Texte intégral
M. Jean-François Longeot, président.
- Mes chers collègues, nous accueillons Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dont quatre commissions se partagent l'examen. La nôtre s'est vue déléguer au fond celui des articles 9, 13, 61 et 62, et elle s'est saisie pour avis de vingt-cinq autres articles relatifs aux transports, à l'aménagement du territoire, à la transition écologique et à la biodiversité. Maintes fois repoussé, le texte suscite de fortes attentes et de nombreux questionnements.
Le Sénat, qui travaille depuis plusieurs années sur l'efficacité de l'action publique, a publié en 2020 cinquante propositions pour le plein exercice des libertés locales, appelant au renforcement de l'autonomie des collectivités locales et de la différenciation territoriale, dans le respect du principe d'égalité. La consultation à destination des élus locaux lancée en février 2021 a mis en lumière des attentes très fortes. J'en citerai deux : l'approfondissement de la décentralisation et du principe de subsidiarité, afin de permettre un exercice des compétences « au plus près des réalités du terrain » et le renforcement des pouvoirs des collectivités en matière de santé, une préoccupation singulièrement accentuée par la crise sanitaire face à laquelle les élus locaux se sont trouvés en première ligne.
Or le texte ne répond que partiellement aux préoccupations. Selon le Conseil d'État, les équilibres institutionnels ne sont pas modifiés, et la portée des mesures relatives aux leviers d'action des collectivités est modeste. De nombreux articles se bornent à clarifier des répartitions de compétences. Comme l'article 5 qui réaffirme les rôles respectifs de la région, du département et du bloc communal en matière de transition écologique, sans accorder de nouvelles attributions ni véritablement renforcer les capacités d'action des collectivités.
L'article 48 modifie l'organisation et les missions du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) pour mieux prendre en compte l'échelon local. J'adhère totalement à l'objectif de tourner davantage la gouvernance et les finalités de cette instance vers les collectivités locales. Mais pourquoi avoir fait le choix de renvoyer à une habilitation plutôt que d'inscrire ces dispositions directement dans la loi ? Le Cerema est un acteur clé des politiques publiques locales et du déploiement des innovations dans les territoires. À ce titre, l'article 48 me semble être la clé de voûte du projet de loi. Je regrette que le Gouvernement ait décidé de contourner le débat parlementaire sur ce sujet. Quelles sont les mesures susceptibles de figurer dans l'ordonnance ? Comptez-vous prévoir une représentation paritaire des collectivités et de l'État en son sein, afin que le Cerema devienne véritablement un outil partagé ? Comment allez-vous améliorer l'accès des collectivités aux services du Cerema, en particulier s'agissant de celles qui sont situées dans les territoires les plus fragiles ?
Le projet de loi comporte assez peu de dispositions sur la désertification médicale, qui constitue pourtant un enjeu central de la territorialisation des politiques publiques.
L'article 31 modifie la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) afin de renforcer le poids des élus au sein des conseils de surveillance, qui deviendraient par ailleurs des conseils d'administration. Pourquoi ne pas être allé plus loin ? Que pensez-vous de la proposition du Sénat de confier la présidence des ARS à un élu local, comme le président du conseil régional ou un membre du collège des collectivités territoriales ?
M. Daniel Gueret, rapporteur pour avis.
- Le projet de loi cristallise en effet beaucoup d'attentes. En tant que rapporteur pour avis, je forme le voeu qu'il permette de renforcer l'action des collectivités locales, en particulier s'agissant des transports et de la transition écologique et qu'il ne soit pas une simple déclaration d'intention.
Les articles 6 et 7 prévoient le transfert de routes nationales non concédées aux départements et métropoles ou aux régions sous la forme d'une expérimentation. Le dispositif proposé est à double détente : les départements et métropoles devront se prononcer sur l'opportunité du transfert, puis les régions volontaires pourront bénéficier d'une mise à disposition, sous la forme d'une expérimentation, des routes dont les départements et métropoles n'auront pas voulu. Ne craignez-vous pas d'aller vers une complexification de la gestion du réseau routier ? Pensez-vous que cette méthode de répartition des compétences " à la carte " permette une gestion efficace des routes nationales ? La durée proposée pour l'expérimentation, c'est-à-dire cinq ans, me semble trop courte pour permettre aux régions d'acquérir une véritable expertise technique en matière de gestion du réseau routier et d'engager des dépenses d'investissements. Que pensez-vous de l'idée de l'allonger à huit ans ou dix ans ? Les compensations financières suscitent également de vives inquiétudes. Il est prévu que leur méthode de calcul repose notamment sur les dépenses d'investissement des cinq dernières années. De fait, les parties du réseau peu entretenues feront donc l'objet de faibles compensations financières. Comment l'État va-t-il aider les collectivités à faire face aux besoins d'investissements futurs liés au transfert des routes ?
L'article 9 permet le transfert de petites lignes ferroviaires d'intérêt régional et des gares afférentes aux régions. Je salue ce dispositif, qui élargit le champ du transfert prévu par la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM). Mais comment concilier la décentralisation de ces lignes avec le maintien du niveau d'exigence du réseau en termes de bon fonctionnement et de sécurité ? Les régions auront la possibilité de confier la gestion des infrastructures transférées à des personnes privées ; il convient d'éviter d'aller vers un éclatement du réseau.
Enfin, l'article 49 consacre au niveau législatif le dispositif France Services, dont le pilotage est assuré par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Notre commission, qui suit de près ces problématiques, avait examiné au fond la proposition de loi portant création de cette agence en 2018. L'objectif d'ouvrir 2 500 espaces France Services d'ici au 1er janvier 2022 vous semble-t-il atteignable malgré le ralentissement dû à la crise sanitaire ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
- Monsieur le président, le présent projet de loi n'a pas été « maintes fois repoussé ». Sa préparation a été longue, car nous avons procédé à une consultation sur l'ensemble du territoire. Puis, la crise sanitaire est arrivée. Et des interrogations sont apparues quant à la possibilité d'inscrire le texte à l'ordre du jour du Parlement compte tenu de l'embouteillage législatif. J'assume le fait que ce texte extrêmement transversal ait été préparé avec près de vingt ministres et secrétaires d'État et qu'il ait fallu s'accorder sur des équilibres.
Le projet de loi répond à ce que j'avais entendu dans les territoires. L'attente de proximité dans les politiques publiques, qu'il s'agisse de collectivités de proximité ou d'un État territorial de proximité, est très forte. L'aspiration à une meilleure prise en compte des particularités locales, ainsi qu'à une organisation territoriale des politiques publiques moins uniforme et rigide, plus adaptée aux territoires, est tout aussi importante. Et les élus ne réclamaient pas un changement fondamental de l'organisation territoriale. Après les réformes nombreuses et variées intervenues depuis une vingtaine, voire une dizaine d'années, il y a un besoin de stabilité institutionnelle, ce qui n'empêche évidemment pas de faire des modifications. Le texte n'est pas un grand soir de l'organisation territoriale. Il est conçu comme un acte de décentralisation adapté à chaque territoire et résolument tourné vers l'action publique, et non comme une redistribution des compétences.
J'ai rencontré les associations d'élus, les rapporteurs de la commission des lois et M. le président du Sénat. Les cinquante propositions pour le plein exercice des libertés locales ont évidemment été étudiées. Certaines sont reprises dans le texte. D'autres pourraient y être introduites par amendement.
Votre commission est saisie au fond sur plusieurs articles.
L'article 9 vient compléter l'article 172 de la LOM, qui permet le transfert des petites lignes ferroviaires aux régions. Il est apparu nécessaire de préciser que le transfert concernait non seulement la voie ferrée, mais également les gares et l'ensemble des installations de service, afin d'aboutir à une décentralisation complète. Il y aura donc des lignes exploitées entièrement par la SNCF, des lignes partagées entre la SNCF et les régions, et des lignes intégralement transférées. Cela permettra de faire revivre des lignes qui avaient parfois été abandonnées par la SNCF. Il est également très important que les gares soient réutilisées. Nos petites et moyennes communes pourront ainsi valoriser du foncier au coeur du centre-ville, dans le cadre d'un projet global d'aménagement.
L'article 13 vise à renforcer le rôle des régions en matière de biodiversité. Jusque-là, cette responsabilité n'était inscrite nulle part dans notre droit. Les espaces Natura 2000 concourent à la politique d'aménagement des collectivités territoriales et vous savez que ce sont de formidables réservoirs de biodiversité que nous devons collectivement protéger. Nous décentralisons donc la gestion de ces sites, ce qui permettra de conduire une politique de proximité et de mieux les intégrer dans les trames vertes et bleues. C'est une véritable clarification des compétences entre les collectivités et l'État, la gestion des sites étant aujourd'hui, dans les faits, pour 60 % d'entre eux, assurée par les collectivités. Notre texte laisse à la région le levier réglementaire du contrôle des sites et du financement, l'État conservant le rôle de coordination avec l'Union européenne et la création de sites nouveaux. En revanche, les zones maritimes continueront de relever de la compétence de l'État, pour des raisons de sécurité et de défense.
L'article 61 prévoit, quant à lui, le financement d'aménagements d'autoroutes concédées par des tiers. Dans ce projet de loi, nous rendons possible le cofinancement de la réalisation de bretelles autoroutières pour améliorer le raccord aux grands axes de communication. Désormais, un grand port maritime ou une entreprise pourra participer au financement, ce qui permettra d'accélérer la réalisation des projets structurants comme le projet du diffuseur du grand port du Havre.
Enfin, l'article 62 vise à clarifier les procédures applicables lorsque des arbres d'alignement doivent être abattus. Cela peut paraître anecdotique, mais il peut y avoir de vrais problèmes, notamment avec les projets de tramway. Actuellement, il y a une véritable confusion sur l'autorité compétente pour procéder à l'abattage de ces arbres lorsqu'il est nécessaire à un projet d'aménagement. Avec cet article, il reviendra au préfet de délivrer les autorisations d'abattage et de vérifier les mesures de compensation mises en oeuvre. Cela sécurisera les projets d'aménagement des collectivités, qui sont trop souvent retardés du fait de contentieux provoqués par les incertitudes actuelles sur l'autorité en charge de délivrer les autorisations et le caractère sensible du sujet au regard de l'impératif écologique. Il se trouve que, de manière générale, les élus locaux sont d'accord avec ce transfert de responsabilité au préfet.
Vous le voyez, ce projet de loi illustre notre volonté constante de poursuivre les facilitations, qu'il s'agisse des collectivités ou des services de l'État.
Pour répondre à vos questions sur le dispositif de compensation des transferts de route, qui dit transfert de compétences dit transfert de moyens. C'est inscrit dans la Constitution, et les mesures proposées dans le projet de loi reprennent, pour l'essentiel, les règles de transfert de compétences en matière financière et de personnel depuis la loi de 2004 et la loi de 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam). On calcule la compensation sur 5 ans pour l'investissement et sur 3 ans pour le fonctionnement. C'est équilibré et cela préservera les intérêts de l'État et des collectivités locales.
J'ai aussi été interrogée sur le déploiement des maisons France Services. Aujourd'hui, nous en sommes à 1 300, et l'objectif de 2 000 ouvertures devrait être atteint début 2022. L'objectif du Président de la République était d'en ouvrir une par canton, mais certains cantons, plus peuplés, en ont besoin de plus d'une. Vous le savez, il y a les anciennes maisons de services au public (MSAP) reconverties et celles qui sont créées ex nihilo, sur la base d'une charte commune qui impose au moins 9 services pour bénéficier des financements de l'État. Il faut savoir que La Poste a choisi de ne pas maintenir certaines MSAP qui n'étaient pas en mesure de maintenir le niveau de service, mais je ne suis pas inquiète, car je pense que nous atteindrons le chiffre prévu.
Vous m'avez également interrogée sur le Cerema. Je rappelle que l'ordonnance n'empêche pas le débat parlementaire. Nous avons choisi cette voie, car nous avons besoin d'un dialogue approfondi avec le Conseil d'État sur ce sujet très sensible.
Le Cerema est un établissement public qui travaille aujourd'hui à 80% pour l'État et seulement à 20 % pour les collectivités territoriales, et qui a pour vocation de fournir de l'ingénierie. Il y a à peu près 23 implantations en France, le siège étant à Bron, près de Lyon. L'objectif est d'ouvrir la possibilité pour les collectivités territoriales d'utiliser les services du Cerema sans passer par les marchés publics. Si nous voulons que cet outil d'ingénierie soit pérenne, il faut le faire vivre. Nous avons déjà une convention avec l'ANCT, mais nous devons sécuriser tout cela en travaillant avec le Conseil d'État, d'où le recours aux ordonnances. Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas de loup !
Enfin, sur les déserts médiaux, la fin du numerus clausus décidée par Agnès Buzyn est une bonne chose, mais ses effets se feront nécessairement attendre. Le texte prévoit un certain nombre de dispositifs. L'article 32 permet le financement par les collectivités locales d'établissements de santé. Les articles 33 et 34 consolident pour le département et le bloc communal la possibilité de recruter et de gérer des personnels de santé dans les établissements de santé. Par ailleurs, il y aura plus d'élus locaux aux conseils d'administration des ARS. Enfin, le rôle des délégués départementaux devra être renforcé.
Certains auraient aimé que nous allions plus loin, mais c'est déjà une étape intéressante.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois.
- Madame la ministre, je salue votre ténacité sur un sujet difficile. Je suis d'accord avec vous, il faut en finir avec les grands soirs et autres " big bang " territoriaux. Nous avons besoin de plus de souplesse et d'adaptation au terrain pour asseoir l'efficacité de l'action publique. Je ferai porter mon intervention sur trois points.
D'abord, les déserts médicaux. Vous louez la possibilité pour les collectivités de créer des établissements de santé, mais, comme souvent, il manque une partie de l'équation : l'État a-t-il prévu des compensations financières ?
Ensuite, le projet de loi prévoit la possibilité de transfert de personnels d'établissements sociaux, mais seul le directeur serait détaché auprès du département, les autres personnels restant dans la fonction publique hospitalière. Les syndicats sont vigilants sur ce point. Cela ne risque-t-il pas de poser des problèmes de hiérarchie ?
Enfin, s'agissant de déconcentration, nous avons besoin d'un État fort et uni, parlant d'une seule voix, dans les départements. Or cela n'est pas toujours le cas. Il y a trop d'interlocuteurs, chacun semblant vivre sa vie de manière autonome. Nous souhaitons que le préfet soit le véritable chef d'orchestre de l'action publique locale de l'État. Que prévoyez-vous à cet égard ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois.
- Je m'interroge sur la durée de l'expérimentation du transfert des routes nationales aux départements. L'État prend ses aises en termes de délais, en particulier avec les ordonnances sur la formation des élus locaux, ou encore sur la question de l'ingénierie et l'accès au Cerema, mais, en matière de transfert des routes nationales aux départements, la loi fixerait un délai de cinq ans. Or, les régions nous disent que c'est trop court pour se rendre compte des exigences liées au transfert. Ensuite, le texte prévoit un délai de décision de trois mois laissé aux régions pour décider si elles souhaitent mettre en oeuvre l'expérimentation, ce qui paraît là encore bien court pour diligenter les expertises, accéder au Cerema. Cet établissement public est un lieu d'ingénierie de haut niveau, il faut prendre toutes les précautions quand on parle de transférer ses ressources, car nous avons besoin de ses compétences, par exemple en matière d'ouvrages d'art. Nous avons besoin de clarté en la matière : qu'en est-il ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- J'ai entendu qu'il y aurait des manifestations à propos de transfert de personnels, cela arrive chaque fois que l'on décentralise - rappelez-vous le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) aux départements et aux régions. Cela dit, une fois que la décentralisation est effective, les inquiétudes s'apaisent parce que les choses se passent bien.
La désertification médicale est un sujet. Les organisations syndicales ont fait savoir qu'elles étaient contre l'article 40 du projet, nous les revoyons la semaine prochaine pour en parler. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que ma collègue Brigitte Bourguignon présentera un texte sur la dépendance, où la part des départements sera mieux prise en compte.
Nous proposons une durée de cinq ans pour l'expérimentation du transfert de tronçons de routes nationales, mais si les collectivités estiment que c'est trop court, la durée inscrite dans la loi peut être allongée, nous verrons cela dans le débat parlementaire.
De même, pour le Cerema, je ne m'arcbouterai pas sur le principe de procéder par ordonnance - ce qui compte c'est le résultat, à savoir l'ouverture de cet établissement public aux collectivités territoriales -, en retour, je vous demande de ne pas vous arcbouter contre la procédure de l'ordonnance si elle est la plus pertinente, ou bien nous n'avancerons pas.
M. Philippe Tabarot.
- Quelle est la logique de transférer aux régions des tronçons de routes nationales dont personne ne veut, même avec la carotte de l'écotaxe dont elles ne veulent pas non plus ? Sur le ferroviaire, rien de nouveau dans ce texte, mais rien non plus sur ce qu'attendent de savoir les régions, c'est-à-dire l'avenir du financement. Les régions n'ont aucune visibilité au-delà de 2022 et de la fin du volet « transports » des contrats de plan État-région (CPER) : pouvez-vous nous éclairer ?
M. Jean Bacci.
- Quelle articulation de ce texte avec les outils mis en place pour la transition écologique ? Une quarantaine d'agences locales de l'énergie et du climat (ALEC) ont été installées par des collectivités territoriales : elles portent une expertise transverse et une vision à long terme de la transition écologique, elles trouvent des solutions organisationnelles nouvelles qui sont utiles ; cependant, elles n'ont été reconnues que tardivement, avec la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, des risques pèsent sur elles, notamment fiscaux : quel vous paraît être le bon modèle juridique pour ces agences ?
M. Stéphane Demilly.
- Nos concitoyens attendent de l'administration qu'elle soit plus simple et plus efficace, cela passe par un effort de simplification. Je ne citerai qu'un exemple, celui d'un projet d'une unité de méthanisation déposé par 23 agriculteurs de la Somme : le dossier d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) a fait intervenir cinq bureaux d'études, pour un montant dépassant les 100 000 euros, et il a fallu faire une enquête publique pour chacune des 78 communes concernées ; quant au bassin de rétention, il doit être dimensionné pour s'adapter à des pluies non pas décennales, mais centennales, alors même que les risques d'inondation sont minimes dans un bassin crayeux. Comment ne pas se décourager devant de telles contraintes, surtout quand on sait que le temps d'instruction peut dépasser dix-huit mois en cas de recours ? De fait, les deux tiers des projets de méthanisation s'interrompraient en cours de route. Même chose pour les projets d'installations photovoltaïques...
Les projets ne manquent pas dans les territoires ni les ressources, mais l'abnégation a ses limites : est-ce que la loi 3DS va nous aider à les mettre en place ?
M. Bruno Rojouan.
- Ne pensez-vous pas que par les procédures successives nous avons entraîné un besoin supplémentaire d'ingénierie ? Voyez l'appel à projets, il alourdit les procédures, demandant toujours plus d'interventions extérieures dont les petites collectivités sont loin d'avoir toujours les moyens. Il y a quelques années, on pouvait élaborer un projet sans avoir besoin d'une ingénierie aussi lourde. Attention à ne pas générer plus de dépenses supplémentaires. Ensuite, la loi 3DS pourrait-elle assouplir certaines règles d'urbanisme pour les petites communes qui peinent à garder leur population ? Le projet de loi Climat et résilience fixerait l'objectif d'artificialisation zéro pour les sols : comment les communes pourront-elles, dans ces conditions, échapper au déclin démographique ?
Mme Angèle Préville.
- Je reviendrai sur la désertification médicale. La communauté de communes Causses et Vallée de la Dordogne ne compte qu'un pédiatre et un gynécologue, pour 77 communes et 45 000 habitants : ce n'est pas suffisant. Nous avons inscrit dans la loi l'obligation pour les étudiants en médecine de faire un stage de terrain, mais le décret d'application n'est toujours pas pris : savez-vous pourquoi ? Le stage est l'occasion de connaître le territoire, et peut-être de vouloir s'y établir, cela s'est vu. Comment faire pour associer davantage les élus qui connaissent le mieux leurs territoires et les besoins ?
M. Jean-Michel Houllegatte.
- L'article 47 du projet de loi donne valeur législative au contrat de cohésion territoriale qui doit concourir à la bonne coordination des politiques publiques locales. C'est ce que préconisait le rapport de Serge Morvan avec la notion de contrat unique : est-ce que le contrat de ruralité va disparaître ? Un nouvel objet est apparu à travers le contrat de relance et de transition écologique (CRTE), dont on nous dit qu'il a vocation à porter les projets de territoire pour les six années de mandat municipal et intercommunal. Est-ce que le contrat de cohésion territoriale est mort-né ? Quelle sera sa portée ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- Les tronçons de routes nationales seront transférés sur la base du volontariat, c'est une demande de départements qui veulent récupérer ces tronçons de route qui sont restés nationaux alors que le reste de la route a déjà été transféré - c'est le cas, par exemple, dans la région Grand Est. Les moyens mobilisés sont ceux du CPER, avec le nouveau volet infrastructures pour 2023-2027, le conseil d'orientation des infrastructures y travaille. Il faut compter aussi avec le contrat de relance, il y a des financements qui viennent en complément de ceux du CPER. Le reste viendra dans les négociations, et il y a des clauses de revoyure. En tout état de cause, les collectivités territoriales sont plutôt satisfaites de ces propositions de transfert.
Les ALEC sont utiles, vous avez raison de souligner leur apport. Nous sommes prêts à travailler sur la question de leur sécurité juridique.
Plusieurs des questions que vous me posez relèvent de la loi Climat et résilience, en particulier en ce qui concerne directement la transition écologique - ce texte est en cours d'examen et je vous le dis sans naïveté : c'est le bon véhicule pour régler toutes les questions que vous jugerez utiles concernant la transition énergétique.
Les nouvelles procédures ne créent-elles pas de nouveaux besoins d'ingénierie ? Certes, mais on ne peut se passer de certaines garanties. Voyez le programme que nous avons lancé avec l'ANCT sur la sécurité des ponts : c'est une question importante et on ne peut la traiter sans faire intervenir des ingénieurs ni s'assurer que certaines procédures sont respectées, nous y sommes d'autant plus contraints que notre société demande de plus en plus de sécurité, partout. Cela étant, le recours toujours plus large à la procédure d'appel à projets ne facilite effectivement pas les choses. C'est pourquoi pour le plan de relance, nous avons, dans mon ministère, tout déconcentré dans les mains des préfets : c'est rapprocher la décision du terrain. Le Président de la République et le Premier ministre le répètent à l'envi : il faut déconcentrer, les préfets sont mieux à même de décider en tenant compte des réalités locales. De surcroît, les appels à projets favorisent les grandes communes, mieux outillées en ingénierie. Un autre exemple de l'attachement du Gouvernement à la déconcentration : dans le cadre du Ségur de la santé, des crédits d'investissement sont mobilisés pour des hôpitaux, et le Premier ministre a décidé qu'ils seraient déconcentrés aux préfets - c'est aussi le cas pour les crédits visant l'aménagement de pistes cyclables. La déconcentration, c'est plus simple et plus proche du terrain, il faut amplifier le mouvement.
Sur les stages des étudiants en médecine, je ne peux guère vous répondre tout de suite, car le décret ne dépend pas de mon ministère - je me renseignerai et vous communiquerai la réponse. Lorsque j'étais étudiante, les étudiants pouvaient concourir aux instituts de préparation aux enseignements de second degré (IPES), qui les rémunéraient pendant leurs études en échange d'un engagement à enseigner pendant un certain nombre d'années - et le poste qu'on vous indiquait alors était impératif. Les stages sont une très bonne occasion de faire connaître le territoire, donc une chance que le jeune médecin s'y installe parce qu'il y aura noué des liens.
Jean-Pierre Raffarin avait eu cette formule : la contractualisation, c'est la décentralisation d'aujourd'hui ; je trouve que c'est juste, parce qu'en élaborant des contrats, l'État et les collectivités territoriales se mettent d'accord sur l'application des politiques publiques dans les territoires. Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ont vocation à intégrer les autres contrats utilisés aujourd'hui. Dans notre droit, seul le contrat de ville a une reconnaissance légale, nous voulons y ajouter les CRTE, en pensant aussi que le " R " pourra désigner la ruralité.
M. Jean-Michel Houllegatte.
- Mais quelle sera leur articulation avec les contrats de cohésion territoriale ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- Elle est directe, puisque c'est un peu la même chose et les CRTE ont cette vocation intégratrice.
M. Jean-Michel Houllegatte.
- C'est-à-dire que les contrats de cohésion territoriale vont se substituer aux CRTE ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- C'est la même chose, mais vous avez raison, ce n'est pas très clair...
M. Jean-François Longeot, président.
- La simplification est un sujet récurrent, et comme je l'avais constaté en clôture de la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP), simplifier, c'est compliqué...
M. Rémy Pointereau.
- Le site de votre ministère indique que la décentralisation comme vous l'entendez est fondée sur les propositions des acteurs locaux, mais j'ai le sentiment que vous ne prenez pas en compte leurs demandes sur la compétence de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Les communautés de communes situées en bord de Loire contestent le transfert de cette compétence, incompréhensible tant les difficultés sont grandes de financer des digues qui n'ont pas été entretenues par l'État. Avec le système linéaire tel qu'il a été retenu, le montant des travaux n'est pas réaliste pour les petites communautés - c'est pourquoi elles ont décidé, faute de moyens, de ne pas régulariser les systèmes d'endiguement. Les règles de l'irrecevabilité nous empêchant de revenir par amendement sur ce transfert, envisagez-vous d'y procéder vous-mêmes dans ce projet de loi ? Il faudrait à tout le moins un mécanisme différenciant les opérateurs : à l'État de mettre aux normes les fleuves, aux départements les rivières, et aux communautés de communes les cours d'eau dont la mise aux normes est dans leurs moyens : qu'en pensez-vous ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- Le sujet relève davantage de la loi Climat et résilience, s'agissant de la transition écologique. Je relève aussi que le transfert de la compétence Gemapi a été effectué par un amendement sénatorial à la loi Maptam, un amendement qui avait peut-être été insuffisamment préparé et sur lequel nous sommes déjà revenus, en ouvrant la capacité de financement aux départements et aux régions, et ce à la demande de Dominique Bussereau au nom de l'Assemblée des départements de France qui voulait poursuivre la construction de digues maritimes après la tempête Xynthia. Cette compétence a effectivement des conséquences très lourdes pour les collectivités territoriales, je crois que pour le cas que vous évoquez, la seule solution est du côté d'une mutualisation à l'échelon de l'établissement public de la Loire.
M. Rémy Pointereau.
- Une erreur qu'on a pu faire par le passé ne justifie pas qu'on doive rester inactif...
M. Gilbert-Luc Devinaz.
- Le Cerema réduit ses effectifs, pourquoi renforcer le recours à cet établissement ? L'ANCT a signé avec lui une convention qui ne l'engage pas financièrement, mais elle aurait demandé des expertises qu'elle n'aurait cependant pas payées : comment cela est-il possible ? Le projet de loi 3DS autorise les collectivités territoriales à recourir au Cerema sans la procédure des marchés publics, c'est une bonne chose, mais n'est-ce pas l'amorce d'une régionalisation de cet établissement qui relève aujourd'hui de l'État ?
M. Frédéric Marchand.
- La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a mis en place un mécanisme de cotation des demandes de logement social à compter du 1er septembre 2021, mais on nous dit que le Gouvernement aurait saisi le Conseil national de l'habitat (CNH) pour reporter le mécanisme à la fin de 2023 : est-ce le cas ?
Mme Martine Filleul.
- Vous nous dites que ce texte n'est pas le grand soir et vous soulignez le besoin de stabilité dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales, mais vous proposez un transfert de routes nationales aux régions, alors que les départements ont des savoir-faire et de l'expertise en la matière. Vous dites que ce transfert sera volontaire, mais je lis dans la presse que les collectivités n'en veulent pas. Même chose en matière d'espaces naturels, où les nouvelles compétences attribuées aux régions risquent fort de se traduire par une tutelle des régions sur les départements, alors qu'ils gèrent déjà des établissements.
Ensuite, le Gouvernement ne manque pas d'actions contre l'illectronisme, avec les conseillers numériques, les hubs numériques, le pass Formation, quelque 250 millions d'euros y sont affectés via l'ANCT ; mais les moyens ne semblent pas tous utilisés, et nous manquons d'évaluations en particulier pour prendre en compte le bénévolat, qui compte beaucoup dans ce domaine : ne pensez-vous pas que la loi pourrait mentionner une collectivité « chef d'orchestre » en la matière ?
Enfin, sur l'article 11, Voies navigables de France (VNF) nous dit que les prises illégales d'eau seraient désormais pénalisées en fonction de la situation économique de l'auteur des faits : est-ce bien le cas ? Ce serait une anomalie dans notre droit.
M. Guillaume Chevrollier.
- Je salue votre objectif de valoriser la proximité, les priorités locales, d'adapter les politiques publiques aux territoires et de les simplifier, mais je constate des contradictions avec l'action elle-même. Sur les espaces France Services, par exemple, les décisions viennent d'en haut, de l'État, qui décide des implantations dans les territoires, de manière pas toujours cohérente avec les attentes locales ni les objectifs des EPCI, alors même que les collectivités territoriales doivent participer financièrement pour moitié, ce qui ne va pas sans problème. Même chose pour les appels à projets : ils viennent d'en haut, je pense en particulier aux CRTE, qui ne sont pas toujours adaptés aux territoires. Nous allons avoir, prochainement, le renouvellement des « contrats de Cahors », où cet enjeu se posera de nouveau. Enfin, les élus locaux s'inquiètent d'une recentralisation de la gestion de l'eau, avec la désignation d'office du préfet à la présidence des agences de l'eau - les élus craignent que les comités de bassin s'en trouvent déstabilisés : que leur répondez-vous ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- Vos inquiétudes sur l'avenir du Cerema justifient son ouverture aux collectivités territoriales, cet organisme est sous tutelle du ministère de la transition écologique et le restera. Toutefois, pour qu'il maintienne ses postes, ce pour quoi je me battrai, il faut développer son activité. L'établissement a passé une convention avec l'ANCT, effectivement, et l'ouverture aux collectivités territoriales confortera son activité, parce qu'il sera rémunéré pour les prestations qu'il effectuera
- j'espère avoir répondu à vos questions.
M. Gilbert-Luc Devinaz.
- Je connais votre engagement personnel, mais, d'après les éléments dont je dispose, la convention du Cerema avec l'ANCT ne serait pas signée et l'ouverture aux collectivités territoriales augurerait une régionalisation de l'établissement, accompagnée d'un désengagement de l'État.
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- Il n'y a pas, à ma connaissance, de projet dans ce sens : le Cerema est un service de l'État qui a vocation à le rester et que nous devons continuer de faire exister.
L'article sur les prises illégales d'eau sur les voies navigables a été rédigé à la demande de VNF. La sanction est aujourd'hui plafonnée à 1 500 euros. VNF nous dit que ce n'est pas dissuasif, c'est pourquoi nous relevons le plafond dans ce projet de loi.
Mme Martine Filleul.
- Ma question portait plus précisément sur la prise en compte de la situation de l'auteur de l'infraction, ce qui est peu commun dans la définition d'une peine.
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- J'entends bien et je vous réponds avec les éléments dont je dispose.
Le transfert volontaire de tronçons de route restés nationaux ne représente pas un bouleversement et il n'est nullement contradictoire avec notre objectif de valoriser les priorités locales, l'État conserve bien entendu les routes d'intérêt national.
Il n'y a pas de tutelle de la région sur les départements en matière de biodiversité, les espaces sensibles restent dans les mains des départements.
Sur l'illectronisme, j'entends ce que vous dites et vous remercie de reconnaître que nous faisons beaucoup. Les collectivités territoriales aussi se mobilisent, au bénéfice de tous, c'est important de le dire. Pourquoi la loi devrait-elle désigner un chef d'orchestre ? Souvenez-vous des débats épiques que nous avons eus dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), sur l'attribution de la compétence culture à un niveau de collectivités - nous n'y sommes guère parvenus et, dans le fond, ce n'est pas nécessaire de le faire.
Je suis d'accord pour dire que les EPCI sont à la bonne échelle pour installer les espaces de France Services, les communes et les intercommunalités sont les premiers partenaires de l'État en la matière, nous accompagnons les élus volontaires pour installer ces espaces. Ensuite, ce sont les services publics qui portent les installations, par exemple La Poste et la Mutualité sociale agricole (MSA), cela se passe plutôt bien. Nous demandons au préfet de regarder précisément les lieux où il y a les besoins, cela fait partie de la décision. Pour les tiers lieux, il n'y a pas d'appel à projets, mais un autre processus, celui des fabriques de territoires.
S'agissant des agences de l'eau, le préfet coordinateur de bassin préside l'agence de l'eau. Cela souligne le renforcement du rôle des préfets dans l'élaboration du programme pluriannuel de chaque agence et de leur rôle de garant de la cohérence de l'action des services de l'État sur le territoire. Les préoccupations des élus locaux seront prises en compte par le préfet.
M. Olivier Jacquin.
- C'est jacobin !
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- Pourtant, on nous demande souvent que les préfets soient les coordinateurs des agences sur les territoires. La querelle entre tendances jacobines et girondines me semble être un faux problème, d'autant que les préfets sont les garants de l'équité, que tout le monde réclame.
M. Joël Bigot.
- En tant que membre du conseil d'administration de l'Agence de la transition écologique (Ademe), je m'interroge sur une disposition de l'article 45, qui donne au préfet de région le rôle de délégué territorial de l'Ademe. En clair, vous déléguez au préfet de région le pouvoir de négocier et de conclure, au nom de l'agence, toute convention avec les collectivités locales et leur groupement.
Cette recentralisation ne risque-t-elle pas d'enrayer l'action d'une agence qui tourne à plein régime et qui constitue un interlocuteur de confiance pour les élus et les acteurs associatifs ? Il s'agit d'une étatisation rampante de l'Ademe, contraire à l'esprit de décentralisation. Madame la ministre, êtes-vous disposée à renforcer cette agence au lieu de l'affaiblir ?
M. Olivier Jacquin.
- Tout d'abord, les maisons France Services, comme les MSAP, sont des dispositifs très appréciables, à condition qu'on leur alloue les moyens nécessaires pour qu'ils soient de qualité.
Dans mon département, nous avions proposé d'accompagner au maximum ces maisons France Services en matière d'investissement, en faisant en sorte que l'autofinancement soit de 20 % pour les collectivités. Or, s'agissant du plan de relance, l'instruction des dossiers montre une certaine position de repli fort regrettable pour ces services publics au plus proche des usagers.
Par ailleurs, quelle est la cohérence de l'expérimentation de transfert des routes nationales ? Autant, s'agissant des départements, il peut y avoir certaines cohérences par rapport au patrimoine routier, néanmoins c'est incompréhensible concernant les régions. Le texte traite d'une manière puzzle de l'écotaxe au niveau des régions.
Enfin, la question des financements des petites lignes TER se pose en termes de temps long ; or les CPER ont une visibilité insuffisante.
M. Jean-François Longeot, président.
- Je vous rappelle, madame la ministre, la question de notre collègue Frédéric Marchand au sujet de la cotation des demandes de logement social à échéance de 2021 ou 2023.
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- Cette question dépendant du ministère du logement, je n'ai pas la réponse immédiate.
Mme Patricia Demas.
- Mes deux questions sont relatives à la simplification de l'aide publique locale.
Aujourd'hui, la dispersion des aides entre les appels à projets du plan de relance, de l'Ademe, des régions, de l'Europe ou des intercommunalités fait que les petites communes, qui en ont le plus besoin, y ont le moins accès. La loi 3DS abondera-t-elle dans une simplification de l'accès à ces aides et prévoira-t-elle un guichet unique donnant un accès à ce panel d'aides aux petites communes ?
Par ailleurs, l'une des priorités de ce projet de loi est la facilitation du partage de données entre les administrations. Afin d'éviter, par exemple, que les usagers ne redonnent plusieurs fois les mêmes informations à l'administration, quels seront les principaux acteurs et moyens à mobiliser pour apporter le soutien le plus efficace à nos collectivités ? Pour ce faire, comment envisagez-vous le rapprochement entre les collectivités et l'État ?
M. Ronan Dantec.
- Nous avons compris que le débat jacobins-girondins était dépassé. Il faudrait, à ce titre, inscrire dans la loi l'interdiction de corsetage de type " contrats de Cahors ", cette dernière s'étant retrouvée avec une mainmise de l'État sur sa collectivité.
Mme Angèle Préville.
- Je confirme !
M. Ronan Dantec.
- Madame la ministre, à ma question qui faisait suite à la pétition ayant recueilli 105 000 signatures en faveur d'un référendum sur le redécoupage de la Bretagne et de la Loire-Atlantique, vous aviez répondu qu'on ne peut rien avec la loi existante. C'est donc le moment d'y revenir : la quasi-totalité des collectivités territoriales de Loire-Atlantique a voté, par un large consensus, des délibérations en faveur de la consultation.
Quel dispositif enfin opérationnel de redécoupage territorial envisagez-vous pour faire respecter la démocratie ?
M. Didier Mandelli.
- Je voudrais rappeler à mon collègue Ronan Dantec, d'une part, qu'un référendum ou une consultation n'a jamais fait une décision politique et, d'autre part, le résultat largement positif de la consultation relative à l'aéroport de Nantes-Atlantique.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
- Autant les comités d'intérêts locaux (CIL) fonctionnent, autant les comités locaux dans le cadre de l'ANCT, qui devraient coordonner l'ensemble des politiques publiques sur un territoire, ne fonctionnent pas. Je pense qu'il y a un véritable travail à faire pour simplifier le fonctionnement local de cette agence ainsi qu'un travail de cohésion et d'information auprès des élus locaux.
Permettez-moi également de vous dire que nous avons des doutes sur l'aspect « différenciation » de ce projet de loi.
M. Philippe Pemezec.
- Je suis déçu par ce texte que nous attendons depuis longtemps et qui ne comporte pas grand-chose, si ce n'est des soucis supplémentaires pour les communes - je pense au renforcement du contrôle des sociétés publiques locales (SPL). Certaines mesures relèvent du " gadget " telles que la possibilité de fixer le nombre d'élus des conseils d'administration ou l'organisation des pétitions avec 10% des électeurs ou 20% des EPCI. On n'a pas fini d'être embêté !
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- S'agissant de la question de la décentralisation et de l'Ademe, permettez-moi de rappeler que cette dernière est un établissement public de l'État. Je suis davantage gênée lorsqu'un directeur de l'Ademe signe un accord avec l'État. Je rappelle que nous sommes dans un établissement public de l'État. La présence du préfet me paraît d'autant moins critiquable que le représentant de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dans le département est le préfet, ce qui n'a jamais posé de problème. Mettre le préfet en position de coordinateur avec l'Ademe a également pour objectif de faciliter les relations avec les préfets de départements, ce qui fait suite aux critiques émises sur la visibilité de l'action de l'État du fait de la multiplication des agences.
Je sais qu'Édouard Philippe a exigé que les établissements publics de l'État remettent la Marianne dans leurs locaux et l'en-tête République française sur les papiers officiels. À cet égard, certaines agences étaient devenues très autonomes. N'oublions pas qu'il s'agit de financements d'État.
S'agissant des maisons France Services, des fonds d'investissement existent pour les aider à s'installer.
Les routes sont une expérimentation de la régionalisation sur une base volontaire. Nous n'irons pas plus loin en cas d'échec. Lorsqu'on me dit que la différenciation n'est pas assez visible, je peux répondre que les expérimentations sur les routes ou sur le revenu de solidarité active (RSA) sont de la différenciation, tout comme le renforcement des travaux de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP).
Je ne reviens pas sur la question bretonne, puisqu'une question d'actualité a, hier encore, été posée à ce sujet. Je rappelle que l'initiative appartient aux collectivités territoriales.
M. Olivier Jacquin.
- Vous aviez pourtant répondu l'inverse dans l'hémicycle en disant que, pour débloquer le dossier, il fallait changer la loi. L'État est-il donc prêt à changer la loi ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre.
- Aujourd'hui, l'État n'a pas les moyens de faire une consultation. Quant à changer la loi, c'est un autre sujet qui n'est pas à l'ordre du jour.
M. Jean-François Longeot, président.
- Nous prenons rendez-vous, dans l'hémicycle, pour discuter de ce projet de loi.
Source http://www.senat.fr, le 19 août 2021