Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement, à LCI le 22 octobre 2020, sur l'extension du couvre-feu sanitaire à de nouveaux départements, les tests antigéniques et la lutte contre l'islamisme radical.

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Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement

Média : La Chaîne Info

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur LCI, vous êtes porte-parole du gouvernement, vous étiez évidemment hier dans la cour de La Sorbonne, on reviendra sur cet hommage, vibrant, qui a sans doute ému des millions de Français hier soir, en l'honneur du professeur Samuel PATY, on y revendra dans quelques secondes. Mais d'abord un mot de la situation sur le front sanitaire. Ce soir des territoires basculeront en alerte maximale, vous confirmez que ce seront des départements et des villes ?

GABRIEL ATTAL
Oui, il y aura des nombreux territoires qui vont voir des mesures plus importantes prises, et notamment le couvre-feu, je ne vais évidemment pas faire les détails avant le Premier ministre, mais vous avez un certain nombre, de nombreux départements, qui ont aujourd'hui dépassé les critères de ce qu'on appelait l'alerte maximale il y a encore quelques semaines, c'est-à-dire un très haut niveau de taux d'incidence en population générale, chez les personnes âgées, et une part de patients Covid dans les réanimations qui est très importante. L'heure est grave dans le pays, c'est ça qu'il faut retenir. On a une situation épidémique qui est préoccupante, avec, je crois, un doublement du taux d'incidence tous les 15 jours, avec une part des patients Covid en réanimation qui augmente beaucoup, je crois qu'on est aujourd'hui à quatre régions où la part des patients Covid est supérieure au 50 % des places en réanimation, c'est le cas en PACA, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Ile-de-France, et je crois, très bientôt, dans les Hauts-de-France, et donc ça nécessite de prendre des mesures supplémentaires, ça nécessite aussi, je le redis, parce qu'à chaque fois qu'on en a l'occasion on le dit, ça nécessite pour les Français, partout sur le territoire, y compris pour les territoires qui ne sont pas dans cette situation aujourd'hui, d'observer absolument les gestes barrières, d'observer absolument la limitation des contacts sociaux, je rappelle la fameuse règle des 6 qu'a énoncée le président de la République.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je vous demande des réponses brèves parce que j'ai beaucoup de questions. D'abord est-ce que, sans donner lesquelles, on verra, le Premier ministre les donnera, est-ce qu'il y a des zones rurales qui seront concernées ce soir par la bascule ?

GABRIEL ATTAL
Bien sûr, il y a des départements dans lesquels il y a des zones rurales, maintenant je ne peux pas moi donner le périmètre des mesures qui sont prises.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais il y aura des zones rurales, est-ce que la bascule en zone alerte maximale est forcément synonyme de couvre-feu ?

GABRIEL ATTAL
Les annonces seront faites cet après-midi, moi je ne veux pas préempter.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais juste sur le principe, est-ce que c'est forcément synonyme ?

GABRIEL ATTAL
Vous pouvez prendre des mesures supplémentaires sans que ce soit couvre-feu, mais, encore une fois, c'est le Premier ministre qui va s'exprimer cet après-midi, et surtout je rappelle qu'il y a une concertation, une décision locale, et que le périmètre, par exemple du couvre-feu, sur un territoire, est déterminé par le préfet en lien avec les élus locaux, il peut aller sur une métropole, au-delà d'une métropole, voilà, on continue cette stratégie territorialisée et graduée, mais ce qui est certain, je le redis, c'est que la situation est préoccupante.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et c'est pour ça d'ailleurs que c'est le Premier ministre ce soir, c'est un signe de gravité, qui prend la parole ?

GABRIEL ATTAL
C'est le Premier ministre qui prend la parole, oui, parce que la situation est préoccupante, c'était déjà lui qui avait pris la parole la semaine dernière après l'intervention du président, on s'en souvient, il sera accompagné de plusieurs ministres, dont évidemment Olivier VERAN, le ministre des Solidarités et de la Santé.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et Roselyne BACHELOT aussi, peut-être pour parler de la question, évidemment, très alarmante de la culture. Est-ce que le couvre-feu pourrait être avancé à 19h00 dans certaines villes, est-ce que ça a été envisagé ou est-ce que ça ne sera pas annoncé ce soir ?

GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire. Je participe aux conseils de défense  autour du président de la République, qu'est-ce qu'on fait dans ces conseils de défense  ? on regarde la situation épidémique, on regarde les projections qui nous sont faites par les scientifiques et on regarde toute la palette de mesures possibles qui peuvent être prises pour endiguer la progression de l'épidémie, donc tout est toujours regardé par principe, maintenant, encore une fois, je ne peux pas vous dire avant le Premier ministre ce qui sera annoncé tout à l'heure.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ça pourrait être annoncé ce soir ?

GABRIEL ATTAL
Non, ce que j'ai dit pour ma part, et j'ai déjà avancé pas mal avant l'intervention du Premier ministre, que c'est surtout sur la cartographie et sur des départements qui basculeront, que se concentrera les annonces.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc on comprend que ce sera exclu pour ce soir, de même qu'un reconfinement, il y a eu une rumeur toute la journée hier à Paris.

GABRIEL ATTAL
Il y a beaucoup de rumeurs sur ces question-là, même moi je reçois des messages de proches qui me disent "j'ai entendu à mon travail", "j'ai reçu un message d'amis", etc. Moi je veux redire qu'à ce stade il n'y a pas de reconfinement prévu du pays, que toutes les mesures qu'on prend visent à empêcher un reconfinement du pays et qu'on prendra toujours les mesures nécessaires pour protéger la santé des Français.

ELIZABETH MARTICHOUX
Y aura-t-il des fêtes de Noël cette année ?

GABRIEL ATTAL
Evidemment qu'il y aura des fêtes…

ELIZABETH MARTICHOUX
En famille, normalement, masqués, mais la question c'est est-ce qu'on évitera un couvre-feu à Noël ? C'est ça qu'on veut absolument éviter.

GABRIEL ATTAL
Evidemment Elizabeth MARTICHOUX, c'est pour ça qu'on prend toutes ces mesures, on prend toutes ces mesures parce que notre souhait c'est que les Français puissent fêter Noël en famille, et c'est vraiment tout le sens de ce qu'on fait aujourd'hui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Combien de contrôles de couvre-feu, est-ce que vous avez un bilan ce matin ?

GABRIEL ATTAL
Alors, je n'ai pas le chiffre sur les contrôles, en revanche, ce que je peux vous dire, c'est qu'en moyenne il y a 1 500 verbalisations chaque nuit, donc 1 500 sanctions par les policiers, les gendarmes, et parfois les polices municipales, chaque nuit…

ELIZABETH MARTICHOUX
1 500 amendes, 1 500 verbalisations…

GABRIEL ATTAL
Absolument, en moyenne.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous savez là-dedans s'il y a des récidives, s'il y en a qui prennent le risque de devoir payer 1 500 euros ?

GABRIEL ATTAL
Je n'ai pas le chiffre sur les récidives aujourd'hui, vous avez raison de rappeler qu'en cas de récidive ça peut être 1 500 euros, ça peut même être de l'emprisonnement si on récidive à plusieurs reprises, mais je n'ai pas ce niveau de détails-là. Il y a eu plusieurs dizaines de milliers de contrôles, et il y a 1 500, environ, verbalisations chaque nuit.

ELIZABETH MARTICHOUX
En moyenne 1 500 verbalisations chaque nuit depuis le début du couvre-feu, on rappelle que 22 millions de personnes sont concernées par ces mesures. Un mot aussi d'un nouveau pilier de la gestion de la crise, ce sont les tests antigéniques, ce sont des tests dont on a les résultats très rapidement, dans une quinzaine de minutes, quand est-ce qu'on pourra aller en pharmacie demander ces tests, individuellement ?

GABRIEL ATTAL
Ça va arriver très rapidement, ce que je peux vous dire c'est qu'il y a déjà 5 millions de tests qui ont commencé à être déployés, notamment pour des dépistages, par exemple dans des universités, dans des EHPAD, qu'à partir de lundi ils seront déployés dans les aéroports, tous les aéroports parisiens, par exemple, dès lundi, et que d'ici à la fin de cette semaine Olivier VERAN signera l'arrêté qui permettra le déploiement dans les pharmacies et chez les médecins libéraux. Il y avait un enjeu de négociation aussi sur…

ELIZABETH MARTICHOUX
Tarifaire on va dire.

GABRIEL ATTAL
La rémunération des professionnels qui réaliseront ces actes. C'est une vraie rupture, et c'est très important de le dire, avec ces tests antigéniques vous avez le même prélèvement nasopharyngé, mais vous avez effectivement les résultats tout de suite, comme un test de grossesse, d'ailleurs ça ressemble, en 15, 20 minutes, et donc ça va, on l'espère, beaucoup faciliter le déploiement des tests.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous savez combien on en a en stock ?

GABRIEL ATTAL
Alors, je vous ai dit qu'il y a 5 millions qui sont arrivés, qui commencent à être déployés, et qu'il y a une autre commande qui a été faite, et qui commence à arriver, de plus de 10 millions d'euros je crois, mais là-dessus Olivier VERAN, je crois, en parlera cet après-midi, et connaît mieux les chiffres que moi.

ELIZABETH MARTICHOUX
D'accord, mais en tout cas, ce que vous nous dites, c'est que l'arrêté va être signé ce week-end, pour un déploiement…

GABRIEL ATTAL
D'ici à la fin de la semaine.

ELIZABETH MARTICHOUX
Au-delà de ce qui est fait en ce moment effectivement, par exemple en Lorraine, dans l'université, etc. Donc je pense que les Français vont se précipiter, sans doute, il va falloir éviter l'embolie, on verra comment ça se passe.

GABRIEL ATTAL
C'est important de tester, on teste beaucoup, je crois que…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera sur prescription ou ce sera libre ?

GABRIEL ATTAL
Je ne crois pas, ce sera libre comme on l'a fait pour les tests qui sont aujourd'hui réalisés, PCR, que tout le monde connaît. Sur la dernière semaine, Elizabeth MARTICHOUX, je crois qu'on a réalisé plus d'1,6 million tests, c'est historique, on n'avait jamais réalisé autant de tests en France sur une semaine, et on a désormais 80% des tests dont le résultat revient en moins de 48 heures, 36, 48 heures, ce qui est là aussi extrêmement positif.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il faut espérer que ça ait des résultats sur, évidemment, le ralentissement de l'épidémie. Gabriel ATTAL, hommage hier soir à Samuel PATY, une cérémonie bouleversante, et grave en même temps. Une parole, une musique, un moment que vous retenez en priorité, vous personnellement.

GABRIEL ATTAL
A titre personnel j'étais sur place à La Sorbonne avec le président de la République, et moi, évidemment, je retiens les visages de la famille de Samuel PATY, qui étaient présents, et oui c'était absolument bouleversant comme cérémonie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Emmanuel MACRON a rendu un hommage, appuyé évidemment, à Samuel PATY, "un de ces professeurs qu'on n'oublie pas, un héros tranquille", a-t-il dit. Si vous me permettez, on va tout de suite aller dans le réel, parce qu'il a aussi dit que les professeurs, plus généralement, il ne faut pas oublier de leur donner de la considération, du soutien et de la protection. Une enseignante du Muret, près de Toulouse, a été insultée et menacée après qu'avait été abordée la question du voile dans sa classe, 7 mineurs ont été placés en garde à vue mardi, dont une élève mise en examen. Quand le ministre dit, ministre Jean-Michel BLANQUER, "il faut continuer à montrer les caricatures en classe", c'est plus facile à dire qu'à faire, ce sont des risques à chaque fois que prennent les enseignants.

GABRIEL ATTAL
Mais, ce que Jean-Michel BLANQUER dit c'est qu'il ne faut pas renoncer à nos valeurs et céder sous la pression de ceux qui veulent abattre la République. Maintenant, est-ce que ça veut dire qu'il n'y a pas de problème, que ce n'était pas déjà difficile, pour des enseignants, de parler de ces sujets-là, de montrer les caricatures, évidemment non. Vous savez, je crois que Monsieur OBIN, qui a remis le rapport bien connu, était sur votre antenne hier, je crois, et il a dit…

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans "l'Emission spéciale."

GABRIEL ATTAL
Il a dit lui-même que déjà, dans un certain nombre de territoires, pour des enseignants, c'était très difficile d'aborder ces questions-là, donc oui il faut accompagner et soutenir davantage les enseignants. Qu'est-ce qu'on a fait depuis 2017 ? moi j'étais secrétaire d'État auprès de Jean-Michel BLANQUER à l'Éducation nationale auparavant, on a mis en place toute une organisation, justement, qui permet qu'ils ne soient plus seuls, qui permet de les accompagner, avec un formulaire en ligne qui leur permet de déclarer directement au ministère quand il y a des situations, avec des équipes mobiles, vous avez aujourd'hui 400 personnes qui, à plein temps, sont là pour soutenir les enseignants qui sont confrontés à des difficultés sur la laïcité et les valeurs de la République, qui se déplacent dans les établissements, si c'est nécessaire, pour venir les soutenir, qui les accompagnent pour porter plainte. Donc, est-ce que ça veut dire que tous les problèmes sont réglés ? Evidemment non, mais ce que je peux vous dire c'est qu'on ne met plus la poussière sous le tapis.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je vous donne un exemple, parce que ce n'est pas encore évident. Deux élèves ont dit, face à cette même enseignante, ont dit en classe, "la charia est mieux que la loi française", ils n'ont pas été sanctionnés par l'établissement, ils le seront peut-être par la justice, en tout cas ils sont mis en cause, or c'est sans doute assez fréquent ce type de propos en réalité. Comment réagir ?

GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Ils n'ont pas été…

GABRIEL ATTAL
Alors, je n'ai pas les détails sur cette affaire, donc je ne sais pas s'ils ont été sanctionnés ou non par l'établissement, ce que je peux vous dire c'est que, il y a encore quelques années, c'était le black-out total sur ces situations, maintenant, à chaque fois que vous avez ce type de situation, il y a un signalement, et en plus on est transparent, on publie les chiffres.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes sûr de ça, vous pensez qu'à chaque incident, en classe, qui est relatif à une expression qui a un lien avec… l'islamisme, vous pensez vraiment qu'il y a un signalement à chaque fois ?

GABRIEL ATTAL
Ce que je vous dis c'est qu'à chaque fois qu'il y a un signalement, ça remonte, ce que je vous dis c'est qu'on est transparent sur les chiffres, donc je vais vous donner…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y a pas tout le temps un signalement, mais quand il y a un signalement ça remonte, c'est ça.

GABRIEL ATTAL
Et par ailleurs on rend transparents les chiffres. Il y a eu un bilan qui a été fait sur la dernière période, je crois que c'est septembre 2018 à mars 2020, 935 atteintes à la laïcité et aux valeurs de la République dans des établissements scolaires, et on ne met pas, encore une fois, ces sujets-là sous le tapis. Dire les choses, les nommer…

ELIZABETH MARTICHOUX
Gabriel ATTAL, à vous entendre, c'est assez frappant, pardon, de le dire comme ça, mais tout va bien.

GABRIEL ATTAL
Non, justement depuis tout à l'heure je vous dis l'inverse.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il ne faudrait pas un petit peu de modestie ?

GABRIEL ATTAL
Mais depuis tout à l'heure je vous dis l'inverse Elizabeth MARTICHOUX.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous me répondez toujours bilan, on fait des choses, on fait, on répond, on répond…

GABRIEL ATTAL
Mais oui, je vous dis qu'on fait des choses parce qu'on fait des choses, et je vous dis, à chaque fois que je vous donne des exemples, je vous dis ça ne veut pas dire que ça règle tous les problèmes, ça ne veut pas dire… on a commencé cet échange, je vous disais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autocensure chez les enseignants pour qui c'est extraordinairement difficile, mais je ne vais pas nier le fait qu'on met en place des dispositifs. Est-ce que la situation va bien partout ? Evidemment non. Est-ce qu'il faut continuer ? Evidemment oui. C'est pour ça qu'il y a de nouvelles mesures qui ont été annoncées par Jean-Michel BLANQUER encore la semaine dernière, comme d'autres seront annoncées, on travaille avec les représentants des enseignants. Ce que j'essaye de faire passer comme message on vous disant dans tout ça, c'est qu'il y a une détermination de notre part. Quand on a mis en place tous ces dispositifs dans l'école, à l'époque on ne parlait pas de ces sujets-là, moi quand je venais sur les plateaux des matinales on ne me posait pas de questions sur tout ça et Jean-Michel BLANQUER avait été d'ailleurs très critiqué quand il avait mis en place ce système.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, hier, Christian JACOB, qui était à votre place, le président de LR, dit "il faut virer, exclure, les élèves qui contestent des éléments de programme", bon, ça c'est du "y'a qu'à, faut qu'on", ou est-ce qu'il faut l'envisager ?

GABRIEL ATTAL
Moi je vais vous dire, à chaque fois qu'il y a des faits comme ceux-là il faut évidemment qu'il y ait une sanction, une sanction éducative, maintenant est-ce qu'il faut dire qu'il faut bannir des élèves à vie…

ELIZABETH MARTICHOUX
Virer, est-ce que c'est la solution, parce qu'on déplace le problème, est-ce qu'on le règle ?

GABRIEL ATTAL
Bien sûr, et puis surtout le rôle de l'éducation c'est aussi de répondre à ces problèmes, d'éveiller l'esprit critique des élèves et de leur transmettre les valeurs de la République, donc voilà, je pense qu'il faut évidemment des sanctions, mais il faut aussi répondre, à la racine, à ce problème, c'est ce qu'on s'attache à faire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Emmanuel MACRON, avant de rendre son hommage appuyé à Samuel PATY hier, a évoqué la nécessaire unité nationale. En un mot, il y en a eu ?

GABRIEL ATTAL
Je pense que vous aviez hier un invité…

ELIZABETH MARTICHOUX
Christian JACOB.

GABRIEL ATTAL
Qui représente un parti de l'opposition, est-ce que vous avez le sentiment dans l'interview qu'il était dans cette démarche d'unité nationale ? En tout cas moi je n'ai pas ce sentiment-là, voilà, je le regrette. Je regrette des prises de position, parfois des instrumentalisations qui ont été faites dès le soir même de l'attaque.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pensez à qui ?

GABRIEL ATTAL
Je pense au Rassemblement national, je pense au parti les Républicains. J'étais présent à l'Assemblée nationale mardi pour une séance de questions d'actualité au gouvernement juste après cet attentat, voilà j'ai été heurté par le comportement, l'attitude, d'une partie de l'opposition. Maintenant, je vais vous dire, est-ce que ça veut dire…

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pouvez comprendre une partie de leur colère, puisqu'ils prétendent, eux, que ça fait longtemps qu'ils font des propositions, que vous n'entendez pas, ils disent le président MACRON a mis 3 ans à prendre de front la question de l'islamisme radical.

GABRIEL ATTAL
Je vais vous dire, il y a une colère, et je crois, j'espère, qu'on la partage tous, tous les responsables politiques et tous les Français. Ensuite, non, je refuse qu'on dise que c'est un problème, un enjeu, qu'on a découvert récemment. Encore une fois, je donnais l'exemple de l'éducation, ça fait depuis 2017 qu'on s'attaque à ce sujet-là. J'ai été élu député en 2017, une des premières lois que j'ai votées c'est une loi Sécurité intérieure, lutte contre le terrorisme, qui permet de fermer les mosquées où on prêche la haine. Ensuite on a mis en place des dispositifs pour fermer des lieux de radicalisation. Je veux dire, il faut regarder aussi ce bilan-là. Encore une fois, vous allez me dire "vous dites que tout est parfait", non je ne dis pas ça, je dis qu'il y a une action résolue, peut-être comme jamais, sur ces questions-là, parce que la situation le nécessite, parce qu'on a une détermination très forte, mais moi j'attends aussi que certains ont le reconnaissent quand ils font des propositions, reconnaissent aussi le fait qu'ils ont été aux responsabilités et que les mesures qu'on prend aujourd'hui, qui sont absolument nécessaires, précisément eux ne les ont pas prises quand ils étaient aux responsabilités. Le rapport Obin sur l'école, il date de quand ?

ELIZABETH MARTICHOUX
2004.

GABRIEL ATTAL
2004.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il a été mis sous le tapis par François FILLON à l'époque. Quelques questions factuelles. Vous avez annoncé, le gouvernement, la dissolution du CCIF, le Comité contre l'islamophobie, qui crie à la victimisation et qui va, j'allais dire comme d'habitude, comme souvent dans ces cas-là, user de tous les outils juridiques. Est-ce que vous êtes persuadé aujourd'hui qu'il sera possible de valider la demande de dissolution ?

GABRIEL ATTAL
C'est pour ça que la dissolution n'a pas été prononcée dans ce conseil des ministres, hier on a dissous le groupement Cheikh Yassine, et qu'elle le sera dans un prochain conseil des ministres, très rapidement, parce que justement il y a un travail juridique à faire, et on va tout faire pour que cette dissolution…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais est-ce qu'on peut être sûr aujourd'hui, dans l'état de notre droit, c'est un état de droit, il faut le respecter, qu'on peut dissoudre un comité, qui a eu un lien… ?

GABRIEL ATTAL
Parce qu'il y a eu cet attentat et parce que, à l'évidence, il y avait un lien puisque le père de famille, je le rappelle, qui a fait la vidéo, il appelait à s'en prendre au professeur, il disait dans la vidéo, écrivait en-dessous "si vous voulez contacter le CCIF", parce qu'il y a ce lien-là, à l'évidence on peut faire ce lien, et donc on peut prononcer cette dissolution. Ce qui est certain c'est que s'il n'y avait pas eu cet attentat on ne pourrait pas dissoudre aujourd'hui cette association, et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on a engagé, dès le 2 octobre, je le rappelle, c'était les annonces du président de la République, le projet de loi de lutte contre les séparatismes, qui va nous donner davantage…

ELIZABETH MARTICHOUX
Qui donnera des armes supplémentaires.

GABRIEL ATTAL
Davantage de moyens de dissoudre des associations qui contreviennent aux valeurs de la République.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que le Président examine ou est-ce qu'il exclut un référendum et une révision constitutionnelle proposée par la droite ?

GABRIEL ATTAL
Mais je vais vous dire, ça n'a ni queue, ni tête, cette proposition. Quand on propose un référendum, qu'est-ce qu'on propose aux Français ? On propose de se lancer dans des mois, voire des années, d'arguties juridiques, de débats juridiques, pour discuter sur la Constitution. Pourquoi ? Pour, comme Xavier BERTRAND l'a dit, ajouter la laïcité dans la Constitution ? Mais heureusement qu'elle figure déjà dans la Constitution. Moi ce que je crois c'est que les Français ils attendent des actes concrets, des actes efficaces, et c'est ce qu'on fait, et c'est ce qu'on va continuer à faire. Vous savez, je pense qu'il y a certains responsables dans l'opposition qui ne veulent pas reconnaître que les mesures qu'on prend aujourd'hui sont les mesures nécessaires, qui ne veulent peut-être pas nous accompagner dans ces chantiers-là, et qui, du coup, cherchent à détourner le débat en lançant d'autres chantiers. Et moi je vous dis, le débat de révision de la Constitution et de référendum, pendant des mois ou des années, ce n'est pas ce qu'attendent aujourd'hui les Français, il faut aller vite et il faut aller fort.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il faut. Est-ce qu'il y a un lien entre immigration et islamisme radical ? Est-ce que la question migratoire doit être posée ?

GABRIEL ATTAL
J'ai entendu pire que ça, j'ai entendu des responsables qui faisaient un lien entre immigration et terrorisme, comme si toutes les personnes immigrées dans notre pays étaient des terrorismes en puissance. Je veux dire, on est dans un moment bouleversant, un moment de choc, mais ça ne permet pas de tout dire, voilà, je pense que…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais alors moi, je vous repose la question différemment, vous l'avez noté, est-ce qu'il y a un lien entre immigration et islamisme radical ?

GABRIEL ATTAL
Moi, ce que je dis aujourd'hui c'est que vous avez des personnes qui sont immigrées, en situation irrégulière dans notre pays, dont on voit qu'elles sont radicalisées. Vous avez aussi des personnes qui sont françaises, qui ne sont pas immigrées, qui sont fichées au FSPRT pour radicalisation. Et qu'il faut avoir des actions sur chacun d'entre eux et c'est ce qu'on a engagé.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais, est-ce qu'elle doit être posée cette question ? Vous me dites…

GABRIEL ATTAL
Ce que je vous dis, Elizabeth MARTICHOUX…

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous dites, il y en a sans doute au gouvernement qui peuvent se dire : eh bien oui, c'est une question qui doit être posée, faire un débat. On est d'accord.

GABRIEL ATTAL
Il n'y a aucune question taboue, d'ailleurs je vous rappelle que le débat sur l'immigration on l'a mis nous sur la table avec la loi en 2018, et que nous-mêmes on a décidé qu'il y aurait un débat sur l'immigration chaque année, devant le Parlement, à la représentation nationale. Là aussi on avait été beaucoup critiqués à l'époque, là aussi on aurait aimé peut-être que ceux qui…

ELIZABETH MARTICHOUX
En partie par votre majorité.

GABRIEL ATTAL
Oui, et là aussi on aurait aimé peut-être que ceux qui aujourd'hui nous critiquent, nous accompagnent et nous soutiennent, mais je pense que c'est une de nos spécificités, on n'a jamais eu de débat et de sujets tabous, et on l'affronte tous les enjeux.

ELIZABETH MARTICHOUX
Une question personnelle, puisque Gérald DARMANIN a répondu sur un plan personnel : est-ce qu'il y a un lien entre des rayons hallal dans les grands super marchés, et une possible dérive communautaire ? Votre avis à vous.

GABRIEL ATTAL
D'abord, moi je veux quand même dire, j'ai regardé cette émission, 3 heures de débats sur des sujets graves. On ne peut pas dire que Gérald DARMANIN n'affronte pas, n'est pas mobilisé sur des sujets graves pour la sécurité des Français. 30 secondes sur cette question des supermarchés, en répondant à une question en donnant son avis personnel, et on ne retient de cette émission que ce passage-là. Voilà. Moi je vous dis, ça me désole, parce qu'il y a des enjeux beaucoup plus importants, parce qu'aujourd'hui la priorité évidemment pour le gouvernement, la majorité…

ELIZABETH MARTICHOUX
Il a peut-être eu tort de répondre à une question qui par ailleurs peut se poser, ça peut être un débat.

GABRIEL ATTAL
Mais, cette question-là, ce débat il existe, d'ailleurs il y a eu des articles sur le sujet, il y a eu des prises de position d'intellectuels. Evidemment, moi je vais vous dire, moi ce qui me dérange c'est davantage, dans certaines villes on le voit aujourd'hui, des rues entières, des quartiers entiers, où il n'y a plus que des magasins communautaires. Vous avez des pompes funèbres communautaires, vous avez des supermarchés communautaires, où tous les magasins, tous les commerces sont communautaires. Mais ça dit aussi beaucoup de quartiers où il n'y a plus vraiment de mixité, voilà, et c'est un enjeu qui nous renvoie à la question de la politique de la ville, à la manière dont on vit ensemble aujourd'hui dans la République.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous nous direz Gabriel ATTAL comment on peut s'attaquer à cette question sur laquelle vous aviez d'ailleurs travaillé, vous étiez secrétaire d'Etat à la Jeunesse, vous aviez fait des propositions. On en parlera à l'occasion du projet de loi sur le séparatisme, toujours le 9 décembre…

GABRIEL ATTAL
Oui.

ELIZABETH MARTICHOUX
En conseil des ministres. Merci beaucoup à vous d'avoir été ce matin sur LCI


source : Service d'information du Gouvernement, le 23 octobre 2020