Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).
(…)
M. le président. Nous en avons terminé avec les interventions des porte-parole des groupes.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Nous partageons tous le sentiment de l'urgence écologique et climatique, dont nous avons déjà pris acte à l'occasion de la loi relative à l'énergie et au climat. Cette transition est, en fait, une transition globale : transition de nos modes de production, de consommation et de vie, transition agricole et urbaine. Face à cet enjeu, c'est le Gouvernement tout entier qui est mobilisé. Il s'agit, bien sûr, des crédits du ministère de la transition écologique et solidaire, que nous examinons aujourd'hui, mais aussi, au-delà, de la totalité de l'action du Gouvernement – je pense ainsi à l'action du ministre de l'agriculture ou à celle du ministre de l'économie et des finances, par le biais du pacte productif. Tel est, du reste, le sens du travail que nous avons engagé à propos du "green budgeting" et qui nous permet d'avoir une vision globale de notre investissement en matière de transition écologique et solidaire.
Si l'on se place dans le cadre de la norme de dépenses pilotables, qui exclut les dépenses relatives aux dettes et aux pensions, et qui mesure donc l'effort budgétaire réel en faveur d'actions concrètes, les moyens financiers du ministère de la transition écologique et solidaire pour l'année 2020 s'élèvent à 32,226 milliards d'euros : ils sont donc bien en augmentation de 832 millions d'euros par rapport à 2019, soit environ 2,6 %, sans effet de périmètre, car cette augmentation est calculée à périmètre retraité en tenant compte des modifications opérées entre les lignes, les programmes et les comptes d'affectation spéciale. Ce budget s'inscrit ainsi dans la priorité donnée par le Président de la République à la transition écologique.
Les effectifs du pôle ministériel, à propos desquels vous m'avez sollicitée, s'élèveront, en 2020, à 27 851 agents, 23 761 chez les opérateurs et 10 544 dans le budget annexe correspondant à l'aviation civile. Les politiques publiques sont donc portées à la fois par des efforts budgétaires très importants et par de nombreux agents. Ces effectifs sont toutefois en diminution de 597 agents pour le pôle ministériel et de 276 pour les opérateurs, soit une diminution de 1,4 %, chiffre bien différent de ceux qui ont été cités dans la discussion et légèrement inférieur à la norme de l'État.
J'évoquerai maintenant nos différentes priorités par domaine, en commençant par l'eau et la biodiversité, qui réunissent 2,572 milliards d'euros de crédits. Les agences de l'eau ont démarré en 2019 leur onzième programme. Leurs priorités portent sur l'adaptation au changement climatique et, à la suite des assises de l'eau, aux grands enjeux du partage de l'eau, de la protection de notre ressource en eau et des économies d'eau.
Nous créons également, au 1er janvier 2020, l'Office français de la biodiversité, par fusion de l'Agence française de la biodiversité et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, pour simplifier notre organisation et nous permettre d'être plus offensifs en matière de préservation de la biodiversité. Ce nouvel établissement public est financé avec une augmentation de 40 millions d'euros au programme 113, comme l'a signalé M. Adrien Morenas, et connaîtra un gel complet de son schéma d'emplois : pas de suppression d'emplois, donc, à l'intérieur de ce nouvel opérateur.
Nous créerons également, en 2020, le onzième parc national, le Parc national des forêts de Champagne et Bourgogne. M. Jean-François Mbaye a rappelé l'enjeu important que représentent les forêts au plan national et international. Grâce à la diversité des outils de classement et de protection, les aires protégées couvrent aujourd'hui environ 29,5 % des terres et 22 % des eaux françaises. En 2020, nous produirons une stratégie visant à nous permettre de développer nos aires protégées, tant terrestres que maritimes.
Nous développerons aussi le plan biodiversité lancé en juillet 2018 et accueillerons en juin à Marseille le congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature – UICN –, qui traduira, avant la COP 15 – la quinzième conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique – qui doit se tenir en Chine, le positionnement moteur de la France à l'international dans ce domaine.
En matière d'énergie et de climat, nous mobilisons plus de 12 milliards d'euros en 2020. Nous poursuivons le soutien aux énergies renouvelables, qui est notre premier poste de dépenses, avec 5,4 milliards d'euros. Avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, nous confirmons notre ambition de réduction de la consommation finale d'énergie et le développement des énergies renouvelables, avec des objectifs chiffrés. Depuis 2017, près de 3 000 projets ont été sélectionnés dans le cadre d'appels d'offres pour le solaire, l'éolien terrestre, la biomasse, l'hydroélectricité et le Fonds chaleur. Ces dispositifs d'aides ont permis la progression constante de la part des énergies renouvelables au sein du mix énergétique et ces projets représentent notamment une capacité de 5 gigawatts pour le photovoltaïque et 1 gigawatt pour l'éolien. La part d'énergie renouvelable dans le mix électrique de la France est ainsi passée de 19,6 % à 22,7 % entre 2016 et 2018.
L'ADEME, de son côté, sera dotée de près de 600 millions d'euros de crédits, qui s'inscrivent dans des stratégies développées avec les collectivités. Avec ces moyens, l'agence pourra poursuivre ses appels à projet pour la transition énergétique et développera en particulier le Fonds chaleur et poursuivra les appels à projet dans le domaine de l'hydrogène. Nous pourrons y revenir plus précisément dans la discussion afin d'éclairer la représentation nationale.
Cependant, la transition énergétique consiste aussi à aider nos concitoyens à franchir le pas d'un mode de vie plus écologique et plus économique. Le dispositif du chèque énergie, cité par plusieurs orateurs, fonctionne bien. Bénéficiant à plus de 5,8 millions de ménages, il voit son taux d'utilisation progresser : de 78 % environ en 2018, ce taux devrait dépasser 80 % en 2019.
Quant à la question des EHPAD, elle est importante et nous pourrons la traiter, notamment, en liaison avec le ministère de la santé dans un texte qui pourra être proposé par Agnès Buzyn.
Au début de son mandat, le Président de la République s'était engagé, à retirer de la circulation 500 000 véhicules polluants grâce à la prime à la conversion. Cet objectif est déjà rempli, et même dépassé, avec près de 690 000 dossiers prévus d'ici à la fin 2019. Nous prorogerons néanmoins cette mesure en 2020, où 405 millions d'euros y seront consacrés, à quoi s'ajouteront 395 millions d'euros pour le bonus des véhicules électriques. Notre objectif est désormais de retirer de la circulation 1 million de véhicules polluants au cours du quinquennat.
D'autre part, la discussion parlementaire a permis d'améliorer le CITE en intégrant certains gestes aux déciles 9 et 10 et en l'ouvrant aux travaux de rénovation globale. Le nouveau dispositif n'est pas plus compliqué : grâce à un simulateur en ligne, il sera possible, après avoir précisé le type de travaux souhaité et le montant de ses revenus, de connaître immédiatement le montant de l'aide qui pourra être versée – et ce dès la fin des travaux, ce qui marque un progrès considérable par rapport au CITE, versé un an et demi plus tard.
M. Julien Aubert, rapporteur spécial. C'est un Rubik's Cube numérique !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. L'accompagnement et l'information des ménages seront renforcés par des crédits sous forme de certificats d'économie d'énergie dans le cadre d'une contractualisation entre l'État, les obligés et les collectivités territoriales – régions, communautés de communes, communautés d'agglomération, métropoles. Grâce à ces financements, les ménages pourront plus facilement remplacer leur chaudière par un équipement plus performant, trouver une meilleure information de premier niveau dans les accueils communaux et les maisons France service, et bénéficier d'un accueil spécialisé dans les Espaces info énergie qui auront vocation à être généralisés partout en France.
Je soutiens bien sûr la nécessité de continuer à travailler sur le sujet des copropriétés, pour lesquelles des simplifications et des aides complémentaires seront prévues, et de faire en sorte d'ouvrir le plus rapidement possible, en 2021, ces dispositifs aux propriétaires bailleurs.
La prévention des risques sera dotée de 532 millions d'euros, des crédits en hausse par rapport à 2019. Nous avons vécu l'accident de Lubrizol qui nous rappelle bien sûr que c'est une priorité, et nous sommes d'ailleurs déterminés à faire la lumière sur les conséquences de cet accident, comme d'autres accidents graves – je pense notamment à l'incendie de l'usine d'Achères, en région parisienne.
Une attention particulière est portée aux effectifs dédiés à ces missions. Les effectifs des inspecteurs des installations classées seront maintenus l'année prochaine, tandis que ceux de l'Autorité de sûreté nucléaire seront en hausse en 2020.
La prévention des risques naturels majeurs est de son côté conduite en lien avec les collectivités. Le fonds Barnier, dont les interventions seront possibles à hauteur de 180 millions d'euros en 2020, a été pleinement mobilisé lors des inondations de l'Aude de l'automne dernier. Il est disponible lors d'aléas de grande ampleur.
En 2020, nous poursuivrons également la mise en oeuvre de la feuille de route relative à l'économie circulaire. Présenté le 10 juillet 2019 en conseil des ministres, le projet de loi qui en est issu s'articule autour de quatre orientations : stopper le gaspillage, mobiliser les industriels, informer pour mieux consommer et améliorer la collecte des déchets pour lutter contre les dépôts sauvages. Renforcer les soutiens accordés par l'ADEME aux projets de valorisation des déchets par les collectivités et au contrôle des transferts transfrontaliers de déchets sera une priorité budgétaire.
Je veux terminer ce passage en revue par le soutien à la recherche et à l'innovation, axe fondamental qui nous permet d'impulser la transition écologique dans nos filières économiques mais aussi de développer nos filières en transition. Cela renvoie bien sûr à l'économie sociale et solidaire, qui est au cœur de cette transformation. Je conclurai en mentionnant la transition territoriale, avec les contrats de transition écologique qui concernent à présent près de 10 millions de citoyens et un appui local renforcé pour les territoires en reconversion – je pense aux 40 millions d'euros d'autorisations d'engagement ouverts pour les territoires touchés par la fermeture des centrales à charbon.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, je me tiens à votre disposition pour des précisions complémentaires au cours de cette discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. Nous en venons aux questions.
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière. Partout dans le monde, comme nous le savons, des épisodes météorologiques extrêmes apparaissent comme les premières conséquences directes du réchauffement climatique en cours. C'est acquis : le globe et son atmosphère deviennent de plus en plus chauds, certaines glaces fondent et rejettent des gaz à effet de serre emprisonnés depuis des milliers d'années. Ainsi s'enclenche un cycle infernal : des émissions engendrent du réchauffement qui engendre lui-même de nouvelles émissions, et ainsi de suite.
La France pourrait être en tête des nations conscientes de cette urgence et jouer un rôle de moteur d'un grand changement civilisationnel. Mais, en réalité, elle est à la traîne. Votre budget, madame la secrétaire d'État, pourrait être comparé à la banquise : il se réduit progressivement. Prenez garde à ce que vos collaborateurs et vous-même ne deveniez des ours blancs perdus sur des morceaux de glace, car vous n'avez évoqué qu'une partie de la réalité.
Le budget de 2020 prévoit la suppression de près de 2 000 postes. Mais vous auriez pu aller plus loin : d'ici à 2022, 4 961 postes seront supprimés, venant s'ajouter aux 13 250 qui l'ont déjà été entre 2013 et 2019. Il manquera 7 millions d'euros au Bureau des recherches géologiques et minières, tandis que 100 postes seront supprimés au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. La part du nucléaire dans la production électrique, avouons-le, ne sera pas ramenée à 50 % d'ici à 2025. Le glyphosate ne sera pas interdit avant plusieurs années. Le kérosène bénéficiera encore d'exonérations fiscales. Et ainsi de suite.
Au nom du groupe La France insoumise, je vous demande donc solennellement – car votre parole devant la représentation nationale vaut engagement du Gouvernement : la France tiendra-t-elle, l'an prochain, ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Comment comptez-vous y parvenir en déployant si peu de moyens ? Je dois avoir la franchise de vous dire que, pour notre part, au vu des éléments que je viens de donner, nous n'y croyons absolument pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. Le budget que je viens de vous présenter est en hausse de 830 millions d'euros, soit 2,6 %. Il n'est donc pas en train de fondre telle la banquise. Le nombre de postes baisse de 1,4 %, ce qui correspond à environ 800 postes sur un total de 60 000, soit une réduction relativement limitée par rapport au nombre d'agents concernés, sachant que nous sommes capables d'améliorer notre organisation et de trouver de nouvelles manières d'agir avec efficacité.
Mme Mathilde Panot. Ce n'est pas ce que disent les acteurs !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. Ensuite, vous nous demandez si les choses avancent. Concernant le nucléaire, ça avance. Il se trouve que j'accompagne la fermeture de la centrale de Fessenheim. Le premier réacteur sera fermé en février 2020, le deuxième en juillet 2020. C'est la première fois que des réacteurs sont fermés. Oui, notre ambition est de réduire la part du nucléaire en la ramenant à 50 % de notre mix énergétique en 2035. Douze autres fermetures sont prévues. Tout ceci a été débattu et présenté dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie qui va bientôt passer au stade de la consultation avant son adoption définitive.
En ce qui concerne l'agriculture, qui doit elle aussi connaître une profonde transition, nous avons pris un engagement de réduction des produits phytosanitaires de 50 % d'ici à 2025. Nous y travaillons avec chacune des filières, dans les 3 000 fermes Dephy, à partir du financement issu de la redevance pour pollutions diffuses. Nous devons tenir cet engagement. Nous y travaillons tous les jours, non pas contre les agriculteurs, mais avec eux.
Nous avançons au quotidien sur chacun des segments : énergie, agriculture, mobilité ou encore transition territoriale – puisque 172 intercommunalités sont engagées dans des contrats de transition écologique. Vous nous demandez des engagements et des actes : ils sont là. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Colas-Roy.
M. Jean-Charles Colas-Roy. La transition écologique représente une triple chance : en matière de justice sociale, puisque ce sont souvent les plus vulnérables d'entre nous qui sont touchés par les changements climatiques ; en matière de développement économique, puisqu'on prévoit de créer dans ce cadre plusieurs centaines de milliers d'emplois dans les dix à quinze prochaines années ; enfin en matière d'aménagement du territoire, puisque les collectivités territoriales, telles que les régions, seront au cœur de cette transition.
Au sein de La République en marche, notre ligne de conduite est claire. Elle consiste à accompagner les plus modestes, à inciter au maximum et à contraindre en dernier ressort. J'illustrerai le premier point en évoquant le chèque énergie qui profite, depuis que nous avons élargi le champ de ses bénéficiaires, à plusieurs millions de nos concitoyens. Concernant le deuxième point, je donnerai l'exemple de la prime à la conversion des véhicules ou celui du grand plan de changement des chaudières, avec l'offre à 1 euro. Enfin, le troisième point se traduit par l'interdiction des hydrocarbures ou celle des véhicules thermiques à carburant d'origine fossile, deux lois qui prévoient une transition à l'horizon 2040, un délai qui laisse aux acteurs – l'industrie automobile dans le deuxième cas – le temps de s'adapter.
Ma question porte sur le chèque énergie. Son taux d'utilisation est aujourd'hui de 80 %. Cela signifie que plusieurs dizaines de milliers de ménages ne se servent pas de ce chèque, dont le montant est passé de 117 à 200 euros depuis le début du quinquennat, et qui touche une cible élargie puisque nous avons fait passer celle-ci de 4 à 5,7 millions de personnes. Comment faire pour que ce taux d'utilisation augmente encore et que les plus modestes puissent en bénéficier ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. Je vous remercie pour votre question, car la création du chèque énergie est une mesure extrêmement concrète de lutte contre la précarité énergétique. Nous avons choisi d'en augmenter le montant, qui peut atteindre 270 euros par famille, et le nombre de bénéficiaires – 5,8 millions de ménages sont potentiellement éligibles. Nous savons que les prestations et aides sociales mettent toujours un peu de temps à trouver leur public. En ce qui concerne le chèque énergie, les chiffres sont très encourageants, puisque nous avons atteint l'année dernière un taux de recours d'environ 79 % pour l'exercice 2018. Cela laisse bien sûr une marge de progression. Si l'on ne peut s'en satisfaire, ce taux de recours est déjà bon pour une prestation jeune. Pour 2019, nous anticipons une augmentation de ce taux, qui atteindra environ 83 %.
Pour que cette augmentation se poursuive, notre objectif étant bien sûr de tangenter les 100 %, plusieurs pistes sont actuellement à l'étude. La première est de continuer à viser des publics particuliers. Après avoir ciblé les citoyens qui étaient en contractualisation directe à travers les APL, nous devons maintenant nous intéresser à nos concitoyens logés en EHPAD et qui doivent, de ce fait, avoir accès au dispositif de façon plus simple, par une contractualisation directe avec les établissements qui les logent. C'est l'objet du travail actuellement mené avec le ministère de la santé.
D'autre part, un travail est en cours avec les bénéficiaires pour que l'information soit plus lisible et plus simple : comment mieux écrire les courriers pour que ceux-ci soient plus clairs, plus compréhensibles ? Comment systématiser le versement de l'aide, d'une année à l'autre ? Quand vous avez utilisé le chèque énergie pour un fournisseur d'énergie, celui-ci vous permet de le redemander directement l'année suivante, sans qu'il soit nécessaire d'accomplir de nouvelles démarches. Tout ce travail précis d'accès à l'information finira par payer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
(…)
M. le président. La parole est à M. Patrick Loiseau.
M. Patrick Loiseau. Au nom du groupe MODEM, je salue à mon tour l'engagement du Gouvernement en faveur de l'écologie et du développement durable à travers ce budget 2020. Dans un contexte marqué par d'immenses défis, tels que la réussite de notre transition énergétique, la prévention des risques, la préservation de nos ressources et de la biodiversité ou encore la lutte contre le réchauffement climatique, l'urgence est réelle.
J'aimerais revenir sur la programmation pluriannuelle de l'énergie et plus spécifiquement sur la situation de la filière nucléaire française. La mise en service de l'EPR de Flamanville a été reportée d'au moins une année, avec un coût estimé désormais à plus de 12 milliards. Le groupe EDF rencontre de nombreuses difficultés de gestion, de délai et de coût. À cela s'ajoutent la fermeture de la centrale de Fessenheim, que vous venez d'évoquer, les coûts grandissants du projet Cigeo – centre industriel de stockage géologique – d'enfouissement des déchets dénoncés par la Cour des comptes, ainsi que des incidents constatés dans plusieurs centrales ces dernières années.
Je salue donc la demande adressée par le Gouvernement à EDF de présentation d'un plan d'action visant à remédier à ces problèmes à répétition. Je souhaite rappeler toute l'importance des crédits que nous devons consacrer à la sûreté nucléaire, mais également à la diversification du mix énergétique.
Dans ce contexte, j'aimerais savoir quelles seront les conséquences de ces difficultés sur la trajectoire fixée par la France, notamment au regard de sa volonté de réduire de 71 % à 50 % la part du nucléaire d'ici à 2035. D'autre part, les moyens techniques et financiers seront-ils bien à la hauteur de l'ambition d'augmenter la part des énergies renouvelables – éolien, photovoltaïque ou biogaz, par exemple – à 32 % d'ici à 2028 ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. Oui, monsieur Loiseau, l'objectif de notre politique énergétique est évidemment de diversifier notre mix, afin de le rendre plus résilient contre des difficultés du type de celles que vous avez évoquées. Comme je viens de le rappeler, nous entendons en effet réduire la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2035 et porter la part des énergies renouvelables à 40 % d'ici à 2030 : cet objectif est plus que jamais d'actualité.
Je viens aussi de rappeler la fermeture des deux tranches de la centrale nucléaire de Fessenheim en 2020, décision assortie d'un projet de revitalisation territoriale signé en 2019 et abondé par un fonds d'amorçage de 10 millions d'euros.
Les difficultés rencontrées par l'EPR de Flamanville, qui ont récemment alimenté les débats, ont fait l'objet d'un rapport de Jean-Martin Folz qui, après avoir été remis à Bruno Le Maire et Élisabeth Borne, a été suivi d'une demande de plan d'action rapide. Nous devons examiner l'ensemble de ces éléments avec attention avant de prendre toute décision nouvelle quant à des productions supplémentaires d'origine nucléaire.
La PPE définitive, qui sera ouverte à la consultation publique dans quelques semaines, confirmera le calendrier précis des différents appels d'offres. Comme cela a été indiqué cet été, la baisse programmée des prix de l'éolien offshore nous permettra sans doute de renforcer la trajectoire, notamment en matière de biogaz, conformément la demande faite par différents acteurs.
D'autre part, nous ouvrirons cette semaine, avec la Commission nationale du débat public – CNDP –, un débat public sur le nouvel appel d'offres de 1 gigawatt en Normandie. Bien sûr, le solaire et l'éolien terrestre continuent de progresser dans la PPE que nous présenterons sous peu, tout comme l'ensemble des énergies renouvelables.
Je me tiens enfin à la disposition de chacun pour répondre, dans le cadre de la discussion parlementaire, sur des points plus précis. S'agissant de la Montagne d'or, je rappelle la position du Gouvernement, qui d'ailleurs est connue : ce projet n'étant pas compatible avec nos exigences environnementales, il ne verra pas le jour. (M. Adrien Morenas, rapporteur pour avis, et Mme Émilie Cariou applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Guy Bricout.
M. Guy Bricout. Je souhaite revenir sur le CITE, à propos duquel subsistent encore, au lendemain du vote de la première partie du PLF, nombre d'inquiétudes et d'interrogations. Si le groupe UDI, Agir et indépendants se félicite de le voir enfin transformé en prime, il déplore la complexité du nouveau dispositif : celle-ci le rend d'emblée décourageant, et les restrictions dont il est assorti risquent de tuer cet outil-clé de notre transition énergétique.
Vous allez inévitablement démotiver les ménages les plus aisés, que vous privez de ce crédit d'impôt alors qu'ils sont aussi, parfois, des propriétaires bailleurs ; et ce ne sont pas les quelques compromis faits en première lecture, hélas, qui les inciteront davantage à déclencher des travaux. Du côté des ménages très modestes et modestes, les choses ne s'annoncent pas mieux : les professionnels nous ont alertés sur le reste à charge beaucoup trop élevé qui découlera des mesures comprises dans ce projet de loi de finances.
Ma première question, très factuelle, portera sur ce reste à charge estimé, pour une chaudière gaz très haute performance, à 2 339 euros pour les ménages très modestes et à 2 816 euros pour les ménages modestes. C'est loin d'être anodin ! Confirmez-vous ces évaluations, madame la secrétaire d'État ? Dans le cas contraire, quels sont vos propres calculs, et sur quoi les fondez-vous ?
Ma seconde question porte sur le doublement du fonds chaleur, promesse du Président de la République lors de la campagne des présidentielles ; depuis, de PLF en PLF, nous attendons désespérément cette mesure.
M. Fabrice Brun. Très juste !
M. Guy Bricout. Bien que le fonds chaleur soit un outil très performant pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d'énergies renouvelables, force est de constater que son doublement n'est toujours pas au rendez-vous. Comment le Gouvernement entend-il donc respecter l'engagement pris, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, de porter ce fonds à 350 millions d'euros en 2020, et ce sans que soit sacrifiées d'autres missions de l'ADEME ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État. Je veux d'abord vous rassurer sur le CITE, monsieur Bricout. La réforme que nous défendons vise plusieurs objectifs, le premier étant de rendre les aides proportionnelles à leur impact écologique. C'est pourquoi elles sont d'autant plus généreuses que l'effet des actions engagées est positif : elles sont plus importantes, par exemple, pour les pompes à chaleur que pour les chaudières à gaz.
Le deuxième objectif est de porter les aides à des niveaux d'autant plus élevés que les revenus sont bas. Le cumul de ces deux objectifs permet d'atteindre, pour les ménages très modestes, un taux d'aide supérieur à 90 %. Ce taux, de surcroît, ne prend en compte que les aides de l'État : il est cumulable avec des aides locales et, bien entendu, avec un éco-prêt à taux zéro.
Je crois donc que, au rebours de ce que vous avez dit, nous solvabiliserons la demande des ménages très modestes et modestes et, ce faisant, leur permettrons de passer à l'acte. De fait, nous allons au-delà de ce qui existe, à savoir les programmes de l'ANAH "habiter mieux sérénité" et "habiter mieux agilité". Ceux-ci, toutefois, ne concernent que quelques dizaines de milliers de ménages, alors que la transformation du CITE en prime pourra, l'an prochain, profiter à la moitié de nos concitoyens ; les volumes engagés seront donc bien plus importants. Nous nous assurerons par ailleurs que les taux d'aide sont suffisamment élevés pour qu'aucun de ces ménages ne soit évincé : ils doivent être les premiers accompagnés, dans la mesure où ils sont aussi les premières victimes de la précarité énergétique.
Quant au fonds chaleur et à son doublement, je commencerai par rappeler la chronique des crédits dont nous parlons : 259 millions d'euros engagés en 2018 ; 289 millions programmés en 2019 ; 350 millions prévus en 2020. Nous augmentons donc peu à peu la dotation de ce fonds, en vue de le doubler à terme. La question est aussi celle des projets, raison pour laquelle j'ai réuni un groupe de travail sur les réseaux de chaleur. Il se penchera sur leur développement et sur leur verdissement, ce qui est, là encore, une manière opérationnelle de favoriser le développement de la chaleur renouvelable dans les plus brefs délais. C'est ainsi que nous pourrons continuer à accompagner la décarbonation des logements dans notre pays.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.
Avant d'en venir à la discussion budgétaire suivante, je salue l'arrivée sur nos bancs de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État aux transports.
(…)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports. J'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui le budget du ministère des transports pour l'année 2020, qui entend être le budget des engagements tenus, tant pour les mobilités du quotidien que pour les investissements structurants de moyen et long termes.
Les crédits consacrés aux politiques de transport représentent 9,8 milliards d'euros, soit une hausse de 6,3 % par rapport à l'année dernière.
Ce budget s'inscrit dans un contexte particulier. Tout d'abord, les épisodes de l'automne 2018 ont mis en exergue l'importance des problématiques de transport dans le quotidien de nos concitoyens et dans le rapport qu'ils ont, chaque jour, au territoire et à notre société. Ce budget place donc les investissements structurels et le maintien de la qualité de service au cœur de notre politique.
Il met également la question environnementale au centre de nos choix de politiques publiques. Tous les ministères, a fortiori celui des transports, doivent relever le défi sociétal et environnemental.
De manière plus générale, nous amplifions l'effort en faveur l'entretien et l'exploitation des réseaux, trop souvent sous-dimensionné. Une enveloppe de 850 millions d'euros est ainsi allouée à la régénération du réseau routier national.
Concernant la SNCF, l'État consacre 2,2 milliards d'euros de concours au réseau ferré qu'il nous appartient de préserver mais aussi de moderniser – je pense ici au renforcement de la sécurité sur les passages à niveau que M. Simian a évoqué.
Est également introduit un nouveau programme destiné à financer la dette reprise à la SNCF – 20 milliards d'euros en 2020. Il s'agit là du respect des engagements de l'État afin de permettre au groupe public ferroviaire, qui devra affronter bien des défis dans les années à venir, de redresser sa situation financière.
Le budget pour 2020, en forte hausse, concrétise les engagements pris dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités. L'augmentation de 640 millions d'euros par rapport à 2019 permet notamment de porter à 2 982 millions d'euros le budget de l'AFITF pour l'année prochaine afin de financer, d'une part, à hauteur de 80 millions d'euros supplémentaires, la régénération des réseaux routiers et fluviaux existants, et d'autre part, la poursuite des investissements dans les matériels roulants des trains d'équilibre du territoire. Le budget de l'AFITF comprend notamment 22 millions d'euros pour amorcer le marché d'acquisition des vingt-huit rames pour les lignes Paris-Clermont et Paris-Limoges-Toulouse.
La mobilité durable, qui est une préoccupation fondamentale du Gouvernement, trouve des traductions concrètes dans le présent PLF.
Nous souhaitons ainsi tripler les déplacements à vélo d'ici à 2024, objectif auquel nous consacrons 350 millions d'euros sur sept ans. Nous créons également le forfait mobilité durable pour les salariés utilisant des modes de transport alternatifs à la voiture. Celui-ci est facultatif pour les entreprises, mais je suis fier que l'État l'applique dès 2020 pour l'ensemble de ses agents. L'aide au transport combiné, essentielle pour accompagner le report modal et déjà inscrite dans le budget pour 2019, est confirmée. Elle sera utilisée pour le train Perpignan-Rungis – j'aurai l'occasion d'y revenir, madame Obono.
Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur notre politique de transport maritime, dont le budget s'élève à 292 millions d'euros.
Je tiens d'abord à saluer cette année l'engagement des bénévoles et des personnels de la Société nationale de sauvetage en mer qui, parfois au prix de leur vie, comme l'a tristement rappelé le naufrage au large des Sables-d'Olonne, apportent un concours indispensable à l'État pour l'accomplissement des secours en mer. Je confirme que mon ministère maintiendra à leur niveau de 2019 les moyens accordés à cette association.
L'État poursuivra en 2020 son engagement auprès des ports en sécurisant les moyens nécessaires à leur bon entretien, notamment en matière de dragage, et en poursuivant les plans de développement des opérations inscrites dans les contrats de plan État-région.
Pour limiter l'empreinte environnementale du transport maritime et améliorer la qualité de l'air, plusieurs actions sont engagées. La France défend, par exemple, le projet de création d'une zone de réglementation des émissions de polluants atmosphériques en Méditerranée, sur le modèle de celle qui existe déjà dans la Manche et en mer du Nord. En ce qui concerne les émissions de CO2, des propositions telles que la réduction de la vitesse des navires sont soutenues dans les instances internationales.
Enfin, une démarche de planification de l'espace maritime a été lancée pour organiser et faire coexister les activités en mer et sur les littoraux tout en protégeant le milieu marin.
Pour terminer, j'évoquerai le volet aviation civile du budget 2020…
Mme Marie-Noëlle Battistel. Et les petites lignes ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. …qui se structure autour de deux axes principaux : d'abord, le maintien d'un haut niveau d'investissement en matière de sécurité. En effet, sur les 2,29 milliards d'euros de budget de la DGAC, un effort particulier est réalisé sur les investissements permettant de garantir la fourniture de services performants conforme à l'accord européen pour 2023-2024.
Ensuite, nous cherchons à limiter les impacts environnementaux du secteur aéronautique. C'est dans cette perspective que la politique gouvernementale vise à favoriser l'incorporation de biocarburants dans le kérosène et à optimiser les trajectoires directes pour limiter la consommation de carburant et les nuisances sonores.
Toujours soucieux de préserver nos finances publiques, nous poursuivons le désendettement de la DGAC pour le ramener à son niveau de 2005.
Je profite du temps qu'il me reste pour répondre de façon plus directe à vos questions.
Monsieur Benoît Simian, le compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres » est retracé dans le programme 174. La part du bonus pour l'achat de véhicules électriques financé par le CAS y est clairement identifiée. La traçabilité du CAS est donc bien assurée dans les documents budgétaires.
Monsieur Saïd Ahamada, l'hydrogène est en effet une voie d'avenir pour les navires. Un engagement pour la croissance verte sur le thème de l'hydrogène dans le transport maritime et fluvial sera signé à la fin de l'année 2019. Le Gouvernement est tout à fait ouvert au financement de projets pilotes.
Madame Valérie Beauvais, les gros malus sont réservés aux véhicules très émetteurs. Les véhicules de taille moyenne se voient généralement appliquer des malus faibles. La moitié du parc de véhicules neufs est acquise par les entreprises. Dans la lutte contre les véhicules polluants, nous préservons donc le portefeuille des ménages modestes.
S'agissant du rapport Philizot, que nombre d'entre vous ont évoqué…
M. Pierre Dharréville. Vous l'avez apporté ?
Mme Marie-Noëlle Battistel. Il est prêt ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. Je suis très à l'aise puisque, lorsque j'étais rapporteur du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, je l'avais demandé au Gouvernement. Je l'ai dit en commission, l'avant-projet de rapport nous a été remis, mais j'ai souhaité que le préfet Philizot poursuive, pour le mois qui vient, les discussions avec les régions afin que, à la fin de novembre ou au début de décembre, nous disposions non pas d'un rapport faisant la transparence sur les coûts et l'état du réseau – ce qui est déjà très bien –, mais d'un plan d'actions validé par les régions. Ainsi, il sera opérationnel et nous pourrons décliner les solutions les plus innovantes – le train léger, le train à hydrogène. Dans certains territoires, – je vois Mme Auconie et je pense à la ligne Tours-Loches mais il y en a bien d'autres –, nous aurons matière à proposer des solutions au service des populations et adaptée au trafic, aujourd'hui assez hétérogène.
M. Éric Coquerel, rapporteur spécial. Et le train de Rungis ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. Oui, je réponds à Mme Obono. Je rappelle les circonstances qui ont conduit à l'arrêt de la ligne Perpignan-Rungis, le train des primeurs : la dégradation de l'offre ferroviaire avait amené les chargeurs à se reporter sur la route.
Nous avons demandé à la SNCF de restaurer les quatre-vingts wagons – plus de la moitié ont aujourd'hui été remis en état et sont opérationnels. Nous avons également élaboré une nouvelle offre de service avec un affréteur, Novatrans, qui s'est exprimé sur le sujet.
Je réponds à votre question dans la question : pourquoi le train part-il de Valenton et non de Rungis ? Nous avons cherché le cadre propice à la remise en service du train. Je le rappelle, les deux tiers des marchandises qui arrivaient auparavant à Rungis étaient immédiatement transbordées sur des camions pour alimenter les centrales d'achat de la grande distribution. Parallèlement, nous menons la modernisation du quai de Rungis, qui prendra un peu plus de temps, afin d'offrir un cadre adapté au fret ferroviaire. Nous répondons à court terme, pour permettre la reprise du trafic, et à long terme, pour aménager une solution de fret ferroviaire à partir des deux destinations des marchandises. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. Nous en venons aux questions.
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne. Je supplée Bénédicte Peyrol, qui souhaitait vous poser deux questions.
La première concerne l'évolution des dépenses fiscales défavorables à l'environnement. Dans le budget 2020, le Gouvernement a pris plusieurs mesures en faveur d'une fiscalité environnementale plus juste, en augmentant la contribution de certains secteurs polluants – transport routier de marchandises et aviation –, en renforçant certains dispositifs incitatifs – malus automobiles.
Pourtant, plusieurs rapports, demandés par les parlementaires, sur le "green budgeting" et la révision des annexes budgétaires ont souligné le poids de certaines niches fiscales défavorables au climat – de l'ordre de 13 à 15 milliards d'euros, notamment dans les transports. Il me semble indispensable, au nom de la justice fiscale, de réduire ces soutiens publics. Plusieurs amendements en ce sens ont été déposés par mes collègues en première partie du PLF.
Quelles seraient dès lors vos orientations pour mettre fin ou, du moins, pour réformer ces dépenses fiscales défavorables dans le domaine du transport, tant au niveau national qu'au niveau européen ?
La seconde question porte sur la part des investissements dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables », en particulier s'agissant des transports. Les jaunes budgétaires indiquent que les investissements bas carbone ont atteint dans ce secteur 13 milliards d'euros en 2018 et ont fortement augmenté de 24 % entre 2016 et 2018.
Grâce à la loi d'orientation des mobilités et au grand plan d'investissement, ces investissements sont dirigés d'une part vers le développement des infrastructures routières et ferroviaires et, d'autre part, vers les véhicules bas carbone et les modes de déplacement doux. Le dernier rapport d'allocation et de performance de l'obligation assimilable du trésor – OAT – verte, dont l'encours s'élève à 19 milliards d'euros, a également souligné l'importance de ces dépenses. Les besoins d'investissements demeurent néanmoins très importants dans ce secteur afin de respecter les différents budgets carbone, visant essentiellement à remplacer progressivement les dépenses dans les véhicules thermiques au profit des véhicules électriques.
Quelle est donc, monsieur le secrétaire d'État, votre appréhension des investissements publics en faveur de la transition écologique, au regard des budgets carbone d'un point de vue général et du financement par l'OAT plus particulièrement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. Je connais votre engagement sur ce sujet, monsieur Labaronne, ainsi que celui de votre collègue Bénédicte Peyrol, et je vous remercie pour votre question.
Je rappelle d'abord que, grâce au travail de Mme Peyrol, les documents budgétaires ont évolué. Le jaune budgétaire relatif à la transition écologique est disponible et intègre déjà le travail parlementaire effectué au cours des dix-huit derniers mois, tandis que nous disposons du rapport de la mission de l'Inspection générale des finances sur le budget vert. Nous aurons, dans les mois qui viennent, à faire coïncider les périmètres de ces deux documents.
Les dépenses qui sont considérées comme favorables à l'environnement représentent un peu plus de 36 milliards d'euros d'après le rapport sur le budget vert, contre 19 milliards d'euros selon le jaune budgétaire relatif à la transition écologique. Il s'agit désormais de faire coïncider ces deux documents de manière que le PLF pour 2021 tire pleinement les conséquences de ces documents budgétaires modernisés ; qu'il puisse offrir un outil d'évaluation approprié ; et qu'il puisse, sinon inciter l'action de l'État, du moins déterminer les leviers de politique publique les plus favorables pour notre action collective.
M. le président. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno Millienne. Le Gouvernement a placé au cœur de ses préoccupations la question de la mobilité des Français, s'agissant en particulier des transports du quotidien, comme en atteste le projet de loi d'orientation des mobilités en cours d'adoption. Ce texte, que vous connaissez parfaitement, monsieur le secrétaire d'État, recouvre de grandes réformes demandées depuis de nombreuses années par toutes les parties prenantes.
Cependant, il a reçu de multiples critiques sur la question du financement, laquelle a d'ailleurs débouché sur l'échec de la commission mixte paritaire. Le projet de loi de finances pour l'année 2020 doit être l'occasion de répondre à ces critiques en prévoyant des crédits à la hauteur de nos ambitions, si nous ne voulons pas que ces dernières soient revues à la baisse.
Je tiens donc à appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la mesure de plafonnement, prise à l'article 21 de la première partie du budget, qui aura comme conséquence de baisser les fonds perçus par les autorités organisatrices de la mobilité. Il est vrai que le versement transport bénéficie chaque année d'un très bon rendement, mais instaurer un tel plafond l'année même de l'examen et de l'adoption de la loi d'orientation des mobilités, durant laquelle nous avons souhaité défendre l'intérêt de la mise en oeuvre d'infrastructures de transports en commun et avons souhaité renforcer les autorités organisatrices, est particulièrement difficile à entendre.
Sur un tout autre sujet, celui de la régénération du réseau routier français, dont on sait qu'il n'a eu de cesse de se dégrader ces sept dernières années, passant du premier rang mondial en 2012 au dix-huitième en 2018, selon un classement du Forum économique mondial, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous puissiez nous expliquer ce que le PLF prévoit pour mener à bien l'ensemble de l'entretien et de la sécurisation de ce réseau.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. S'agissant de l'article 21, vous avez rappelé, monsieur Millienne, que ses dispositions doivent se lire dans l'équilibre global, que le versement transport bénéficie d'un très fort dynamisme et que notre intention n'est évidemment pas de pénaliser les moyens consacrés aux transports que les collectivités souhaitent mettre en oeuvre.
Aussi, pour éviter tout risque de mauvaise interprétation, le Gouvernement est ouvert à un ajustement du texte de manière que les collectivités puissent voir apparaître la recette du versement transport ou sa compensation et, ainsi, se prémunir contre une baisse des ressources entre 2019 et 2020.
M. Bruno Millienne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Ma question porte sur la mobilité urbaine. La loi d'orientation des mobilités étant actée, nous attendons la poursuite du programme d'aide de l'État en faveur des transports collectifs en site propre, c'est-à-dire des investissements des collectivités locales en matière de transports collectifs, de réseaux ou d'acquisition de nouveaux véhicules, par le biais d'un quatrième appel à projets – les trois premiers ayant découlé du Grenelle de l'environnement et de ses suites. Lors des débats sur le projet de loi d'orientation des mobilités, le Gouvernement a pris l'engagement de son lancement, attendu par les collectivités. Aussi ma question est-elle simple : quand va-t-il démarrer ?
Quel sera, par ailleurs, le montant des aides financières, étant donné que nous espérons que celui-ci sera légèrement supérieur aux 45 millions d'euros de la compensation du versement transport que Bercy pique aux collectivités locales ? Je rappelle qu'un engagement très fort a été pris il y a peu, alors que le versement transport était supprimé pour les entreprises comptant entre neuf et onze salariés. Une compensation totale devait être fournie, l'État l'avait promis, mais à peine nous étions-nous retournés, que cet engagement financier était repris.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. À question concrète, réponse concrète, monsieur Pancher. Le quatrième appel à projets sera connu mi-2020 et son montant sera d'environ 450 millions d'euros.
M. Bertrand Pancher. Net ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État. Oui, net, et dans le volume du présent appel à projets. Le déploiement des crédits s'effectuera quant à lui au fil de la maturité des projets, comme il est coutume de le faire.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 18 novembre 2019