Texte intégral
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire (nos 4565, 4574).
Présentation
M. le président.
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
C'est la onzième fois que je me tiens devant votre assemblée pour vous présenter, au nom du Gouvernement, un projet de loi portant sur la gestion de la pandémie de covid-19. Ce onzième texte est cependant différent de ceux qui l'ont précédé, qu'il s'agisse de l'esprit qui le guide, nous le verrons au fil des débats, ou de son titre qui comporte les mots de « vigilance sanitaire » et non plus d'« état d'urgence ». En effet, il s'agit de ne pas nous désarmer, quand bien même le virus montrerait des signes de faiblesse. Il s'agit de rester vigilants, acteurs, actifs dans la continuité de ce que nous avons entrepris auparavant pour empêcher de laisser la moindre prise au virus et éviter qu'il ne déclenche une nouvelle vague épidémique dans notre pays.
Malgré la lassitude que chacun peut légitimement éprouver face à cette crise qui, faut-il le rappeler, n'épargne aucun pays du globe, nous devons rester toujours autant mobilisés pour lutter contre un virus toujours présent dans notre quotidien.
Nous pouvons prendre un instant pour nous retourner et mesurer le chemin parcouru depuis le début de cette crise ainsi que les immenses progrès réalisés pour mieux gérer cette épidémie dans la durée, en France comme dans le monde, et pour limiter ses conséquences sanitaires et son impact sur notre vie quotidienne. Ainsi, en métropole, la vague épidémique liée à la propagation du variant delta a pu être contenue, sans restriction généralisée de la circulation des personnes ni des rassemblements et en maintenant ouverts l'ensemble des établissements, grâce à la vaccination massive de la population et grâce à des outils comme le passe sanitaire.
À l'heure où je vous parle, le variant delta, très contagieux, circule en France comme ailleurs dans le monde. Environ 5 000 diagnostics sont réalisés chaque jour dans notre pays, ce qui n'est pas rien mais ne correspond pas non plus à une vague épidémique. Si l'on relève çà et là des signes qui imposent la plus grande vigilance et l'action déterminée des forces sanitaires au sein des territoires afin d'empêcher une nouvelle reprise épidémique, la situation de la France est loin d'être aussi grave que celles d'autres pays – non loin de nous, en Europe – qui sont obligés de mettre en place des mesures de couvre-feu, de fermeture des commerces, voire de confinement. C'est le cas de la Lettonie, qui a dû prononcer un confinement dur pour quatre semaines après s'être trouvée dans l'impossibilité de vacciner suffisamment sa population ; de la Roumanie, qui présente un nombre de cas important ; du Royaume-Uni, qui affiche un taux de vaccination bien moins élevé que le nôtre et doit faire face à 40 000 à 50 000 diagnostics par jour, situation qui implique son lot de malades, une pression sanitaire extrême et, demain, des cas de covid long.
Le virus n'a donc pas disparu et, il y a encore quelques jours, nous étions obligés d'envoyer d'importants renforts sanitaires par avion en urgence dans les territoires ultramarins, afin d'aider les soignants présents sur place à faire face à une vague épidémique extrêmement violente – là encore, en raison d'un taux de vaccination insuffisant.
Si le virus n'est pas mort, s'il circule encore, nous avons cependant les moyens de faire en sorte qu'il n'ait pas les conséquences qu'il a pu avoir par le passé et qu'il ne donne pas lieu à de nouvelles vagues épidémiques, avec leur cortège d'hospitalisations massives, de services de réanimation saturés et de nombreux décès.
Nous savons que la vaccination protège, ce qui est une bonne nouvelle. Je rappelle que la plus grande étude dans le monde, une étude française, publiée la semaine dernière, a comparé 11 millions de Français vaccinés à 11 millions de Français non vaccinés, et affiche des résultats implacables : la vaccination réduit de plus de 90 % le risque de formes graves chez ceux qui sont susceptibles d'en présenter, c'est-à-dire les personnes âgées de 50 ans et plus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Nous faisons actuellement face à au moins deux enjeux en matière de vaccination. Le premier est celui du nombre important de Français – plus de 1 million – qui n'ont pas reçu la moindre dose de vaccin, alors même qu'ils présentent une fragilité particulière en raison du fait qu'ils sont âgés ou malades, ou que leur système immunitaire est déficient. Nous continuons d'aller les chercher au moyen du dispositif Aller vers ; nous transformons les centres en équipes mobiles ; nous nous rendons au pied des tours dans les quartiers ; dans les territoires ruraux, nous allons chercher les personnes chez elles, en nous faisant pour cela accompagner des élus locaux ; les médecins et les pharmaciens les appellent. Nous n'abandonnerons jamais ce combat.
Le second défi est celui des rappels de vaccination. Le rappel est fondamental chez les personnes fragiles, y compris chez celles ne se considérant pas comme telles. C'est un fait, au-delà de 65 ans, le système immunitaire n'a pas la même mémoire que chez une personne plus jeune. Le vaccin apprend au système immunitaire à reconnaître le virus et, le moment venu, à le combattre pour empêcher l'infection. C'est particulièrement utile après 65 ans, quand le système immunitaire a besoin qu'on le réactive, qu'on l'oblige à travailler à nouveau afin qu'il se souvienne dans la durée que le coronavirus ne doit pas entrer dans l'organisme.
Les personnes atteintes de maladies chroniques, qui fatiguent le système immunitaire, ont elles aussi besoin d'un rappel de vaccination. À terme, 22 millions de nos concitoyens auront vocation à recevoir ce rappel : les personnes âgées de 65 ans et plus, les personnes malades, mais aussi l'ensemble des soignants et de ceux qui vivent au quotidien auprès de personnes ayant un système immunitaire fragile, car toutes ces personnes se trouvent particulièrement exposées au virus.
Vous le savez, la vaccination de rappel s'effectue six mois après la dernière injection, c'est-à-dire six mois après l'injection de la dose unique de Janssen, ou six mois après l'injection de la deuxième dose pour les autres vaccins. Il est fondamental d'effectuer ce rappel, auquel 6 millions de Français sont actuellement éligibles. Un peu plus du tiers d'entre eux ont déjà reçu le rappel : c'est un bon début, dont on ne saurait cependant se satisfaire. Nous devons inciter notamment les personnes âgées à effectuer ce rappel car, à défaut, nous exposerions les personnes concernées – et, par suite, le pays entier – au risque de développer des formes graves si elles contractent le virus.
Nous avons développé les moyens d'éviter les vagues épidémiques et les vagues sanitaires que nous avons connues précédemment. Nous en connaissons la méthode, elle est éprouvée, nous disposons du recul et des études scientifiques nécessaires, et nous devons faire en sorte de continuer à nous protéger dans la durée. Nous en sommes à plus de 51 millions de Français vaccinés, dont près de 50 millions totalement vaccinés. Qui l'eût cru il y a encore quelques mois, lorsque je me suis présenté devant vous pour le dernier projet de loi relatif à l'état d'urgence sanitaire ? Pourtant nous l'avons fait – les Français l'ont fait –, avec l'aide et la responsabilité de tous, et c'est cet esprit de responsabilité qui doit, à mon sens, présider aux débats qui viennent de s'ouvrir devant le Parlement, à l'heure de demander à nouveau la confiance des parlementaires, afin de nous permettre de prendre, si la situation l'impose, toutes les mesures nécessaires pour protéger la population.
Nous entrons dans une période particulière, celle de l'automne, plus humide et plus froide, et que suivra celle de l'hiver. Comme nous le savions déjà pour la grippe, ces conditions climatiques sont de nature à favoriser la propagation du virus, dont la circulation s'accroît de près de 30 %. Le moment n'est donc certainement pas venu de nous désarmer face au virus : nous ne devons pas lui donner la possibilité de se faufiler dans le moindre interstice, afin qu'il ne puisse en profiter pour provoquer une nouvelle vague épidémique – nous avons payé suffisamment cher pour savoir les dégâts que cela peut occasionner dans notre pays.
Très schématiquement, le Gouvernement demande donc aux parlementaires de lui permettre de prendre des mesures si la situation l'exige, jusqu'au 31 juillet 2022.
M. Pierre Dharréville.
Sans nous !
M. Olivier Véran, ministre.
Nous demandons d'abord la possibilité de prolonger l'état transitoire que constitue l'état de sortie de l'état d'urgence sanitaire – je le rappelle, nous ne sommes pas en état d'urgence sanitaire, sauf dans les territoires ultramarins – et celle d'actionner des leviers si la situation sanitaire devait l'exiger, comme nous sommes en train de le faire avec des jauges, avec des règles relatives au port du masque, des mesures dont nous savons d'ores et déjà avoir besoin jusqu'à l'été prochain. Il est inutile de se poser la même question dans trois mois : à la mi-janvier, le virus n'aura pas disparu de la France ni de la planète…
M. Philippe Gosselin.
C'est sûr, puisque vous le décrétez !
M. Olivier Véran, ministre.
…et nous devons donc, si nécessaire, être en mesure d'activer ces mesures.
De la même manière, nous ne sommes plus en état d'urgence sanitaire depuis plusieurs mois – nous n'avons pas eu à y recourir en métropole, y compris durant la quatrième vague, lors de laquelle a sévi le variant delta, particulièrement contagieux – et espérons ne plus devoir le déclencher à nouveau, mais nous souhaitons disposer de la possibilité de le faire à tout moment si la situation sanitaire l'exigeait : si tel était le cas, il nous faudrait en effet agir le plus rapidement possible.
Je rappelle d'ailleurs qu'en cas de prononciation de l'état d'urgence sanitaire, il faudrait que le Gouvernement se présente dans un délai d'un mois devant le Parlement afin de répondre aux questions, d'expliquer les raisons pour lesquelles l'état d'urgence sanitaire a été prononcé…
M. Philippe Gosselin.
C'est le Parlement qui vote la prorogation !
M. Olivier Véran, ministre.
…et de recueillir à nouveau la confiance du Parlement pour pouvoir le proroger.
Un décret en Conseil des ministres restera nécessaire à cette fin et sa prorogation au-delà d'une durée d'un mois ne pourrait être autorisée que par le Parlement : il ne s'agit donc pas seulement d'informer le Parlement, qui conserve sa fonction décisionnelle.
Pour le seul territoire de la Guyane, confronté à une circulation virale toujours inquiétante et élevée, l'état d'urgence sanitaire en vigueur sera prorogé jusqu'au 31 décembre. Les autres territoires ultramarins en sortiront au plus tard au 15 novembre prochain, étant précisé que le Gouvernement peut, par décret pris après avis du Conseil scientifique, décider d'y mettre un terme anticipé si la situation le permet, comme nous l'avons décidé la semaine dernière à La Réunion.
Le projet de loi proroge également jusqu'au 31 juillet 2021 le régime de gestion de la sortie de la crise sanitaire, ainsi que la possibilité de déclencher l'état d'urgence sanitaire si la situation l'exigeait. Il proroge jusqu'à la même échéance la possibilité de mobiliser par voie réglementaire le passe sanitaire, qui a fait ses preuves pour concilier le maintien de nombreuses activités avec une maîtrise de la circulation du virus.
Je le répète avec force, si nous n'avions pas eu le passe sanitaire, en raison de la quatrième vague épidémique que nous avons vécue cet été et de la virulence du virus, nous aurions probablement été conduits à refermer les établissements recevant du public, notamment les commerces, et à restreindre davantage les libertés publiques afin de sauver des vies. (M. Jacques Marilossian applaudit.)
Mme Danielle Brulebois.
Exactement !
M. Olivier Véran, ministre.
Si nous n'avons pas eu besoin de le faire, c'est bien parce que le Parlement nous a permis d'activer le passe sanitaire.
Il s'agit bien d'une possibilité de prendre tout ou partie des mesures permises par le régime de sortie et d'activer ou de maintenir le passe, dans les conditions fixées par le Parlement par la loi du 31 mai, puis par la loi du 5 août, et non d'une prolongation automatique de ce dispositif. N'allons pas faire croire que nous serions en train d'annoncer aux Français qu'il y aurait, jusqu'au 31 juillet, ou l'état d'urgence ou les mesures de sortie de l'état d'urgence comprenant des jauges, ou le passe sanitaire. Je veux être très clair sur ce point, car j'entends beaucoup de contrevérités depuis quelque temps : il ne s'agit que de possibilités d'activer des dispositifs si la situation sanitaire l'exigeait.
Comme l'a indiqué le Gouvernement, la perspective d'un allégement du passe sanitaire sera examinée à la mi-novembre, avec l'éclairage des autorités scientifiques.
En outre, le Gouvernement partage l'objectif d'un encadrement du recours au passe sanitaire, tel qu'il ressort des débats en commission des lois. Le Gouvernement sera favorable aux propositions visant substituer au seul seuil d'incidence adopté en commission un encadrement du recours au passe sanitaire reposant sur plusieurs autres critères supplémentaires parmi lesquels, sans doute, la charge sanitaire, la dynamique épidémique, mais aussi le taux de vaccination de rappel – car si le virus repartait dans un territoire présentant un taux de rappel insuffisant, cela nous placerait collectivement dans une situation périlleuse. Tout cela se ferait, je le rappelle, sous le contrôle du juge.
Pendant la période visée par ces prorogations, nous avons prévu un dispositif renforcé d'information du Parlement, avec la remise, d'ici à la mi-février, d'un rapport qui exposera les mesures prises pour freiner l'épidémie et qui justifiera, le cas échéant, la nécessité de les maintenir pour la période restante. La remise de ce rapport permettra de disposer d'une clause de revoyure, qui viendra en complément de l'ensemble des initiatives prises depuis le début de la crise afin d'assurer l'information du Parlement sur la gestion de crise. Je pense en particulier aux dossiers transmis chaque semaine à l'Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu'aux réunions du comité de liaison organisées régulièrement par le Premier ministre.
Le Gouvernement est, par ailleurs, tout à fait favorable aux compléments et précisions qui ont été apportés sur ce sujet en commission, à l'initiative conjointe du rapporteur et de la majorité. Je pense à l'enrichissement du rapport par des indicateurs sanitaires, à la remise d'un second rapport d'ici à la mi-mai, ou encore à la production d'informations mensuelles sur les mesures prises et leur impact sur la situation sanitaire.
Cet exercice de transparence vient bien sûr en complément des prérogatives dont vous disposez, mesdames et messieurs les députés, pour contrôler l'action du Gouvernement.
Par ailleurs, le texte améliore plusieurs outils importants pour garantir l'efficacité de la gestion de l'épidémie dans les prochains mois. Ainsi, nous proposons de renforcer la lutte contre la fraude au passe sanitaire en augmentant les sanctions encourues pour l'établissement, la proposition ou l'utilisation d'un faux passe, et en permettant à l'assurance maladie de contrôler les certificats de contre-indication à la vaccination.
S'agissant de l'obligation vaccinale pour les soignants, le texte prévoit d'améliorer son contrôle et son effectivité, notamment en autorisant les écoles de santé à contrôler son respect par les étudiants en santé.
Par ailleurs, nous proposons – vous en avez désormais l'habitude – de prolonger jusqu'à fin juillet les systèmes d'information SI-DEP – Système d'information de dépistage – et Contact-Covid, qui sont, comme vous le savez, des outils absolument indispensables pour suivre la situation sanitaire et casser les chaînes de contamination.
Sur ce sujet, le Gouvernement présentera un amendement permettant aux directeurs d'établissement scolaire d'accéder aux informations nécessaires concernant leurs élèves, pour renforcer la campagne de vaccination et de dépistage dans les écoles, les collèges et les lycées.
Comme vous le savez, le protocole sanitaire dans les établissements scolaires a été changé et ne donne plus lieu systématiquement à la fermeture d'une classe – ce protocole était en expérimentation, nous souhaitons désormais le généraliser. Or, pour éviter la fermeture d'une classe, il faut permettre au directeur d'établissement de savoir si les élèves sont protégés contre la covid.
Enfin, le texte proroge un nombre ciblé de mesures d'accompagnement, qui permettront de faire face en tant que de besoin aux conséquences de la crise sanitaire, en matière d'activité partielle, de fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales ou de durée de validité de certaines décisions administratives individuelles.
Vous l'aurez compris, le projet de loi qui vous est soumis ne bouleverse pas l'économie générale de la gestion de la crise sanitaire, mais vise à renforcer la vigilance nécessaire dans la durée face au virus et à conforter les différents outils dont nous disposons pour y répondre.
M. Philippe Gosselin.
Bien sûr, tout va bien !
M. Olivier Véran, ministre.
Dans un contexte toujours incertain, et face au risque de voir émerger de nouveaux variants plus transmissibles ou plus pathogènes, une grande vigilance s'impose. Anticipation et réactivité sont les fils conducteurs de notre réponse à l'épidémie de covid-19, et ce sont bien ces principes essentiels qui irriguent le texte que le Gouvernement vous présente. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Vincent Bru applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 21 octobre 2021