Entretien de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à RMC le 31 mars 2020, sur l'impact de l'épidémie de Covid-19 sur le tourisme et le transport aérien et les aides accordées aux entreprises de ces secteurs.

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Texte intégral

Q - On est tout de suite avec Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Bonjour. Merci d'être sur RMC ce matin. Dans quelques minutes, vous tiendrez, comme toutes les semaines depuis le début de la crise, une réunion, alors ça se fera par téléphone désormais, avec tous les professionnels du secteur du tourisme en France, le comité de filière tourisme. Quelle est la situation, au moment où on se parle, après deux semaines de confinement et avec un monde entier, on le voit bien, qui est à l'arrêt, pour nos professionnels du secteur du tourisme ?

R - La filière tourisme a été une des premières à être frappée, non pas seulement depuis deux semaines, en réalité depuis trois mois, parce que l'épidémie a commencé en Asie, de nombreux voyagistes, tour-opérateurs avaient leurs clients français sur le sol d'Asie. Et donc, en réalité, cela fait trois mois que le secteur vit avec les conséquences de cette épidémie. Vous savez, la France, c'est la première destination touristique mondiale, et cela veut dire que c'est un impact, ramené à un trimestre, qui peut être de l'ordre de 40 milliards d'euros, c'est considérable. Donc, on fait tout pour accompagner ces entreprises, faire en sorte qu'elles puissent passer le cap, à la fois avec les mesures générales que Bruno Le Maire a annoncées, mesures d'accompagnement par les prêts, de garantie des prêts, d'activité partielle, mais également avec des mesures spécifiques que j'ai souhaitées, par exemple, le fait de pouvoir mettre en place un avoir qui permet au client de reporter le voyage qu'il avait réservé dans une période de 18 mois, et ainsi nous permettons de concilier l'intérêt du consommateur et de préserver les entreprises et leur trésorerie.

Q - Ça veut dire que les vols qui ne peuvent pas être effectués, les voyages qui ne peuvent pas être effectués ne seront pas remboursés, mais il y aura un avoir pour qu'ils soient quand même faits, ces voyages, mais plus tard ?

R - Exactement, cela concerne les voyages, cela concerne les prestations touristiques. Cela ne concerne pas les vols secs, parce que les vols obéissent à un autre régime européen, je ne vais pas rentrer dans le détail. Mais effectivement, très concrètement, je vais à mon agence de voyages, j'obtiens cet avoir, et cet avoir me permettra de faire un déplacement plus tard, une fois la crise sanitaire passée, ou d'en faire plusieurs d'ailleurs. Donc, c'est la mesure que nous avons trouvée, que nous avons construite avec les professionnels et qui a été adoptée par ordonnance lors du dernier Conseil des ministres mercredi dernier.

Q - Jean-Baptiste Lemoyne, quelle est la réalité concrète que vous font remonter tous ces professionnels ? Tout est à l'arrêt, est-ce qu'ils vont réussir à tenir, c'est-à-dire que vous dites, bon, ensuite, ça reprendra, mais en attendant, il faut tenir, il faut avoir les reins solides. Quid de toutes les plus petites entreprises de tourisme, et puis, tous les professionnels du tourisme, ici, en France, notamment les hôteliers ou les centres de vacances ?

R - Alors, déjà, je veux saluer, je dirais, l'entraide qui se manifeste, parce que les hôteliers, les restaurateurs proposent, pour certains, des chambres, pour d'autres, des repas, pour accompagner les soignants qui sont en première ligne. Donc, point numéro un, non seulement, ils ne baissent pas les bras, mais en plus, ils sont solidaires. Alors, maintenant, c'est un moment effectivement difficile, difficile pour tout le monde, et je crois que les mesures que nous avons mises en place, 45 milliards d'euros d'aides directes, plus 300 milliards d'euros de garanties d'Etat pour les emprunts, vont permettre, je l'espère, de passer le cap. Ensuite, il y a les plus petits, vous faisiez référence, effectivement, parfois aux entrepreneurs individuels, aux chambres d'hôtes, etc., j'ai aussi en tête le cas des guides conférenciers, souvent, ils sont indépendants. Pour eux, on a mis en place ce qu'on appelle le fonds de solidarité, c'est un milliard d'euros par mois, et cela permet d'obtenir 1 500 euros à parfois 3 000, 4 000, 5 000 euros selon les cas et les dossiers, lorsque c'est justifié, pour pouvoir, là aussi, passer cette période difficile. Ce qu'on veut, c'est préserver les talents, les savoir-faire…

Q - Là, pour le coup, ce n'est pas un prêt, c'est un don ?

R - Effectivement, sur le fonds de solidarité, il s'agit d'une somme forfaitaire qui est octroyée pour permettre tout simplement de vivre, de faire vivre sa structure, et encore une fois, d'attendre le temps que le confinement s'achève, et puis, que la reprise puisse s'amorcer.

Q - On le sait, l'aéroport d'Orly ferme ce soir. Donc ça, c'est quand même quelque chose qui n'a jamais été vu. Easyjet a immobilisé toute sa flotte, cela va être le cas de la plupart aussi des compagnies aériennes. Comment est-ce que vous imaginez aussi la suite pour les compagnies aériennes ?

R - On l'avait vu, déjà, avant même l'épidémie, plusieurs compagnies aériennes ont fait faillite. Et donc le secteur aérien, nous devons le suivre comme le lait sur le feu, si je puis dire, parce que, derrière, ce sont des emplois, ce sont aussi des consommateurs qui parfois, hélas, ne sont pas remboursés. Donc, il est très important d'être aux côtés des acteurs du monde aéroportuaire et aérien en général. Jean-Baptiste Djebbari est en contact permanent avec eux. Lors de notre conférence tout à l'heure, j'aurai également les transporteurs et je crois que là aussi, ils prennent des mesures notamment en matière de ressources humaines, pour restreindre leurs vols, pour essayer de déclencher les activités partielles, et préserver la machine pour repartir. Il y a un impact direct du fait qu'il y ait moins de vols, c'est qu'il y a aussi 10 000 de nos compatriotes qui sont encore bloqués hors de France, des touristes, des voyageurs d'affaires. Et donc, cela nous impose, à nous, de travailler en direct avec Air France, pour mettre en place ces vols, pour affréter également des avions, parfois avec des compagnies comme Qatar Airways, pour les faire rentrer à la maison. C'est un travail de logisticien au quotidien que nous faisons avec le Ministre Jean-Yves Le Drian et Jean-Baptiste Djebbari..

Q - On a eu d'ailleurs deux témoignages ce matin de pères de famille qui s'apprêtaient à aller retrouver leurs enfants qui avaient été éloignés d'eux, l'un de Grèce, l'autre d'Argentine, visiblement, les rapatriements se poursuivent encore. Sur la question des aides aux compagnies, la question d'Air France, la fragilisation d'Air France, on le sait bien, qui a perdu énormément, qui continue à perdre dans cette crise. On sait que l'option éventuelle d'une renationalisation ou d'un réinvestissement de l'Etat est sur la table, est-ce que vous y êtes favorable ?

R - Ce qui est sûr, le gouvernement l'a, dit Bruno Le Maire l'a dit, en tant que ministre de l'économie, nous veillerons à tous les fleurons de la Nation. Air France est un de ces fleurons, l'Etat en est actionnaire. Et donc, il est hors de question de laisser des entreprises françaises d'excellence passer sous le contrôle de fonds vautours ou d'acteurs mal intentionnés. Donc, il y a aussi cette vigilance permanente et notamment, effectivement, au regard de la compagnie aérienne. Ben Smith et Bruno Le Maire se voient régulièrement. Nous sommes pour notre part en contact quotidien avec Anne Rigail pour organiser les retours des Français bloqués hors de France, c'est un mano a mano avec la compagnie nationale…

Q - S'il le faut, vous remettrez des billes, l'Etat remettra des billes ?

R - Quelle que soit la formule qui sera retenue s'il y avait un sujet, l'Etat sera aux côtés de la compagnie nationale.

Q - Un mot aussi d'ailleurs sur Aéroports De Paris, on se dit quand même, quand on voit la crise que l'on traverse aujourd'hui, heureusement que cela n'avait pas été privatisé finalement ?

R - Vous savez, on est dans un moment qui n'a plus rien à voir avec les conditions dans lesquelles le projet avait été élaboré. Donc, à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. ADP, c'est aussi un de nos fleurons, qui rayonne à l'international, puisque, ADP gère énormément d'aéroports dans le monde entier, et ce que je sais, c'est qu'Augustin de Romanet tient la barre, et tient bien la barre à la tête de cette entreprise.

Q - Merci beaucoup, merci d'avoir été avec nous sur RMC, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, merci à vous.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er avril 2020