Interview de M. Franck Riester, ministre de la culture, à France 2 le 17 février 2020, sur la candidature de Agnès Buzyn à la mairie de Paris après le retrait de Benjamin Griveaux et l'atteinte au droit de la vie privée sur internet.

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Média : France 2

Texte intégral

DAMIEN THEVENOT
Vous recevez ce matin le ministre de la Culture, Franck RIESTER.

CAROLINE ROUX
Franck RIESTER, en effet. Alors, sa collègue, on l'a entendu dans le journal de 07h30, naturellement, Agnès BUZYN, a annoncé qu'elle quittait le gouvernement pour prendre le relais à Paris.

CAROLINE ROUX
Bonjour Franck RIESTER.

FRANCK RIESTER
Bonjour Caroline ROUX.

CAROLINE ROUX
Je le disais, la ministre de la Santé et des Solidarités, en charge des retraites, de la crise du coronavirus, de la crise dans le secteur hospitalier, a donc décidé de quitter ces dossiers-là pour rejoindre la campagne parisienne, à un mois du scrutin. Le directeur de campagne d'Anne HIDALGO parle d'abandon de poste et de grave faute politique. C'est sa décision ou c'est la décision du chef de l'Etat ?

FRANCK RIESTER
Oh, c'est une décision collective. Après ce qui s'est passé, le retrait de Benjamin GRIVEAUX, il fallait envoyer un signal fort que la majorité présidentielle, et même au-delà, était décidée à mener le combat parisien, pour offrir une alternance à Paris, et qu'il fallait mobiliser toute l'énergie, tant des différentes composantes de la majorité La République En Marche, le MoDem, Agir, le parti que je préside, et dont Pierre-Yves BOURNAZEL est le leader à Paris, mais aussi au-delà, et au gouvernement, et à l'exécutif, pour offrir cette alternance à Paris.

CAROLINE ROUX
Ce qui est compliqué…

FRANCK RIESTER
Il fallait une personnalité forte, emblématique, qui puisse demain incarner Paris, et Paris en a besoin.

CAROLINE ROUX
Ce qui est compliqué c'est que depuis quelques heures on voit tourner cette vidéo, cette interview de France Inter, de la ministre qui dit : « Ah non, je ne peux pas être candidate à Paris, je n'ai pas le temps, j'ai des dossiers trop importants ». Elle a changé d'avis ou est-ce que c'est le chef de l'Etat qui l'a fait changer d'avis ? Ce ne serait pas grave d'ailleurs.

FRANCK RIESTER
Non, mais elle n'a pas changé d'avis. On lui proposait d'être tête de liste dans un arrondissement et de conserver son ministère. Elle a pris le... On lui a proposé, collectivement, de pouvoir prendre la tête du combat parisien pour la majorité présidentielle, évidemment, elle en a tiré les conséquences au niveau ministériel, elle ne pouvait pas continuer, vu l'urgence de tous ces dossiers que vous avez évoqués, continuer d'être ministre, c'est la raison pour laquelle elle a pris la décision de ne pas continuer à être ministre, et Olivier VERAN qui la remplace, a mobilisé toute son énergie pour la campagne qui va être évidemment très difficile, campagne pour la capitale, la région capitale, pour un mois, pour démontrer que le projet qui a été bâti par les équipes de Benjamin GRIVEAUX et son amour de Paris, peut être utile pour les Parisiennes et les Parisiens.

CAROLINE ROUX
Il est convaincant le président de la République, pour Paris.

FRANCK RIESTER
Vous savez, elle aime Paris, vous savez elle a beaucoup réfléchi depuis des années à cette question-là, et là il se trouve que l'opportunité se pose, se présente…

CAROLINE ROUX
Et la victoire est possible ?

FRANCK RIESTER
Je pense que la victoire est possible, parce que nous sommes tous rassemblés derrière elle.

CAROLINE ROUX
On parle de la publication…

FRANCK RIESTER
Vous savez, Agnès BUZYN, c'est une candidate je pense exceptionnelle pour Paris, elle est solide, elle est expérimentée, elle est sereine, et je crois qu'on a besoin de cette personnalité-là aujourd'hui à Paris.

CAROLINE ROUX
En urgence, une urgentiste pour Paris.

FRANCK RIESTER
En tout cas, c'est une femme qui a une grande humanité, et pour être maire de Paris, il faut ça.

CAROLINE ROUX
La publication d'une vidéo à caractère sexuel est à l'origine du départ de Benjamin GRIVEAUX, cela pourrait se passer à 2 jours d'une présidentielle. En tant que ministre de la Culture, comment est-ce qu'on fait pour que ça ne se reproduise pas ? Et est-ce que c'est votre volonté, et est-ce que vous avez une réflexion sur ce sujet-là ?

FRANCK RIESTER
Oui, bien sûr Caroline ROUX. Vous savez, c'est très grave ce qui s'est passé, très grave pour Benjamin GRIVEAUX et sa famille, c'est très grave d'un point de vue démocratique, vous l'avez dit, c'est arrivé pour Paris, ça peut arriver pour n'importe quelle élection, et puis c'est grave pour notre société, parce que la vie privée, notre intimité, est quelque chose qu'il faut absolument préserver. On ne doit pas porter atteinte à sa vie privée, c'est un des fondamentaux de notre vie ensemble. Et donc nous devons nous mobiliser pour ce faire. Le gouvernement est très mobilisé, vous savez qu'il y a des lois qui existent déjà, le fait de divulguer des contenus intimes, à caractère sexuel, est répréhensible, est sanctionnable par la loi, d'une façon très forte. Nous pouvons aujourd'hui, des leviers juridiques existent pour faire retirer, d'une façon urgente, auprès du juge, des contenus qui seraient évidemment en contradiction avec la protection de la vie privée, et puis le gouvernement travaille sur toute cette question de la responsabilisation des plateformes pour nous protéger, protéger contre les désinformations, les fake-news, les infox, la manipulation d'informations. Il y a une loi qui a été portée, on a été un peu critiqués pour ça, mais en fait il y avait la démonstration d'un volontarisme pour se faire. Il y a la question bien évidemment de la lutte contre les propos haineux, c'est la proposition de loi de Laetitia AVIA, que soutiennent la majorité et le gouvernement. Et puis c'est toute la réflexion que nous conduisons, avec la Commission européenne, pour faire en sorte de responsabiliser les plateformes. Les plateformes, les réseaux sociaux, Internet nous permettent de communiquer…

CAROLINE ROUX
Là, c'était sur un site au départ.

FRANCK RIESTER
C'était sur un site, et ensuite ça a été relayé par les réseaux sociaux. Mais nous devons trouver les voies et moyens pour protéger, un certain nombre de règles fondamentales, de libertés fondamentales, à commencer par la vie privée. Parce que ça n'arrive pas simplement à un politique, ça arrive à nombre de nos compatriotes, et notamment les plus jeunes, les plus fragiles. Et donc ce combat-là, c'est un combat collectif, un combat que nous menons, et notamment au niveau européen, mais c'est un combat que nous devons, nous, mener collectivement, chacun à notre place. Et c'est pour ça que la réflexion qui est conduite par la justice, de dire : mais attendez, ce n'est pas simplement la première diffusion d'informations qui est sanctionnable, c'est peut-être aussi le fait de se le partager sur un certain nombre de plateformes, de relayer…

CAROLINE ROUX
Le fait de relayer pourrait être sanctionné ?

FRANCK RIESTER
En tout cas, la loi le dit, c'est aussi sanctionnable, à la justice de prononcer éventuellement les différentes poursuites, mais je crois qu'en tout cas c'est à chacun et à chacune d'entre nous de se dire que ça peut nous arriver, que ça peut arriver à nos enfants…

CAROLINE ROUX
En fait, la réponse que vous donnez ce matin, c'est de dire : c'est la responsabilité de chacun d'entre nous, on ne peut pas faire plus, il y a des règles, il faut les appliquer. Je résume.

FRANCK RIESTER
Il y a des règles, il faut les appliquer, on verra si elles sont suffisantes, et dans ce cas, si elles ne le sont pas, il faudra renforcer, ou les sanctions pénales, ou la façon de pouvoir retrouver les personnes qui auraient mis à disposition ces contenus en ligne, voire qu'ils auraient relayés, et ensuite, c'est à chacun et chacune d'être vigilant, vigilant dans ses comportements, bien évidemment, mais vigilant surtout dans la façon dont on se protège et dont on ne relaie pas ceux qui veulent faire du mal à d'autres.

CAROLINE ROUX
L'avocat de Benjamin GRIVEAUX explique qu'il a du mal à croire que Piotr PAVLENSKI a agi seul. Vous aussi ?

FRANCK RIESTER
Ecoutez, je ne sais pas, la justice le dira…

CAROLINE ROUX
Vous croyez à la théorie du complot russe ?

FRANCK RIESTER
Moi je me méfie de tout ça, j'ai confiance en la justice, la justice doit passer, elle doit passer avec beaucoup de fermeté, parce que, encore une fois Caroline ROUX, c'est une liberté fondamentale. Qu'est ce que veut dire une liberté dans une démocratie comme la nôtre, si on n'a pas la protection de notre vie privée ?

CAROLINE ROUX
Piotr PAVLENSKI a été interpellé, je rappelle que l'artiste russe opposé à Vladimir POUTINE a obtenu l'asile politique en France, tout comme son ex-compagne, c'était en mai 2017. Des voix s'élèvent pour demander que son statut lui soit retiré.

FRANCK RIESTER
Ecoutez, là c'est pareil. Moi je vais laisser faire la justice et on verra le moment venu. En tant que ministre de la Culture, moi je me concentre sur ce qui est ma responsabilité. Un, de porter un message de responsabilisation collective, et deuxièmement de travailler avec les plateformes, avec la Commission européenne, avec mon collègue Cédric O, qui est en charge du Numérique, pour trouver les voies et moyens pour renforcer encore les dispositifs de protection de la vie privée de nos compatriotes.

CAROLINE ROUX
On parle des César ?

FRANCK RIESTER
Mais avec plaisir.

CAROLINE ROUX
Est-ce que vous pensez que la prochaine cérémonie des César peut se dérouler sereinement, dans un tel contexte de crise, après la démission collective de la Direction ?

FRANCK RIESTER
Je le souhaite. Bien évidemment je pense que ça sera l'occasion de prise de parole d'un certain nombre de personnalités ou de collectifs. C'est bien, c'est un moment, vous savez, c'est un moment qui est particulier dans nos sociétés, c'est la libération de la parole, enfin dans les grandes démocraties, et en particulier en France, la parole se libère, et la parole libérée n'est pas vaine, la justice prend des décisions et c'est à elle seule de prendre les décisions quand il s'agit d'agressions sexuelles ou sexistes. La parole va vraisemblablement être prise par un certain nombre de collectifs, moi ce que je tiens à redire à cet égard, c'est que la création doit être libre, nous devons protéger la liberté de la création, et pour autant, c'est-à-dire que je ne m'oppose à tout boycott d'oeuvres d'art. En revanche, ce n'est pas parce qu'on est un artiste de talent, ce n'est pas parce qu'on est connu, que l'on a une garantie d'impunité. La loi doit passer pour tous, quels que soient les citoyens, fussent-ils connus.

CAROLINE ROUX
Vous pensez à qui, quand vous dites ça ?

FRANCK RIESTER
Je pense à tous les artistes, les personnalités politiques, toutes celles et ceux qui ont un pouvoir, toutes celles et ceux qui ont une aura, ou une notoriété, doivent être traités par la justice de la même façon. Liberté de création, pas de garantie d'impunité, et bien évidemment aussi la possibilité... oui ?

CAROLINE ROUX
Non, mais je vous en prie, mais je voulais juste terminer cette interview avec une phrase de Corinne MASIERO, qui joue dans « Capitaine MARLEAU », qui dit, elle dénonce un élitisme de bourgeois hétéros, catholiques, blancs, de droite. C'est ça le problème du cinéma français ?

FRANCK RIESTER
Non, je ne crois pas, en tout cas j'ai cru comprendre que, au sein de l'Académie des César, il y avait une vraie volonté d'avoir plus de transparence, plus d'ouverture, plus de parité, plus de diversité, on ne peut que le souhaiter.

CAROLINE ROUX
Merci beaucoup Franck RIESTER.

FRANCK RIESTER
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2020