Texte intégral
PAVLENKO
La guerre contre le virus est sanitaire, mais pour l'économie aussi, pour l'industrie, l'équilibre est extrêmement délicat, on en parlait à l'instant, protéger les salariés, ralentir le moins possible. Est-ce qu'on a le pied un peu trop lourd sur le frein en ce moment ? Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
DIMITRI PAVLENKO
Secrétaire d'Etat à l'Economie auprès de Bruno LE MAIRE. Merci d'être avec nous ce matin en ces temps difficiles, je sais que vous enchaînez réunion sur réunion, mais d'abord effectivement commençons par cela, estimez-vous qu'aujourd'hui la France a un peu trop ralenti, c'est difficile de le quantifier, mais en tout cas extrêmement visible lorsqu'on regarde ce qui se passe dans les entreprises.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi ce que je vois c'est effectivement des gens qui nous appellent en disant « tel site a arrêté, ça va me poser un problème parce que je ne vais pas être capable de maintenir ma production, c'est la matière première dont j'ai besoin pour continuer à travailler ou c'est les emballages dont j'ai besoin pour continuer à livrer », et cela peut intervenir sur des secteurs qui sont essentiels, essentiels comme la fabrication de médicaments, essentiel comme la fabrication de nourriture, de même que des arrêts d'intervention, par exemple dans le bâtiment, dans le BTP, je crois que ça va être difficile de continuer si on n'a pas des gens qui font les chantiers de maintenance de base dont nous avons besoin dans les centrales nucléaires, ou, pour des millions de personnes qui sont aujourd'hui confinées et dont le domicile est devenu en quelque sorte la base vie, de ne pas pouvoir faire réparer une douche qui fuit chez le voisin qui est également confiné, ou une chaudière qui ne fonctionne plus, donc on a ce besoin de maintenir une activité économique pour que, collectivement, le pays fonctionne.
DIMITRI PAVLENKO
Alors c'est vrai que très tôt le gouvernement et Bercy ont embrayé sur le message suivant, "il faut que les flux de trésorerie continus et nous serons là", on a vu ces milliards d'euros annoncés justement pour garantir l'activité, les prêts aux entreprises, donc sur ce volet financier le message est assez vite passé, mais c'est vrai que sur le volet salarial, sur le volet du travail humain, Agnès PANNIER-RUNACHER, on est un petit peu rattrapé par la prise de conscience des Français de l'urgence sanitaire, il y a évidemment cette problématique qui revient un peu dans le visage du gouvernement comme un boomerang, cette problématique des masques qui manquent absolument à tout le monde. Alors peut-être pouvez-vous nous aider, Agnès PANNIER-RUNACHER, à comprendre pourquoi aujourd'hui il est si difficile de se procurer des masques.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord il y a une grande confusion qui règne sur les masques. On confond des masques, notamment des masques techniques, qui s'appellent les masques FFP2, dont les soignants, qui sont en première ligne face aux malades ont besoin, mais dont également certains travailleurs dans l'industrie ont besoin, qui sont des masques extrêmement filtrants et qui évitent d'être exposé à des matières dangereuses, ces masques on a besoin par exemple dans l'industrie de fabrication de médicaments, pour vous donner un exemple. Ça, on a des stocks et on les distribue, mais de manière très comptée, pour être sûr de pouvoir tenir sur la durée, et en parallèle on est en train de faire augmenter les cadences de production des usines qui fabriquent ce type de masques, et nous commandons à l'étranger. Il y a un deuxième type de masques…
DIMITRI PAVLENKO
Mais, attendez, on n'a pas en France l'outil industriel pour produire au niveau national ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Si, on a, mais on n'a pas pour produire des quantités qui correspondent à peut-être 10 fois les usages, en règle générale vous mettez des lignes de production qui correspondent à ce que les gens achètent, si les gens achètent 10 fois plus vous avez un nécessaire temps d'adaptation, et puis vous avez des machines que vous n'avez pas, ou des mètres carrés qui vous manquent, donc sur les approvisionnements critiques on est aujourd'hui en train de pousser des usines à être en 24/24, mais on ne va pas inventer un bâtiment, on ne va pas inventer les machines, en une semaine, c'est pour ça qu'il est important aussi de s'appuyer sur des importations, et je veux dire ici que par exemple la Chine nous aide beaucoup, et c'est un peu cette solidarité internationale qui fait que nous avons, en temps utile, apporté un soutien à la Chine lorsqu'elle en avait besoin, et aujourd'hui je peux vous dire qu'on est largement payé de cette forme de solidarité que nous avons exprimée. Vous avez un deuxième type de masques qui sont les masques antiprojections, ces masques anti-projections pour l'essentiel ce sont des masques qui visent à protéger les autres de vos propres projections de gouttelettes, et c'est là où il y a un malentendu énorme parce que les gens ont le sentiment que ça les protège parce qu'il y a ce côté protecteur autour de la bouche, nous on s'est aperçu qu'il y avait des contaminations avec les masques parce qu'ils étaient mal manipulés. 80% de la contamination c'est par les mains, 80 %, donc lorsque vous portez votre main à votre masque et qu'ensuite vous avez quelque chose qui est collé sur la bouche toute la journée, vous imaginez le résultat.
DIMITRI PAVLENKO
Voilà, j'envoie les gens vers le respect des consignes de protection, maintenant il y a beaucoup de choses qui circulent sur comment et on enlève son masque.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, et puis surtout, au-delà de ça, il est très important aujourd'hui, et ça c'est un travail que les entreprises, et les organisations syndicales, et les salariés, doivent faire ensemble, c'est de redéfinir l'organisation du travail pour minimiser les contacts. Donc, les masques, ce n'est pas forcément la réponse, la réponse ça peut être beaucoup plus simplement la lingette avec de l'eau de javel qui permet de décontaminer un poste de travail, tous les X temps, et toutes ces routines il faut les définir, ce n'est pas à l'Etat de les définir, chaque entreprise a la responsabilité de ses salariés, et nous nous sommes en appui pour dire, avec le ministère de la Santé, en fonction de nos connaissances, ce qu'il faut faire.
DIMITRI PAVLENKO
Agnès PANNIER-RUNACHER, il nous peu de temps, je voudrais vous poser une question également sur l'implication des banques et du secteur de l'assurance. On sent que du côté du ministère de l'Economie en souhaite une implication davantage des assurances, c'est un peu technique, mais j'aimerais que vous nous en parliez. Il est question de créer un état de catastrophe sanitaire qui pourrait - ça n'existe pas en droit français aujourd'hui - qui permettrait aux assureurs d'indemniser les entreprises victimes de la situation actuelle. Où en est-on, est-ce que ça va se faire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, on travaille avec le secteur des assurances pour qu'ils aient une lecture de leurs contrats d'assurance qui soit, on va dire, je ne vais pas dire créative, mais aussi large que possible, parce qu'évidemment c'est un risque qui n'avait pas été anticipé dans les contrats d'assurance. donc il y a cette idée de dire, comme lorsqu'on a une catastrophe naturelle qu'on peut déclarer, on pourrait avoir un état de catastrophe sanitaire, simplement on est dans une situation très différente de l'état de catastrophe naturelle, parce que l'état de catastrophe naturelle il y a une caisse, avec beaucoup d'argent, auxquels cotisent chaque année l'ensemble des assureurs, au travers d'ailleurs des taxes, de ce que nous, nous payons en tant qu'assurés, et chacun est obligatoirement assuré, assure obligatoirement sa maison, ce qui fait qu'on est à peu près sûr que tout le monde a payé sa contribution, et cette caisse, lorsque vous avez des inondations, lorsque vous avez… est activée et permet de venir au secours des assureurs.
DIMITRI PAVLENKO
Il faut donc constituer une belle caisse, oui.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce système ne fonctionne pas aujourd'hui avec les assureurs, donc il faut trouver un autre système, un système où effectivement les assureurs viennent indemniser autant que possible, dans les reconnaissances par exemple des pertes d'exploitation, en considérant qu'on est bien confronté, même si ce n'est pas écrit noir sur blanc dans le contrat, c'est quand même contre ça que beaucoup de gens se sont assurés, les pertes d'exploitation en cas de quelque chose d'imprévisible, et on est exactement dans ce cas-là, donc c'est un travail que nous menons avec les assureurs.
DIMITRI PAVLENKO
Appel à une lecture créative des contrats d'assurance, on vous a bien entendue Agnès PANNIER-RUNACHER, merci d'avoir été avec nous, la secrétaire d'Etat à l'Economie auprès de Bruno LE MAIRE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 mars 2020