Interview de Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État à la santé, à CNews le 19 novembre 2019, sur l'ouverture de la complémentaire santé solidaire, la précarité des jeunes et la crise des urgences.

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Média : CNews

Texte intégral

GERARD LECLERC
Bonjour Christelle DUBOS.

CHRISTELLE DUBOS
Bonjour.

GERARD LECLERC
Vous êtes en charge auprès d'Agnès BUZYN des questions de solidarité, donc de la pauvreté, on va en parler tout de suite, mais l'actualité c'est d'abord le plan pour les hôpitaux que va présenter demain Edouard PHILIPPE, qui est annoncé comme conséquent, comme massif et on parle d'un certain nombre de décisions fortes, de reprise de la date, de revalorisation, sur quelles pistes travaille le gouvernement ?

CHRISTELLE DUBOS
Les annonces qui seront faites demain par le Premier ministre et la ministre à la sortie du conseil des ministres, il va apporter des réponses du quotidien pour les soignants, mais aussi le bien-être des patients. Un exemple, c'est des investissements qui vont pouvoir être faits dans des brancards, quand vous avez besoin de déplacer des patients et que vous avez des brancards qui ne fonctionnent pas, ce n'est pas possible et pour le patient et pour le soignant. C'est des tensiomètres, ce sont des mesures qui vont vraiment répondre aux préoccupations du quotidien et apporter et soulager les professionnels.

GERARD LECLERC
Donc c'est-à-dire pas seulement des mesures financières mais des mesures concrètes, c'est ça l'idée ?

CHRISTELLE DUBOS
L'objectif de ces mesures vont nous apporter une réponse au quotidien, je n'ai pas la teneur des mesures et les mesures sont annoncées par le Premier ministre demain, c'est ce à quoi nous voulons répondre, c'est au quotidien des soignants et le bien-être des patients pour redonner souffle aux hôpitaux et c'est aussi la suite du travail qu'apportait la ministre sur la transformation de notre système de santé. Cette transformation qui est en cours et les réformes qui ont été saluées par l'ensemble des professionnels et des soignants, nous devons maintenant apporter des réponses pour le quotidien.

GERARD LECLERC
Le conflit dans les dans les hôpitaux est né dans les urgences, il y a 8 mois, les urgences c'est là où viennent notamment les populations les plus fragiles, les plus modestes, ça vous concerne ?

CHRISTELLE DUBOS
Ça me concerne. Ce qu'on ce qu'on entend, c'est souvent des personnes qui par manque de moyens, pour des raisons financières renoncent aux soins ou quand c'est trop tard, vont aux urgences. Ce que nous, nous faisons au niveau de ce gouvernement et ce que je porte pour ces personnes, je dirais, qui sont en situation de fragilité financière, c'est de dire, de leur rassurer en disant la santé n'est pas un luxe en France, vous avez une couverture, vous avez des droits et c'est notamment ce nouveau droit que nous avons ouvert au 1er novembre sur cette Complémentaire Santé Solidaire, c'est une vraie mutuelle qui permet aux personnes d'avoir un panier de soins mieux remboursés, avec une mutuelle qui est soit gratuite, soit maximum à un euro par jour et qui leur permettra d'aller se faire soigner par leur médecin de ville et éviter d'arriver aux urgences. Et c'est là aussi tout notre système de transformation du système de santé porté par la ministre, qui est de dire, on doit fluidifier et éviter que les personnes arrivent aux urgences, qu'elles trouvent la solution avant les urgences et que quand on arrive aux urgences, ce soit vraiment en état d'urgence.

GERARD LECLERC
Oui parce que cette complémentaire santé, c'est vraiment la réponse. Il y a 63 % des Français selon un sondage qui ont dit avoir déjà renoncé soit pour des problèmes de démographie médicale, il n'y avait pas de médecin, soit pour des questions financières, c'est un chiffre impressionnant quand même ?

CHRISTELLE DUBOS
C'est un chiffre impressionnant et vous avez, je tiens à le souligner, dans chaque Caisse d'assurance maladie, vous avez un centre qui vous accompagne, qui accompagne tous les Français qui sont dans ce renoncement aux soins, soit pour accéder à vos droit à une mutuelle avec cette complémentaire santé solidaire, si vous pouvez y prétendre, soit aussi pour vous accompagner à trouver le bon médecin, pour vous aider à trouver les réponses aux devis quand parfois ils sont chers, mais c'est aussi les réponses que nous apportons sur le reste à charge zéro, quand vous n'aurez plus rien à payer sur des lunettes optiques et dentaires et c'est tout ce que nous mettons en place. Et dans la complémentaire santé solidaire, les personnes qui en bénéficient c'est dès le 1er novembre qu'ils ont ce 100 % qui est remboursé.

GERARD LECLERC
L'actualité, c'est aussi le mouvement des lycéens, après qu'un étudiant s'est immolé pour dénoncer la précarité, 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, est-ce que c'est normal, qu'est-ce qu'on peut faire ?

CHRISTELLE DUBOS
Si je peux me permettre, ce n'est pas à 20 % des étudiants, c'est 20 % des jeunes, c'est le taux de pauvreté des jeunes. Et dans ces jeunes, nous avons aussi des actifs et nous, ce que nous faisons c'est que le gouvernement dans le budget, c'est 20 milliards d'euros tous les ans qui est mis à disposition, si vous me permettez de ces jeunes, de tous les jeunes Français. Qu'est-ce que nous faisons ? Nous renforçons des mesures qui fonctionnent déjà, c'est la prime d'activité, ce sont 730000 jeunes qui bénéficient de la prime d'activité parce qu'ils sont actifs. Ce sont des moyens d'insertion supplémentaires dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, c'est cette garantie jeune, cet accompagnement adossé avec une allocation pour permettre à ces jeunes en insertion professionnelle d'accéder à l'emploi, d'accéder à la formation pour éviter qu'ils soient pauvres demain. Ce sont 100.000 jeunes supplémentaires par an. Et puis enfin, c'est les bourses, ce sont près de 500.000 étudiants qui bénéficient des bourses, avec un budget pour 2019 et 2020, qui augmente de 1,1 %. Donc nous renforçons les moyens qui existent, qui apportent déjà une réponse et qui fonctionnent auprès des jeunes, nous devons continuer à réfléchir et c'est tout le travail que je mène avec Gabriel ATTAL et la concertation sur ce revenu universel l'activité, une concertation que nous travaillons avec les représentants des jeunes pour savoir si oui ou non, on doit intégrer les jeunes dans le revenu universel.

GERARD LECLERC
On va revenir sur le revenu universel d'activité, mais d'abord ce chiffre de l'INSEE, la France est un pays riche, mais il y a 9 millions de pauvres qui vivent avec moins de 1.100 euros par mois, c'est 14,7 % de la population et ce qui est plus inquiétant, c'est qu'il a progressé ce chiffre, plus 0,6 % en 2018. C'est un problème quand même, il y a un échec là non ?

CHRISTELLE DUBOS
Il n'y a pas d'échec, le gouvernement n'augmente pas la pauvreté. Le chiffre annoncé par l'INSEE est un chiffre provisoire, une estimation et l'INSEE l'a nuancé aussi dans ses propos en disant qu'il n'avait pas pris tout en compte. Ce que nous, nous continuons à faire et c'est ce constat que nous avons fait quand le président a lancé la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté en septembre 2018, on voit bien que ce sont les chiffres de 2018. Donc ce constat nous l'avons fait, mais par contre nous regardons la réalité en face. Qu'est-ce qu'a annoncé le président avec la stratégie ? Un plan à réinvestissement social de 8,5 milliards d'euros dans la pauvreté.

GERARD LECLERC
Ça, c'était en septembre 2018, le plan contre la pauvreté et d'ailleurs il avait dit à ce moment-là, ça coûte un pognon de dingue, c'est l'expression qu'il avait employée et il n'y a pas les résultats. Alors qu'est-ce qui a changé depuis ?

CHRISTELLE DUBOS
Je me permets de dire sur cette phrase, il avait dit avant l'annonce de la stratégie, on dépense un pognon de dingue et malgré tout il reste 9 millions de pauvres.

GERARD LECLERC
Voilà, il y a toujours aujourd'hui 9 millions de pauvres.

CHRISTELLE DUBOS
La stratégie a été lancée en septembre 2018, à un an, moi j'ai fait le bilan en septembre 2019 des un an, les un an je peux vous rassurer, toutes les mesures sont mises en place.

GERARD LECLERC
C'est-à-dire ?

CHRISTELLE DUBOS
Ce sont des petits déjeuners gratuits dans les écoles pour éviter que les enfants arrivent à l'école le ventre vide et qu'ils aient les mêmes chances de réussite pour pouvoir apprendre leur cours, ça c'est un exemple. En fait sa stratégie, elle a quoi ? Elle a deux piliers, prévention, éviter que les gens rentrent dans la pauvreté ou que les enfants deviennent pauvres, donc c'est cette rupture avec les inégalités de destin et lutter contre la pauvreté c'est accompagner, faire en sorte que les personnes qui sont dans la pauvreté, bénéficiaires du RSA notamment, puissent retrouver un travail. Vous avez un autre chiffre qui est juste un petit peu impressionnant, me semble-t-il, c'est que vous avez un bénéficiaire du RSA sur deux qui dans le dispositif depuis plus de 4 ans et ça ce n'est pas normal. Et ce que moi je rencontre sur le terrain et ce que j'ai fait en tant que travailleur social pendant 20 ans, accompagner ces personnes-là, elles nous disent et quand je les rencontre encore la semaine dernière, elle nous disent, « mais aidez-moi à trouver un travail, je ne peux sortir de la pauvreté de ma galère quotidienne qu'en trouvant un travail », d'abord en trouvant un travail et quand vous accompagnez ces personnes à retrouver un travail, elles vous disent « merci », elles nous disent, « Je n'ai plus honte le matin, je ne me cache plus de mes voisins, je n'ai plus honte et je suis fier de montrer mes enfants que je vais travailler, mes enfants sont fiers de moi ». Ces personnes retrouvent une dignité, c'est tous les objectifs que nous menons avec les réformes, avec les mesures concrètes où nous accompagnons, travaillons avec les départements pour leur donner les moyens de mieux accompagner et de sortir par l'emploi.

GERARD LECLERC
Alors j'entends bien la réinsertion, des mesures spécifiques contre la pauvreté, mais est pour l'instant à première vue, ça ne suffit pas puisque je le redis le chiffre est toujours le même, il a même légèrement augmenté. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus, qu'est-ce qu'on peut imaginer de plus, qu'est-ce qu'on peut développer en plus, pour vraiment faire diminuer ce taux de pauvreté ?

CHRISTELLE DUBOS
Il n'y a pas de baguette magique. Il n'y a pas de formule magique. Le combat contre la pauvreté, c'est un combat de tous les jours, de tous les instants et c'est un combat de longue haleine, je dirais. C'est un combat qui, sur lequel on part des constats avec des dispositifs qui ne fonctionnent plus. On le voit bien, la question de l'accès au droit, les Français ne demandent même plus parfois leurs droits parce qu'ils ne les connaissent plus, parce qu'ils n'y croient plus, nous devons redonner confiance en notre système de protection sociale, dire aux personnes que ce n'est pas parce que, un jour vous demandez le RSA que vous allez y rester toute votre vie. C'est tout l'objectif que nous portons avec les mesures de la stratégie où on apporte des moyens conséquents aux départements, où on leur dit un bénéficiaire de RSA, l'accompagnement doit se faire en moins d'un mois, actuellement c'est en plus de 4 mois, vous avez une personne actuellement qui fait une demande de RSA…

GERARD LECLERC
Et donc l'objectif c'est d'aller… un mois ?

CHRISTELLE DUBOS
Un mois, moins d'un mois, on accompagnera le bénéficiaire du RSA en moins d'un mois et après qu'est-ce qu'on dit comme un accompagnement, ce n'est pas un rendez-vous de temps en temps, c'est un rendez-vous qui va travailler avec la personne et qui va travailler sur les réponses de son quotidien. Comment est-ce qu'on répond à votre problématique du quotidien, à la problématique de la mobilité, à la problématique de la santé, à la problématique de l'accès de faire garder vos enfants et toutes ces mesures-là, on les déploie dans le cadre de la stratégie. La santé, la complémentaire santé solidaire, la mobilité, on y travaille aussi avec les départements sur le mode de garde, on y met des moyens supplémentaires où en plus on développe 30.000 places de crèche supplémentaires. Ces crèches à vocation d'insertion professionnelle qui permettent à des parents, qui sont en recherche de travail, qui sont en insertion sociale ou professionnelle de pouvoir faire garder leurs enfants et en plus ces enfants, on leur donne les mêmes chances de réussite. Donc nous travaillons, prévention et lutte contre la pauvreté.

GERARD LECLERC
Alors en préparation vous avez-vous aussi le revenu universel d'activité, l'idée, c'est, je crois, de regrouper différentes prestations, le RSA, les APL, les primes d'activité, l'allocation handicapée, etc… Quel est vraiment l'intérêt, qu'est-ce que ça va changer ? C'est toujours… les prestations existent déjà.

CHRISTELLE DUBOS
L'intérêt, c'est d'abord vous avez des prestations certes qui existent encore, le fait de fusionner, de regrouper, un seul dossier, une seule prestation, simplification, c'est ce que nous demandent les Français, plus de simplifications, plus de lisibilités et de visibilités. Vous avez actuellement 30 % des personnes qui ne demandent pas le RSA parce qu'elles ne connaissent pas, parce qu'actuellement vous devez faire, vous êtes locataire, vous faites un dossier d'aide au logement, vous êtes en fin de droits chômage, vous fait une demande de RSA derrière. Il suffit que vous ayez un conjoint qui travaille, en plus il faut faire un dossier de prime d'activité. Un seul dossier, une seule prestation, de façon à pouvoir avoir cette lisibilité, mais l'objectif du Revenu universel l'activité, c'est aussi de dire aux personnes comme vous le demandez et que vous n'avez pas de ressource, comme actuellement c'est le cas avec le RSA, c'est que vous aurez toujours un gain financier dès lors que vous travaillerez.

GERARD LECLERC
Donc toujours l'idée d'un d'inciter les gens à travailler, ça pourrait concerner combien de personnes ?

CHRISTELLE DUBOS
Actuellement nous avons à peu près 2,4 millions de bénéficiaires du RSA, si on prend l'aide au logement, on est à peu près sur 15 millions de personnes qui pourraient toucher le revenu universel d'activité et encore je n'intègre pas l'allocation handicapée ou le minimum vieillesse, toute la concertation permettra de dire quelles sont les prestations que l'on fusionne.

GERARD LECLERC
On arrive, on est à mi-mandat d'Emmanuel MACRON, il y a des sondages qui sont sortis et qui sont en général sévères sur sa politique économique et sociale. Il y a toujours cette image de président des riches, c'est injuste selon vous ?

CHRISTELLE DUBOS
C'est tout à fait injuste. Le gouvernement se bat pour la pauvreté, je me bats contre la pauvreté parce que c'est un constat que nous avons fait, la stratégie a été annoncée. Moi, je fais vivre la stratégie, ça fait un an qu'elle a été annoncée, toutes les mesures sont mises en place, les chiffres sont bons. Vous avez plus de 40.000 élèves qui ont bénéficié entre avril et juin, en 4 mois de petits déjeuners gratuits, nous l'ouvrons à l'ensemble des communes à partir de septembre, nous aurons des chiffres consolidés en juin. Nous avons plus de 100.000 jeunes qui sont accompagnés de nouveau tous les ans pour éviter que ces jeunes se retrouvent isolés chez eux, éviter que ces jeunes se retrouvent sans accompagnement, sans formation. Et puis il y a aussi un milliard d'euros annoncés par la ministre du Travail sur l'insertion par l'activité économique qui permet et qui sont, je dirais, dans l'accompagnement des marches petit à petit qu'on accompagne pour que les personnes puissent accéder à l'emploi et c'est vraiment notre objectif.

GERARD LECLERC
Merci Christelle DUBOS, bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2019