Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
De l'Education nationale et de la Jeunesse, vous y tenez, bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur LCI. On a beaucoup de sujets et on va essayer d'être évidemment, vous êtes ministre de l'Education, le plus clair possible, on a besoin notamment d'une explication de texte après qu'on a entendu tout à l'heure Edouard Philippe chez nos confrères de RTL, s'agissant de la réforme des retraites, dont on dit qu'elle est à un tournant, encore un, il a eu cette phrase sur la conférence de financement proposée dimanche soir par Laurent BERGER, on l'écoute.
EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE
Le patron, si j'ose dire, de la CFDT, Laurent BERGER, a indiqué, a posé sur la table l'idée d'une conférence des financeurs ou d'une conférence de financements du système. Moi, je pense que c'est une bonne idée. Si on arrive…
ALBA VENTURA
Vous y êtes prêt ?
EDOUARD PHILIPPE
Mais bien sûr, j'ai entendu cette idée, je pense qu'il faut lui donner un contenu, quel est le mandat de cette conférence ? Quelles sont les conditions de son organisation ?
ELIZABETH MARTICHOUX
D'une certaine façon, il dit oui en tout cas c'est un signe positif adressé à Laurent BERGER, le patron de la CFDT, c'est un « bougé » ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est une ouverture évidemment, mais depuis le début il y a l'ouverture, vous savez d'ailleurs avec la CFDT, il y a toujours eu de la discussion et puis dès le début, on a dit aussi que l'objectif, c'était l'équilibre. Après la façon d'arriver à l'équilibre est sans dogme, ce qui compte c'est d'y arriver donc il peut y avoir plusieurs idées.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites, ça n'est pas une évolution, pardon, ça n'est pas une évolution.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est une ouverture, mais qui est en cohérence avec ce qui a été dit précédemment. C'est-à-dire que depuis le début nous disons qu'il faut aller vers l'équilibre parce que dire le contraire ne serait pas responsable, ce serait plus commode pour nous de ne pas s'en occuper de l'équilibre, de dire que c'est dans les années suivantes qu'on trouvera une solution. On a pris une position que je qualifierais de courageuse et en tout cas qui nous oblige à une certaine ligne droite, à une certaine colonne vertébrale, mais c'est un objectif et l'objectif chacun peut le comprendre, c'est, ne pas laisser aux générations suivantes des déséquilibres qu'elles auront à payer, ça c'est très simple. Après la manière d'y arriver, ça se discute. On a toujours dit qu'il y avait 3 facteurs, le niveau de pension et personne n'a envie que ça baisse, le niveau de cotisation, personne n'a envie que ça monte et ce serait mauvais pour l'économie et puis troisièmement l'âge, c'est pour ça que l'âge pivot a été privilégié jusqu'à présent. Mais encore une fois s'il y a de meilleures idées et qui sont peut-être plus consensuelles entre tous les partenaires, le Premier ministre a toujours dit qu'il serait ouvert. Donc maintenant l'élément nouveau, c'est quand Laurent BERGER a dit qu'il proposait cette conférence de financement et le Premier ministre a été dans un esprit d'ouverture en disant ce qu'il a dit.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce que vous nous dites, c'est un, la recherche d'équilibre, elle est fondamental. Deux, c'est un signe d'ouverture. Est-ce que ce signal d'ouverture, Jean-Michel BLANQUER, pourrait aller jusqu'à retirer l'âge pivot du texte de la réforme qui sera présenté en Conseil des ministres ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je ne pense pas, mais je ne sais pas, à ce stade c'est par définition quand on est en situation…
ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi dites-vous, je ne pense pas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Parce que je pense que ce qui est important, c'est l'équilibre encore une fois et que sauf preuve d'une idée meilleure, c'est celle-ci qui à ce stade est sur la table. Maintenant vous savez, quand vous présenter le projet de loi en conseil des ministres, il y a encore du temps ensuite par amendement, au cours de la discussion parlementaire de faire évoluer les choses, mais en tout cas il faut qu'il ait quand même déjà une perspective sérieuse d'arriver à l'équilibre et si la conférence de financement, dont on ne connaît pas encore les modalités puisque la proposition vient de Laurent BERGER, il faut maintenant affiner ce que cela peut signifier, mais si elle permet en cours de route d'avoir une idées meilleures, depuis le début nous disons très clairement que toute idée meilleure sera reprise.
ELIZABETH MARTICHOUX
Encore une fois j'essaye de comprendre parce que vous savez les imprécisions, le flou, tout ça nourrit la défiance à l'égard d'une réforme et il est temps pour vous d'être clair.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Là je ne pense pas que quoi que ce soit que je viens de vous dire soit flou, c'est simplement que par définition si on est en position d'ouverture, on ne peut pas tout dire tout de suite, puisqu'il faut écouter, avancer en écoutant.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord mais ça veut dire que lorsque Laurent BERGER dit, une conférence de financement prévue dans des mois, donc c'est dans le calendrier 2020, en contrepartie du retrait de l'âge pivot de la réforme, dès le conseil des ministres, vous dites ça, ça ne va pas être possible tout de suite.
JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord c'est au Premier ministre de le dire et ça, ça n'est pas à moi, vous savez c'est très important que la bonne coordination gouvernementale à la fin se traduise par la parole du chef du gouvernement, donc ce point-là doit être clair. Par ailleurs ce qui est important c'est qu'il y ait du « bouger » de chaque côté si vous voulez. Depuis quelques temps, ce n'est pas la première fois que le Premier ministre fait des propositions pour avancer, c'est important que face à lui, les différents interlocuteurs syndicaux et là c'est ce que vient de faire Laurent BERGER, puissent eux aussi bouger. Donc Laurent BERGER a dit ça, peut-être qu'il peut aussi lui évoluer dans sa façon de voir les choses.
ELIZABETH MARTICHOUX
Dernière question, je vous la repose et on passe à autre chose, mais est-ce que l'âge pivot pour vous est l'alpha et l'oméga de cette réforme des retraites ? Est-ce que ça reste l'alpha et l'oméga ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non l'alpha, si ce n'est l'oméga de la retraite, c'est le régime universel, l'idée fondamentale, c'est arriver au régime universel et là aussi on a été très clair, que ce soit le président de la République ou Premier ministre ou chacun des membres du gouvernement, c'est le régime universel parce que c'est un régime à la fois plus juste, qui nous garantit plus de pérennité et qui est en même temps plus simple à terme parce qu'il sera beaucoup plus lisible pour chaque Français. Donc c'est pour ces trois raisons là que depuis le début nous disons le régime universel, c'est le cœur de la réforme.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Après la question de l'âge pivot, ça n'est jamais qu'une méthode, ce n'est jamais qu'un moyen au service d'un objectif complémentaire qui est d'arriver à l'équilibre au cours de cette décennie 2020 et pas de reporter aux calendes grecques le nécessaire équilibre, tout responsable de famille ou de structure sait qu'il faut un équilibre budgétaire à un moment donné.
ELIZABETH MARTICHOUX
J'avais dit, c'est ma dernière question, ce sera la dernière cette fois parce que je cherche pardon, c'est mon rôle, une réponse claire, est-ce que l'âge pivot est une condition sine qua non à ce stade de la réforme des retraites ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Encore une fois, il y a deux grands objectifs, le premier, le plus important, c'est le régime universel et là l'âge pivot n'a rien à voir avec ça. Et deuxièmement il y a l'équilibre et sur l'équilibre, ce qui compte, c'est le chemin, c'est l'objectif pardon, le chemin lui peut évoluer et c'est le Premier ministre dans cette discussion…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous n'excluez pas que l'âge pivot finalement disparaisse peut-être…
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est beaucoup une question de formulation de la méthode parce qu'en réalité, ce qui est important de rappeler, c'est que l'âge légal, c'est 62 ans et que, après, la question, c'est de savoir à quel moment on a un taux plein. Je rappelle que pour certaines personnes aujourd'hui le taux plein, c'est 67 ans et que la réforme est en train de le baisser progressivement à 64 ans. Donc il faut là aussi être très clair, le fait d'arriver à 64 ans est une situation qui peut être différente selon les personnes.
ELIZABETH MARTICHOUX
Non mais, si vous voulez, la question c'est de savoir si l'ouverture aujourd'hui, telle qu'elle est présentée, telle quelle va être discutée par le gouvernement, ça reprend aujourd'hui, c'est fondamental, est-ce que ça peut aller jusqu'au retrait de l'âge pivot dans le texte est-ce que c'est sur la table ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Le Premier ministre s'exprimera là-dessus, en plus il reçoit les organisations syndicales…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que c'est sur la table ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Encore une fois, je crois que c'est très clair, ce qui est sur la table, ce qui est certain, c'est qu'on veut aller vers l'équilibre, ça on n'en démordra pas, si vous me permettez l'expression, après tout ce qui permet d'arriver à cet équilibre est intéressant à regarder et donc de ce point de vue-là, il n'y a rien de tabou dans les chemins qui mènent à l'équilibre. Ce qui est par contre la clé, c'est l'équilibre.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y a rien de tabou sur les chemins vers l'équilibre. Jean-Michel BLANQUER à l'Education nationale, voilà ce que disent les enseignants, c'est que plusieurs semaines après la présentation de la réforme, vous n'êtes pas en mesure de leur dire, quelle sera la revalorisation qui leur sera appliquée, augmentation de salaire, mensuelle, qui compensera l'effet mécanique de la réforme qui leur fera perdre, s'il n'y avait pas ces compensations. Bref ils disent que vous êtes flou, que vous n'êtes pas en mesure de leur donner des précisions sur les augmentations qui leur assureront le maintien de leur niveau de pension, qu'est-ce que vous leur répondez ce matin ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Premièrement je dis des choses, encore une fois, je ne les pense pas du tout floues, elles sont au contraire très simples, en revanche, elles sont tellement importantes qu'il est normal qu'elles prennent du temps. Premièrement et vous l'avez dit à l'instant, nous garantissions et c'est l'élément majeur, qu'ils partiront avec un niveau de retraite semblable à celui qui existe aujourd'hui, en tenant compte de l'inflation évidemment, etc. Donc vous avez un objectif qui est très clair, qui est comment nous faisons en sorte que pour atteindre cet objectif, c'est-à-dire un niveau de retraite comparable à ce qui est aujourd'hui, nous augmentons les rémunérations de façon à ce que lorsqu'ils partent à la retraite, les professeurs et les personnels aient une retraite sauvegardée. Cela nous oblige de toutes les façons à une augmentation de la rémunération et il y a des calculs qui sont un peu complexes parce que la situation, elle est déjà différente pour ceux qui sont nés après 75, qui sont concernés par la réforme par rapport à ceux qui sont nés avant 75 et puis ensuite cela coïncide avec le fait que déjà aujourd'hui, nous avions de toute façon un objectif indépendamment de la réforme des retraites qui était de valoriser les salaires et notamment ceux des plus jeunes.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'où ma question qui sera revalorisé, qui bénéficiera d'augmentations ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Les personnels de l'Education nationale, mais notamment les plus jeunes, ça, on le sait déjà, notamment la moitié la plus jeune, ceux nés après 75. Ça ne veut pas dire que les autres n'auront rien, mais ça veut dire que c'est davantage pour ceux qui sont concernés par la réforme des retraites.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc tous seront concernés par une augmentation de salaire et en particulier …
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ceux nés après 75.
ELIZABETH MARTICHOUX
… beaucoup plus fortement ceux qui sont nés après 75. Je vous cite une enseignante de primaire hier, nous perdons beaucoup, ça c'est vrai que c'est mécanique, vous dites, on promet de compenser. Nous perdons beaucoup par cette réforme et en plus ils nous promettent des augmentations qui ne seront de l'ordre que d'une vingtaine d'euros par mois.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais c'est faux. On peut dire ni l'une, ni l'autre de ces choses. Je sais bien que toute la journée, tout le monde, ce n'est pas que les professeurs, est abreuvé de mauvaises nouvelles, de prophéties négatives et qu'à la fin ça finit par évidemment avoir une influence.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors pourquoi c'est faux ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais c'est le monde dans lequel on est, si vous voulez, aujourd'hui sur tous les sujets, on est bombardé de fausses nouvelles qui finissent par imprégner l'esprit public et donc c'est vrai que c'est un vrai problème démocratique aujourd'hui, parce que nous avons évidemment des éléments de crédibilité dans ce que nous sommes en train de dire, ne serait-ce que parce que le projet de loi arrive à la fin du mois de janvier, que donc des choses vont commencer à se voir, que je commence les négociations dans une semaine, donc tout ça c'est très, comment dirais-je, très démontrable tout au long des prochaines semaines.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes le ministre des pédagogues, vous êtes le ministre de l'Education nationale, quelle note vous donnez au gouvernement en matière de pédagogie sur cette réforme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est très difficile de s'auto-évaluer si vous voulez de manière générale, même si c'est intéressant de s'auto-évaluer.
ELIZABETH MARTICHOUX
En matière d'explications… Mais c'est intéressant parce que gouverner, c'est décider, mais c'est aussi savoir convaincre.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui mais si vous voulez, il faut à la fois expliquer et en même temps évoluer, puisque si vous dites tout de suite les choses telles que vous les souhaitez, d'abord vous n'êtes pas très bon parce qu'on est plus intelligent à plusieurs que tout seul. Et deuxièmement vous êtes fermés puisque ça signifie que vous pensez que vous avez la vérité infuse. Depuis le début nous disons qu'on a quelques objectifs à mon avis très clairs, très simples qui sont comme nous l'avons dit tout à l'heure la pérennité, la simplicité, l'équité de ce système, nous le disons, donc ça je crois que c'est simple et que d'ailleurs tout le monde l'a compris. Et puis ensuite les chemins pour y arriver nécessitent de discuter, c'est vrai dans l'éducation comme ailleurs. Mais ce que je tiens à dire de manière très claire et très vérifiable…
ELIZABETH MARTICHOUX
La vingtaine d'euros dont me parlait hier cette enseignante de primaire…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors c'est beaucoup plus, c'est évidemment beaucoup plus…
ELIZABETH MARTICHOUX
Beaucoup plus pour tout le monde.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il suffit de faire, beaucoup plus tout particulièrement pour les personnels nés après 75, mais les autres auront aussi des revalorisations puisque ce que nous allons faire, c'est faire une comparaison entre ce que devrait être la rémunération sur toute une carrière pour un enseignant aujourd'hui et ce que ce serait dans 15 ans, dans 20 ans au moment de partir à la retraite et pour les années suivantes. Donc c'est un travail très technique. Vous savez, il y a un million de personnes à l'Education nationale. Donc un million de personnes, ça signifie d'abord d'être capable quand même de distinguer des différentes choses, d'avoir des objectifs comme par exemple une plus grande égalité femme-homme, ça fait partie de nos objectifs très importants.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça va prendre combien ? Six mois la négociation ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
On a six mois de négociations mais les…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire que pas avant six mois ou dans six mois… Enfin ma question c'est quand est-ce que les enseignants auront ce fameux barème, auront que cette fameuse capacité à voir quelle sera la rémunération, quelle sera la portion.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si vous me laissez deux minutes, je vous donne les grands principes de ce qui va arriver. D'abord leur augmentation, elle sera au mois de janvier 2021.
ELIZABETH MARTICHOUX
Premières augmentations.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Les premières augmentations se verront pour l'année civile 2021. Ça, c'est très clair donc ce sera dans notre projet de loi de finances 2020 qui sera la conséquence des discussions que nous aurons. Et au cours des prochains mois, ce que nous allons voir c'est comment année après année cette revalorisation se réalise. On a déjà donné des ordres de grandeur. Nous savons que c'est entre 400 et 500 millions d'euros par an supplémentaires qui s'ajoutent année après année.
ELIZABETH MARTICHOUX
Dix milliards d'ici à 2037.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je vous donne un exemple. Cette année l'augmentation du budget de l'Education nationale, c'est environ un milliard d'euros. C'est un peu plus d'un milliard d'euros. En gros, sans déjà faire le projet de loi de finances 2021, ce serait un peu prématuré, mais ce sera quelque part autour de 1,5 milliard, c'est-à-dire minutes entre 1,3 et 1,5 si vous voulez, c'est-à-dire ce qui ajoute… Normalement on devrait rajouter à environ 800 millions d'euros de 2021 500 millions d'euros, donc ça devrait faire 1,3 milliard, j'espère un petit peu plus mais ça dépend un peu des discussions que nous aurons, de façon tout simplement à avoir les premières augmentations qui concerneront notamment cette première moitié…
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Le plancher, c'est 1,3 milliard. Vous espérez un peu aller au-delà.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Les augmentations de salaire desquelles nous parlons vont faire qu'au début… Tout au long de cette décennie 2020 et dès l'année 2021, ça va être donc progressivement plusieurs centaines d'euros qui vont…
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors exceptionnellement ? Une année seulement ou ce sera pérennisé comme augmentation ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, année après année. Année après année. C'est le sens d'une loi de programmation. Nous travail nous mène de 2021 à 2037.
ELIZABETH MARTICHOUX
L'augmentation de 2021, elle sera pérennisée. Ce ne sera pas une prime exceptionnelle.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non. Au contraire, c'est tout l'inverse. C'est une augmentation qui se planifie dans le temps, qui fait partie de l'évolution structurelle des finances publiques et qui se planifiera de 2021 à 2037.
ELIZABETH MARTICHOUX
La loi de programmation annuelle, elle sera votée en même temps que la loi de finances 2021 ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous avez plusieurs choses. Pardon, c'est forcément un peu technique. Vous avez d'abord la loi sur les retraites qui est présentée à la fin du mois. Celle-ci fera référence à la loi de programmation d'augmentation des rémunérations des enseignants pour bien indiquer la garantie en matière de retraite et en matière de rémunération. Ensuite nous ferons la loi de programmation. La loi de programmation, c'est encore trop tôt pour en donner la date mais le processus commencera vers juin-juillet quand nous aurons fini les négociations. Ce sera la conséquence des négociations.
ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord. Donc ce serait un vote à l'automne, avant le budget.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Encore une fois c'est trop tôt pour vous le dire parce qu'il y a beaucoup de textes de loi.
ELIZABETH MARTICHOUX
Avant la fin de l'année 2020.
JEAN-MICHEL BLANQUER
En tout cas dans la deuxième moitié 2020 que cela doit se passer, peut-être que ça mordra sur début 2021. Mais en tout cas ce qui est certain, c'est qu'ensuite vous avez, troisièmement, la loi de finances, c'est ainsi. L'Etat de droit repose sur plusieurs véhicules législatifs comme on dit et donc là, la loi de finances c'est évidemment à la fin 2020 qu'elle sera votée et c'est ce qui nous permettra de faire les premières augmentations début 2021.
ELIZABETH MARTICHOUX
Jeudi la grève. La grève y compris à l'Education nationale. Elle sera importante ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, j'espère que non parce que je pense que désormais nous avons vraiment des perspectives extrêmement positives pour les professeurs qui sont en plus, je crois, à la fois très fortes et très claires. Donc moi mon invitation à l'ensemble des personnels de l'Education nationale c'est désormais qu'on soit très unis pour travailler à tout ça.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes dans quel état d'esprit d'ailleurs ? Parce que vous l'avez dit, vous l'avez sous-entendu : ils vous prêtent des tas d'arrière-pensées notamment de contreparties, de vouloir les faire travailler différemment.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais pas qu'à moi d'ailleurs. Vous savez, aujourd'hui tout le monde…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ils le disent. Ils disent : nous, on ne veut pas travailler plus pour gagner plus.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Le sujet si vous voulez, c'est que tout le monde… Ce n'est pas spécifique à ma personne si vous voulez, tout le monde prête à tout le monde des arrière-pensées dans le monde tel qu'il est. Ce n'est pas spécifique à la France non plus même si la France est trop une société de défiance.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors qu'est-ce que vous répondez aux enseignants ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour vous répondre je fais un zoom arrière parce qu'on est au coeur des missions de l'Education national. Notre mission tous les jours vis-à-vis des enfants, c'est de leur donner le sens logique et la culture générale qui permettent tout simplement de se faire son point de vue. Donc nous avons une particulière mission dans le monde tel qu'il est aujourd'hui où il y a beaucoup de fausses nouvelles d'avoir une analyse objective et d'essayer de réfléchir sur des faits. Donc là en ce moment, je mets toute une série d'éléments très objectivables sur la table et notamment toutes ces perspectives d'évolution pour les professeurs. Donc aujourd'hui mon invitation, elle est très forte. Elle consiste à ce que l'Education nationale soit à l'avant-garde de cet esprit constructif dont nous avons besoin pour la France qui est un esprit de confiance, où on se fait confiance mutuellement pour avancer et notamment pour avoir… Et je dis arrêtons d'écouter… Si vous voulez, aujourd'hui ce qui domine dans le débat public…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un peu de l'incantation.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce n'est pas une incantation parce que, vous savez, je rencontre énormément…
ELIZABETH MARTICHOUX
Quelle est votre autocritique par rapport à ces difficultés effectivement de faire passer le rationnel ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, je vois sans arrêt des professeurs. J'en vois en permanence. A chaque fois que j'ai des discussions concrètes, ça se passe extrêmement bien, parce que tout simplement on est sur des faits, on est sur des choses. Mais toute la journée - toute la journée - ils reçoivent des mails, des tracts qui leur expliquent qu'on veut casser le service public, qui vont leur expliquer qu'on va en finir avec je ne sais quoi alors que ce qu'on vise, c'est tout simplement l'intérêt général. Ce qu'on vise c'est l'amélioration de l'éducation en France, c'est le bien-être des professeurs. Pourquoi est-ce qu'on viserait autre chose ? Donc aujourd'hui un pays uni est un pays qui peut avancer. Quand on ne se croit pas les uns les autres, on fait reculer le pays tout simplement
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous leur dites : « faites moi confiance » et vous n'avez aucun mea culpa sur la façon dont vous les…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais on ne fait jamais les choses parfaitement. Rien de ce que j'ai fait ne peut être considéré comme parfait. Et d'ailleurs il faudrait me donner un exemple de quoi que ce soit de parfait dans ce monde. Donc bien sûr qu'on peut faire toujours mieux quand on se retourne vers l'arrière, mais ce qui est important c'est de regarder devant. On a fait aussi des choses qui ne sont pas mal du tout et qui font progresser…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc faites-moi confiance et arrêtez la désinformation.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Aujourd'hui on a une stratégie pour l'Education nationale qui a le mérite je crois d'être claire. C'est consolider les savoirs fondamentaux à l'école primaire, et ça tout professeur qu'il soit du premier degré ou du second degré, c'est que c'est indispensable. C'est pour ça qu'on a une priorité à l'école primaire, qu'on va encore créer des postes à l'école primaire, qu'on va continuer à dédoubler des classes là où c'est le plus nécessaire, qu'on va donc avoir aussi cette approche sur les savoirs fondamentaux qui déjà commence à montrer de l'efficacité. Donc avoir des élèves solides qui ensuite dans le second degré s'épanouissent progressivement et c'est le sens de la réforme du lycée qui va permettre de donner plus de choix.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous leur demandez aux enseignants encore une fois dans ce chantier qui va vous prendre six mois concernant la réforme des retraites, vous dites aux enseignants « arrêtez la désinformation d'une part ; écoutez et faites-moi confiance ».
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas aux enseignants que je dis ça parce que la désinformation…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est à qui ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est à tous ceux qui dans le débat public…
ELIZABETH MARTICHOUX
Aux syndicats.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pas forcément. Ça dépend de quels syndicats on parle mais si vous voulez à chaque fois qu'une parole publique est prononcée, le premier réflexe ne devrait pas être d'immédiatement vouloir absolument douter, dire qu'il y a du mensonge ou des arrière-pensées mais plutôt de juger sur pièce et de regarder ce que nous sommes en train de faire. Si tout ce que je vous dis est faux ou ne mérite pas la confiance, ça va se voir très rapidement au cours des prochaines semaines, et là vous pourrez facilement me l'opposer. Mais j'invite chacun à regarder ce que je dis depuis deux ans et demi, et tout particulièrement depuis ces derniers mois, sur les sujets et voir si ce que je dis s'est vérifié.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui. Parce qu'on vous accuse de ne découvrir qu'aujourd'hui que les profs sont mal payés.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est faux. J'en parle depuis deux ans et demi, je le dis depuis deux ans et demi. Et tout ce qui est en train de se passer y compris la formidable augmentation de la rémunération qui se profile…
ELIZABETH MARTICHOUX
Dix milliards d'ici à 2037.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est considérable, ça n'a jamais été fait jusqu'à présent et c'est absolument indispensable si on veut préserver l'avenir de la France. Donc c'est un discours positif comme il n'y en a jamais eu sur le rôle des professeurs dans la société française, ce qui suppose toute la confiance de la société française dans les professeurs et la confiance dans l'Education nationale en elle-même. C'est ça le sens de ce que je dis.
ELIZABETH MARTICHOUX
Un mot, malheureusement un mot seulement sur un sujet extrêmement sensible : la détresse de certains directeurs d'école, en tout cas incarnée par le suicide de Christine RENON il y a trois mois à Pantin. Vous présentez aujourd'hui - elle est très attendue - sera présentée une synthèse des questionnaires qui a été posée aux directeurs d'école. 46 000 directeurs, plus de 33 000 ont répondu. Juste un mot : ce qui est remonté le plus et est-ce que vous allez le prendre en charge, c'est la surcharge de travail ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, et notamment le travail qui est le moins en rapport avec la fonction directe normale d'un directeur d'école. Un directeur d'école, c'est d'abord un directeur, je dirais dans le sens pédagogique et éducatif, et puis c'est aussi une personne qui est en contact avec les parents d'élèves. C'est ça. Et donc nous devons diminuer la dimension administrative de la fonction, nous devons alléger la charge administrative.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il y aura une aide administrative pour chaque directeur d'école ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors c'est la conséquence aujourd'hui…
ELIZABETH MARTICHOUX
Juste un mot.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous voyez, on procède par étape, sur ce sujet on suit. On fait la présentation d'une enquête très vaste et très profonde qui a été faite avec les directeurs d'école. On en discute avec les organisations syndicales aujourd'hui et donc on en tirera de nouvelles conclusions d'ici à la fin du mois de janvier. Et puis ça va nourrir cette fameuse discussion des six prochains mois pour améliorer les conditions de travail non seulement des directeurs d'école d'ailleurs mais des professeurs des écoles en général.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER d'avoir été avec nous. Je signale aux éditions Sciences humaines-Odile Jacob « Quelle école voulons-nous ? », cet entretien que vous avez avec Edgar MORIN sur qu'est-ce qu'enseigner, qu'est-ce que l'école de demain, de quelle école avons-nous besoin
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il faut toujours aller vers les questions qualitatives parce que là on parle des questions budgétaires en particulier mais elles sont au service d'une vision pour l'école, et par définition c'est fait pour être débattu, discuté, et c'est le sens de ce travail avec Edgar MORIN.
ELIZABETH MARTICHOUX
De cet échange avec Edgar MORIN. Merci beaucoup d'avoir été ce matin sur LCI.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 janvier 2020