Texte intégral
Bonjour à tous,
Nous avons, comme l'a dit le président de la République hier, une guerre sanitaire à laquelle nous devons faire face. Nous avons aussi devant nous une guerre économique et une guerre financière.
Cette guerre économique et cette guerre financière, elles seront longues, elles seront violentes et elles devront donc mobiliser toutes nos forces nationales, européennes et du G7. Elles devront être livrées sur deux fronts : le front national, qui est évidemment notre préoccupation première, et le front international, qui m'occupe aussi beaucoup au quotidien.
Sur le front national, nous avons prévu un plan de soutien à notre économie qui est un plan de soutien aux salariés et un plan de soutien aux entreprises. Le coût global de ce plan est de 45 milliards d'euros environ ; c'est une première estimation qui pourra évoluer évidemment en fonction de la durée et de l'application des mesures.
Dans ce plan d'urgence, qu'est-ce que vous trouvez ?
Vous trouvez d'abord des mesures de chômage partiel sur deux mois qui sont des mesures exceptionnelles puisqu'elles consistent à mettre en place en France, pour la première fois de notre histoire, un dispositif de chômage partiel qui couvre l'ensemble des salariés au-delà d'un SMIC, avec un coût global que nous évaluons à 8,5 milliards d'euros sur deux mois. C'est une stratégie économique, comme dans toutes les décisions qui ont été prises, de maintien des compétences et de maintien des savoir-faire.
C'est un point absolument clé qui rompt avec des décennies d'économie française où, lorsqu'il y avait une crise économique, on se séparait des salariés, on faisait des licenciements et, du coup, on redémarrait plus difficilement l'économie parce qu'on avait perdu les compétences et des savoir-faire. Nous, notre objectif avec le président de la République, c'est évidemment de pouvoir redémarrer l'économie le plus rapidement possible et donc ne pas perdre de savoir-faire, ne pas perdre de compétences.
Dans ce plan d'urgence immédiat, vous trouvez aussi des reports de charges. Il y a 32 milliards d'euros de reports de charges fiscales et de reports de charges sociales sur le mois de mars. Je précise quelques points qui sont importants : dans ces charges fiscales, il n'y a que les impôts directs, il n'y a pas les impôts indirects. Je précise également qu'à la fin de la crise, nous ferons évidemment l'évaluation de la situation des entreprises et si ce report doit se transformer en annulation pour certaines entreprises, au cas par cas, nous pouvons envisager cela.
Le coût global du report de charges fiscales et sociales, c'est 32 milliards d'euros en trésorerie pour l'État. C'est de la trésorerie, mais nous les comptabilisons évidemment dans le plan d'urgence parce que ces reports peuvent se transformer en annulations le cas échéant.
Le dernier point de ce plan d'urgence, c'est le fonds de solidarité que nous avons mis en place, qui est un fonds de solidarité qui va représenter environ 2 milliards d'euros de dépenses publiques sur deux mois.
Qui est concerné par ce fonds de solidarité ?
Ce fonds de solidarité concerne deux types d'entreprises : soit les entreprises dont l'activité a été fermée - je pense évidemment à toutes les entreprises de restauration qui sont 160 000, le commerce non-alimentaire 140 000, le tourisme 100 000 - ; ça concerne également l'ensemble des très petites entreprises qui auraient perdu le chiffre d'affaires, on a fixé la barre à 70 %.
Pour ces entreprises qui auraient perdu entre mars 2019 et mars 2020 70 % de leur chiffre d'affaires, on va comparer les deux chiffres d'affaires de mars 2019 et de mars 2020 : si vous perdez plus de 70 % de votre chiffre d'affaires, vous êtes aussi éligible à ce fonds.
La troisième condition, c'est d'avoir un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros. On ne vise que les très petites entreprises qui ont un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros.
Donc, je répète pour bien me faire comprendre, sont concernées les petites entreprises de moins de 1 million de chiffre d'affaires, donc TPE, indépendants, micro entrepreneurs, soit dans les secteurs qui sont fermés, je pense en particulier à la restauration, soit avec un chiffre d'affaires qui a baissé de 70 % entre mars 2019 et mars 2020.
Quelle forme va prendre ce fonds de solidarité ?
Il y a deux étages.
Le premier étage c'est le filet sécurité pour tous : 1 500 euros d'aide rapide, simple, automatique sur simple déclaration. Ces 1 500 euros seront versés par la Direction générale des finances publiques.
Nous avons également prévu un dispositif anti-faillites pour les entreprises qui emploient au moins un salarié et qui seraient en très grande difficulté malgré le recours à tous les autres dispositifs, nous augmenterons au cas par cas le soutien financier pour, comme l'a dit le président la République hier, éviter toute faillite.
Voilà pour le fonds de solidarité dont nous évaluons le coût à 1 milliards d'euros par mois et nous verrons combien de temps durera ce fonds. Là, c'est 1 milliard d'euros pour un mois.
Voilà l'ensemble des mesures du plan d'urgence économique national qui vise à soutenir la trésorerie, à accompagner les salariés et à permettre à tout le monde économique français de traverser cette période avec le plus de protection possible et le plus de soutien possible.
Un deuxième volet qui est très important, c'est ce qu'a annoncé hier le président de la République : une garantie par l'État de tous les prêts bancaires.
Tous les nouveaux prêts bancaires seront garantis par l'État à hauteur de 300 milliards d'euros. C'est une mesure massive qui est sur le modèle de ce qui a été fait, par exemple en Allemagne et qui a vocation à garantir le maintien de la trésorerie pour les entreprises.
Aujourd'hui, si on veut redémarrer dans de bonnes conditions, beaucoup d'entreprises vont demander immédiatement des prêts à leurs banques. On va leur expliquer : “Écoutez, vous êtes dans une situation financière difficile, on ne peut pas vous prêter.” Beaucoup de banques vont dire “On ne peut pas se charger de prêts qui seraient des prêts incertains, donc on vous refuse votre prêt.” Beaucoup de banques aussi aujourd'hui sont chahutées sur les marchés et se disent “Si on prend trop de prêts incertains auprès de PME qui sont en situation économique difficile, ça va dégrader notre bilan et nous mettre dans une situation compliquée sur les marchés”.
C'est pour faire face à cette situation que nous avons décidé cette mesure radicale : 300 milliards d'euros de garanties d'État sur les prêts bancaires. Ce qui fait qu'aujourd'hui les banques n'ont plus aucune raison de refuser quelque prêt que ce soit à quelque entreprise que ce soit.
Voilà pour le volet national.
Ensuite, il y a un deuxième front qui est très important qui est le front européen et international, où il s'agit de faire bloc et de montrer que les économies occidentales sont capables de se coordonner dans cette crise économique, en particulier les économies de la zone euro.
C'est le sens de ce que nous avons indiqué hier dans le communiqué de l'Eurogroupe, que nous avons négocié pendant plus de quatre heures hier, et dans lequel nous avons indiqué très clairement que nous sommes prêts à engager des mesures immédiates de dépenses financières à hauteur de 1 % du PNB européen et que nous sommes également prêts, que nous faisons même immédiatement 10 % de garantie de prêt de trésorerie au niveau européen, c'est-à-dire 1 000 milliards d'euros de garanties de prêts pour garantir que la trésorerie continue à circuler au sein de la zone euro.
Nous avons dit également dans ce communiqué que nous prendrions toutes les mesures nécessaires. Nous avons repris l'expression de Mario Draghi, “whatever it takes” qui figure dans le communiqué de la zone euro, je pense que ça montre assez clairement notre détermination à engager des mesures de soutien massives à l'économie dans la situation très particulière où elle se trouve.
Donc s'il y a trois chiffres à retenir, ce sont les trois chiffres suivants :
- 45 milliards d'euros, c'est le montant du plan de soutien économique immédiat qui mélange des mesures de trésorerie et des mesures budgétaires, mais ça fait une somme de 45 milliards d'euros à débourser immédiatement ;
- 300 milliards d'euros, c'est le montant de la garantie de l'État sur les prêts bancaires ;
- 1 000 milliards d'euros, c'est le montant de la garantie des prêts bancaires par les puissances publiques européennes.
Un dernier mot, enfin, sur la croissance.
Tout cela évidemment devrait être inscrit dans un projet de loi de finances rectificatif que nous présenterons mercredi en Conseil des ministres avec le ministre des Comptes publics.
J'ai retenu un chiffre de croissance de - 1 pour 2020. C'est le chiffre de croissance que j'ai arbitré hier avec les services de la Direction générale du Trésor. Je tiens à insister sur le fait que ce chiffre de - 1 est un chiffre provisoire : nous sommes obligés légalement de mettre une prévision de croissance dans un projet de loi de finances rectificatif, il va de soi que ce chiffre pourrait évoluer en fonction de l'évolution, d'une part, de la situation sanitaire en France et en Europe et, d'autre part, c'est un point très important, de l'évolution de la situation aux États-Unis, première économie mondiale et un des partenaires commerciaux les plus importants de la France.
Donc vous le voyez, c'est une mobilisation totale au service des salariés et des entrepreneurs. C'est aussi une mobilisation internationale totale qui nous occupe H24 pour nous permettre de faire face à cette guerre économique et financière.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 18 mars 2020