont associés et il y aura notamment des demandes faites au constructeur de ce TER pour améliorer la procédure de sécurité. Ça, c'est l'événement de sécurité, pleine transparence. Après, il y a une grève surprise ce matin.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Droit de retrait dit le syndicat.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Grève surprise hors du cadre légal. Droit de retrait, c'est inopiné. Vous avez un événement de sécurité, une incivilité majeure, un accident majeur, vous pouvez opérer un droit de retrait. Là, la CGT, pour être clair, conteste effectivement que les conducteurs de la SNCF conduisent seuls. Or ils conduisent seuls depuis dix ans sur le réseau Transilien. Les trois quarts des TER sont exploités seuls à bord. C'est une mesure de conduite qui est homologuée, qui est autorisée par la sécurité ferroviaire française, qui est pratiquée partout en Europe et la CGT depuis tout le temps conteste cette mesure. Mais moi ce que je dis, c'est qu'on est face à deux choses différentes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la CGT profite de cet accident, si je vous comprends bien, pour conduire un mouvement de contestation ce matin. Qui pénalise qui ? Les usagers.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Les usagers et ce n'est évidemment pas normal de prendre les usagers à témoin d'une prise de position syndicale sur un dispositif qu'ils contestent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous condamnez ce mouvement alors.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non. Je dis la CGT sait très bien faire des grèves légales quand elle le veut. Donc si elle veut faire une grève sur ce système-là qu'elle juge inadaptée, elle fait une grève, elle dépose un préavis et la grève s'ensuit. Mais dire qu'on opère un droit de retrait qui n'en est pas un, aujourd'hui effectivement ça pénalise l'usager, le voyageur qui ne comprend pas pourquoi il n'a pas de TER ce matin en Occitanie ou en Nouvelle Aquitaine. Et par ailleurs, je rappelle quand même que ce système de conduite, encore une fois qui est très largement généralisé, a été validé à l'époque après une grande concertation des agents, des cheminots eux-mêmes, des collectivités et des régions.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Inadmissible ? Inadmissible, ce mouvement ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tout cas, pas admissible dans la forme. Contester toute mesure, c'est la démocratie, c'est le droit français, vous pouvez faire une grève. Mais une grève, il y a un préavis, ça se prépare. Et en tout cas, on n'instrumentalise pas un accident de sécurité pour lequel, par ailleurs, la lumière est faite par la SNCF, et encore ce matin à 7 heures et demie il y avait une réunion avec les différents syndicats. On n'instrumentalise pas un événement de sécurité pour faire valoir une position politique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Instrumentalisation donc.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ecoutez, c'est mon sentiment aujourd'hui. On a d'un côté un événement de sécurité. J'ai parlé ce matin avec Guillaume PEPY qui me dit évidemment vouloir faire toute la transparence en lien avec les syndicats, encore améliorer les procédures de sécurité, et c'est bien normal, et il est en réunion depuis ce matin avec notamment les syndicalistes de la CGT. Ça c'est normal, c'est la sécurité, c'est une amélioration continue. Vous parlez des problèmes de passage à niveau on a un sujet de passage à niveau en France. Il y eu des accidents dramatiques. Il y a un plan de suppression d'un certain nombre de passages à niveau, il y a des améliorations de la signalisation, donc tout ça…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de passages à niveau seront supprimés au passage ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est un gros tiers des passages à niveau qui sont en train d'être supprimés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un tiers ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est un gros tiers. Effectivement, vous savez, les passages à niveau sur les lignes TER, c'est quasiment un tous les kilomètres. C'est beaucoup. Donc il y a la sécurité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est une grève d'opportunité, quoi.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a la sécurité…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mouvement social…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Contre lequel… En tout cas qui impacte aujourd'hui très, très fortement les voyageurs français et je crois qu'on leur doit de la prévisibilité dans leur transport du quotidien et que si on veut contester une mesure, on fait une grève dans les règles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est inadmissible ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce n'est pas admissible.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas admissible. Jean-Baptiste DJEBBARI, est-il vrai que parfois certains syndiqués de la CGT chassent des conducteurs de train d'autres syndicats ou non syndiqués pour leur interdire de prendre les commandes des trains ? Ça arrive ça ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a des pratiques locales.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des pratiques ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors ce n'est évidemment pas systématique et moi je ne vais pas pointer du doigt les uns et les autres.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais ça existe ? Ça existe ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais ç'a pu exister. Ça existe encore certainement, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ça existe encore. Dites-moi, il y a un lien peut-être avec la réforme des retraites, non ? Est-ce qu'il y a un lien avec la réforme des retraites selon vous ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi je pense que le contexte social du moment n'est pas tout à fait neutre. Mais pour la réforme des retraites à la RATP, comme à la SNCF, comme avec les pilotes, les routiers et les contrôleurs, nous avons un dispositif de concertation. J'étais hier toute la journée avec les agents de la RATP. Nous verrons la semaine prochaine ou dans les quinze jours qui viennent l'ensemble des syndicats à la SNCF pour faire ce que nous avons fait hier avec la RATP, c'est-à-dire poser les grands piliers de négociations pour voir comment nous faisons la transition, donner des garanties. Et donc ce dialogue-là, il existe. Alors la CGT ne vient pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. La CGT n'était pas là hier.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Elle n'était pas là hier.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle a refusé. La CGT de la RATP a refusé de se rendre à votre réunion.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
J'ai vu l'UNSA le matin, j'ai vu la CFE-CGC le soir. Nous avons eu des discussions extrêmement intéressantes. Nous avons commencé à poser différents scénarios, ils ont contre-proposé. En tout cas, nous avons eu un échange et un dialogue fécond. Ils ne sont pas favorables à la réforme, disons-le clairement, mais nous avons eu un dialogue fécond.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle aura lieu, cette réforme.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je souhaite qu'elle ait lieu parce que c'est une réforme…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le souhaitez, mais elle aura lieu ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nous sommes déterminés à mener cette réforme parce que nous pensons qu'en équité, qu'en lisibilité, que c'est une réforme aussi pour les générations, les jeunes qui viennent et qui ne croient plus dans le système des retraites et je pense que la retraite, c'est un des pivots, peut-être même le pivot essentiel du contrat social français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j'ai une question très directe, tout à fait simple, qui s'adresse à vous et tous les agents de la RATP seront concernés puis tous les usagers aussi. Est-ce que le régime spécial des agents de la RATP disparaîtra ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais le régime spécial en tant que tel, oui, va converger vers le système universel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va disparaître.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il va disparaître. Il va converger vers le système universel. Et vous savez, à la fin de la fin quand nous discutions avec les agents de la RATP, ils ne sont pas attachés particulièrement au régime spécial : ils veulent savoir à quel âge ils vont partir et combien ils vont toucher. Que ce soient les six derniers mois ou que ce soit la dénomination régime spécial ou régime universel, pour eux là où ils veulent être rassurés - et c'est bien normal - c'est de savoir combien ils vont toucher et à quel âge ils vont partir. Et c'est ça, c'est à ces questions-là très précises que nous allons leur répondre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors je rappelle qu'aujourd'hui à la RATP, petite parenthèse, les agents sous statut spécial, régime de retraite spécial, représentent 88 % des salariés. Premier chiffre. Deuxième chiffre, âge moyen de départ à la RATP, cinquante-cinq ans et sept mois. Mais on peut partir plus tôt quand on est conducteur, on peut partir à un peu plus de cinquante ans, cinquante ans et huit mois. Un agent administratif soixante ans et huit mois. Le régime spécial est déficitaire. En 2017, l'Etat a dû verser six cent quatre-vingt-un millions d'euros pour équilibrer ce régime spécial.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors plusieurs choses. D'abord il y a un régime spécial avant 2009 où là vous avez un système de bonifications. Il y a eu une réforme en 2009 qui a touché l'ensemble des régimes spéciaux et qui a commencé à tracer la convergence vers le régime général. Donc les chiffres que vous avancez, ils sont vrais en théorie mais dans les faits, y compris les conducteurs aujourd'hui, partent un peu plus tard.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un peu plus tard.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ils partent un peu plus tard.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en moyenne, cinquante-cinq ans et six mois.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En moyenne sur la population RATP, en moyenne cinquante-cinq ans et sept mois, vous avez parfaitement raison. Donc ce que nous allons faire… Donc il y a plusieurs populations. Ce que je vous dire, c'est qu'il y a déjà plusieurs populations et un peu plus de règles à la RATP.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, j'avais compris. Non mais ça, j'ai compris.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et donc l'idée, c'est bien quand même de tracer une convergence et d'avoir un système qui, à terme, soit un système équitable pour tout le monde.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire qu'un futur agent de la RATP partira plus tard.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça veut dire qu'un futur agent de la RATP partira un peu plus tard comme l'ensemble de la population française, mais que nous voulons lui garantir qu'à âge de départ à peu près similaire, il ait une pension, en tout cas un niveau de pension qui soit…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui il a un bon niveau de pension.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Supérieur à la moyenne des Français.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Salaire des six derniers mois.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Salaire des six derniers mois.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Calculé sur le salaire des six derniers mois ; est-ce qu'il va garder cela ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors le sujet, ce n'est pas tant… Alors les six derniers mois, ça s'applique aux régimes spéciaux mais aussi à la fonction publique. Le sujet, les six derniers mois c'est un outil. C'est un outil pour effectivement calculer votre pension et faire en sorte que vous ayez une bonne pension. Mais finalement, le contrat social français est un peu étonnant. Pour les fonctionnaires comme pour les régimes spéciaux, il consiste à dire que finalement pendant la carrière, vous gagnez peu d'argent, vous êtes peu rémunéré, de façon assez croissante, assez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez beaucoup de primes à côté du salaire.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Il y a beaucoup de primes. Et les six derniers mois, vous avez une accélération et donc vous partez avec un bon salaire. Or notre projet, c'est quand même de faire en sorte que nous puissions vivre tous collectivement de notre travail. Donc certainement qu'il y a un sujet de système de rémunérations et que peut-être une des conséquences de la réforme des retraites sera une revue du système de rémunérations pour les rendre plus attractives. Ça correspond aussi plus à ce que veulent notamment les jeunes qui rentrent dans le marché du travail aujourd'hui. Mais les six derniers mois, pour être très clair, c'est un outil. Ce que veulent les agents de la RATP ou de la SNCF, c'est savoir en dehors des six derniers mois ou pas à quel âge ils partent et combien ils touchent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'ils toucheront plus ou moins ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est ce que nous essayons de construire avec eux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'ils toucheront plus ou moins ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça c'est vraiment, en tout cas, en l'instant pas défini puisque vous avez plusieurs scénarios.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne pouvez pas leur assurer qu'ils toucheront plus. Parce qu'ils vont travailler plus longtemps.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui. Nous, nous allons faire en sorte qu'ils…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils vont peut-être travailler plus longtemps et toucher moins. Vous comprenez leur colère, non ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui. Et c'est la raison pour laquelle aujourd'hui nous avons hier très spécifiquement dit que la prochaine réunion servirait à deux choses. A travailler bien la reprise des droits du passé, c'est-à-dire comment on les valorise en euros sonnants et trébuchants et à bien définir les conditions d'ouverture des droits à l'avenir. Donc encore une fois des euros sonnants et trébuchants. C'est ce travail très précis qui vise effectivement à leur donner de la visibilité sur âge de départ, niveau de pension.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 5 décembre il y a une grève illimitée qui est annoncée, la RATP, la SNCF, et d'autres, grève interprofessionnelle, les jeunes. Vous craignez cette journée, franchement, soyons francs ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moi je suis lucide, je pense qu'il y aura une grève, qu'elle sera probablement suivie, et mon travail ce n'est pas de craindre la grève, c'est d'essayer de faire en sorte que d'ici au 5 décembre les syndicats, les agents de la RATP, aient le maximum d'informations pour qu'ils puissent déterminer sur la base, non pas du rapport Delevoye tel qu'il avait été publié dans sa version originale, mais sur la base de ce que nous aurons discuté jusqu'au 5 décembre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que vous allez réviser un peu vos propositions de réforme des retraites, franchement Jean-Baptiste DJEBBARI…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, ça veut dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai vu, date d'entrée en vigueur du futur régime universel après 2025 !

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, date d'entrée en vigueur, 2025, et période de transition de 15 ans, qui pourra s'adapter en fonction des secteurs, des entreprises.

JEAN-JACQUES BOURDIN
2025, 15 ans, 2040.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
2040, pour la convergence !

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, pour la convergence. Et, si la réforme n'était appliquée qu'aux nouveaux entrants, sur le marché du travail, vous y êtes favorable ou pas ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, c'est une hypothèse, et moi je vais vous dire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Très franchement, je n'y suis pas très favorable. Pourquoi ? Parce que cette réforme des retraites elle vise quand même à rétablir de l'équité, notamment à l'égard des jeunes générations, qui aujourd'hui ne croient pas, ou ne croient plus, dans le système de retraite. Si effectivement, ce qui peut être un peu plaisant, en disant finalement rien ne bouge pour tous ceux qui sont en emploi aujourd'hui et pour les jeunes générations il y aura de nouvelles règles du jeu à compter de telle année, évidemment, en termes de contestation on peut penser que ce sera beaucoup moins fort, mais en termes d'équité je pense qu'on est sur un système un peu moins performant. Or, les jeunes générations, y compris la mienne, et les plus jeunes encore, ne croient plus dans ce système de retraite, et je pense, encore une fois, la retraite, en France, c'est un des fondements, un des piliers, du pacte social. Et donc moi je souhaite qu'on fasse la convergence, qu'on prenne le temps de converger, mais qu'on ne soit pas dans une convergence qui mette 60 ans ou 80 ans à se faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 5 décembre c'est une date un peu anniversaire, 5 décembre 1995 c'était le jour fort de cette fameuse grève de 95. Bien, Jean-Baptiste DJEBBARI, le Brexit maintenant, parce que si jamais demain le Parlement britannique… si le Parlement britannique ne vote pas l'accord trouvé entre Boris JOHNSON et l'Union européenne, est-ce que l'Union européenne va accorder un nouveau délai ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, a priori, tel que cela a été discuté, l'hypothèse est plutôt que non, puisque vous savez que l'accord qui a été trouvé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, pas de nouveau délai, donc Brexit dur.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Donc, Brexit probablement non coordonné, mais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 31 octobre.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et donc, pour être très concret, puisqu'on parle de mon secteur, les transports, nous nous sommes prêts, quelle que soit l'hypothèse.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon !

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Nous sommes prêts pour un Brexit dur et nous sommes prêts pour un Brexit négocié.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, imaginons le Brexit dur quand même, 31 octobre, que se passe-t-il, frontière rétablie entre l'Union européenne, alors la France, et la Grande-Bretagne, on est d'accord ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, par exemple, sur l'Eurostar, pour prendre des cas très concrets.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, l'Eurostar.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
La personne qui veut se rendre de Paris à Londres, de Lille à Londres, eh bien l'Eurostar, nous avons fait en sorte de valider tous les titres de sécurité, les autorisations pour les conducteurs, en France, de manière à ce que l'Eurostar puisse fonctionner tout à fait normalement. Pour les routiers, pour le transport routier de marchandises, et vous savez que c'est quand même des corridors qui sont…

JEAN-JACQUES BOURDIN
5000 camions par jour.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
C'est énorme, très empruntés, avec Gérald DARMANIN, dont je salue le travail très conséquent, nous avons travaillé beaucoup aux procédures douanières, nous avons construit des aménagements pour stocker les camions, les agents des douanes sont formés, nous avons, avec les présidents de région, travaillé dans les ports pour aménager des services vétérinaires. Je ne dis pas que ce sera la panacée, ce sera compliqué un Brexit dur, honnêtement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment, il va y avoir des heures de queue.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Mais nous avons tout fait…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des heures de queue, à Saint-Pancras, des heures de queue Gare du Nord, des heures de queue à Calais, à Folkestone.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Je rappelle que nous ne souhaitons pas le Brexit et que, quelque part, si un accord a été trouvé hier c'est aussi parce que le président a dit : accord avant le 31 octobre, sinon, effectivement, tout le monde sera en difficulté. Et je pense que, si on se compare, on peut se consoler un petit peu parce que, du côté de chez nous en tout cas, je pense que s'agissant des transports routiers de marchandises, du transport de voyageurs, de l'aérien, du maritime ou du ferroviaire, nous sommes prêts, mais effectivement un Brexit, de toute façon, surtout un Brexit dur, va être de nature à mettre en difficultés effectivement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment Jean-Baptiste DJEBBARI, ça veut dire qu'il faudra se munir d'une carte d'identité ou d'un passeport pour se rendre en Grande-Bretagne, c'est évident, s'il y a Brexit dur. Eh oui, oui !

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ah ben oui, c'est le retour à ce que nous connaissions…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on va passer une douane, enfin un temps fou, enfin bon ! Allez, nous verrons bien. Examen du budget à l'Assemblée nationale en ce moment, on parle beaucoup des transports dans ce budget, évidemment, hausse du prix du gasoil de 2 centimes d'euro par litre pour les transporteurs routiers, enfin hausse, ce n'est pas une hausse, c'est une taxe, 2 centimes non remboursés, qui ne sont plus remboursés, c'est pour 2020, mais ça…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, moi j'ai reçu les routiers encore avant-hier, et nous avons des discussions avec eux, en fait il y a plusieurs mesures, y compris des mesures qui sont en leur faveur. Par exemple, nous annulons ce qu'on appelle la taxe à l'essieu, parce qu'on change de mode de recouvrement, mais c'est conséquent, c'est 174 millions d'euros, la taxe des 2 centimes c'est 140 millions d'euros. Donc, sur les trois prochaines années, ce que nous voulons leur donner c'est, un, de la visibilité, et nous nous sommes engagés, sur les taxes sur les carburants, à ce qu'il n'y ait plus d'augmentation d'ici à la fin du quinquennat, et je pense qu'avec eux il faut construire des cadres différents. Moi je leur proposais de construire un contrat de filière, un contrat de transition énergétique, pour tout poser sur la table, parce que c'est vrai que d'un côté les routiers font beaucoup d'efforts, notamment sur la transition énergétique, sur le fait d'avoir des nouveaux véhicules, avec des moteurs qui consomment moins, une utilisation beaucoup plus accrue du gaz par exemple, les routiers font beaucoup d'efforts, et c'est vrai que parfois ils ne comprennent pas, en tous cas ils ne comprennent pas que chaque année ils aient affaire à une instabilité de la norme fiscale. Et donc moi je pense qu'il faut construire avec eux un contrat sur les trois prochaines années pour dire, il y aura stabilité du dispositif, et peut-être même des contrats quinquennaux pour dire voilà, la filière on veut l'emmener là sur le plan de la transition écologique et énergétique, et on trace, et on donne de la perspective et de la stabilité, ça je pense que c'est vraiment comme ça qu'on doit traiter, filière par filière, d'ailleurs y compris pour l'aérien, qui aujourd'hui fait face à cette forme d'instabilité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, l'aérien qui va être taxé à nouveau, hausse de la taxe Chirac.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Sur les billets d'avion.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur les billets d'avion. Le terrorisme. Est-il vrai qu'une dizaine d'agents de la RATP ont été licenciés ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Après l'attaque de la préfecture de police de Paris ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, pas après l'attaque, enfin en tout cas pas que je sache. Non, ce qui est vrai, c'est que la radicalisation terroriste, en tout cas islamique pour dire les mots, c'est un défi, notamment pour les entreprises publiques…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est un défi, mais y a-t-il eu des licenciements ? Je vous pose la question.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Non, non, mais attendez, je vais répondre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Alors, il y a eu des licenciements dans certaines entreprises publiques…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ce que vous dites, une dizaine.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Une dizaine, à la RATP ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Y compris à la RATP, où effectivement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces derniers mois, ces dernières semaines ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ces derniers mois, ces dernières semaines, mais vous savez c'est un sujet... je prends 3 secondes pour l'expliquer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais je vous demandais, moi les faits, ce qui m'intéresse Jean-Baptiste DJEBBARI se sont les faits.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien les faits, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, je répète, une dizaine de licenciements à la RATP…

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Pour motifs de comportement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y en a eu à la SNCF ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Moins, que je sache…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y en a eu, moins, mais il y en a eu.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Là, pour le coup je ne vais pas vous dire un chiffre que je ne maîtrise pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et dans l'aérien, il y en a eu ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Et dans l'aérien, il y a un système de criblage dans l'aérien puisqu'il y a des autorisations, des badges aéroportuaires, donc on arrive à faire peut-être plus de prévention dans l'aérien que dans certains secteurs comme les secteurs des transports terrestres. Et pour se dire ce qui se passe, notamment dans le secteur des bus de la RATP, posons les choses. Il y a ce phénomène, qui est un phénomène sociétal, et c'est observé, à la RATP comme ailleurs, qu'il y a des comportements qui changent, des gens qui refusent de changer la main à des femmes, qui refusent de conduire des bus après qu'une femme ait conduit le bus, ces phénomènes ils sont observés…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça existe.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Ça existe, ce n'est évidemment pas beaucoup, parce que quand on est une dizaine sur 63.000 agents de la RATP, on peut se dire que ça existe, il faut le traiter, mais on n'est pas face à un phénomène massif, mais ça existe. Et donc, oui, le management est vigilant, oui il repère des changements de comportement, et oui il traite ces cas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Jean-Baptiste DJEBBARI, je vous arrête. Si un conducteur de bus refuse de conduire le bus parce qu'une femme l'a conduit avant lui, est-ce qu'il est licencié ?

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Eh bien la loi, en tant que telle, ne le permet pas comme ça, pas parce qu'il a refusé de serrer la main à une femme, mais sur les motifs du comportement oui, par ailleurs ces décisions elles peuvent être contestées, c'est pour ça que le cadre légal, peut-être qu'à un moment il faudra aussi le revoir, c'est l'objet, en tout cas c'est le sens des propositions qui ont été faites par deux députés à l'été, et qui permet de se doter, dans un futur à moyen terme, de nouveaux outils pour permettre ces licenciements qui parfois sont…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez à ce que la loi soit précisée.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
En tous cas je pense que la loi sur ces sujets-là, sur la base de recommandations qui ont été faites, doit certainement être précisée, c'est un travail que nous on mène, avec les services de l'Intérieur, pour voir ce qu'il est possible de faire ou pas. C'est compliqué, c'est les libertés individuelles, c'est très compliqué, mais je pense que c'est un travail qui doit être fait de manière à donner aux cadres, aux managers publics, notamment publics, mais d'une manière générale aux cadres dirigeants, de donner les bons outils pour se prémunir d'un risque qui aujourd'hui est certes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est réel.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Réel, certes pas très important en nombre, mais réel, et donc, à risque réel, dispositif réel.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un terroriste tue, un seul terroriste tue, Jean-Baptiste DJEBBARI.

JEAN-BAPTISTE DJEBBARI
Oui, c'est pour ça que je pense qu'il faut que notre droit regarde cette réalité, ce qu'il fait, et se donne toujours la capacité d'évoluer en fonction de l'évolution de la menace en face, cette menace elle existe dans les entreprises publiques, comme ailleurs, et dans les entreprises publiques il faut que nous ayons les anticorps pour nous en défendre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Jean-Baptiste DJEBBARI d'être venu nous voir ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 octobre 2019