Déclaration de Mme Sarah El Haïry, chargée de la jeunesse et de l'engagement, sur l'impact de la crise sur la jeunesse et les mesures à prendre d'urgence (plan "1 jeune, 1 solution", apprentissage, créations d'emplois FONJEP, chèque psy...), à l'Assemblée nationale le 22 mars 2021.

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  • Sarah El Haïry - Secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement

Circonstance : Débat sur l'impact de la crise sur la jeunesse, Assemblée nationale le 22 mars 2021

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat sur l'impact de la crise sur la jeunesse et les mesures à prendre d'urgence.

La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement. Ce débat est important car, vous l'avez dit les uns et les autres, la jeunesse est le trésor de notre nation. Depuis un an maintenant, l'ensemble des jeunes de notre pays subissent les conséquences de la crise sanitaire, bien qu'avec plus ou moins de violence, plus ou moins de difficultés.

Je partage votre constat, madame Rubin : la précarité des jeunes existait avant l'épidémie et a été accentuée par la crise. Il en va malheureusement toujours ainsi : toute crise accélère l'augmentation des inégalités. C'est une réalité.

Un an après le déclenchement de la crise, nous pouvons observer ses conséquences économiques, sociales et psychologiques sur la jeunesse, mais aussi ses conséquences sur la précarité et l'engagement des jeunes. C'est avec beaucoup de gravité et de sérieux que le Gouvernement entend répondre aux besoins des différents groupes qui constituent la jeunesse, en apportant des réponses adaptées à chacun d'entre eux.

Mme Rist l'a souligné, les mesures déclinées par le Gouvernement ont pris plusieurs formes et tout d'abord celle du plan « 1 jeune, 1 solution », qui ne s'est pas arrêté à la première annonce et qui a été progressivement complété pour tenir compte de l'évolution de la crise. Les besoins de la jeunesse ont changé entre le mois de mars 2020, le mois de janvier 2021 et aujourd'hui. Quelles ont été les réponses du Gouvernement depuis le début de la crise ? Elles ont tout d'abord été économiques, pour favoriser l'insertion des jeunes sur le marché du travail.

Nous avons soutenu les entreprises qui recrutaient de différentes manières, évidemment en encourageant les contrats d'apprentissage et de professionnalisation grâce au versement d'une aide exceptionnelle de 8 000 euros pour les apprentis majeurs et de 5 000 euros pour les apprentis mineurs, mais aussi en stimulant les embauches des jeunes de moins de 26 ans par le versement d'une prime de 4 000 euros.

Vous l'avez dit, madame Valentin : soutenir l'apprentissage est essentiel dans cette période particulièrement difficile. En 2020, nous avons dépassé les 550 000 contrats d'apprentissage signés, soit un chiffre en augmentation par rapport à l'année précédente malgré la crise sanitaire.

Vous avez souligné la situation très particulière des apprentis dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Nous partageons votre préoccupation. J'ai rencontré récemment à Angers et en Île-de-France des jeunes en apprentissage qui vivent cruellement le fait de ne pas pouvoir suivre leur formation pratique. À cet égard, je souhaite saluer les très belles initiatives prises par certains d'entre eux, évoquées par Sylvain Waserman et Aina Kuric et qui témoignent d'une admirable créativité. Afin de pratiquer leur futur métier, certains apprentis cuisinent actuellement pour les Restos du coeur et pour des associations caritatives. Ce n'est certes pas l'idéal pour ces métiers de passion et d'excellence : il est indispensable que les apprentis retrouvent rapidement le déroulement normal de leur formation, ce que nous souhaitons tous. Je partage, sur ce sujet, les différentes préoccupations qui ont été exprimées.

Sur le plan économique, le Gouvernement a la volonté d'accompagner les métiers qui ont du sens. Je pense bien sûr aux parcours emploi compétences et aux 2 000 créations d'emplois FONJEP – fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire.

S'agissant de la santé des jeunes, M. Lambert l'a dit, les réponses doivent de toute évidence prendre deux formes différentes.

Tout d'abord, le dispositif du chèque psy nécessite, en effet, un accompagnement réel. Le Président de la République a souhaité son déploiement massif avec le soutien des médecins. Ce déploiement est encore trop lent, je vous l'accorde, monsieur le député, mais la mobilisation est collective. Avant cette mesure, en raison du frein financier, les jeunes n'avaient pas accès à un accompagnement psychologique. C'est une réalité à laquelle nous avons apporté une première réponse.

Les jeunes ont par ailleurs besoin de rompre leur isolement, et nous soutenons les associations qui agissent en ce sens, non pas par une approche médicale, mais grâce à l'écoute qu'elles proposent aux étudiants. L'isolement des jeunes est une conséquence lourde de la crise sanitaire. Pour y répondre, le soutien du monde associatif est important, mais le retour sur les bancs de l'université sera de toute évidence décisif puisqu'il permettra aux étudiants de retrouver leurs camarades.

La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Frédérique Vidal, est particulièrement mobilisée sur ce sujet. Elle a la volonté de permettre aux étudiants de continuer à suivre des cours en présentiel à l'université, y compris dans les seize départements touchés par les nouvelles restrictions sanitaires.

En ce qui concerne les conséquences de la crise en matière de précarité, vous avez raison, madame Tolmont : l'universalisation de la garantie jeunes est nécessaire. Elle ne constitue pas l'unique réponse à la précarité des jeunes, mais elle permettra aux jeunes les plus en difficulté de retrouver une certaine dignité et de bénéficier de l'accompagnement humain nécessaire pour s'en sortir, ce qui rejoint l'observation de Mme Faucillon sur la question des APL.

La ministre déléguée chargée du logement, Emmanuelle Wargon, a demandé à la Caisse nationale d'allocations familiales – CNAF – et à la Caisse nationale de la MSA – mutualité sociale agricole – d'envisager une évolution du statut du contrat de professionnalisation vers le statut du contrat d'apprentissage. Les travaux sont en cours et nous ferons en sorte que la réforme des APL et leur calcul en temps réel ne débouchent pas sur une impasse. En tout état de cause, madame Faucillon, sachez que nous resterons attentifs à ce dossier.

Sur la question de l'engagement, vous avez bien raison, monsieur Waserman : nous devons susciter l'élan et l'énergie de notre jeunesse en l'accompagnant dans cette dynamique. Vous avez évoqué la création de 100 000 missions de service civique supplémentaires en 2020-2021. Nous avons fait évoluer les règles de ce dispositif pour permettre aux étudiants de s'en saisir plus largement. La modulation de sa durée hebdomadaire, permettant une organisation beaucoup plus souple, permettra aux étudiants de sortir de leur isolement et redonnera du sens à ces missions. Comme nous y appelle Mme Kuric, il s'agit d'aider cette génération à prendre pleinement part à la vie de la société et à trouver sa place. Nous avons tous conscience qu'elle fait partie de la solution. Les missions de service civique, que les étudiants peuvent accomplir en bénéficiant par ailleurs d'une bourse ou d'autres aides, s'inscrivent précisément dans cette recherche du bien commun et d'une utilité sociale pour chacun.  

Quant aux conséquences de la crise sanitaire qui touchent spécifiquement les étudiants, Frédérique Vidal y est particulièrement attentive. C'est la raison pour laquelle, rappelons-le, elle a souhaité la prolongation des bourses sur critères sociaux, mais également la création du fonds national d'aide d'urgence, cette aide financière exceptionnelle qui s'adresse aux étudiants en situation de précarité. Personne ne peut s'habituer au spectacle d'étudiants qui font la queue devant des associations pour manger ! Tout étudiant qui en a besoin doit pouvoir continuer à prendre son repas au CROUS. Le système est encore long et compliqué, je le sais, mais de nouvelles aides et des accompagnements renforcés sont proposés aujourd'hui. Je rencontre toutes les semaines des étudiants et des jeunes qui ne savent pas qu'ils pourraient bénéficier du fonds national d'aide d'urgence ou qu'ils pourraient déposer une nouvelle demande de bourse.

Le Gouvernement déploie une multitude de réponses pour venir en aide aux jeunes de notre pays. Elles ne constituent pas un mille-feuille de réponses, mais des réponses spécifiques adaptées à chaque problème. L'élargissement de la mesure des repas CROUS à 1 euro à tous les étudiants, qu'ils soient boursiers ou non, et le gel des frais des droits d'inscription dans les universités pour la deuxième année consécutive témoignent de la volonté de la ministre de l'enseignement supérieur de soutenir les étudiants dans la période actuelle.

Cela répond aussi à la question de Mme Kuric sur la pérennisation des mesures. Le Premier ministre l'a lui-même annoncé, les aides du plan « 1 jeune, 1 solution » sont prolongées jusqu'à la fin de l'année, ce qui porte l'investissement dans le plan de relance de 7 à 9 milliards d'euros. Nous voulons accompagner les jeunesses de France jusqu'au bout.

Monsieur Labille, vous l'avez dit : nous devons réussir à renforcer le sentiment d'unité au sein de la jeunesse. Pour cela, nous nous attachons à conjuguer la réponse à la crise et à ses conséquences avec la nécessité d'accompagner une jeunesse qui se trouve davantage bousculée que d'habitude. Ainsi, par exemple, nous avons largement déployé le service national universel, réservé aux jeunes de 15 à 17 ans, et nous continuons à le faire – les inscriptions sont ouvertes jusqu'au 20 avril. Nous le faisons parce qu'il est nécessaire de créer de l'unité en amenant à se croiser des jeunes qui ne se croisent plus, afin qu'ils se sentent appartenir à un collectif qui leur donne l'énergie d'affronter l'avenir.

Je crois aussi en la nécessité d'accompagner les jeunes qui sont le plus en difficulté et qui ont besoin d'air, en particulier grâce au dispositif « vacances apprenantes » que nous avons pérennisé cette année. L'année dernière, il a touché près d'1 million de jeunes – 980 000 exactement – qui ont besoin de partir en colonie de vacances et de vivre des moments d'école buissonnière.

Il est donc nécessaire et essentiel de renforcer le sentiment d'unité dans notre pays : il ne faudrait pas laisser s'imposer l'idée d'une guerre de générations dans laquelle la jeunesse serait sacrifiée. Nous avons une responsabilité collective que chacun doit assumer en jouant son rôle respectif, à son niveau d'engagement, en apportant des réponses à mesure que les conséquences de la crise se font sentir. Monsieur Lambert, vous l'avez dit : la réponse doit donner l'élan d'un choc de confiance que nous devons à nos jeunesses – dans leur diversité –, dans l'espoir d'un retour à la normale qui se fonde en grande partie sur le vaccin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et LT.)


Mme la présidente. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour le groupe La France insoumise.

M. Jean-Hugues Ratenon. Je reviens à la charge, car vous semblez sous-estimer la grande souffrance des jeunes alors que les indicateurs sont au rouge. Détresse morale – cela a été dit – et sociale, difficultés financières aiguës, tentatives de suicide et suicides en augmentation sont les principaux. Que vous faut-il de plus pour enfin agir en profondeur ?

C'est d'ailleurs pire pour les ultramarins : pas plus tard qu'aujourd'hui, l'Union des étudiants réunionnais de l'hexagone – UERH – a appelé une fois de plus à l'aide face au troisième confinement qui a été décrété dans seize départements. Le moral d'un grand nombre de ces jeunes est au plus bas : ils n'ont quasiment plus de vie sociale et ne peuvent plus exercer de petits boulots pour tenter de subvenir à leurs besoins essentiels. Résultat : beaucoup abandonnent leurs études et les ultramarins veulent rentrer chez eux. Quand allez-vous prendre en considération leurs appels de détresse et y apporter des réponses adaptées ?

De façon générale, la jeunesse du pays se sent abandonnée, oubliée. Autre exemple : à La Réunion, l'État comptait supprimer douze des vingt-quatre contrats de service civique à l'épicerie sociale et solidaire du campus du Moufia, structure reconnue et qui permet tous les mois à 4 000 étudiants, soit 40 % d'entre eux, de se nourrir. Heureusement, grâce à la mobilisation d'étudiants, de syndicats, du président de l'université, du directeur du CROUS et de quelques élus, l'État a fait marche arrière et l'épicerie sociale a été sauvée.

Comment avez-vous pu une seule seconde prétendre casser cette chaîne de solidarité ? Où est la logique, madame la secrétaire d'État ? Je vous le répète avec force : la solution pérenne consiste à instaurer le revenu minimum étudiant, c'est-à-dire une allocation mensuelle d'État pour chaque étudiant. Il faut par ailleurs donner droit à un revenu de solidarité jeunes à ceux qui sont privés d'emploi et qui ont moins de 25 ans, au moins pour une période d'expérimentation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous avez abordé plusieurs questions et en particulier celle des ultramarins. En effet, monsieur le député, une partie des ultramarins qui vivent en métropole ont vécu la période de crise sanitaire plus difficilement que d'autres, notamment parce qu'ils étaient loin de leurs familles. J'ai eu l'occasion de partager des bouts de vie avec certains d'entre eux, dans les résidences universitaires que j'ai visitées, et j'y ai observé de véritables élans de solidarité. Nous ne voulons casser aucune solidarité, aucune énergie positive, à aucun moment ; bien au contraire. Si nous déployons 5 000 missions de service civique dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », c'est bien pour accompagner l'énergie des jeunes et leur permettre de s'engager eux-mêmes.

Vous soulevez deux questions distinctes : le RSA et le revenu étudiant. S'agissant du revenu étudiant, voici la réalité : nous avons rouvert les bourses et créé un fonds d'urgence qui n'existait pas auparavant pour répondre à la précarité produite par la crise sanitaire. Pour ce qui est des jeunes qui ne sont pas étudiants, nous avons fortement élargi la garantie jeunes universelle ; en outre, ceux qui sortent de l'université sans réussir à trouver un premier emploi ont la possibilité de bénéficier d'un accompagnement spécifique par Pôle emploi.

Je n'éluderai pas le fond de votre question : le RSA est-il la réponse adaptée à la situation de ces jeunes ? La précarité a plusieurs visages et les réponses doivent être diverses et multiples. À chaque fois qu'un jeune aura besoin d'être accompagné, qu'il soit étudiant, en recherche d'emploi ou en situation de précarité, la mobilisation devra être collective et nous n'y mettrons ni de freins ni de limites budgétaires, au contraire. Nous devons à notre jeunesse l'accompagnement et le soutien financier nécessaires pour qu'elle parvienne à passer cette épreuve.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Peu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Stéphane Peu. Je ferai une remarque et poserai deux questions, madame la secrétaire d'État. La campagne « 1 jeune, 1 solution », lancée par le Gouvernement à grand renfort de communication, m'interpelle : dans le français usuel, on dit « un problème, une solution ». J'espère que dans l'inconscient du Gouvernement, il ne s'agissait pas d'assimiler les jeunes à un « problème »…

M. Gaël Le Bohec. Oh !

M. Stéphane Peu. …pour lequel il faudrait trouver une « solution » ! Certes, les jeunes ont des problèmes, même s'ils sont une chance pour la France. Parmi ces problèmes figure l'extrême précarité qui touche un grand nombre d'entre eux et a été soulignée par beaucoup – depuis le début de la crise du covid-19, le chômage des jeunes de moins de 25 ans a augmenté de 30 %.

Je voudrais ensuite vous poser deux questions au sujet de l'autonomie de la jeunesse.

La première a trait au RSA jeunes. Aucun jeune, quelle que soit sa situation, n'aspire à l'assistanat : quand on est jeune, on aspire à travailler, à progresser, à se lancer dans une carrière et à construire sa vie professionnelle et personnelle. Parler d'assistanat, c'est donc faire un mauvais procès aux propositions visant à créer un RSA pour les jeunes, qui sont de plus en plus largement partagées et sont défendues depuis de nombreux rangs politiques et syndicaux.

Il est incompréhensible que jusqu'à 25 ans, les jeunes arrivant sur le marché du travail dès l'âge de 16 ou 18 ans n'aient droit ni au chômage ni au RSA, c'est-à-dire à un minimum de revenu qui leur garantisse un peu d'autonomie. La maturité et l'émancipation passent par l'autonomie, donc par des moyens de subsistance permettant d'envisager la vie sinon de manière très heureuse, au moins sans être totalement dépendant de tiers, surtout pour les jeunes issus de familles populaires qui ne peuvent déjà plus subvenir à leurs propres besoins.

Ma seconde question concerne les étudiants : qu'en est-il de la création d'un revenu d'autonomie pour les étudiants ? Je ne reviens pas sur leur situation, car elle est à peu près la même que celle du reste de la jeunesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Il n'y a aucune taquinerie dans la formule « 1 jeune, 1 solution » : il s'agit au contraire de poser un regard sur la diversité de la jeunesse et sur les forces et les faiblesses de chacune de ses composantes en leur apportant les réponses nécessaires. Vous ne me contredirez pas si je vous dis que la jeunesse d'Aurillac n'est pas la même que celle de Seine-Saint-Denis ou que celle de Nantes, chez moi. Cette diversité dépend du territoire où vit chaque jeune, mais aussi de son origine sociale – un jeune qui peut être aidé par ses parents ne vit pas comme un autre qui ne peut bénéficier d'aucune aide familiale, sans parler de ceux qui sont déjà insérés sur le marché du travail ou des jeunes parents. Je ne reviendrai pas sur la situation de tous les jeunes, mais vous voyez bien quel est le regard que nous posons sur eux, attentif à leur diversité et donc à leur richesse, car nous pensons qu'elle est le trésor de notre nation.

Vous avez par ailleurs posé deux questions très concrètes. La première concerne la situation des jeunes de 18 à 25 ans qui ne sont pas étudiants. Ceux-ci peuvent actuellement bénéficier de la garantie jeunes universelle, en fait dès 16 ans, et d'un accompagnement plus long et plus large qu'auparavant puisque nous avons rallongé le dispositif. Nous avons aussi levé quelques freins qui existaient, par exemple la situation fiscale des parents ou le nombre limité de garanties jeunes disponibles, et nous avons renforcé l'accompagnement humain des missions locales – la ministre du travail Élisabeth Borne a annoncé le renforcement des moyens financiers pour recruter des personnes au sein de ces missions locales et ainsi accompagner notre jeunesse.

Ensuite, si vous avez entre 18 et 25 ans et que vous entrez sur le marché du travail, vous bénéficiez d'un accompagnement plus spécifique par Pôle emploi.

Vous m'interrogez enfin sur les étudiants. Le fonds d'urgence qui a été créé permettra de répondre davantage et plus rapidement à leurs difficultés mais au-delà, nous sommes d'accord, la meilleure manière de lutter contre la précarité consiste à favoriser l'insertion sociale et économique. Pour cela, nous avons engagé le recrutement de 20 000 tuteurs et mentors au sein des campus universitaires, et ce n'est qu'une mesure parmi d'autres.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe La République en marche. La parole est à Mme Valérie Gomez-Bassac.

Mme Valérie Gomez-Bassac. Les étudiants subissent massivement les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. Plus encore que d'autres, ils subissent également les conséquences psychologiques des mesures que nous avons été amenés à prendre pour faire face à la pandémie. Le Président de la République l'a dit, « c'est dur d'avoir 20 ans en 2020 ». C'est malheureusement aussi le cas cette année, car la pandémie reste très présente dans notre pays.

Depuis le début de la crise, le Gouvernement a déployé de nombreux dispositifs afin d'accompagner ces étudiants au quotidien. Pour répondre tout d'abord à la détresse financière de nombre de ces jeunes, vous avez depuis mars dernier versé de nombreuses aides directes aux étudiants boursiers et aux publics fragiles.

L'enjeu était également d'accompagner les étudiants, notamment sur le volet alimentaire. C'est ainsi que le 21 janvier dernier, le Président de la République a annoncé une mesure essentielle : l'instauration de repas à 1 euro dans les restaurants et cafétérias des CROUS pour tous les étudiants. C'était une mesure d'urgence primordiale, et le Gouvernement a une fois de plus répondu présent.

Face à la détresse psychologique, vous avez pris des mesures fortes, en particulier la création du chèque psy et le retour partiel des cours en présentiel dans les établissements d'enseignement supérieur afin de limiter au maximum l'isolement des étudiants.

Toutes ces mesures ont grandement contribué au soutien et à l'accompagnement des étudiants face à cette crise sans précédent. Dans quelle mesure les nouvelles restrictions sanitaires décidées par le Gouvernement dans certains départements auront-elles un impact sur le retour des étudiants en présentiel ? Au vu de la détresse dans laquelle se trouvent de nombreux jeunes, n'est-il pas nécessaire, en complément des mesures que vous avez prises, d'entamer dès à présent une réflexion plus large sur l'organisation des dispositifs d'accompagnement des étudiants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous avez raison : depuis un an, le Gouvernement apporte des réponses au fur et à mesure de la crise – vous en avez énoncé quelques-unes. En plus du fonds d'urgence qui a été créé, je souhaitais simplement rappeler que pour répondre à la situation particulière des étudiants, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a revalorisé les bourses et gelé les frais d'inscription ainsi que – très récemment – les loyers CROUS. Vous évoquiez la nécessité de dispositifs d'accompagnement : elle a également créé 20 000 emplois étudiants de tuteurs et permis l'assouplissement des stages.

Vous avez par ailleurs souligné l'instauration des repas à 1 euro ; ils ont été élargis aux étudiants non boursiers, ce qui correspond à 3,5 millions de repas distribués à l'instant où je vous parle. La lutte contre la précarité menstruelle est aussi une de nos préoccupations et sur le plan psychologique, nous continuons évidemment à développer les chèques psy, dont vous avez évoqué la nécessité ; une plateforme numérique consacrée à ce sujet – santepsy.etudiant.gouv.fr – a d'ailleurs été lancée cette semaine pour accompagner les étudiants et les orienter vers des professionnels.

Vous avez aussi évoqué les conséquences du retour des étudiants au sein des universités dans les seize départements dans lesquels la situation sanitaire est plus grave. Notre mobilisation est totale et la ministre Frédérique Vidal s'est pleinement engagée pour que les étudiants puissent continuer à venir à l'université, dans le respect – bien entendu – des gestes barrières. Le retour sur les bancs de la fac doit permettre de rompre avec l'isolement qui commence à peser très lourdement sur ces jeunes ; il fait l'objet d'un travail sur le long terme et j'en profite pour saluer, au nom de la ministre, la mobilisation et le sérieux des étudiants dans cette période, ainsi que celles des enseignants qui les accompagnent.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. La crise sanitaire a fait exploser la pauvreté en France : selon la dernière estimation du Secours catholique, 10 millions de personnes vivraient sous le seuil de pauvreté et un enfant sur cinq est un enfant pauvre. Il est urgent d'agir.

La semaine dernière, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a adopté, à une très large majorité, l'un de ses amendements entérinant la généralisation d'une tarification progressive dans les cantines scolaires. Il s'agit de corriger une disparité territoriale : plus les enfants sont pauvres et vivent dans des zones défavorisées, moins ils déjeunent à la cantine. En moyenne, 12 % des enfants ne vont pas à la cantine, mais le pourcentage s'élève à près de 30 % pour les enfants pauvres. Si ces enfants pauvres fréquentent un établissement classé en réseau d'éducation prioritaire – REP – ou en réseau d'éducation prioritaire renforcé – REP + –, les pourcentages atteignent respectivement 58 % et 75 %.

Il y a trois ans, j'avais déposé une proposition de loi qui avait suscité de nombreux échanges avec plusieurs membres du Gouvernement, les maires, le haut-commissaire à la lutte contre la pauvreté en Bretagne et l'Association des maires de France – AMF. Ce dialogue a fait apparaître une nécessaire évolution du dispositif initialement proposé. Le mécanisme devra s'appuyer sur le quotient familial des caisses d'allocations familiales, comme c'est le cas dans de nombreuses collectivités pour les tarifs des activités périscolaires.

Il importe désormais que chacun joue le jeu. Un rapport publié fin 2020 par l'AMF montre que 75 % des villes de moins de 10 000 habitants appliquent un tarif unique, sans tenir compte des revenus des familles, ce qui fait que les enfants des familles pauvres des zones rurales sont davantage écartés des services de cantine pour des raisons tarifaires.

En avril 2019, le Gouvernement a lancé l'opération « cantine à 1 euro » en direction des villes relevant de la dotation de solidarité rurale. Pour ces communes, le Gouvernement offrait de financer 2 euros pour un repas facturé aux familles à un tarif inférieur ou égal à 1 euro, dans le cadre d'un dispositif de tarifs progressifs. Selon le ministère des solidarités et de la santé, cette opération touche actuellement quelque 180 communes. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer que vous comptez passer à la vitesse supérieure en instaurant un système lisible et pérenne ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Je connais votre mobilisation ancienne sur le sujet, monsieur le député, et je peux la constater sur le terrain car nous sommes élus de territoires voisins. Votre question sur les repas à l'école soulève aussi celle de l'égalité des chances : on n'étudie pas de la même manière quand on a le ventre plein ou vide, quand on a bien mangé à la maison ou pas. Nous avons une responsabilité collective en la matière. Si nous croyons à l'éducation comme facteur d'émancipation et à l'école comme ciment de notre nation, notre mobilisation sera collective.

S'agissant du financement des cantines, qui implique les collectivités et donc une mobilisation générale, nous observons une dynamique plutôt positive. Sous l'impulsion de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, et de Nathalie Élimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, se manifeste la volonté ferme – et même féroce – de déployer les opérations concernant les petits déjeuners et les repas. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, s'engage pour sa part pour que les cantines proposent des produits locaux. Nous y consacrons notre énergie, car il s'agit d'un accélérateur d'égalité des chances.

Les collectivités et l'État s'investissent aussi dans les domaines de l'extrascolaire et du périscolaire. Le projet du Gouvernement, mis en ?uvre par Jean-Michel Blanquer et Nathalie Élimas, vise à multiplier les partenariats avec les collectivités afin de déployer très largement, au-delà des zones REP et REP +, le dispositif des petits déjeuners. Il s'agit de toucher un maximum d'établissements pour que davantage d'enfants puissent y accéder.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains. La parole est à M. David Lorion.

M. David Lorion. Madame la secrétaire d'État, je vais vous parler de sujets qui vous tiennent visiblement à coeur : l'injustice et l'égalité des chances, qui concernent notamment les étudiants ultramarins. En 2020, 65 % d'entre eux étaient boursiers, contre 36 % des étudiants de la France hexagonale. Le montant de la bourse est calculé par rapport à un coût de la vie métropolitaine en fonction de trois critères : les revenus de la famille, le nombre d'enfants à charge, l'éloignement du lieu d'études du foyer familial. Il n'est jamais tenu compte de la cherté de la vie. Or la vie est vraiment plus chère en outre-mer que dans l'hexagone –preuve en est que les enseignants, eux, sont surrémunérés. (M. Jean-Hugues Ratenon applaudit.)

Le montant actuel des bourses ne peut donc suffire aux étudiants ultramarins. De ce fait, ils n'ont pas les mêmes chances que les étudiants hexagonaux : ils sont pénalisés et confrontés à des difficultés financières, au point que certains sont obligés d'abandonner leurs études.

La crise a jeté une lumière un peu plus forte sur cette inégalité. C'est pourquoi je souhaiterais que dans le cadre des réflexions en cours sur l'autonomie budgétaire et la sécurisation financière des étudiants, vous vous engagiez, comme l'ont demandé nombre de syndicats étudiants à tous les ministres qui sont venus dans nos territoires, à revaloriser le montant des bourses en outre-mer. La République est la promesse de l'égalité des chances : ne laissez pas les étudiants ultramarins en dehors de la République !

M. Jean-Hugues Ratenon. Bonne question !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous avez raison : notre jeunesse ultramarine a des chances et de réelles particularités territoriales. Au vu des chiffres qui m'ont été transmis, je peux vous dire que 53 000 étudiants boursiers originaires des outre-mer ont perçu l'aide sociale particulière. Ils peuvent désormais bénéficier aussi d'un accompagnement plus spécifique par un référent, car du fait de l'éloignement de leur famille, ils peuvent se sentir encore plus isolés en cette période de crise.

Entrons dans le vif du sujet de votre question : les bourses. Dans l'idée d'apporter une réponse spécifique à chacune de nos jeunesses, je travaille notamment avec l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire – INJEP – sur un accompagnement adapté aux outre-mer. Qu'ils soient sur place ou poursuivent leurs études en métropole, les jeunes ultramarins sont pleins d'idées et d'énergie. Nous développons des projets de tutorat et de mentorat pour accompagner leur énergie.

Cela étant, monsieur le député, je n'ai pas de réponse précise à apporter à votre question sur les bourses, que je vais transmettre à Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Le sujet relève en effet du Centre national des ?uvres universitaires et scolaires – CNOUS – et des CROUS.

Quoi qu'il en soit, je peux vous assurer que la mobilisation du Gouvernement est collective, en particulier à l'égard de la jeunesse ultramarine. Frédérique Vidal et Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, s'attachent à accompagner toutes les jeunesses de notre pays ; celle des outre-mer en fait évidemment partie.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Benassaya.

M. Philippe Benassaya. En fait, j'ai plusieurs questions en une à vous poser, madame la secrétaire d'État.

Le service statistique du ministère du travail évalue à 20 % la baisse du volume d'offres de stages dans le secteur privé en 2020. Force est de constater que la situation ne sera probablement guère meilleure en 2021 : elle est d'une gravité extrême, comme vous le savez, et il y a urgence à agir. On ne peut accepter de laisser notre jeunesse au bord du chemin. J'échange régulièrement par visioconférence avec des étudiants de ma circonscription, notamment ceux de l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, sur le thème de la précarité.

Alors que nos jeunes payent un très lourd tribut depuis le début de la crise sanitaire, notre devoir est de leur offrir des possibilités de professionnalisation. Or celle-ci, qui est le complément essentiel de leur formation académique, passe par les stages. Sans elle, notre jeunesse ne saurait entrevoir de réelles perspectives de carrière. Si j'ai noté avec intérêt l'annonce des repas à 1 euro et des 30 000 stages proposés par le Gouvernement, je crains que les mesures ne soient un peu théoriques, tant la réalisation de ces stages est quasi impossible dans le contexte sanitaire actuel. En effet, la suppression des possibilités de mobilité internationale pour de nombreux étudiants et les annulations dues au nouveau confinement complexifient la situation.

Comment comptez-vous faire évoluer le dispositif existant ? Un stage n'étant jamais aussi instructif que lorsqu'il est réalisé de manière physique, quels aménagements comptez-vous proposer aux entreprises et aux administrations pour qu'elles puissent de nouveau accueillir des stagiaires plus d'un jour par semaine ? Alors que le Gouvernement a réduit la durée obligatoire du stage permettant de valider les examens du certificat d'aptitude professionnelle, le CAP – cinq semaines contre douze à quatorze semaines auparavant – et du bac professionnel – dix semaines contre douze à vingt-huit semaines –, comment comptez-vous garantir à nos étudiants que leurs diplômes conserveront toute leur valeur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Depuis quelques semaines, les jeunes ressentent en effet une certaine anxiété à l'idée de ne pas pouvoir effectuer le stage nécessaire à la validation de leur diplôme. Nous avons dû remobiliser tout le monde et prendre des mesures.

En premier lieu, nous devions garantir à tous les étudiants en formation initiale qu'ils pourraient effectuer un stage afin de ne pas être pénalisés. Aussi la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a-t-elle allongé le calendrier et assoupli les conditions des stages. Afin de réduire la pression supportée par les jeunes, il a été décidé que les stages pourraient être effectués jusqu'au 31 décembre 2021, et éventuellement à distance. Le stage en présentiel reste évidemment l'aventure la plus bénéfique pour l'entreprise et le stagiaire lui-même, mais compte tenu de la crise sanitaire, il était nécessaire d'apporter de la souplesse pour que chacun puisse s'adapter.

La ministre a aussi fait évoluer d'autres dispositifs tels que les mémoires effectifs, l'entreprenariat et les projets tutorés, autant de nouvelles formules offrant des réponses aux étudiants qui ont besoin de valider leur stage pendant leur cursus.

Outre le plan « 1 jeune, 1 solution » et les 30 000 stages que vous avez évoqués, il faut aussi citer la mobilisation de certains acteurs publics comme le ministère de l'intérieur, par exemple, qui a lancé 10 000 missions volontaires. La puissance publique joue son rôle au travers de l'État et des collectivités, mais chacun peut apporter sa pierre à l'édifice. Les entreprises sont évidemment l'une des chevilles ouvrières de cette aventure et elles sont nécessaires à sa réussite. Premier pas dans l'environnement professionnel, le stage est un moment important pour les étudiants et les entreprises. Si les étudiants sont des pépites précieuses pour notre avenir, j'invite les entreprises à prendre leur place dans le bateau pour les aider à traverser cette période.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Petit, pour le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés.

M. Frédéric Petit. Je me sens en phase avec les interventions précédentes : nous avons tous été vraiment secoués par les files d'attente d'étudiants devant les centres d'aide alimentaire, phénomène qui ne peut laisser personne insensible dans cet hémicycle. Une grande partie de la jeunesse de notre pays est aussi affectée par l'ennui, le manque de perspectives, la difficulté de se dessiner un avenir dans cette crise qui dure. Mais la jeunesse n'a pas – et n'a jamais eu – besoin de discours larmoyants et de tentatives de récupération. Elle a besoin de se projeter, au sens premier du terme, c'est-à-dire de s'inscrire dans des projets. Elle a besoin que nous lui dégagions des perspectives pour affronter le monde.

Dans 132 pays, et plus encore dans ma circonscription, où certains pays sont leaders dans ce cadre, nombre de jeunes Français s'engagent à travers le VIE, le volontariat international en entreprise. Or, avec la crise sanitaire, le nombre de missions a chuté de 20 % –une baisse considérable qui pénalise les jeunes désireux de découvrir un pays, une culture, une langue, de se professionnaliser, ainsi que l'a souligné notre collègue Benassaya. Le VIE est surtout un outil qui irriguait l'ensemble du tissu économique, régions comprises, qui transformait les comportements et contribuait à ruiner le stéréotype selon lequel les Français auraient peur de l'international. Je salue donc l'action du Gouvernement visant, dans le cadre du plan de relance, à encourager les VIE avec un chèque de 5 000 euros pour les entreprises qui recrutent des jeunes dans ce cadre. Madame la secrétaire d'État, avez-vous constaté une reprise normale de l'activité des VIE à la suite de ces mesures prises il y a maintenant quelques mois ?

Nombre de jeunes Français de ma circonscription m'ont par ailleurs alerté sur les difficultés financières qu'ils rencontrent lorsqu'ils doivent rentrer en France pour retrouver leur famille, leurs amours, leurs amis… Avancer les frais d'un test PCR dans des pays où ils ne sont pas remboursés, cela peut aller jusqu'à 130 euros, et parfois plusieurs fois par mois ! Des alternatives à l'avance de ces frais sont-elles à l'étude, en particulier dans le cadre des dispositifs Erasmus ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Je sais à quel point vous êtes un fin connaisseur des dispositifs de mobilité. Je suis d'accord avec vous pour estimer que les voyages, l'apprentissage à l'étranger sont une richesse. J'ai moi-même eu la chance, plus jeune, de vivre une mobilité et en effet, cela vous transforme. Le Gouvernement s'engage à rendre ces mobilités plus démocratiques. Il s'agit donc de permettre à plus de jeunes encore de vivre cette aventure, en particulier grâce au déploiement d'un Erasmus + élargi, soit un budget accru de plus de 60 % à destination des apprentis et de ceux qui se trouvent hors cursus universitaire.

Il ne faut pas laisser s'éteindre tout espoir de mobilité. Au moment où nous nous parlons, des organismes comme l'Office franco-allemand pour la jeunesse ou l'Office franco-québécois pour la jeunesse continuent à préparer les mobilités dont pourront bénéficier les jeunes dès lors que la situation sanitaire le permettra. Je sais que le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, Franck Riester, s'implique totalement, tout comme d'autres membres du Gouvernement, pour trouver des réponses complémentaires au VIE.

Plus que jamais, nous avons besoin de faire vivre cet esprit européen, cette curiosité, cet élan vers l'avenir, qui passera notamment par la redécouverte de ces mobilités, source de souvenirs communs.

J'en viens aux tests PCR, qui représentent un coût certain pour les jeunes qui veulent rentrer en France, comme vous venez de le signaler à la représentation nationale. Voilà qui me donne l'occasion de rappeler qu'en France, ces tests sont pris en charge par la solidarité nationale. C'est une chance, car ce n'est pas le cas partout.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain David, pour le groupe Socialistes et apparentés.

M. Alain David. Les jeunes sont confrontés depuis de longues années à un parcours du combattant pour s'insérer durablement dans la vie active. La pandémie a aggravé cette situation :  augmentation du chômage, de la pauvreté, de la précarité, allongement insupportable des files d'attente devant les banques alimentaires pour les étudiants privés d'emploi et de ressources financières. Depuis trop longtemps, quel que soit leur diplôme, notre société impose aux jeunes cinq à dix ans de galère pendant lesquels se succèdent stages, petits boulots, contrats courts et précaires, en attendant un emploi durable. Le marché du travail fait en effet subir aux jeunes la précarité, la flexibilité.

Pendant les confinements successifs, 40 % des étudiants ont dû arrêter de travailler. Nombreux sont ceux qui, à cause de la perte de leur contrat de travail, ont basculé dans la grande précarité. Outre les étudiants, des centaines de milliers de jeunes voient leurs projets – études, concours, stages, entretiens d'embauche, mobilité, séjours à l'étranger – voler en éclats à cause de la pandémie de la covid-19. Le constat est édifiant : les conditions d'entrée des jeunes dans la vie adulte se sont encore dégradées ; le taux de chômage des 15-24 ans, qui était déjà le double de la moyenne nationale, bondit de 16 % ; les moins de 30 ans représentent plus de 50 % des pauvres, alors qu'ils ne sont que 35 % de la population.

Madame la secrétaire d'État, je connais votre volonté, votre détermination à trouver des solutions pour améliorer les conditions de vie des jeunes en difficulté. En attendant l'expérimentation d'un revenu universel d'existence pour la jeunesse, que répondez-vous à notre demande d'élargissement du RSA aux moins de 25 ans, à l'instauration d'un revenu de base et d'une dotation universelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous avez très objectivement décrit les difficultés rencontrées par une partie de la jeunesse, qu'il s'agisse de la précarité, de l'accès à l'emploi ou du creusement des inégalités dus à la crise. Des rêves ont été brisés : nous nous souvenons tous de nos premières années à l'université, celles où l'on se fait des copains, où l'on se crée des souvenirs… Quand je rencontre ces jeunes, dans leur diversité, ils me font part de plusieurs demandes : les uns souhaitent le retour à la normale, c'est-à-dire le retour sur les bancs de la fac, afin de rompre leur isolement ; d'autres cherchent une solution pour effectuer leur stage ; certains se demandent comment sera perçu leur diplôme ; d'autres encore arrivent sur le marché du travail, bien conscients que le premier emploi influera sur toute leur vie professionnelle. Nous répondons à ces inquiétudes par le plan « 1 jeune, 1 solution », qui comporte plusieurs volets et donc des réponses adaptées.

Vous m'interrogez plus précisément sur la précarité de cette partie de la jeunesse qui n'est pas à l'université ni sur le marché du travail. Le dispositif voté sous le précédent quinquennat, la garantie jeunes, est l'un des plus beaux qui soient, si bien qu'il faut le généraliser plus encore. Il nous permettra de ne pas laisser cette partie de la jeunesse subir une discontinuité de parcours. Quand vous avez entre 16 et 25 ans, avec 497 euros, vous ne pouvez que subvenir à vos besoins primaires ; aussi avez-vous également besoin d'un accompagnement humain, d'un accès plus facile au logement, à la mobilité. Vous avez besoin qu'on lève tous ces freins qui vous empêchent de payer votre permis de conduire ou d'accéder à vos droits. Je crois à cet accompagnement humain comme moyen de lutter contre le non-recours aux droits, sans nier la nécessité de la réponse financière à la précarité, avec la garantie jeunes, qui doit être encore plus universelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Benoit Potterie, pour le groupe Agir ensemble.

M. Benoit Potterie. La crise que nous traversons a fait émerger la cause des jeunes dans le débat public. Trop longtemps invisibles, ils sont aujourd'hui au c?ur de nos discussions et c'est une bonne chose. Le débat d'aujourd'hui est salutaire, tant leurs difficultés sont immenses. Peu touchés par les symptômes du coronavirus, ils subissent en revanche de plein fouet la précarité économique, l'isolement et l'absence de perspectives. Nous avons donc une dette à l'égard de nos jeunes. Ils ont en effet accepté les restrictions sanitaires à l'âge où l'on est pourtant le moins vulnérable ; ils ont été privés d'interactions sociales à l'âge où il est pourtant essentiel d'être entouré et de faire des rencontres.

Le Gouvernement a pris en compte les difficultés économiques et matérielles auxquelles ils sont confrontés. Nous pouvons saluer un effort économique massif avec le plan « 1 jeune, 1 solution », doté de près de 7 milliards d'euros pour faciliter l'emploi des jeunes. Nous pouvons également souligner les différents dispositifs d'aide matérielle destinés aux jeunes en difficulté, tels que les repas à 1 euro et l'aide exceptionnelle de 150 euros pour les étudiants boursiers et les jeunes bénéficiant des APL.

Mais ces efforts ne doivent pas nous faire oublier leurs difficultés psychologiques. Il n'est pas facile d'avoir 20 ans – et pas uniquement en 2021. Quelque 15 % des jeunes Français montraient des signes dépressifs majeurs avant même la crise. Ils sont désormais près d'un sur trois à avoir eu des pensées suicidaires au cours des derniers mois. Le Gouvernement a mis en place un dispositif de chèques psy pour les étudiants. C'était nécessaire, mais on compte également des centaines de milliers de jeunes qui ne sont pas étudiants. Ils sont pourtant tout aussi vulnérables. Dans ce contexte, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur votre action en matière de prévention des difficultés psychologiques chez les jeunes dans leur ensemble ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Vous avez raison : la jeunesse englobe plusieurs catégories et mes propos liminaires portaient d'ailleurs sur la diversité des parcours et des réalités de vie. À chacune de ces catégories, il faut apporter une réponse, à différents degrés, aux conséquences psychologiques de la crise. La meilleure réponse reste évidemment la prévention. Mais avant de détailler les dispositifs d'accompagnement, il est nécessaire d'insister sur le fait qu'il ne faut surtout pas douter, qu'il ne faut pas avoir honte de demander de l'aide si on en ressent le besoin. C'est un message à faire passer. La précarité psychologique à un moment donné n'est pas une manifestation de faiblesse : il faut demander de l'aide. Toutes les générations sont du reste touchées. Le premier geste à accomplir est de dédramatiser.

Au-delà, nous proposons deux types de réponses. D'abord l'accompagnement des étudiants, avec l'entrée en vigueur du chèque psy, proposé par Frédérique Vidal, et le déploiement d'un réseau de médecins très mobilisés. Il suffit de pousser une porte, celle du service de santé universitaire, pour lever les obstacles financiers et entamer un parcours de consultations. Ensuite, une partie des étudiants et des jeunes qui ne le sont pas – et là, je vous rejoins – ont besoin de rompre avec l'isolement créé notamment par le télétravail, la recherche d'un emploi dans un environnement « distanciel »… À cette fin, nous apportons notre soutien aux associations d'écoute. Nous entendons en outre contribuer à rompre cet isolement par l'engagement, à travers l'ouverture de la réserve civique à toutes les personnes qui souhaitent donner un coup de main et à travers une plus grande flexibilité du service civique.

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Labille, pour le groupe UDI et indépendants.

M. Grégory Labille. On ne peut que saluer le choix du Gouvernement de maintenir l'ouverture des écoles quand des millions d'élèves d'autres pays ne vont plus à l'école depuis plusieurs mois. Toutefois, je souhaite vous mettre en garde sur les conséquences neuropsychiques du port du masque chez les plus jeunes enfants. Une tribune signée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik alerte les pouvoirs publics sur le retard de l'acquisition du langage et de la sociabilité chez les jeunes enfants en raison du port du masque chez les adultes.

En juin 2020, une équipe de chercheurs chinois a montré, à partir de l'observation des retards langagiers dus à la pandémie du syndrome respiratoire aigu sévère – SRAS – de 2003 chez 15 000 enfants âgés de 0 à 15 ans, qu'il était fortement plausible que le covid-19 ait les mêmes conséquences en raison du port du masque. En janvier 2021, l'université de Grenoble est parvenue aux mêmes conclusions après une enquête réalisée auprès de 600 professionnels de la petite enfance.

Ma question est double. Les effets du port du masque sur les enfants seront-ils étudiés et appréhendés avant l'entrée à l'école ? Pensez-vous qu'il soit possible de vacciner en priorité les personnels de la petite enfance pour qu'ils puissent retirer leur masque pendant les activités avec les jeunes enfants, que ce soit en crèche ou en maternelle ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. Cette question a déjà été posée à la ministre Frédérique Vidal il y a deux semaines. Il se trouve que je rencontre Boris Cyrulnik demain à quinze heures. Avec le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, nous avons également porté une attention toute particulière sur le port du masque par les plus jeunes dès le cours préparatoire, le CP. C'est ce qui nous a permis de garder les écoles ouvertes, car nous considérons que l'école est un instrument d'émancipation et que l'accomplissement de la promesse républicaine passe par l'école. Il ne faut en effet pas laisser les inégalités s'accentuer. On sait bien qu'on n'étudie pas de la même manière suivant l'accompagnement dont on bénéficie, suivant la situation de sa famille, qu'on n'étudie pas de la même manière si on possède un ordinateur personnel ou non, si on a une imprimante ou pas, si on vit à quatre dans un appartement ou si on dispose chacun de sa chambre.

Tous ces éléments influant sur l'enseignement, notre priorité, rappelée par le Premier ministre, est de garder tous les établissements ouverts. C'est un combat de tous les jours.

C'est également pour cette raison que nous déployons très largement les tests salivaires, afin d'aider, au-delà du seul corps enseignant, tout le personnel pédagogique à garder les établissements ouverts et donc à maintenir le lien avec les élèves tout en assurant l'apprentissage.

En outre, nous distribuons très largement les masques inclusifs, c'est-à-dire des masques transparents, qui apportent un début de réponse – même s'ils ne constituent pas une solution parfaite –, en ce qu'ils permettent de voir les expressions du visage et donc d'atténuer les conséquences du port du masque pour les plus jeunes. On sait en effet que les enfants ont besoin de pouvoir lire nos expressions pour apprendre plus rapidement et efficacement. Il se trouve que les plus jeunes enfants ont plutôt bien accueilli le port du masque, parce qu'ils s'adaptent très facilement, mais notre responsabilité collective est évidemment de les accompagner et de suivre comment la situation évoluera dans le temps.

Je ne doute pas que nous accompagnerons tous les acteurs concernés pour, avant toute chose, garder les écoles ouvertes et continuer d'y dispenser les apprentissages.

Mme la présidente. Le débat est clos.


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 24 mars 2021