Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE
Bonjour.
SONIA MABROUK
Qui a aussi dans son ministère, les Transports. Est-ce qu'on pourrait faire un point précis sur la situation du trafic ce lundi matin à la SNCF ?
ELISABETH BORNE
Ce matin, on a une nette amélioration, avec un trafic normal sur les TGV, y compris les Ouigo, en Ile-de-France et dans plusieurs régions. Il reste des perturbations dans quelques régions, et sur les trains Intercités. Donc ça veut dire qu'il y a encore beaucoup de Français qui vivent des situations difficiles, mais moi je le dis clairement, ce n'est pas acceptable, il faut que le travail reprenne, pour arrêter de pénaliser les usagers.
SONIA MABROUK
Ce fut trois jours extrêmement, comme vous le dites, pénalisants. La SNCF a indiqué que tous les billets des voyageurs impactés seront remboursés. Est-ce que ça comprend aussi tous les frais supplémentaires avec les nouveaux billets, les billets d'avion, les nuits d'hôtel ? Vous pouvez nous l'indiquer ?
ELISABETH BORNE
Oui oui, je vous confirme, c'est bien ce qu'a annoncé Guillaume PEPY. Donc il y aura effectivement un remboursement des billets, y compris ceux qui ne sont pas habituellement remboursables, et puis donc une indemnisation des voyageurs qui ont dû trouver d'autres moyens pour se déplacer.
SONIA MABROUK
A quelle échéance ce remboursement va se faire ?
ELISABETH BORNE
Alors, écoutez, là je pense que la SNCF le dirait mieux que moi, mais je pense que les dossiers seront ouverts à partir de la fin de la semaine.
SONIA MABROUK
Malgré cela, le mal est fait. Elisabeth BORNE, vous demandez à la SNCF d'appliquer des sanctions disciplinaires ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, en tout cas moi je trouve que ce mouvement est très choquant. Enfin, mettre en difficulté des Français qui veulent partir en vacances, qui veulent aller travailler, ce n'est clairement pas ce qu'on attend d'un grand service public. Et quand on dit qu'on veut défendre le service public, il faut d'abord penser aux usagers. Moi je note que c'est ce que le conducteur a fait, celui du train accidenté, et je voudrais rendre hommage à son très grand professionnalisme, mais effectivement, je pense que vis-à-vis des Français qui ont été très pénalisés ce week-end, il faut évidemment penser aux suites qu'on donne à ce mouvement.
SONIA MABROUK
Mais qu'est-ce qui garantit aujourd'hui qu'une telle situation, qui a pris tout le monde par surprise, ne va pas se reproduire ? C'est pour ça que je vous pose et j'insiste sur la question des sanctions disciplinaires ; Est-ce qu'il faut les prendre pour qu'il n'y ait pas ou alors en tous les cas, pour qu'on prévienne ce genre de mouvement surprise ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'effectivement les procédures qui existent pour permettre aux salariés, aux cheminots, d'exercer leur droit dans le respect des usagers, avec notamment des préavis, où on peut prévenir à l'avance des gens que les trains ne vont pas circuler, n'ont pas été respectées. Il y a clairement un détournement du droit de retrait, et donc en effet ça appelle des sanctions individuelles pour les agents qui n'ont pas respecté des procédures.
SONIA MABROUK
Juridiquement, est-ce que ces sanctions sont applicables ?
ELISABETH BORNE
Ah, mais je pense qu'il n'y a pas de doute sur le fait qu'on a un détournement du droit de retrait. Vous savez, quand on a des TGV, quand on a des trains de nuit, des trains Intercités, des RER, ça n'est absolument pas le même matériel, ça n'est pas la même organisation, qui n'ont pas circulé, eh bien on est clairement, on n'est pas dans le droit de retrait.
SONIA MABROUK
Oui mais, Elisabeth BORNE, encore faut-il le prouver. Là, vous nous faites une appréciation politique de la situation, l'appréciation juridique n'est pas de votre ressort.
ELISABETH BORNE
Alors, on va laisser les tribunaux prononcer le cas échéant. Je vous dis simplement qu'un conducteur de TGV, qui pose le sac, alors que ça n'est pas le même matériel, les conducteurs des trains de nuit, je ne vois pas le rapport avec le TER accidenté, et donc effectivement je pense qu'on n'est pas dans le droit de retrait et que ça justifie des sanctions.
SONIA MABROUK
Ça reste donc choquant pour vous, avec des sanctions à venir. Vous pensez que le patron de la SNCF, parce que c'est lui qui doit évidemment les prononcer, va les prendre ? Vous avez des informations à ce sujet ?
ELISABETH BORNE
Je pense que Guillaume PEPY a bien compris que tous les Français étaient choqués de cette situation. Vous savez, il ne faut pas confondre le fond et la méthode qui a été retenue. La sécurité, il n'y a pas que les syndicats qui s'en occupent, c'est la première des priorités de la direction de la SNCF...
SONIA MABROUK
Vraiment ?
ELISABETH BORNE
Bien sûr. Bien sûr que c'est la première des priorités.
SONIA MABROUK
On n'a pas l'impression, la plupart des syndicats qui se sont succédés à ce micro on dit l'inverse.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense que c'est des sujets très sérieux, sur lesquels il faut qu'il y ait des discussions dans l'entreprise. Quand on n'est pas d'accord, il y a des méthodes avec des demandes d'alerte, et une alarme sociale si on peut le dire. Ensuite il y a des préavis. Donc il y a des règles si on n'est pas d'accord. Mais en tout cas, moi je peux vous dire que la sécurité, évidemment c'est aussi ma priorité, c'est bien pour ça qu'avec Jean-Baptiste DJEBBARI on a demandé une enquête du Bureau d'enquêtes accidents des transports terrestres, que la Direction a également lancé une enquête interne, qu'il y a des engagements qui ont été pris immédiatement, donc il n'y a pas d'un côté ceux qui s'occupent de la sécurité et ceux qui s'en ficheraient.
SONIA MABROUK
Mais pour vous, si je vous entends bien, il n'est pas normal que lors de cet accident, je le rappelle, entre un TER et un camion bloqué sur les voies, le conducteur lui-même blessé, ait porté secours seul aux passagers. Il aurait dû y avoir, clairement, un autre agent de la SNCF, un agent d'accompagnement.
ELISABETH BORNE
Enfin, moi je n'ai pas dit ça, je dis que…
SONIA MABROUK
Mais vous le pensez peut-être, ce serait la normalité des choses.
ELISABETH BORNE
Non non non, c'est une organisation qui existe, et qui a été certifiée en sécurité. On aura des enquêtes pour dire quelle est la bonne organisation, quelles sont éventuellement les mesures qui doivent être prises sur le train lui-même, puisqu'on a vu que des systèmes d'alerte avaient été endommagés dans l'accident, mais tout ça doit se traiter dans le cadre des enquêtes accidents, celle de la SNCF, celle que mon ministère a demandée, et tout ça doit se faire dans les règles.
SONIA MABROUK
Autre, sujet Elisabeth BORNE, mais qui concerne toujours la SNCF : une note, une lettre autour du respect de la laïcité circule, elle fait mention de ce qui est interdit au sein du groupe, à savoir, on peut y lire, les prières sur le lieu de travail lors des pauses, qui sont proscrites, interdites. Est-ce que vous confirmez cette note interne, cette lettre de la SNCF ?
ELISABETH BORNE
Je vous confirme que dans les services publics il y a un principe de laïcité qui doit s'appliquer, donc je pense que cette note rappelle ces principes.
SONIA MABROUK
Avec interdiction, donc, des prières sur le lieu de travail, et on peut aller plus loin, avec interdiction d'apporter un tapis de prière, justement sur ce même lieu de travail, la SNCF en l'occurrence.
ELISABETH BORNE
Je pense que c'est tout-à-fait normal de rappeler ces interdictions. Moi, vous savez que j'ai été PDG de la RATP et je portais les mêmes interdictions. Un service public doit respecter les principes de laïcité, et ça en fait partie.
SONIA MABROUK
Alors, autre domaine qui est évidemment dans votre ministère, de votre compétence, Elisabeth BORNE, le PDG d'EDF, Jean-Bernard LEVY, a annoncé un projet de construction de six nouveaux réacteurs nucléaires en France, des EPR, dans les années à venir. Avant de nous confirmer l'information, sur la forme déjà, est-ce que c'est le PDG d'EDF qui fixe désormais la politique énergétique de notre pays ?
ELISABETH BORNE
Alors, j'ai été également surprise, parce que non ça n'est pas EDF, ni son PDG, qui fixe la politique énergétique du pays. La feuille de route, c'est la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui prévoit de ramener la part du nucléaire à 50% en 2035, qui prévoit le développement des énergies renouvelables, et c'est bien ce qu'on fait avec la fermeture l'an prochain de Fessenheim, avec de nombreux projets d'énergies renouvelables, et donc c'est ça la feuille de route. Au-delà il nous faut réfléchir la meilleure façon de proposer…
SONIA MABROUK
Mais, ça veut dire que ces six nouveaux réacteurs ils ne sont pas actés, décidés, tranchés ? Parce que c'est ce que semble dire le PDG d'EDF.
ELISABETH BORNE
Clairement, ça n'est pas tranché.
SONIA MABROUK
Ah !
ELISABETH BORNE
L'enjeu, c'est de proposer une électricité décarbonée, à un prix abordable pour tous les Français. Il y a différents scénarios, avec des nouveaux réacteurs, c'est celui qu'étudie EDF.
SONIA MABROUK
Mais c'est un scénario, c'est une hypothèse.
ELISABETH BORNE
C'est un scénario, il y en a un autre…
SONIA MABROUK
Parce que, pardonnez-moi, quand on lit l'interview, enfin, l'article dans Le Monde, du PDG d'EDF, ça parait être acté, décidé, par vous.
ELISABETH BORNE
Non, je vous confirme que c'est un scénario parmi d'autres, on a également à l'étude des scénarios 100% énergies renouvelables, et vous savez, sur le nucléaire, ce qu'on attend d'abord d'EDF c'est des explications sur les dépassements de coûts, sur les délais de Flamanville, et le président de la République a dit...
SONIA MABROUK
Oh la la, à bon entendeur, là vous lui demandez des explications avant justement de s'engager, apparemment assez légèrement sur une confirmation que vous ne confirmez absolument pas ce matin.
ELISABETH BORNE
Le président de la République l'a clairement dit, il n'y aura pas de décision sur des nouveaux réacteurs, avant la mise en service de Flamanville, on veut d'abord des explications.
SONIA MABROUK
Alors lui, il remet en cause votre engagement, le PDG d'EDF, il dit : vous voulez abaisser la production de nucléaire à 50% d'ici à 2035. Il dit « peu réaliste, ce n'est pas possible, en tous les cas pas avec des énergies uniquement renouvelables et de stockage ».
ELISABETH BORNE
Eh bien, écoutez, c'est la loi.
SONIA MABROUK
Il a tort ?
ELISABETH BORNE
C'est la loi, donc on va considérer que la loi s'applique à ce moment-là.
SONIA MABROUK
Oui, mais est-ce qu'il ne dit pas une vérité industrielle, lui ?
ELISABETH BORNE
Enfin, franchement, ramener la part du nucléaire à 50 % en 2035, c'est un cap qui est donné depuis longtemps, qui a été confirmé dans la loi. On doit être à 40 % d'énergies renouvelables dès 2030, je peux vous assurer qu'on s'en occupe. Par exemple, j'étais vendredi…
SONIA MABROUK
Mais il y a la loi et il y a la réalité industrielle.
ELISABETH BORNE
Non non, mais il y a la réalité industrielle…
SONIA MABROUK
Il connait quand même son sujet.
ELISABETH BORNE
Ça n'est pas une hypothèse qui a été sortie d'un chapeau, et donc on sera à 50 % de nucléaire en 2035, et on étudie différents scénarios, je vous dis, y compris un scénario 100% renouvelable.
SONIA MABROUK
Mais vous nous dites ce matin que c'est irréaliste de parler de six nouveaux réacteurs nucléaires, d'autant plus avec les déboires, quand on sait les déboires de Flamanville.
ELISABETH BORNE
Je dis que c'est un scénario parmi d'autres, et que prioritairement on attend d'EDF des explications sur les dérapages en coûts et en délais, de Flamanville.
SONIA MABROUK
Merci Elisabeth BORNE, merci d'avoir été notre invitée ce matin sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 22 octobre 2019