Texte intégral
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 (nos 4523, 4568, 4572).
Présentation
M. le président.
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
Nous voici donc réunis pour un moment important de l'année, puisque vous allez examiner et, je l'espère, voter le budget pour la sécurité sociale pour l'année 2022. C'est le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – du quinquennat, mais non le moindre car, si nous regardons le considérable chemin parcouru, nous ne relâcherons pas nos efforts maintenant, bien au contraire. Il y a devant nous encore de beaux projets et de belles conquêtes.
Vous connaissez la situation des comptes sociaux : c'est peu dire qu'elle a déjà été meilleure. Il y a deux ans, nous étions proches d'un équilibre si longtemps attendu et espéré. Mais la pandémie mondiale est passée par là et a exigé une action publique très ambitieuse et une intervention publique à des niveaux jamais égalés, parce que, oui, l'État social a répondu présent pour offrir la meilleure protection à tous les Français, aux soignants comme aux soignés, aux travailleurs comme aux retraités, aux entreprises comme aux salariés, aux parents comme aux enfants, aux personnes bien portantes comme aux malades.
Au début du quinquennat, nous voulions construire les fondations de l'État providence du XXIe siècle. Ce projet politique s'est heurté à la force des circonstances et d'un choc historique. Aujourd'hui plus que jamais, nos systèmes de solidarité et de santé sont regardés pour ce qu'ils sont : les piliers d'une grande nation dans laquelle les hôpitaux accueillent chacun, quel que soit son prénom, quel que soit son statut, quels que soient ses revenus.
Notre protection sociale n'est pas qu'une grande machine assurantielle, elle n'est pas qu'un agrégat de tableaux sophistiqués et de mesures techniques accessibles à un cercle restreint de spécialistes. Notre protection sociale est une réponse aux défis d'aujourd'hui et de demain, qui relèvent non pas de ceux qui agitent les plateaux de télévision et qui ne regardent que peu la vie réelle des Français, mais de ceux qui se manifestent parfois dans l'urgence, souvent dans la détresse et toujours dans les morsures du quotidien. Nous ne parlerons pas d'autre chose dans les jours et les semaines qui viennent, et c'est tant mieux.
Si la crise sanitaire a engendré 33 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles en 2020 et 2021 et des déficits historiques, la situation apparaît aujourd'hui plus favorable. Le déficit prévisionnel ne serait plus que, avec tous les guillemets qui s'imposent bien sûr, de 22 milliards d'euros en 2022, soit une amélioration de 14 milliards d'euros. Soyons clairs, ce n'est pas la fin de la crise. Il y a quelques heures, j'étais ici même, lorsque les parlementaires ont voté le texte portant diverses dispositions de vigilance sanitaire prolongeant la possibilité d'appliquer des mesures de lutte contre la circulation du virus jusqu'à l'été prochain. Nous ne sommes pas à la fin de la crise, donc nous devons rester très vigilants. Si des conséquences économiques peuvent également se faire sentir très longtemps, la dynamique est celle d'un début de sortie de crise et ce texte doit nous aider à nous projeter dans l'après-crise.
Le PLFSS tire les enseignements de la période que nous affrontons, laquelle a démontré le rôle central non seulement de l'hôpital, mais plus largement de la sécurité sociale, je viens de l'évoquer. La réponse n'est pas moins de droits ou plus de droits mais, en quelque sorte et pardonnez-moi ce barbarisme, « mieux de droits ».
Par ailleurs et cela n'aura échappé à personne – du moins, je l'espère –, nous avons engagé un réinvestissement massif dans notre système de santé dans le cadre du Ségur de la santé avec 12,5 milliards d'euros en 2020 : 10 milliards pour revaloriser les carrières de ceux qui soignent et 2,5 milliards pour l'investissement physique. Contrairement à ce que j'entends parfois et je tiens là encore à être très clair, aucune économie ne sera faite sur le dos de l'hôpital public. En revanche, nous voulons tirer profit de ce qui a fonctionné pendant la crise et pérenniser des innovations qui semblaient hier trop audacieuses mais qui sont désormais bien installées dans la vie des Français et des professionnels de santé.
Je pense, par exemple, au numérique en santé avec la téléconsultation et le télésoin, puisque nous sommes passés presque du jour au lendemain de 10 000 téléconsultations par semaine à plus de 1 million pendant la crise. Je souhaite que cette pratique perdure et qu'elle apporte une réponse – elle n'est évidemment pas la seule – au problème épineux, complexe et ancien des déserts médicaux. En effet, c'est une réponse pertinente : entre une téléconsultation et l'absence de consultation, mon choix est fait. Je pense également à l'articulation entre l'assurance maladie obligatoire et les complémentaires. L'expérimentation du télésoin au plus fort de la crise a aussi montré l'efficacité d'une prise en charge à 100 %, déterminante pour le succès rapide et massif de cette solution.
C'est d'ailleurs dans ce cadre, et pour réfléchir à une meilleure manière d'exercer nos droits, que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) a été chargé de penser à des évolutions potentielles. Le rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), publié en septembre dernier sur les comptes de la santé, nous apprend que la France est le second pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où les frais de gestion du système de santé sont les plus élevés, derrière les États-Unis où, comme vous le savez, le système est quasiment intégralement privatisé. Ainsi, 40 % des frais de gestion proviennent des organismes complémentaires, alors qu'ils pèsent pour 12 % dans les dépenses de santé. D'où la réflexion qui a été ouverte ; mais réflexion ne fait pas propositions.
Je l'ai dit en préambule, ce PLFSS a beau être le dernier du quinquennat, il contient des ambitions majeures, comme celle d'apporter des réponses concrètes à nos concitoyens en perte d'autonomie, parce qu'il faut regarder en face la réalité du grand âge et prendre à bras-le-corps ce bouleversement démographique sans précédent. La société française vieillit, nous le savons, ce n'est pas une projection vague ni abstraite, c'est déjà ici et maintenant. Dans toutes les familles de France et de Navarre, c'est un sujet de préoccupation parce qu'un parent ou un grand-parent qui perd son autonomie, c'est toute une organisation à penser ou à repenser. Le PLFSS comporte donc plusieurs mesures visant à renforcer la lisibilité et la qualité de l'offre à domicile, parce que pouvoir vieillir chez soi est l'une des premières aspirations de nos aînés.
J'ai entendu certains ici douter de l'engagement du Gouvernement et de la majorité sur la question de l'autonomie. Avec ce PLFSS, nous démontrons, une fois encore, qu'il n'en est rien. Depuis la création de la cinquième branche votée à l'été 2020, les engagements nouveaux pour l'autonomie représentent 3,5 milliards d'euros : 2,8 milliards pour des revalorisations salariales, 200 millions pour les services à domicile, 70 millions pour la médicalisation des EHPAD et leur modernisation et 450 millions pour l'investissement dans les EHPAD. En moins de deux ans, malgré la crise du covid-19, nous aurons réussi à créer une véritable cinquième branche, qui avait pourtant été promise en 2008 dans cet hémicycle par un de mes prédécesseurs. Brigitte Bourguignon et moi-même l'avons fait.
Nous n'esquivons pas la question de l'accès aux soins qui reste notre priorité et le fil rouge de mon action. Qui dit accès aux soins, dit également accès au traitement. Or, si cela passe par un meilleur financement de l'innovation et de la sécurité d'approvisionnement, il faut aussi responsabiliser les laboratoires, en continuant de baisser les prix sur les produits les plus amortis pour éviter les phénomènes de rente, ou en étant plus exigeant sur les ruptures de stock. Le PLFSS prévoit ainsi de consacrer 300 millions pour faciliter l'accès sur tout le territoire à des molécules onéreuses, afin que celui-ci ne soit pas conditionné à la santé financière de l'hôpital qui les délivre, tout en continuant d'intégrer des économies sur les produits de santé.
Les débats donneront l'occasion d'aller encore plus loin dans beaucoup de domaines et sur des sujets dont la crise a prouvé qu'ils étaient parfois d'une envergure insoupçonnée, comme c'est le cas de la santé mentale dont nous n'avons jamais autant parlé. Je m'en réjouis car elle a trop longtemps été le parent pauvre de la politique de santé. Qu'il s'agisse de l'accès direct et remboursé à des psychologues ou de l'entretien postnatal pour prévenir la dépression postpartum , lors du débat, le Gouvernement aura l'occasion de vous présenter des réponses concrètes.
Nos discussions nous permettront également, à votre initiative, d'aborder autant de sujets concrets et vecteurs de transformations, comme la régulation des centres de santé pour lutter contre les pratiques dévoyées de certains et pour mieux reconnaître l'action positive de la majorité d'entre eux. À cet égard, je remercie la présidente de la commission des affaires sociales pour ses apports dans le cadre de l'examen du texte en commission. Je pense également à l'expérimentation de l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes afin d'envisager des coopérations plus fructueuses entre professionnels au service des patients. Nous aurons tous ces débats. Dans un pays qui, parfois, doute de ses forces et se dénigre, nous rappelons qu'avoir une certaine idée de la France, c'est avoir, hier, aujourd'hui et demain, une certaine idée de la protection sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics.
Nous nous retrouvons donc aujourd'hui pour commencer l'examen du PLFSS pour 2022. Celui-ci étant le dernier du quinquennat, j'aurais aimé qu'il soit celui du retour à l'équilibre. Je le dis sans détour, puisque, en tant que ministre délégué chargé des comptes publics, je ne peux évidemment pas me satisfaire des équilibres que nous vous proposerons de voter, même s'ils ont vocation à s'améliorer au cours de la navette parlementaire, et ce, grâce à la révision à la hausse des hypothèses macroéconomiques.
Les chiffres que nous vous soumettons, fruits de l'engagement de la sécurité sociale contre le covid-19 et pour accompagner les Français, contrastent évidemment fortement avec les ambitions que nous nourrissions avant la crise sanitaire, quand le retour à l'équilibre de la sécurité sociale était proche et quand l'amortissement de la dette sociale avait vocation à s'arrêter en 2024.
Ainsi, selon les dernières projections dont nous disposons, le déficit de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – devrait s'établir à 34,6 milliards d'euros en 2021, puis à 21,6 milliards en 2022, mais il dépassera encore 13 milliards en 2025. Il faut noter que le déficit pour 2021 est inférieur à celui de 2020, qui s'établissait à presque 39 milliards. Il est également inférieur à celui que nous avions envisagé à l'occasion des différents débats budgétaires, notamment lors du débat d'orientation des finances publiques portant sur le programme de stabilité 2021-2027, puisque la vigueur de la reprise économique entraîne une hausse des recettes de 6 %. Néanmoins, la persistance de la crise sanitaire conduit à une augmentation des dépenses de 2,5 milliards. Ainsi, par rapport au début de l'année 2021, la prévision du déficit s'est d'ores et déjà améliorée de 3,9 milliards.
Si la dégradation durable des comptes sociaux doit nous interpeller, elle ne doit pas non plus nous faire oublier l'amélioration des comptes intervenue avant la crise sanitaire. Ainsi, le déficit de la sécurité sociale et du FSV avait atteint un niveau historiquement bas à 1 milliard en 2018, s'élevant ensuite à 1,9 milliard en 2019. Ces chiffres montrent que la majorité n'a rien à prouver en matière de sérieux budgétaire. Ils nous donnent aussi une leçon précieuse pour l'avenir : c'est parce que les comptes étaient en ordre que la sécurité sociale a pu protéger les Français aussi vite, aussi bien et aussi fort dans la période que nous connaissons. Tous les Français sont conscients de l'immense effort que le système de santé a fourni et continue de fournir pour lutter contre la crise sanitaire, pour les protéger au quotidien et pour préserver leur emploi.
D'abord, c'était bien entendu celui des soignants que je tiens encore à saluer. C'est également un effort financier colossal que je rappellerai en quelques chiffres : 135 millions de tests de dépistage effectués, plus que tout autre pays en Europe, et une estimation du coût de la campagne vaccinale à 4,7 milliards d'euros – le meilleur investissement qui soit non seulement pour la santé de nos concitoyens, mais aussi, bien entendu, pour l'économie et pour la France.
À l'évidence, la crise sanitaire a rendu plus concrète que jamais la raison d'exister de la sécurité sociale : protéger les Français. Ne jamais prendre cette mission comme acquise, chercher continuellement à mieux protéger nos concitoyens, font partie des objectifs que nous nous sommes fixés durant ce quinquennat. Je ne reviendrai pas sur chacune des avancées sociales réalisées sous celui-ci : elles sont trop nombreuses et, par ailleurs, vous les connaissez.
Les principales d'entre elles sont le déploiement du 100 % santé – une réforme qui a changé le quotidien de millions de nos concitoyens – et la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, dont l'édification amènera, dans ce PLFSS, de nouvelles avancées en matière de prévention et de lutte contre la perte d'autonomie, que ma collègue, la ministre déléguée Brigitte Bourguignon, vous présentera plus en détail. Je ne reviens pas non plus sur le Ségur de la santé, un investissement inédit en direction des soignants et des établissements de santé, élargi depuis aux établissements médico-sociaux.
Les différents PLFSS présentés durant ce quinquennat ont permis de mettre en lumière un autre fil rouge de l'action menée sous celui-ci : celui de la revalorisation du travail et de notre engagement en faveur de l'emploi et de la croissance. Depuis 2017, nous avons ainsi transformé le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en un allégement pérenne de charges sociales, pour plus de 23 milliards d'euros. Nous avons également supprimé les cotisations salariales d'assurance chômage et d'assurance maladie, soit un effort supplémentaire de 6 milliards d'euros en faveur des actifs. Nous avons aussi supprimé les cotisations sociales sur les heures supplémentaires, par ailleurs défiscalisées. Enfin, nous avons étendu les allégements généraux à l'ensemble des contributions sociales, afin qu'il n'y ait plus de cotisations ou de contribution patronale au niveau du SMIC.
Cette politique en faveur de la croissance, de l'emploi et du pouvoir d'achat a été une constante de notre action – de votre action, vous les membres de la majorité. Nous l'avons poursuivie sous une autre forme en déployant des dispositifs massifs d'aide aux entreprises et aux salariés en activité partielle durant la crise sanitaire, en un temps record. Nous l'avons prolongée en déployant France relance, un plan inédit de relance de l'activité de 100 milliards d'euros, qui servira notamment à renforcer l'investissement dans notre système de santé. Enfin, nous comptons amplifier cette politique pour l'emploi, pour le travail et pour le développement grâce au plan d'investissement présenté par le Président de la République le 12 octobre dernier, qui prépare la France de 2030.
J'assume d'autant plus facilement cette politique en faveur de la croissance que je suis convaincu que c'est d'abord grâce à cette dernière que nous rétablirons nos finances publiques, notamment nos finances sociales. J'en suis d'autant plus convaincu qu'elle porte ses fruits. Nous avons ainsi été conduits à relever nos prévisions de croissance pour 2021, de 6 % à 6,25 %, et nous proposerons des équilibres améliorés sur l'ensemble de la trajectoire pluriannuelle de la sécurité sociale au cours de la navette parlementaire.
À ceux qui auraient aimé que le PLFSS pour 2022 contienne des mesures brutales de rétablissement des comptes, nous répondons que telle n'est pas la politique que nous avons choisie et que, contrairement à la période d'après-crise en 2009 et en 2010, nous voulons privilégier la croissance. La révision à la hausse des prévisions de recettes sociales engendrée par le surcroît de masse salariale, associée au dynamisme de la reprise, nous donne raison. Les chiffres des embauches de plus d'un mois du troisième trimestre 2021, publiés ce matin, nous confortent dans cette stratégie : les déclarations d'embauche ont de nouveau augmenté de 11,4 %, après une hausse de 16,6 % au deuxième trimestre. Elles concernent à la fois les CDD de plus d'un mois, en augmentation de 12,8 %, ainsi que les CDI, en hausse de près de 10 %.
Notre politique visant à soutenir la croissance nous permet également de vous proposer une trajectoire de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 3,8 % hors crise, sans compter les 5 milliards d'euros de provisions pour faire face aux effets de la crise sanitaire, inscrits dans le PLFSS. Cet objectif va au-delà des engagements pluriannuels pris par le Président de la République et par le Gouvernement : 2,6 % correspondent à l'ONDAM dit de base, tandis que 1,2 % est dédié au financement de la mise en oeuvre progressive de nouvelles actions et de nouveaux objets, issus des accords du Ségur de la santé. Le PLFSS ne contient pas de mesures d'économies brutales : pour la première fois, nous ne sollicitons aucune économie de la part des hôpitaux et nous avons même prévu de leur restituer les économies réalisées en cas de réorganisation, à titre volontaire.
Le présent texte n'en est pas moins un PLFSS de transformation, qui s'inscrit dans la lignée de ceux qui vous ont été présentés depuis 2017. J'en veux pour preuve qu'il marque une nouvelle étape dans le chantier, structurant, de l'unification du recouvrement social. Celle-ci est en effet porteuse de gains d'efficience significatifs, ainsi que d'une plus grande fiabilité des cotisations collectées et des droits sociaux enregistrés. Elle constitue également un levier majeur de simplification pour les entreprises, qui n'auront plus à terme qu'un seul interlocuteur au titre des cotisations sociales.
Vous aviez adopté une trajectoire ambitieuse d'unification dans le cadre du PLFSS pour 2020. Certains des jalons ont pu ou devront être aménagés, afin de prendre en compte l'impact de la crise sanitaire et de sécuriser les transferts. Le transfert des cotisations collectées par l'AGIRC-ARRCO sera amorcé en 2022 par un pilote, puis mis en oeuvre en 2023. Si nous sommes pragmatiques, nous n'en restons pas moins ambitieux : le PLFSS vous propose d'acter le transfert des cotisations collectées par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (CIPAV) à l'issue de premiers travaux techniques, dont je salue la qualité.
J'évoquerai rapidement deux autres mesures de transformation prévues par le PLFSS. Nous vous proposons de généraliser le versement en temps réel des aides fiscales et sociales du secteur du service à la personne, à commencer par le crédit d'impôt au titre du service d'aide à la personne. Dès le 1er janvier 2022, les particuliers employeurs qui utilisent le dispositif Cesu+ – chèque emploi service universel+ – pourront bénéficier d'une avance de leur crédit d'impôt en temps réel. En avril 2022, cette généralisation sera étendue aux clients de services intermédiés : mandataires, prestataires et plateformes.
À partir de 2023, les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) entreront dans le dispositif, une fois que nous aurons conclu des conventions de partenariat avec chaque conseil départemental. En 2024, cette généralisation sera élargie à la garde d'enfants, après les travaux techniques nécessaires concernant le dispositif Pajemploi. Cette réforme simplifiera la vie de millions de nos concitoyens, qui doivent actuellement avancer le montant de leur crédit d'impôt, et contribuera à accompagner le virage domiciliaire et l'essor du secteur des services à la personne, ainsi que la lutte contre le travail clandestin. Elle simplifiera le développement du travail déclaré et l'ouverture des droits sociaux associés aux salariés concernés.
Enfin, le présent texte traduit une partie des mesures de transformation sociale du plan annoncé par le Président de la République en faveur des travailleurs indépendants. Elles permettront également de neutraliser les effets de la crise, de faciliter l'ajustement des échéances de cotisations sociales par les travailleurs indépendants eux-mêmes, en fonction des revenus perçus, et de moderniser le statut de conjoint collaborateur.
Vous le voyez, nous avançons et nous faisons le choix de réformer jusqu'au dernier jour. Le travail devra être poursuivi, s'agissant notamment du rétablissement des comptes sociaux. Il n'est pas envisageable d'en reporter indéfiniment le retour à l'équilibre, sans quoi ce sont nos enfants qui devront assumer le poids des déficits actuels. J'insisterai, à cet égard, sur quelques axes.
En premier lieu, une vision et d'un pilotage global des finances publiques et d'une gouvernance modernisée des finances sociales est nécessaire. Telle est l'ambition de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale déposée par le rapporteur général Thomas Mesnier et adoptée le 19 juillet dernier. Son adoption nous donnera des outils bienvenus pour améliorer la maîtrise des comptes sociaux. Nous avons aussi besoin d'un pilotage unifié des finances sociales, ce qui implique, au vu du déficit global, de ne pas considérer les éventuels excédents isolés comme des marges de manoeuvre, mais plutôt de renforcer la solidarité interbranches. Nous devrons également poursuivre les réformes structurelles, telles que la réforme des retraites,…
M. Pierre Dharréville.
Certainement pas !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué.
…lorsque les conditions seront réunies, comme l'a indiqué le Premier ministre.
Enfin, après des exercices forcément exceptionnels, nous devrons renouer avec un pilotage rénové des dépenses d'assurance maladie, qui ne soit pas incompatible avec nos objectifs en matière de santé publique, mais garantisse une utilisation plus juste des contributions des Français à notre système social.
Le présent PLFSS ne solde donc pas l'ensemble des sujets. Il clôt toutefois un quinquennat de transformation de notre système de protection sociale et d'avancées en faveur d'une meilleure protection des Français. Dans ces temps difficiles, la sécurité sociale a prouvé sa modernité. Il nous reste à faire collectivement en sorte de lui permettre de continuer, demain, à remplir sa mission de protection des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Nous entamons aujourd'hui l'examen en séance publique du dernier PLFSS de la législature, qui comporte des mesures fortes et tangibles à destination de l'accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap. L'année dernière, à cette même période, nous construisions ensemble les fondations d'une politique nationale en matière de perte d'autonomie, en créant et en finançant la cinquième branche de la sécurité sociale. Avec le présent texte, nous parachevons une étape essentielle de la réforme du grand âge et de l'autonomie, en transformant radicalement l'offre d'accompagnement de la perte d'autonomie.
Cette réforme, ambitieuse et systémique, comporte 1,3 milliard d'euros de mesures nouvelles, annuelles, à l'horizon 2025. Elle est aussi une réforme responsable, car entièrement financée par les ressources déjà allouées par le Parlement à la branche autonomie. Cette réforme est celle du respect du souhait de nos concitoyens de vieillir chez eux le plus longtemps possible, y compris si une perte d'autonomie survient. Il n'est actuellement pas respecté et l'a été de moins en moins ces dernières années : en 2010, 61 % des bénéficiaires de l'APA vivaient à domicile, contre seulement 59 % l'année dernière. En effet, malgré les nombreuses professions de foi et les lois adoptées par cette assemblée, les gouvernements successifs n'ont pas su traduire cette priorité dans le quotidien de nos concitoyens âgés et de leurs aidants.
Mme Caroline Janvier, rapporteure de la commission des affaires sociales.
C'est vrai !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
La réforme que je porte, avec Olivier Véran, au nom du Gouvernement, qui figure dans le présent PLFSS, lui donnera enfin les moyens de devenir une réalité pour les Français et d'entrer dans le quotidien des familles. Nous le faisons, d'abord, en investissant dans les métiers de l'autonomie, en faveur desquels je me suis résolument engagée, dès ma nomination, aux côtés d'Olivier Véran, car je connais depuis longtemps ces métiers invisibles, si peu valorisés. Nous n'avons pas attendu la sortie d'un film politique…
Mme Caroline Janvier, rapporteure.
Si !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
…pour croiser le destin de ces femmes, qui aiment leur métier malgré tout, et méritent mieux que des caricatures et des arrière-pensées électoralistes. Investir dans les métiers, c'est d'abord mieux les payer. Les augmentations des rémunérations issues des accords du Ségur de la santé, étendues à d'autres types de professionnels, représentent de 160 euros à 183 euros par mois pour tous, et des refontes de grilles. Elles correspondent aussi à l'agrément de l'avenant 43 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile, se traduisant par des revalorisations allant de 13 % à 15 % pour les 210 000 aides à domicile, pour des montants allant jusqu'à 300 euros bruts par mois, pour les personnes qui ont le plus d'ancienneté. Sur la période allant de 2020 à 2022, plus de 2,8 milliards d'euros seront ainsi consacrés au financement de revalorisations salariales pour les métiers de l'autonomie, ce qu'aucun gouvernement n'avait encore fait.
Notre mobilisation pour ces métiers comporte aussi le développement de formations, d'acquis de compétences, de passerelles entre les métiers du sanitaire et ceux du médico-social, ainsi que le financement d'actions sur la qualité de vie au travail des professionnels.
Notre engagement pour les métiers de l'autonomie se traduit également par une plus grande lisibilité et par l'amélioration de la qualité de l'offre de services à domicile, ainsi que par une plus grande équité dans le financement des structures selon les territoires. Le Gouvernement va ainsi instaurer et financer un tarif national de 22 euros par heure d'intervention, correspondant à un niveau de financement public minimum pour tous les services d'aide à domicile, ce qui représente un investissement de 240 millions d'euros pour l'État, dès 2022. Ce tarif plancher répond à la promesse d'un décloisonnement des secteurs du handicap et du grand âge, grâce à la branche autonomie, laquelle accompagnera les départements dans la mise en oeuvre de ce tarif plancher, en prenant à sa charge l'effort financier que représentera pour eux le passage à 22 euros de l'heure pour l'APA et pour la PCH.
Par ailleurs, le financement actuel des services de soins à domicile ne permet pas de répondre aux besoins croissants des personnes âgées, puisqu'il n'est pas fixé selon le profil des personnes prises en charge : nous allons le rénover, avec un budget à la hauteur des enjeux.
Nous voulons, en outre, garantir une plus grande simplicité et une meilleure coordination des interventions à domicile : une dotation de coordination visant à entamer un grand chantier de simplification sera à cet égard allouée à partir de 2022. Dès 2023, l'objectif sera de créer un interlocuteur unique pour nos concitoyens, afin de coordonner les activités d'aide, d'accompagnement et de soin, jusqu'à présent réalisées par plusieurs structures différentes : la charge de la complexité des interventions n'incombera plus à la personne ou à son aidant. De telles mesures puissantes et ciblées permettront, si vous les adoptez, de donner une impulsion décisive au virage domiciliaire dans notre pays. Elles répondent à des demandes, parfois anciennes, du secteur, et aux propositions issues de rapports d'experts ou de travaux parlementaires.
Mais nous voulons aller encore plus loin en créant un nouveau financement à la qualité des services pour les personnes accompagnées et pour les professionnels. Cette dotation ne saurait être un outil et un montant figés par la loi depuis Paris mais devra répondre aux besoins spécifiques des territoires et des personnes âgées qui y résident. Ce sont, pour cette dotation, 500 millions d'euros supplémentaires par an qui seront investis d'ici à 2025 et 800 millions d'ici à 2030.
Cette dernière financera des objectifs de service public comme des horaires d'intervention élargis ou encore la couverture des zones blanches qui n'ont pas encore de services à domicile. Elle financera également une meilleure qualité de vie au travail pour les professionnels des services à domicile – temps d'équipes, réduction des temps partiels imposés, formations complémentaires. Autant d'outils pour augmenter les actions de prévention des risques professionnels, ainsi que ceux encourus par les aidants. Elle pourra enfin financer la lutte contre l'isolement des personnes accompagnées à domicile, avec des temps d'intervention prolongés auprès d'une personne seule, ou financer des actions à destination des aidants.
Cette dotation, je l'ai élaborée avec les fédérations des aides à domicile, ainsi qu'avec les départements et les parlementaires. Elle est un outil essentiel pour améliorer la qualité de l'accompagnement de nos concitoyens et pour répondre aux difficultés des professionnels du domicile. Ces investissements substantiels pour renforcer les services à domicile permettront aussi de réduire les inégalités salariales entre professionnels. Je sais que certaines aides à domicile, en particulier celles employées par des services privés lucratifs, n'ont pas encore été concernées par les revalorisations que j'ai mentionnées. Avec les montants que l'État investit dès 2022, en particulier avec la mise en place du tarif plancher, le dialogue social doit pouvoir s'ouvrir désormais entre partenaires sociaux dans la perspective de revalorisations salariales grâce à l'augmentation du financement de l'intervention horaire. J'y serai personnellement très attentive.
Mesdames, messieurs les députés, assumer ce choix pour le domicile nous permet de mener une réforme visant à transformer nos établissements pour les adapter à l'accueil de personnes âgées dont la perte d'autonomie est de plus en plus avancée. Je sais les défis de ces établissements ; ils sont connus de beaucoup d'entre vous. Parmi eux on relèvera l'absentéisme des professionnels et les difficultés de recrutement. J'entends ceux qui disent qu'il faut recruter 100 000 à 200 000 professionnels pour régler tous les problèmes des EHPAD. Financer des postes sans les pourvoir, je le dis clairement, cela ne sert à rien. Tous les établissements n'ont d'ailleurs pas les mêmes besoins.
Lutter contre la vacance de postes, avec les revalorisations prévues par le Ségur de la santé, fidéliser les professionnels, avec le déploiement d'un plan d'action pour les métiers du grand âge et de l'autonomie, investir dans le personnel soignant, avec le financement de 10 000 postes supplémentaires par un investissement de 400 millions d'euros en 2025, voilà comment on répond de manière pragmatique aux défis des EHPAD.
M. Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Exactement !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.
Nous y répondons également avec la généralisation des astreintes d'infirmiers de nuit et l'augmentation du temps de médecin coordonnateur pour tous les EHPAD, pour une enveloppe de 67 millions d'euros en 2025. Nous y répondons en pérennisant les acquis de la crise en développant massivement les équipes mobiles d'hygiène et de gériatrie dans les EHPAD, afin de mieux les sécuriser sur le plan sanitaire, pour une enveloppe de 7 millions d'euros dès l'année prochaine. Nous y répondons en donnant de nouvelles missions aux EHPAD dont certains deviendront des centres de ressources pour les professionnels du domicile dans leur bassin de vie. Nous donnons en outre aux EHPAD une capacité de projection à domicile pour éviter que les personnes âgées n'aillent en établissement, tout en respectant les missions des services à domicile. Ces accompagnements renforcés à domicile seront ouverts aux services à domicile car il ne faut pas segmenter les accompagnements. Nous répondons enfin à tous ces défis grâce au Ségur de l'investissement et au plan de relance de 2,1 milliards d'euros. Ce plan d'investissement, ce n'est pas juste un coup de peinture, c'est la rénovation, l'humanisation et l'ouverture des EHPAD ; ce sont des moyens alloués pour améliorer la qualité de vie des professionnels, avec le déploiement de petits équipements contre les troubles musculo-squelettiques, et alloués pour assurer le respect jusqu'au bout de la dignité des personnes accompagnées.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, quelle est cette réforme de l'autonomie prévue par le PLFSS. C'est une réforme systémique visant à garantir un accompagnement à domicile de qualité, pour tous et partout sur le territoire national. C'est une réforme en profondeur en faveur des métiers de l'autonomie, ces métiers d'excellence qui ne sauraient se contenter de propos de tribune. C'est une réforme à effet rapide grâce aux moyens du PLFSS engagés dans l'immédiat après-crise – nous ne souhaitons pas laisser à de futurs gouvernements la charge de répondre au défi de la transition démographique. Nous leur devons, à ces professionnels, à nos concitoyens âgés, à leurs familles, un débat responsable, à la hauteur des enjeux qui les concernent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur les bancs des commissions. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 26 octobre 2021